La source: Richard Gaitet et ses sources

Radio France Radio France 6/11/23 - Episode Page - 57m - PDF Transcript

Une de nos responsabilités c'est pas simplement rapporter le monde contemporain tel qu'il

existe avec ces injustices, ça peut être aussi de faire exister des mondes qui n'existent

pas et d'explorer des fantaisies et d'arriver sous différents masques à raconter des émotions

profondes. La source c'est l'endroit où les histoires commencent, le lieu secret des écrivains,

la planque des romancières, le berceau de vos romans préférés. Et dans les livres c'est vraiment

ça qui est absolument passionnant. Quels sont les frontières du théâtre, du petit théâtre de

Guignol qu'on est en train de fabriquer ? Quelle est l'espace ? Est-ce qu'on peut tout imaginer ?

Est-ce que tout est possible ? La source c'est si coulant sur France Inter.

La littérature se joue de vous, n'oubliez jamais ça. L'écriture se moque en étant très sérieuse.

La recherche du mot juste c'est aussi le mensonge parfait. Les épopés vous disent ce que sont les

chevaliers, mais les chevaliers disent de même ce qu'ils veulent. La littérature est un jeu très

sérieux, troublant, drôle, qui ne se laisse jamais faire, qu'il faut débusquer et dégotter,

écrire et réécrire. L'auteur que je rencontre aujourd'hui m'a donné rendez-vous dans un endroit

aussi beau qu'une légende. Bonjour Cécile, c'est Richard Goethe. J'espère que ça va, je vous

donne rendez-vous dans un endroit un peu atypique, mais très calme. C'est à 40 km au sud de Paris,

dans une petite remise sur la rive gauche de la Seine, en face d'une écluse, ça se situe sur la

commune du coudrait Monceau. Alors suivant d'où vous venez, il vous faudra peut-être prendre un ou deux

RER, je suis désolé, mais vous ne serez pas déçus, je vous le garantis. Il faut descendre en

gare du Plessichénais. Une fois que vous êtes là, il n'y a plus que 400 mètres à pied, le long des

berges de la Seine, l'écluse du coudrait apparaîtra normalement sur votre droite. En marchant, vous allez

voir un four à chaud, désaffecté, un café, tout simplement nommé l'auberge du barrage, la maison

de l'éclusier qui s'appelle Barthélémy fait que lui coucou de ma part si vous le croisez, mais

attention au chien, puis une épicerie, et juste à côté l'épicerie, la fameuse remise, pousser la

porte, ce sera ouvert, je vous attends là. Richard Goethe, on connaît sa voix, qu'on entend dans

l'excellent podcast Bookmakers. On connaît aussi son autre voix, celle qu'on entend dans son premier

roman Les Heures Pâles, qui vient de sortir en poche plus de dix ans après sa parution aux éditions

intervalles. Pendant une heure, devant des eaux pas tout à fait calmes, nous parlons de ce que cela

signifie de nos voix à l'écriture. Comme vous pouvez le voir, c'est assez rudimentaire, il y a un

vieux fauteuil en cuir que j'ai rembouré avec des coussins, des traitots pour faire un bureau avec

une grande planche en bois, il y a une lampe, mon ordinateur est dans un coin, un canapé pour la

sieste, il y a aussi une chouette en porcelaine que j'ai trouvée en arrivant, de même que quelques

affiches de cirque, là vous voyez les frères morins et leurs incroyables acrobates et des piles de

livres. Alors il n'y a qu'une seule pièce qui est éclairée par une fenêtre, je vois deux temps

en temps, alors peut-être qu'on verra ça pendant l'heure qu'on va passer ensemble, je vois des

bateaux qui passent, les mariniers sur leur péniche, à qui je peux faire un petit salut cordial,

et il faut préciser aux gens qui nous écoutent que le sol est en terre battue, j'ai entendu dire que

cet endroit était avant pour moitié une écurie et pour moitié un d'ortoire pour ses mêmes mariniers.

Alors peut-être que vous vous demandez cher Sessy, comment j'ai trouvé un endroit comme celui-ci ?

