La source: Violaine Bérot et ses sources
Radio France 6/25/23 - Episode Page - 57m - PDF Transcript
François Sainte-Saintère
Je pars toujours d'un sujet et je me dis que je ne sais pas, moi-même, que penser
ou comment répondre aux questions autour du sujet.
Et l'écriture va m'aider à comprendre ce que j'en pense.
C'est plutôt ça. L'écriture va m'aider à réfléchir.
La source, c'est l'endroit où tout a commencé.
Le lieu tenu secret ou son éléroman, la tannière de vos histoires préférées.
Même si quand j'écris, j'ai l'impression de ne pas écrire du tout avec ma tête
mais d'écrire avec mon ventre ou avec ma main.
Je dis ça, c'est cri, c'est-à-dire que je laisse s'écrire les choses.
La source, c'est si coulant sur François Sainte-Saintère.
Pour vous, où commence votre histoire littéraire ?
Quand je parle d'histoire littéraire, je veux dire votre rapport au livre, au roman, au style
et peut-être vos tentatives d'écriture.
Est-ce dans la bibliothèque municipale du village, dans le salon de vos parents
ou encore dans le bus scolaire ?
Vous souvenez-vous de l'endroit où vous vous trouviez la première fois
qu'une histoire vous a vraiment touché ?
Pour cette dernière émission de la source, je suis allée aux portes des montagnes,
dans les Hautes-Pyrénées, sous le porche d'une église où m'attendait Violène Béraud.
Autrice précise et précieuse dont les textes ne ressemblent à rien de ce que j'ai pu lire
jusqu'ici, sinon peut-être à leur autrice.
Dans le paysage littéraire français, Violène Béraud occupe une place particulière.
Romancière et Poétesse, elle vit dans une grange aménagée de larrièges,
connait autant les rouages de l'informatique que le caractère Tétu des Chèvres
et publie depuis presque 30 ans des livres fous, étonnants, inattendus.
Dans un décor sublime et calme, pendant une heure,
nous avons parlé de ce que cela signifie être bouleversé par l'écriture.
Oui, c'est un peu original de se retrouver là.
On est dans un cimetière, on est dans le cimetière du village de mon enfance
et ce cimetière pour moi, c'est vraiment lié à mon enfance
parce que nous, les enfants de la vallée, on venait à l'école au village
et ça faisait plusieurs kilomètres de marche
et quand on arrivait, on était souvent en avance donc on allait dans le cimetière
en attendant l'heure de la classe
et on relevait toutes les fleurs qui étaient tombées et on redistribuait les fleurs
parce qu'il y avait quelques tombes de petits enfants
et on trouvait ça injuste qu'ils n'aient pas de fleurs
alors on redistribuait les fleurs
et en t'attendant, j'ai fait le tour du cimetière
et j'ai pas osé redistribuer comme quoi, en grandissant, on s'autorise pas les mêmes choses.
À quoi ressemble ce village de ton enfance ?
C'est un village au pied de la montagne pyrinéenne
c'est très vert, moi j'ai la couleur verte qui vient là
Là en ce moment, c'est vraiment très vert
parce que normalement, il pleut beaucoup ici
puis il y a beaucoup de végétation qui reprend, de forêt qui reprend
autrefois, il y avait moins d'art, il y avait moins de forêt
C'est vert, c'est pantu parce que moi, je suis née plus haut dans la vallée, c'est raide
donc ça grimpe pour revenir de l'école, ça monte dans un sens, ça descendait pour y aller
Donc c'est beaucoup la pente aussi, ces villages-là
Même le cimetière est en pente
J'ai fait un lontragé pour te retrouver ici
et quand j'ai garé la voiture à l'entrée du village, je n'ai croisé personne
c'est la première personne que je croise avec le coureur qui est entassée
Ce rapport à la façon dont ces lieux-là et ceux-là étaient habitées
aujourd'hui ou comment ils étaient habitées quand tu étais enfant
Est-ce qu'ils viennent modifier, travailler ce que tu es et ton écriture ?
Oui, de plus en plus mon écriture dit un peu les lieux où je vis
ce qui n'était pas le cas pendant très longtemps, il y a 30 ans que j'écris
ce n'était pas le cas au départ
Alors que ce sont des sujets qui m'interrogent beaucoup
cette vallée de mon enfance où je suis née, j'aurais beaucoup aimé y vivre
mais depuis l'âge de 10 ans à peu près j'ai vu le tourisme l'envahir
j'ai vu toutes les grandes qui autrefois abritait des bêtes, être rachetés en résidence secondaire
j'ai beaucoup de mal avec ce tourisme et avec la résidence secondaire
Avec le principe de la résidence secondaire ?
Avec le principe de la résidence secondaire, si vous venez vivre ici, venez vivre ici
mais pas une résidence secondaire que vous enlevez à quelqu'un d'autre qui pourrait y vivre
et donc moi j'ai choisi de ne pas vivre ici dans cette vallée là
mais d'aller m'installer en arriège dans un autre département des Pyrénées
dans sans doute la vallée, la moine touristique des Pyrénées
pour être tranquille, j'aime bien ne pas rencontrer trop de monde
Et ça a toujours été le cas ?