Oui je me le demande tout le monde. En fait j'ai trouvé cet endroit pendant une balade à vélo,

il y a un an environ, j'ai roulé un peu plus de deux heures depuis Paris et puis je me suis arrêté

sur les berges pour me reposer et puis il y a un petit mec moustachu avec un chapeau plat noir qui

est venu taper la discute et puis de fil en aiguille je lui ai dit j'ai créé des livres et la ville

parfois est fatigante et il s'est retourné vers cette remise et il m'a dit si vous voulez moi je

peux vous l'allouer pour vraiment trois fois rien, j'ai visité, j'ai trouvé ça assez drôle et depuis

donc depuis un an je viens le week-end à vélo, j'arrive le samedi midi, ça me coupe de l'agitation

de paris et je constate que l'écriture avance bien, j'y reste parfois jusqu'au dimanche soir ou un peu

plus. Le fait d'être devant une écluse et donc d'avoir de l'eau qui descend et qui monte comment

vous liez ça à l'activité d'écriture ? Ça me rappelle cette citation de Mark Twain l'auteur

de Tom Sawyer que j'aime bien qui dit qu'à chaque fois qu'il a terminé un roman il doit attendre

que la citerne se remplisse, c'est à dire il doit faire le plein de nouvelles lectures, de nouvelles

émotions, de nouvelles rencontres et moi j'ajouterai de nouvelles chansons, de nouveaux films, presque

de nouvelles perceptions pour pouvoir commencer à imaginer les livres d'après. Alors le mouvement

de l'eau on cherche tous et toutes, je pense quand on a choisi cette activité déraisonnable qui est

l'écriture, la fluidité, on cherche une certaine grâce dans le geste de pouvoir faire couler littéralement

une phrase, un paragraphe et des... oui et les péripéties des personnages, ça n'empêche pas que

parfois il y ait du torrent, il y a du fleuve, il y a que parfois on trouve des rochers en but et on a

volonté de mettre des rochers à l'intérieur de l'écoulement du torrent mais je ne sais pas où

m'emmène cette métaphore. Peut-être vers la source. Est-ce qu'on peut parler des affiches de cirque ?

C'est les votes où elles ont été mises là par ce monsieur à chapeau plat ? Et bien je pense à

le cirque des frères morains, j'ai l'impression que... enfin en tout cas je suppose que c'est à lui parce

que quand je suis arrivé elles étaient déjà là, on voit la date là c'est 1902-1903, voilà les

incroyables acrobates mais du coup je me suis dit sachant que vous êtes la première personne

de mon entourage, j'en suis ravi, je suis ému, à découvrir cette remise, je me suis dit bon alors

ok si la source vient jusqu'ici, jusqu'au bord du barrage, qu'en déduire, est-ce que les écrivains,

les écrivains ne sont des incroyables acrobates qui essaient eux-mêmes, elles-mêmes de retomber sur

leurs pattes et d'exécuter des numéros encore une fois, gracieux. Je crois que oui.

J'ignorais tous des pièces maîtresses, des recoins mal famés de son œuvre révolutionnaire, de son

anticonformisme punk absolu, de l'exaltant tragédie de son existence vagabonde. Mais connaissance se

résumait à une maigre bourse de mots fétiche, deux trous rouges aux côtés droits pas sérieux quand

on a 17 ans, voyant, verlaine, abyssinie, abracadabrantesque. Une petite amoureuse à qui j'avais

fait peur en cherchant à la revoir en aval d'un fleur de montagneux m'avait congédié en le citant,

blond lait de ron, descend ici que je te fouette. À l'université, pile à l'âge ou rimbaud c'est

ça d'écrire, on m'avait offert les éliminations et je n'avais rien compris, rien, décrétant

à titre personnel, que ce garçon ne se soucie pas beaucoup de sélecteur mais découvrant tout

de même une terra incognita. L'encre bavait à la poupe et me restait sur les doigts. J'avais une

néanmoins le désir snob d'adapter Being Beautyous en musique rock, je crois, avec mon groupe de

rock lyonnais baptisé The Toppin'Ambours pour lesquels j'étais à la fois batteur et gueulard. Ça

n'avait pas dépassé une heure de répétition, classée sans suite. Coincidence astral qui ne

signifie pas grand chose mais qui me trottait dans la tête à cause d'une efféméride en forme de

parchemin scotché longtemps au-dessus de mon lit d'enfant. Je suis née le 10 novembre 1981 à

9h30, soit 90 ans jour pour jour, heure pour heure, à 30 minutes près, après la mort d'Arthur

Rambeau, applaudissement. Rambeau Warrior de Richa Guetté. Est-ce qu'un livre c'est un numéro ?

En fait, il faudrait pas. Ce qui est beau dans l'écriture, c'est quand on arrive soi-même à se

laisser surprendre par ceux qui arrivent sur la page. Je me souviens que l'écrivain Sylvain Prudhomme

disait qu'il ne pouvait jamais envisager de faire de plans parce que sinon la littérature devient

une rédaction pour lui. C'est-à-dire qu'il faut cocher des cases et remplir des blocs de chapitres

avec un chemin bien défini. Ce qu'il y a presque de plus beau, c'est les digressions. J'espère qu'on

va en avoir beaucoup pendant cette conversation. Mais c'est surtout... Oui, c'est ce qu'on n'avait

pas prévu. C'est-à-dire, littéralement, on pensait, j'en sais rien, faire un roman sur une révolte

d'esclaves sur la planète Saturne. Et en réalité, on finit par ne parler que de son père. Voilà,

peut-être. Ce qui n'est pas mon cas en l'occurrence, je ne vais pas encore essayer la science-fiction.

Mais ce que je veux dire, c'est qu'on se laisse dépasser au détour d'un paragraphe par quelque chose

vraiment l'imprévu. Et de manière générale, je pense que l'imprévu, c'est quelque chose que je

désire avec la plupart des gens. Est-ce qu'un bon livre, ce serait donc une affaire d'accident

avec soi-même de sortir de la route qui était prévue au départ ? Déjà, je rebondis immédiatement

sur l'expression que vous venez d'utiliser. Sortir de la route, je pense que la plupart des

artistes, en fait, ont choisi eux-mêmes de sortir de la route de la norme, de la convention,

de ce que la société attend de productifs, etc. Et que justement, c'est une manière de se dire

je construirai mon propre temps et pour reprendre un mot de Rambeau que j'aime beaucoup et d'être

indépendant n'importe où. Il y a quelque chose vraiment d'obsessionnel là-dessus. Et le livre,

à tout point de vue, doit être accidentel, je crois. C'est-à-dire comment le sujet se manifeste

à nous-mêmes, c'est-à-dire comment on a soudain l'idée, je vais passer un an ou deux ou trois

ou sept ou dix-sept à me focaliser sur cette histoire, cette idée, ces sentiments. Et ensuite,

comment on tricote le texte ? Comment on fabrique la petite maison, bloc par bloc ? Ça aussi,

c'est accidentel. Et ensuite, le grand appel de discipline, comment est-ce qu'on arrive à organiser

son temps pour pouvoir faire naître cette heure ? Tout ceci relève de paramètres accidentels. Et

même un travail de commande, parce que ça m'est arrivé une fois, les éditions Paul Seine m'ont

suggéré de faire l'ascension du Mont Blanc, alors que je ne fais pas de montagne et que je ne fais

pas de sport, à part de temps en temps des picoots de bicyclettes. Et je n'ai aucune chaussure de

marche. Et j'ai bien évidemment accepté, parce qu'on m'a garantie que j'allais suivre les

enseignements d'un des plus grands alpinistes de la vallée blanche qui s'appelle René Guilini. Mais

même dans le cadre d'une contrainte, se produit des accidents, c'est-à-dire de quelle manière est-ce

que ce nouveau paysage, les découvertes corporelles, toute la culture qu'il y a à la montagne, toute

la culture qu'il y a au Mont Blanc, tout ceci était de l'heure de l'accident, tout en évitant

l'accident lui-même, parce que au bord des precipices, ça peut quand même arriver.

Le vide hurle, des deux côtés. Térifié, je monte sur une bande de neige d'environ 40 cm

de large, exposé au vent, à plus de 3800 mètres d'altitude, et raide comme le nez de rossis de

Palma. Mon guide m'avait prévenu, dans les 50 derniers mètres, tu auras envie d'appeler ta maman.