Oui je crois que je suis assez sauvage même si je peux avoir l'air jovial
mais je suis assez sauvage en fait et j'ai besoin de beaucoup de solitude
et après en plus avec le métier d'écrire, alors là n'en parlons pas
il me faut vraiment du calme et de la solitude
Seul dans le secret de son appartement, on la voit lire de plus en plus
parfois même à voix haute, bien qu'il n'y ait qu'elle pour entendre
On devine qu'elle prend plaisir à faire sonner dans sa bouche certaines phrases
comme si elle les trouvait d'une telle justesse
qu'il lui est impossible de les laisser se perdre dans le silence
Peut-être éprouvent-elle cette frénésie de lecture
dans ce moment de sa vie parce que les livres confirment ses rêves
la fortifie dans sa croyance en son féérique avenir
Parfois, lorsqu'elle termine l'un d'eux
elle reprend immédiatement sa lecture au début
le livre devenant alors entre ses mains inépuisables
On comprend que lire l'aide à se préparer à la merveille que sera sa vie
Des mots je m'ai dit Violonne Béro
On dit souvent que quand on a grandi en campagne
il y a toujours un moment où on a envie d'aller à la grande ville
qu'on a envie d'aller faire ses études, de voir ce qui se passe
je sais pas au cinéma ou autre
Est-ce que ce moment-là a existé et tu en es revenue
ou est-ce que t'es restée attachée en racinée ?
Oui ce moment a existé pas forcément par choix
mais juste parce que pour faire des études il fallait partir à la ville
et moi en plus j'ai fait des études en informatique
moi je suis diplômée en intelligence artificielle à la base
Très à la mode
Grand sujet
Mais c'était il y a très longtemps
et donc j'ai vécu en ville et puis à l'âge de 30 ans
je gagnais de l'argent, je vivais en ville
et en fait pour moi ça n'allait pas, je peux pas parler
pour tous les gens qui sont nés à la campagne
mais moi j'avais besoin tous les week-end
je repartais marcher en montagne
c'est plus que la campagne c'est la montagne
et la solitude et le calme et pas être que dans ces bruits
moi trois jours à Paris je suis épuisée au bout de trois jours à Paris
j'essaye d'analyser pourquoi et je pense que c'est la foule et le bruit
les deux choses qui vraiment m'épuisent
je ne comprends pas une société dans laquelle il faut gagner toujours plus d'argent
pour avoir toujours plus de loisirs
moi ça a vraiment été ma réflexion dans ma vie
à 30 ans je me suis dit mais pourquoi est-ce que je gagne autant d'argent ?
est-ce que c'est juste pour du loisir ?
je ne suis pas bien à l'endroit où j'habite
il faut inverser ça
il faut aller vivre là où on est heureux
et du coup on n'a plus besoin de partir en vacances ou en loisirs
quand vous êtes chez vous en arriège
quand vous vous levez le matin et que vous sortez
à quoi ressemble le paysage ?
quelle est la première chose que vous voyez ?
je regarde, j'ouvre la porte c'est tout petit chez moi
donc on est vite dehors
j'ouvre la porte et c'est toujours le même paysage
c'est jamais le même paysage
je me suis amusée pendant une période de surplus d'un an
à faire des photos depuis ma petite fenêtre
toujours la même photo
parce que souvent des gens me disaient mais tu te laisses pas
d'avoir toujours la même chose en face, la même montagne
mais c'est jamais la même chose
ça varie avec les saisons, ça varie avec la météo
ça varie dans la même journée, ça varie dans l'heure
c'est de la montagne et c'est de la forêt en face
et ça bouge tout le temps
est-ce que cette montagne et cette forêt c'est comme
une personne, un homme ou une femme
est-ce qu'on n'est jamais tout à fait vraiment les mêmes de jour en jour ?
je crois que je suis plus douée avec le paysage
qu'avec les hommes et les femmes
je me laisse plus vite des gens que des pays...
je crois, je crois, je n'ai pas la même patience
le paysage je ne me laisse pas le choix aussi
j'allais poser la question de place
c'était quelle place laisse le paysage
par rapport à la place que laissent les autres
le paysage il ne laisse pas beaucoup de place
moi j'habite une toute petite range au-dessus du village
c'est accessible à pied
c'est vraiment quelque chose que je vole à la forêt
le paysage remange en permanence
l'endroit où je suis, là en ce moment je bouge beaucoup
je suis pas beaucoup chez moi
quand je reviens, mais c'est une jungle terrible
le paysage me mange
est-ce que vous vous imaginez ailleurs que là ?
je ne sais pas si je peux vivre ailleurs
mais je peux écrire ailleurs
moi j'écris beaucoup en résidence d'écriture
et j'aime bien les résidences d'écriture un peu longues
pour avoir le temps de m'imprégner d'un territoire
ma seule exigence, si je peux dire
j'ai deux exigences en résidence d'écriture
il faut que ce soit à la campagne parce que moi à la ville c'est pas possible
et puis la deuxième, il ne faut pas que j'ai une commande d'écriture
parce que je ne sais jamais combien de temps
va me prendre l'écriture d'un texte
et parfois j'arrive en résidence, il n'y avait plus de choses écrite
comme partant de la résidence parce que j'ai tout jeté
mais je peux écrire, je pense, dans plein de lieux différents
à condition d'avoir assez de calme, de solitude pour écrire
si l'endroit où tu vis et cibo est te plait et est un endroit où tu te sens bien
pourquoi est-ce que tu bouges autant pour aller écrire en résidence
dans d'autres campagnes ?