Arrête de l'aiguille du midi. Je n'ai pas jugé utile de déranger ma mère à l'heure du

déjeuner, mais ce que j'ai sous les yeux ne lui plairait pas beaucoup. La moindre glissade pourrait

mettre fatale, si je n'étais pas encordée. À droite, la pente emporterait mon corps pâteau,

en me brisant les eaux sur environ 800 mètres. À gauche, les crevasses cachées m'offriraient

un nid gelé pour terminer l'été. Mais je ne suis pas seule, je marche dans les traces de René

Guilini, le plus romanaisque des membres actuels de la compagnie des guides de Chamonix. Un grand

professionnel dont la pensée précise et synthétique convient bien aux situations périlleuses. Aux

pieds de ce passage, si redouté des grimpeurs amateurs, théâtre malheureux, de trop nombreux

accidents, il s'est contenté de ce maigre conseil. Tu te colles à moi, c'est tout droit.

Tête en l'air, riche à guetter.

Si c'est ça mon environnement, autant tout quittait pour un banc de sable. J'ai vu bien

nasser de ciment, je me prends à rêver devant des photos de plage.

Je veux aller où il fait beau, regardez passer les bateaux qui nagent en faisant des nuages

dans l'eau. Sans jamais se lasser du sombre des vagues, la vie dans un rêve c'est beau. On s'ennuie

le long d'un ruisseau bien sage, ajouter des cailloux dans l'eau. Curieux de ce que se disent les

essigales. Au bout d'une allée ou flâne les rosiers, quatre murs en pierre, nous en

devrons de l'hier attendre, m'attendre. Une table ancienne à l'ombre d'infiniers, j'y passerai les heures à contente et les feurs qui dansent, qui dansent au long de ces rangs.

France inter, la source, Cécile Coulon. Près d'une écluse, sous de vieilles affiches de cirque, Richard Goethe,

planté au milieu de sa cabane d'écriture, me raconte comment tout a commencé.

La première histoire qu'on m'a raconté, j'hésite à éclater de rien, peut-être que ça va arriver. C'est à dire que mon père est vraiment quelqu'un de très marrant.

Et ça l'ennuyait de lire les bouquins que j'avais quand j'étais petit. Il préférait inventer ses propres histoires. Et quand j'étais, je pense que je devais avoir cinq ou six ans, j'étais passionné

du dessin animé Musclor, les maîtres de l'univers, sur des étranges héros bodybuildés qui chevauchent des dinosaures sur des planètes mauves.

Et vraiment, quand j'y reprends, je me suis dit quelles étranges mythologiques pour peupler un imaginaire d'enfant. Bref, et donc, du coup, je pense qu'on est dans les Hautes Alpes, dans un camping qui s'appelle le Caravanège,

du côté de Brianson, et c'est le moment d'Alioli. Je réclame une histoire, et mon père improvise autour de Musclor, en se trompant sur un nom de personnage.

Et ça me fait mourir de rire, et je vois à la fois les pouvoirs de l'imagination, parce qu'il est en train de broder lui-même les aventures de ce héros à épée dont il ne connaît rien.

Et vu qu'il se trompe, il rajoute du farfelu, et je me dis que c'est grand génial, parce qu'en fait, on peut ne pas respecter le texte initial.

On peut faire tous les pas de côté, et réutiliser les personnages, et vraiment, ma mère qui est témoin de cette scène et qui rit aux larmes, parce qu'elle se dit, mais qu'est-ce qui se passe, et elle rit de me voir rire, etc.

C'est un moment dont on se reparle temps en temps.

Vous avez dit qu'il y avait des livres chez vous. Ces livres qui sont chez vous, la bibliothèque chez vos parents, comment elle a été constituée, est-ce que vous mettez le nez dedans, et quelle place prennent les fictions dans l'espace d'enfance, pour vous ?

C'est facile, dans la chambre de mes parents, du côté de mon père, il y a une pile de romans d'espionnage et de romans policiers, parce qu'il a été pendant 30 ans inspecteur de police, comme en nom de police judiciaire,

et du côté de ma mère, il y avait ce qu'elle appelait des romans catastrophes, ou des trailers, comme on dit des films catastrophes, mais j'aime vraiment bien, ou des histoires à l'eau de rose, des histoires d'amour.

Il y avait le mélange des deux. Mais je n'y jetais pas du tout un œil, c'est-à-dire que c'était tellement identifié, c'est très genré comme manière de diviser le monde, je me suis dit que ça ne me concerne pas.

Et je pense que si je dois associer bibliothèque et famille, il faut que je traverse le jardin, que j'arrive chez mes grands-parents, parce qu'ils habitaient dans la maison au bout du jardin, littéralement, et il y a l'heure très grande bibliothèque.

Et là, j'ai trouvé un trésor. J'ai trouvé les romans de Jules Verne dans les éditions rouges et zèle avec les illustrations, et du coup, 20 milles sous les mères, 5 semaines en ballons, 2 latères à la lune, je me prends les 3 dans la gueule, et ça, pour le coup, c'est un élargissement total des possibilités du roman.

D'un seul coup, ah bon, non seulement on peut voyager partout et on fait ce qu'on veut, et on peut imaginer tout et surtout l'invraisemblable, et ça, c'est d'un seul coup, on peut parcourir le monde, y compris le monde qui n'existe pas.

C'est ce qui est important à raconter de tels merveilles. Quand le pinceau lui-même est inhabillé à rendre les effets particuliers à l'élément liquide, comment la plume serait-elle les reproduire ?

Le capitaine Nemo marchait en avant, et son compagnon nous suivait à quelques pas en arrière. Conseil, et moi, nous restions l'un près de l'autre, comme si un échange de parole but était possible à travers nos carapaces métalliques.

Je ne sentais déjà plus la lourdeur de mes vêtements, de mes chaussures, de mon réservoir d'air, ni le poids de cette épaisse sphère au milieu de laquelle ma tête balottait comme une amende dans sa coquille.

Tous ces objets, plongés dans l'eau, perdaient une partie de leur poids égal à celui du liquide déplacé, et je me trouvais très bien dans cette loi physique reconnue par Archimède.

Je n'étais plus d'une masse inerte, et j'avais une liberté de mouvement relativement grande.

Il était alors 10h du matin. Les rayons du soleil frappaient la surface des flots sous un angle assez oblique, et au contact de leurs lumières décomposées par la réfraction comme à travers un prisme, fleurs, rochers, plantules, coquillages, polypes se nuancés sur leur bord des sept couleurs du spectre solaire.

C'était une merveille, une fête des yeux, que cet enchevêtrement de ton coloré, une véritable kaleidoscopie de verre, de jaune, d'orange, de violet, d'indigo, de bleu, en un mot, toute la palette d'un coloriste enragé.

Jules Verne, 20 000 lieux sous les mers.

Dans son entre, accroché à une écluse en bordure de Paris, Richard Goethe, auteur et journaliste passionné de littérature, évoque les livres qui ont contribué à faire de lui un écrivain.

Mais de quel matière mystérieuse se nourrit l'imaginaire d'un auteur ?

L'imagination c'est un muscle, donc il faut savoir l'entretenir à la fois dans notre rapport aux autres, c'est-à-dire à chaque fois essayer de proposer des jeux, voir des fictions, de faire naître des fictions le plus souvent possible.

Et dans les livres c'est vraiment ça qui est absolument passionnant. Je trouve jusqu'où quels sont les frontières du théâtre, du petit théâtre de Guignol qu'on est en train de fabriquer.

Et quel est l'espace ? Est-ce qu'on peut tout imaginer ? Est-ce que tout est possible ?

Et c'est vraiment vertigineux quand on a l'impression que tout est possible.

Mais deux dernières claques absolues de romans, c'est d'une part les détectives sauvages de Roberto Bolano, un écrivain chilien qui met en scène de manière totalement hallucinatoire la recherche de poètes qui ont marqué toute une série de leurs camarades.

Et c'est des témoignages de gens qui parlent de ces poètes-là, mais l'invention est dingue.

Et de l'autre côté l'art de la joie de Goliada Sapienza qui est la biographie d'une femme à la liberté majuscule, une émancipation sur tout le 20e siècle.

Et le livret que j'ai ressenti dans ces deux livres-là, c'est...

Tiens, je ne sais jamais ce qui va se passer au chapitre suivant, je ne sais jamais quel va être le tour de passe-passe romanesque, quel va être le destin des héros et des héroïnes.

Et surtout comment est-ce que l'imagination de l'auteur, sa capacité de rêverie peut déstabiliser ma position de lecteur, créer du bancal, me faire naître des images magnifiques, me faire rire, me faire pleurer, ne pas savoir en fait.

Il n'y a rien de pire qu'un roman qui suit son petit chemin, un roman bien ordonné.

Là c'est drôle, vous avez devant vous la grande beuvrie de René Dommal, le point de départ du bouquin, c'est simplement des copains qui boivent un verre jusqu'à vraiment beaucoup trop picolé.