ma question n'est pas une question de piège
non, non, non mais je réfléchis parce que je me la pose
moi cette question
pour plusieurs raisons parce que déjà de se
décaler dans l'écriture, moi ça m'aide
je peux bloquer un endroit et des nouvelles choses pour en venir
si je suis ailleurs
parce que aussi si je suis en résidence d'écriture
je suis obligée d'écrire, c'est à dire que je n'ai rien d'autre à faire
si je suis chez moi, tout peut être prétexte
à aller faire, aller voir un tel, faire si ou ça
c'est pas la même chose, en résidence je ne suis là que pour ça
donc je suis plus rigoureuse en résidence que chez moi
et puis après, puis avoir des choses très concrètes
chez moi c'est vraiment pas confortable
alors à certaines saisons, en particulier l'hiver
il fait meilleur en résidence que chez moi
la mère
je voulais un môme
ça faisait pas longtemps que j'avais décidé ça
je voulais un môme
j'avais tout bien réfléchi
les mecs, j'en avais ma dose
je trouvais que j'avais l'âge de passer aux choses sérieuses
je m'étais dit que trouver un père, ça devait pas être mission impossible
j'avais bien soupeusé les différentes possibilités
j'avais opté finalement pour le coup du routier
c'est le type de gars qu'on croise une fois
et jamais plus ensuite
l'idéal
et sans doute pas du genre à se poser des questions
parce qu'une fille lui fait des propositions
en plus, les routiers, j'avais pensé
ils ont des cabines aménagées pour faire ça
donc inutile de ramener le mec dans ma tannière
je m'étais fait mon plan
quand le camion a mis son clignot pour s'arrêter
j'ai réalisé que j'allais découvrir la trône du père de mon enfant
ça fait un drôle de suspense
j'ai empoigné la portière en me jurant de la lui claquée au nez
s'il avait une gueule de con
j'ai regardé le bonhomme bien droit dans les yeux
il s'est pas gêné pour faire de même
j'ai compris que ce serait lui et pas un autre
je suis montée et on a un peu causé en roulant
sa cabine au premier coup d'œil
elle m'a pas semblé géniale pour l'enfant
comme lieu de création
je voulais pas lui louper son début au môme
c'est pour ça que j'ai ramené le bonhomme chez moi
je l'ai fait garer à cheval sur le trottoir
il n'y avait pas de temps à perdre
on n'a pas fait de manière pour entrer dans le vif du sujet
on a baisé ni pire ni mieux que la moyenne
on a baisé je lui demandais pas autre chose
on s'est séparé rapido sans s'attarder sur les adieux
on était dupes ni l'un ni l'autre
on s'était fait du bien et ça s'arrêtait là
enfin pour lui
parce que pour moi ça faisait que commencer
ce môme que j'avais voulu
il était là dans mon ventre
tout minuscule encore
mais il était là
je n'aurais mis ma main à couper
tout pour Titou, Violette Béro
avec mon varda
j'ai glissé dans les chambres
j'ai eu du repos des surprises
en amour
plusieurs fois les branches
les branches ont cassé
j'ai eu du repos des nuits blanches
en amour
des jours entiers
parfois des années
perdu de vue
j'ai briqué des surfaces
jusqu'à me voir dedans
curieux face à face
pas évident
pas évident
quasiment moi-même
de nouveau
quelque part derrière la virgule
à revoir mes calculs
descendu du train très couchette
revu numéro de claquette
revu à la baisse
son huitesse
des jours entiers
parfois des années
perdu de vue
j'ai briqué des surfaces
jusqu'à me voir dedans
curieux face à face
pas évident
pas évident
avec mon varda
j'ai glissé dans les chambres
j'ai eu du repos des surprises
en amour
plusieurs fois les branches
les branches ont cassé
j'ai eu du repos des nuits blanches
en amour
des jours entiers
parfois des années
loin de tous
à la ramasse
à la ramasse
j'ai briqué des surfaces
j'ai briqué des surfaces
jusqu'à me voir dedans
France Inter
la source
Cécile Coulon
sous le porche d'une petite église des Hautes-Pyrénées
dont le cimetière donne sur l'école du village
Violène Béro me raconte ses paysages
la façon dont elle les habite
et dont il la peuple
mais au creux de cet espace
se souvient-t-elle de la première histoire qu'on lui a raconté
je ne me souviens pas de la première qu'on m'est racontée
non, je ne me souviens pas
ce que je sais c'est que mes parents étaient des gros lecteurs
ce n'était pas du tout leur métier
mais ils aimaient lire, il y avait des livres à la maison
ils prenaient des livres à la bibliothèque