Et au prétexte de ces hallucinations apparaît, l'expression c'est...

Je ne retrouve pas l'expression mais c'est je crois le dieu de derrière les fagots qui s'appelle Toto Chabot et qui est déguisé en nautruche.

Donc il apparaît à ses petits couleurs fous et il y en a un de ces deux qui trouve que cette apparition est géniale, qu'il le suit, qu'il ouvre une porte et d'un seul coup,

tout le roman c'est l'exploration de ce qui se passe sous le café et à toute une ville et chaque nouvelle pièce ouvre vers une nouvelle ville qui a ses propres règles et ses propres habitants et ses propres utopies

et vraiment je me suis dit peut-être que si je travaille beaucoup, un de ces jours, j'arriverai à faire un bouquin comme ça, mais parce que ça ne répondait à aucune règle,

c'est du surréalisme mais du surréalisme qui reste clair, accessible avec la main tendue au lecteur Wallah et Chris et je me suis dit quelle joie en fait une de nos responsabilités,

c'est pas simplement rapporter le monde contemporain tel qu'il existe avec ces injustices et les lignes de domination et les lignes de résistance,

ça peut être aussi de faire exister des mondes qui n'existent pas et d'explorer des fantaisies et d'arriver sous différents masques à raconter des émotions profondes.

Va ce programme !

Comme j'avais laissé mon troupeau d'idées noires auprès de la futail, je les y retrouvais.

Elle me sautère au cou avec des cris de joie, m'appelèrent petit oncle et me crièrent toutes sortes de paroles de tendresse comme « enfin, te vois la revenu, à ce qu'on est heureux de te revoir ».

Elle se pendait à mes cheveux, à mes oreilles, à mes doigts, m'enlever mes lunettes, renverser mon verre, salisser mon pantalon, m'éter des mies de pain dans mes chaussettes.

J'étais bien empêtrée. Pour les calmer, je me mis à leur chanter une chanson.

Peu à peu, elles s'endormirent et quand elles furent toutes endormies, je les prie une à une et leur attacher à chacune une pierre au cou et les tenant par les pattes de derrière, je les introduisis par la bonde de la grande futail.

Le triste petit floc, floc, que leur chute faisait, me fit fondre en larmes. Mais j'étais soulagé pour un moment.

La grande beuvrie renait de mal.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait,

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ce que j'ai fait.

C'est ça que je me souviens.

C'est ce que j'ậnrais.

Hey, it'd be so long without you there

Hey, it wouldn't be fair

It wouldn't be fair

Hey, there's nobody home already there

Hey, it wouldn't be fair

France Inter

La Source

Là où naissent les livres

Avec Richard Guité, bercé par le bruit de l'eau

dans sa cabane accrochée à une écluse,

nous parlons de ce qui vient en premier dans la vie d'un écrivain

l'écriture ou la lecture

Ah ben c'est sûr c'est la lecture, au démarrage

il n'y a pas d'écrivain dans ma famille

donc du coup le geste d'écrire lui-même me paraissait

même pas exotique, c'était pas sur ma planète

donc je suis d'abord un modeste lecteur

oui j'ai lu le livre qui a été demandé

et j'essaye de voir ce que ça fait naître en moi

mais quand même, à l'école, il y a quand même le plaisir de la rédaction

La fameuse

La fameuse rédaction, est-ce que vous pourriez nous raconter vos vacances

et il y a un souvenir un peu primordial de

est-ce que Richard peut lire sa rédaction sur ses vacances en Provence

et de pouvoir se lever et de faire rire la classe

et de créer des émotions à l'évocation des orques de Marine Land

par exemple à Antibes

ça, il y a une satisfaction de ça

mais je dois ajouter un autre exercice très très très important

et quelque chose qui a peut-être un peu disparu

c'est avoir des correspondants

c'est-à-dire écrire aux copains et aux copines qu'on a rencontrés en vacances

parce que moi je pense qu'entre 10 et 16 ans

j'envoyais 2 à 3 lettres par semaine

et ça c'est mon premier rapport à l'écriture

c'est ses milliers de pages envoyées

comment le début de la lettre, la fin de la lettre

est-ce que je rajoute des dessins

est-ce que j'invente des fausses publicités

et ça, le fait de pouvoir le mettre et de l'envoyer

penser à un lecteur ou à une lectrice

et de faire le texte le plus personnalisé approprié

premier exercice intéressant, important

comment de ces lettres, de ces nouvelles et de ces lectures

n'est le premier roman que vous avez écrit et publié

eh bien...