et moi depuis petite je lisais tout ce que je trouvais
c'est-à-dire pas du tout forcément de la littérature jeunesse
mais vraiment tout ce qui me tombait sous la main
et donc je ne me souviens pas d'une histoire particulière
je ne sais pas si mes parents
est-ce que nos parents nous lisaient des histoires
je ne me souviens même pas de ça
mais je me souviens moi d'aller lire
d'aller chercher des choses dans les livres
et dans ces livres qui étaient disponibles à la maison
est-ce qu'il y a dans l'enfance
ou en début d'adolescence
certains écrits qui t'ont marqué
qui ont ouvert en toi d'autres mondes
oui le livre c'est lié à l'école en fait
en seconde j'ai un livre qui pour moi
est un coup de poing magistral
c'est « Unes de Beaumugnes » de Jean-Giorno
et je lis déjà beaucoup
et je découvre Giorno que je ne connaissais pas
on étudie en classe de seconde « Unes de Beaumugnes »
et je découvre qu'on peut écrire très court
très simple
des choses hyper émouvantes
moi je n'ai jamais mis les pieds en province
à ce moment-là je ne connais pas du tout ces pays
que d'écrire Giorno
et je les sens
je les vis, je les sens dans mes jambes
je les sens dans le corps
comme je sens la montagne ici
et je trouve ça incroyable
et ça tombe à peu près à l'époque
où je commence à écrire
j'avais peut-être un peu commencé avant
et je me dis
c'est incroyable avec l'écriture
on peut faire vraiment passer de l'émotion
le temps tout d'un coup
avait commencé à se salir vers le sud
tous les jours c'était de longues alénais
de ventièdes à vomir
et tout chargé de nuages
il y avait comme une barrière de fumée
du côté de Valençol
et ça, ça voulait dire de la pluie
ça commença une nuit
beaucoup plus haut que nous
dans la vallée de l'Asse
vers Maisel
par un orage qui enflamait tout le ciel
de chez nous, couchés, on l'entendait là-haut
qui écrasait la terre avec ses gros pieds
je me levais pour barrer le volet
je le collais contre le mur
et je le tenais d'une main
tout très sautant comme une aile d'oiseau
pendant que je cherchais la fermeture
un gros éclair souffla
je vis les nuages qui venaient de notre côté
deux jours se passent
où le ciel débarbouillé
montre un peu sa joue bleue fleurie d'un épi de soleil
un après-midi, sur les trois heures
je me dis
tu vas pas faire le santon à perpétuité
et je monte dans le flanc du plateau
je dépasse à peine le premier rebord de terre
que ça me fait comme un grand froid noir sur les Chines
je lève l'œil
il y avait dans le ciel
cinq gros nuages
lancés à fond de trains
et c'était l'avant-garde
ça avait encore un peu figure humaine
mais ce qui venait derrière, la fin de tout
une confiture d'encre
sans forme ni rien
avec des très sautements de tonnerre
et un grand rire d'éclair
qui montrait ses dents en silence
avant de bramer
un de Beaumugne, Jean-Giorno
...
Violène Béro
tu découvres Jean-Giorno en seconde
mais avant ça, déjà tu écris
est-ce que tu te souviens de ce que tu écrivais
enfant et adolescente
je sais que j'ai écrivé, j'avais commencé
une pièce de théâtre
enfin j'avais commencé, j'avais peut-être fini
mais souvent je commençais et je finissais
jamais mes histoires
parce que ça me barbait au bout d'un moment
puis j'avais l'impression de ne pas avoir d'imagination
il ne se passait pas grand chose dans mes livres
mais je voulais juste
faire ressentir l'émotion
je travaillais vraiment que sur ça
mais j'ai rien gardé donc je ne peux pas trop en parler
moi je jette tout, je jette systématiquement tout
et toujours ?
ah oui
ah oui, moi je garde rien
le papier, ça me sert à allumer le feu
et est-ce qu'aujourd'hui tu arrives à dire
pourquoi si jeune tu voulais faire naître de l'émotion
par l'écriture
je sais pas
je sais pas dire, en tout cas
j'avais besoin de sortir des choses de moi
et j'avais besoin
physiquement de me dépenser
et j'avais besoin peut-être aussi
de sortir des choses qui n'étaient pas physiques
et l'écriture c'était ce qu'il fallait pour moi
ça aurait pu être la peinture ou la musique
mais moi j'étais plus dans les livres
que dans la peinture ou dans la musique
donc c'est sorti, c'est sorti comme ça
qu'est-ce qui se passe après Génaud
puisqu'il est si important
et donc en seconde on a 15 ans, 14 ans, 15 ans
comment cet homme-là
dans la vie de quelqu'un à la campagne
qui a 14-15 ans
change le monde ?
c'est lui déjà au départ
et puis après c'est de lire d'autres choses
qui n'ont rien à voir derrière
toujours dans cette classe de seconde
on travaille des textes de chanteurs
on a travaillé du Nougarro
on a travaillé du Igelin
à ce moment-là
mon micro me lâche
ne veut plus s'allumer
le Nagra a eu trop chaud
et les piles sont sans doute en congis
nous sommes au milieu d'un très beau paysage
ce qui signifie qu'il faut faire
avec les moyens du bord
or je n'ai plus de batterie sur mon portable
c'est donc Violette Béro elle-même
qui vient à notre rescousse
en enregistrant la suite de l'entretien
sur son smartphone
le tout au milieu du cimetière du village
avec deux ânes, des chevaux
et quelques brebis
en classe de seconde avec notre prof
on avait travaillé des textes très différents
journaux, viands
des Nougarro
Igelin
et donc je me rendais compte que
l'écriture pouvait être très variée
donc journaux ça a été la claque
ce qui m'a vraiment plu
et le reste c'est me dire
mais on est très libre avec la langue
on peut faire plein plein de choses différentes
ça signifie que la littérature
dans ta vie d'adolescent
c'était quelque chose que tu gardais pour toi
ou est-ce que tu échangais
autour de ce que tu lisais
de ce que ça te faisait
c'était assez secret
c'était pour moi
et je sais qu'en première ou en terminale
il y a eu
un copain d'école
à qui je faisais lire et qui me poussait à écrire
mais voilà, juste cette personne là
il y avait une seule personne
et est-ce que ces retours
et ces encouragements
étaient importants
oui, je crois que c'est toujours le cas
c'est très solitaire d'écrire
mais à un moment donné
c'est important d'avoir
une personne de confiance
qui va relire
qui va regarder
oui oui, c'est important
quelle place prends
l'écriture
à mesure que tu deviens adulte
je n'ai pas du tout une formation
là-dedans, moi je fais des études
en informatique
mais j'écris pas du tout avec
l'idée d'être publiée au départ
j'écris vraiment que pour moi
j'en ai besoin
c'est pour moi et en même temps c'est jamais du journal Intime
c'est toujours
des débuts de romans
ou de nouvelles
que je ne finis pas
et que j'en recommence un autre
et tout le temps
de mes études
puis de mon travail d'informaticienne
j'écris
je me dis j'aimerais vraiment
essayer de finir un texte
enfin de finir un roman
mais j'étais persuadée d'avoir aucune imagination
et je me disais que
pour écrire il fallait de l'imagination
et donc je me disais
je ne pourrais jamais écrire un roman en métier
et là
m'est apparue
une idée extraordinaire
je me suis dit en fait il faut que je prenne une histoire
que tout le monde connaît et ça a été mon premier roman
qui est sur la vie de Jeanne d'arc
je me suis dit là au moins aucun suspense
tout le monde sait comment ça a fini pour jeanne d'arc
mais par contre
ce qui m'intéresse moi c'est de faire ressentir
intérieurement
intimement et par son corps aussi ce qu'est
cette jeune fille
justement ce premier roman
qui s'intitule Jeanne
comment techniquement on passe
de ce moment où on se dit je ne suis pas
en mesure d'écrire un roman
je termine un premier roman
qu'est-ce qui s'opère en soi
d'avoir choisi
d'avoir choisi
ce personnage là
déjà je tiens
je tiens l'histoire
et en plus
là je fais un roman très chronologique
c'est-à-dire je la suis dans le temps
ça me
ça me borne ça me rassure en fait
après il suffit voilà
j'écris à la première personne je suis
cette jeune fille là je suis assez jeune moi-même
au moment où je l'écris
et je me laisse
c'est le texte qui me prend et ça y est j'y suis
je ressens tout à fait ce qu'elle ressent
et que ce soit pas du tout un roman historique
que j'écris c'est le roman d'une jeune fille
d'une adolescente qui
qui fait une crise d'adolescence et qui part de chez elle en fait
et ça je peux à cet âge là
je peux très bien le comprendre et l'écrire
en plus elle part à cheval et pas en moto moi ça me va bien
c'est quand même mieux les chevaux que les motos
donc tout me va bien avec ce personnage
et puis elle était jeune
et je sais pas
je sentais c'était bizarre cette femme
sous sa carapace
là sur son cheval
j'avais envie d'essayer de la comprendre
je gagne toujours
je cours plus vite que les autres
j'aime ça
ce qui est physique
ce qui tire sur les muscles
je joue pieds nus
les autres ces sauts gardent leurs sabots de fête
et s'emmèlent les pieds dans leur orgueil
les filles me dévisagent
d'un air hauteur
méprisant
plus je grandis plus je suis seule au milieu
des garçons je les connais bien
mes compagnons de jeu
j'évite compris un garçon c'est fort en apparence
mais moi je suis forte
en dedans
comment ça m'a pris je ne le sais plus
sans doute pas comme je l'ai toujours dit
un jour soudainement à une heure précise
ça a plutôt été
un long travail d'usure
comme un mal qui ronge
je vais partir
tout quitter, fuir cette vie
où je ne suis rien
rien que la fille de ce rustre
ce jack d'arc qui me dégoûte
il y a longtemps déjà
que je pense à cela
j'ai bien réfléchi
je ne dois pas partir sans but
je sens que je suis capable de faire de belles choses
il ne me manque
que l'idée
d'un grand biais
plus qu'il faut
qu'à présent
soit ma maison
écoutez bien
ma prière
je vous prie
de bien vouloir accepter
cette prière
comme étant vraiment
ma prière
de moi
parce que tout à l'heure
je ne suis pas tout à fait sûr
de ce que je ferai
quand je serai
dans la rue
je suis en la place
de ce que je dirai
pardonnez-moi
pardonnez-nous
à tous
le mal que je fais
mais je sais bien que j'ai bien fait
de vous servir
nous avons bien fait
de vous servir
ainsi
mes voix
ne m'arrêtent pas
tromper
pourtant
pour t'acheter donc
de nous sauver tous
mon Dieu
Jésus
sauvez-nous tous
à la vie éternelle
France inter
la source
là où naissent les livres
dans les hautes pyrénées
au creux d'un paysage
où tout est d'un verre profond et tout fut
Violène Béro me raconte
l'écriture de son premier roman
Jeanne
que ressent-on quand on termine enfin
un texte
je me souviens pas de ça
je me souviens du moment où j'apprends que je suis édité
ça m'a marqué
il a bien dû être envoyé
à des éditeurs
je me souviens très bien que je l'ai envoyé
je connaissais rien
en maison d'édition
j'ai pris les 20 plus grosses éditeurs
j'ai envoyé par la poste
la technique du beau temps
et sans rien connaître
et j'ai commencé, j'avais envoyé
je me souviens très bien ça en février
j'ai commencé à recevoir
c'était une autre époque et il n'y avait pas internet
donc j'ai commencé à recevoir
des lettres type horrible
votre manuscrit numéro 36.223
je ne croyais plus et au mois de juillet
donc des mois après
une quinzaine de réponses négatives
était déjà arrivée sur les 20
j'y croyais plus
j'étais au festival d'Avignon
j'aime beaucoup le théâtre
et tous les ans j'avais passé une semaine
toute seule au festival d'Avignon
et voir le maximum de pièces
et je sortais très ébranlé
d'une pièce
Ann Bollin
mise en salle par Daniel Mesgich
j'interroge mon répondeur à minuit
et je trouve un message des éditions de Noël
qui me dit
si vous n'avez pas signé quelque part
je serais très heureuse de publier votre jeune
et alors là
ça je me souviens très bien de la scène
j'étais dans une cabine téléphonique
il était plus de minuit, j'étais toute seule
j'allais toujours toute seule
et à me dire mais à qui je peux dire
ce bonheur là
ça je m'en souviens bien
pas du point d'une finale du livre
à quel point
ça a changé votre vie et est-ce que ça a changé
votre façon d'écrire
oui ça a changé ma vie
puisque maintenant je ne fais plus qu'écrire
et donc il y a eu un fallu
qui est un commencement à moins donné
à l'époque
tu travaillais déjà dans l'informatique
oui à l'époque je suis informaticienne
et d'ailleurs
quand je vais à Paris
aux éditions de Noël pour signer mon premier contrat
je me souviens très bien du directeur de Noël
qui me reçoit et qui me dit
j'étais ingénieur en informatique donc
et qui me dit violenne
je ne vous fais signer ce contrat
qu'à la condition que vous me prometiez
de rester à votre poste en informatique
et pour moi c'était évident
moi je ne voulais pas du tout
faire de l'écriture mon métier
et pendant longtemps
j'ai dit ça d'ailleurs, je ne veux surtout pas
que l'écriture soit alimentaire
parce que je veux pouvoir continuer à jeter
tout ce qui ne me plaît pas
être obligé de produire pour vivre
et puis finalement
j'arrive maintenant à vivre de l'écriture
mais parce que je vis très chichement au fond de la montagne
dans une cabanie légale etc
donc je n'ai pas de loyer à payer
je n'ai pas de facture d'électricité et d'eau
je suis sur panneau solaire etc
donc j'arrive à vivre avec très très peu d'argent
et du coup je vis de l'écriture
et des à côté de l'écriture
c'est à dire des rencontres
des résidences d'écriture, des choses comme ça
aussi pas uniquement de la vente des livres
et donc cet éditeur vous fait signer en disant
il faut garder votre boulot
et à quel moment vous lâchez ce boulot
à quel moment vous vous dites que ce sera l'écriture
et rien d'autre
ça se passe pas comme ça
je lâche mon boulot d'informaticienne
pas du tout pour écrire
je lâche mon boulot d'informaticienne
pour revenir vivre dans la montagne
et trouver un boulot qui a du sens
et le boulot qui a du sens à l'époque c'est pas l'écriture
c'est les chèvres
c'est inventer un métier dans la montagne
au départ c'est vivre dans la montagne
et vivre de la montagne
sans que ce soit du tourisme
on a bien compris
ce passage là
extrêmement clair
et donc ça va être de l'élevage
et moi j'aime beaucoup l'élevage
le petit élevage
et donc je change de vie
à 30 ans
pour vivre ça
et en fait j'arrête d'écrire à ce moment
j'en trouve jusqu'à l'âge de 30 ans
et à 30 ans
ma vie est tellement pleine
que je n'ai plus la place pour écrire
pour écrire moi j'ai besoin d'avoir
de ne penser qu'à mon écriture
et quand je bossais comme informaticienne
le soir en sortant du boulot
j'avais plus mon boulot dans la tête le week-end
j'avais pas mon boulot dans la tête
quand on a des bêtes on les a toujours dans la tête
donc pendant 12 ans j'étais éleveur
pendant 12 ans
pendant 12 ans je n'ai pas écrit
j'avais mes bêtes en tête
et j'ai arrêté l'élevage parce que j'ai attrapé
une sale maladie que la maladie de l'âme
qui m'a obligée à arrêter
et je me suis remise à écrire
ensuite
avec le cerveau à nouveau disponible
pour écrire sans les bêtes
c'était une autre époque
un autre temps
quand les hommes d'église y entraient pour toujours
lui détonné dans ce paysage austère
parmi les noirs corneilles en soutane
lui on le remarquait
à sa grosse moto
à ses pas de côtés et frontés
à celle qu'il accueillait
fille, mère, putain, divorcée
il s'en moquait
et tant pis si la très sainte église
d'elle ne voulait pas
dans son église à lui il restait de la place
il ouvrait sa porte
ne demandait rien
il n'aurait tous le suiver
subjuguer
tous
les filles se battaient pour être la première
la première dans ses pas
la première juste derrière
la première à le suivre lui
l'homme montagne
cet homme j'en étais certain
à moi il était destiné
à moi cet homme
il n'avait rien à faire auprès du bon dieu
et de son immense église
mais je voulais que tout seul
il ne le comprenne
je voulais que l'homme prêtre
découvre de lui-même
effare et émerveiller son erreur
qu'il réalise que dieu
est la très sainte institution
non mais moi
moi
nuit de nos
violonne béro
est-ce qu'on peut parler
de poésie
et de comment l'écriture poétique
l'écriture romanesque
soit ce complète
soit son de gentil rival
comment tu les fais marcher ensemble
en fait
moi j'aime pas les cases
je m'étonne pas
j'aime pas les cases
je suis classée en roman
et pas m'est contente d'être en roman
parce que c'est plus facile de vendre du roman
sans doute de se faire connaître en roman
qu'en poésie
mais moi j'ai jamais écrit en me disant
je fais du roman
moi par exemple j'ai toujours pensé mes textes
pour la scène
soit la scène en théâtre ou la scène en poésie
mais pour qu'il soit dit à voix haute
j'écris à voix haute
j'ai besoin de travailler à voix haute
je les imagine toujours repris ensuite à voix haute
donc ok je suis en roman
depuis 30 ans je suis en roman
et jusqu'à
un dernier texte que j'ai écrit
qui s'appelle nuit de nos
je vais aller franchement
vers une forme qui ressemble à de la poésie
je sais pas dire vraiment
que ce texte est de la poésie
mais disons que ça ressemble
à de la poésie et ça s'éloigne plus du roman
puis c'est pas du roman parce que c'est pas de la fiction
c'est un vrai récit
est-ce que tu penses qu'un roman
se doit être de la fiction
c'est vrai que moi j'ai tendance
à mettre le mot roman
sur de la fiction
pour moi le roman
c'est de la fiction
ça veut pas dire qu'on peut pas se servir de la réalité
dans tous mes romans
il y a de la réalité
mais quand j'écris jeanne
ce livre sur gendarme
personne ne me demande si c'est autobiographique
mais il y a autant de moi
et autant de ma réalité de ma vie
dans ce livre là
qu'il y en a comme des bêtes
quand on va me demander s'il n'est pas plus autobiographique
non c'est pareil
il y a
un mélange dans un roman
pour moi il y a un mélange de fiction et de réalité
et moi même
au bout d'un moment en force de réécrire
je ne sais plus
d'épatouiller, d'émêler
la fiction et la réalité
quand donc
écrire devient ton métier
après avoir été éleveuse
après avoir été informaticienne
est-ce qu'aujourd'hui
tu te dis
ça a toujours été ce que j'ai voulu faire
ou est-ce que tu considères
qu'avoir plusieurs vies
en plusieurs endroits
en plusieurs maisons et plusieurs postes
de travail
ça nourrit l'écriture d'aujourd'hui
oui ça nourrit
moi je dirais même pas que ça nourrit l'écriture
ça nourrit ma vie en général
et ma vie nourrit l'écriture
c'est pas directement ça qui nourrit l'écriture
ça nourrit ma vie
qui elle-même nourrit l'écriture
oui c'est important pour moi
d'avoir vécu plusieurs vies
et quand je rencontre pas mal de lycéens
je leur dis toujours on vous met une pression
d'en faire à 15-16 ans pour votre
orientation comme si à vie
il fallait rentrer dans des rails
mais non surtout pas moi
moi j'ai aimé vivre toutes ces vies
et à 15 ans
j'aurais jamais pensé vivre tout ça
et j'ai testé plein de choses
différentes et je peux dire
j'ai été heureuse mes 12 ans de vie
avec mes chèvres et mes chevaux
c'était hyper physique
c'était hyper dur mais
mais qu'est-ce que j'ai aimé ça
et j'adore maintenant
cette vie plus
tranquille, le plus représentant de mon corps
qui a pas mal morflé
et à la fois très solitaire
et en même temps qui me fait rencontrer
plein de gens par l'écriture
cette vie qui me
où je vis de façon très reculée
et avec
peu de moyens et à côté de ça
c'est à l'hôtel où je suis
très luxueusement partout
j'aime beaucoup cette vie
en deux morceaux
quand je monte à l'estif depuis chez moi
le troupeau je le cherche d'abord au jumel
de loin et voilà
que je vois ce type au milieu de mes bêtes
je me suis dit
c'est quoi ce guignol dans mes vaches
j'ai essayé de comprendre
ce qu'il foutait
il était avec une et pas n'importe laquelle
la bourrache celle qui avait le bassin
abîmé
cette bête elle s'était blessée quelques jours
avant ça me traquassait
elle avait tout l'arrière train
qui avait morflé
elle avait dû se foutre dans un trou
se faire mal pour se sortir d'un endroit
où elle s'était coincée
la fois précédente
je l'avais retrouvé boiteuse, triste
la tête en bas comme une qui va pas fort
elle apportait des médicaments pour un peu la soulager
et puis je voulais voir comment ça avait évolué
il y avait donc ce bonhomme
justement avec cette vache
là
de loin j'étais persuadé que c'était un adulte
après j'ai su qu'à cette époque
il avait même pas douze ans
je le surveillais au jumel
je l'ai vu poser sa main sur le front
de ma bête entre ses cornes
je me suis dit
mais qu'est ce qu'il fout ce con
ils sont restés à un moment comme ça
tranquille tous les deux
après il est passé derrière elle
c'était une bête pas comode
cette bourrache, croyez moi
j'avais galéré pour l'approcher
quand j'avais voulu regarder son bassin
elle s'était pas laissée toucher
et pourtant elle me connaissait
c'est moi qu'il avait fait naître
mais lui il se tenait à regarder son cul
et il restait pépère
et puis il lui a posé une main
sur chaque flanc comme ça
comment le fait avec un chat qui roupit sur le canapé
tranquille
et elle a pas mouffeté ma bête
et bien ça croyez moi
putain c'était fort
on aurait dit qu'il lui berçait les reins
et elle se laissait faire
moi je m'en épuisais les yeux
à les observer de trop loin
mais je sais pas m'approcher
surtout que j'avais le chien
je voulais pas déranger
à force je savais plus qui berçait qui
si c'était lui qui berçait la vache
ou la vache qui lui berçait
je voulais donner la berlu
et puis au bout d'un moment
il s'est détaché d'elle
comme si c'était fini
et je me suis dit qu'il allait partir
mais non il s'est allongé par terre
je crois qu'il s'est endormi
comme des bêtes, Violène Béro
les romans de Violène Béro racontent
toujours
des hommes et des femmes bouleversées
heurtés dans leurs rapports aux autres
parfois ils sont mis en morceaux
d'autres fois ils s'élèvent
mais à la bord de toujours les vivants
en allant au contact
de ce qu'il y a de plus vrai
et de plus indiscible aussi
je me demande comment
se construit cette manière d'écrire
ce choix de sujet difficile
je pars toujours d'un thème
d'un sujet
pas d'une histoire, l'histoire c'est vraiment
la dernière bout du carrosse pour moi
c'est vraiment d'un sujet
et je me dis
je ne sais pas
moi-même que penser
ou comment répondre aux questions
autour de ce sujet
et l'écriture va m'aider
à comprendre ce que j'en pense
c'est plutôt ça
l'écriture m'aide à réfléchir
même si
c'est un peu paradoxal
même si quand j'écris
j'ai l'impression de ne pas écrire du tout avec ma tête
ou avec mon ventre
ou avec ma main
je laisse s'écrire les choses
et je ne sais pas ce qui va sortir
donc je n'ai pas l'impression de le réfléchir avant
mais je crois que dans mon cerveau
en plus depuis la maladie de l'ail
mon cerveau a été pas mal abîmé
donc c'est un peu un grand foutoir
dans mon cerveau
je laisse ce bazar brouillard
agir
et je fais confiance en ma main qui est écrite
et du coup je trouve
que par l'écriture des réponses
ou d'autres questionnements sur ce sujet
mais je ne me sens pas du tout plus capable
que quelqu'un d'autre de répondre
à des sujets, c'est juste des sujets
qui à un moment donné m'interrogent
et là par exemple on est dans un cimetière
je crois pas du tout au hasard
quand je t'ai donné rendez vous dans le cimetière
j'ai pas du tout pensé
qu'en fait je suis en train d'écrire sur la mort
et c'est à moi
en t'attendant tout à l'heure dans le cimetière
je me suis dit mais c'est rigolo
je lui ai donné rendez vous ici
moi j'adore les cimetières
j'aime particulièrement ce cimetière aussi
et j'ai un rapport très apaisé
à la mort et je veux écrire
quelque chose de très apaisé sur la mort
pour le moment je mets tout à la poubelle
parce que je n'y arrive pas
mais voilà en fait en étant là
c'est aussi ça fait partie de mon travail d'écriture
quoi c'est... j'aime bien
comme la vie de tout Saint-Méric
la vie d'écriture pour moi c'est
très liée depuis toujours
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durée :00:56:30 - La source - Joviale et sauvage à la fois, Violaine Bérot surprend et intrigue. Cette spécialiste des intelligences artificielles, puis éleveuse de chèvres accueille Cécile au cœur des Pyrénées pour parler de montagne, de lectures et de son rapport intransigeant à l'écriture.