donc en arrivant à Paris

je connais un copain

je connais qu'une seule personne

avec qui j'étais la fan

c'est pas Xavier, bonjour Xavier

on l'embrasse

Xavier me présente toute une bande de jeunes gens

qui sont plutôt journalistes, qu'on a tous le même âge

et il y en a 5 ou 6 dans cette équipe-là

qui ont des vérités d'écriture

on écrit des petites nouvelles

donc on forme un groupe qui s'appelle le cercle des poètes disparates

qui se réunit

parce qu'on fait vraiment tous des choses assez différentes

et qui se réunit une fois par mois

dans l'appartement de la lettre nous

avec on doit se donner une contrainte de forme et un sujet

et donc du coup

pour moi j'adore ce rendez-vous

parce que ça me donne des délais

je suis obligé de produire un texte

les deux contraintes me font sortir des choses de moi-même

qui étaient accidentelles

et la confrontation avec la lecture des autres

de savoir qu'est-ce qu'ils comprennent

de cette poésie, de ce western, de cette pièce de théâtre

est-ce que c'est palpitant, est-ce qu'ils s'ennuient

ça me donne, on fait ça pendant 1 an

et ça me donne une sorte de rythme de discipline

et à ce moment-là, exactement pendant ces années-là

j'apprends que mon père

a vécu une double vie pendant 18 ans

et qu'il a un autre enfant

et une autre compagne, liaison

20 minutes de chez nous et absolument personne n'est au courant

et comme vous pouvez vous en douter

donc j'ai donc une demi-sœur

et vraiment

sans avoir l'idée d'en faire un roman

je me mets à prendre des notes

sur tout ce qui me traverse

à l'énoncer de cette révélation

tout à fait surprenante

l'un de mes mentors en écriture

dis que très souvent dans une famille

il y a l'un des enfants

qui est désigné comme celui

qui reçoit la parole des autres

et qui est censé la faire circuler

et de temps en temps, cette personne devient

ou comprend qu'elle doit être un artiste

et malheure sur elle ou sur lui

elle écrivra une écrivel

et moi je vois que ça a été ma fonction

c'est plutôt celui qui fait circuler la parole

et j'ai passé pas mal de temps

d'une part, et c'est vraiment fondamental

à motoriser

à transformer ces notes

qui s'apparentaient plus à un journal intime en roman

à me dire que

leur histoire était en fait mon histoire

avec ce matériel personnel

qui pouvait en faire quelque chose

voir, folie, leur rendre public

le faire lire à d'autres

et que en réalité

j'étais peut-être bien en train d'en faire un roman

voilà

et tout ça m'a pris 5 ou 6 ans

entre le moment où je commence à écrire

spontanément

en gros 10 jours

ou 15 jours après la révélation

et le moment où j'ai l'impression que

je viens d'écrire un dernier chapitre

je vais le relire, je vais le corriger

et je suis bien sûr que si quelqu'un

un jour tombe sur ce truc là

notamment mes parents, mon frère, ma sœur

est-ce que c'est ok ?

est-ce que j'ai dit dans toutes les nuances

la manière dont j'ai ressenti cet événement

ok

est-ce que c'est pas un règlement de compte

est-ce que c'est d'abord une déclaration d'amour

pour ces personnes-là

est-ce que littéralement je m'y retrouve

est-ce que dans ma pratique de l'écriture

que je suis allé

vers ce qui me semble être

un truc qui tient debout

et qui tente des choses sur le plan du style

ok

et maintenant il faut de nouveau s'autoriser à

je l'imprime

et je l'envoie à des visions d'édition

alors que j'ai pas de contact dans ces milieux

et que je suis tremblotant

je me dis

qui va vouloir lire ces histoires-là

et donc

ça sort

sous le titre Les Urpals

en 2013

...

si tu savais comme je m'en veux

mon père le répétait

à mesure qu'on avançait sur la rocade

et ma bouche, ma gueule

mon corps entier recroquevillé

dans cette peugeot bleu marine

traduisait un point d'exclamation

permanent rectiligne

si tu savais comme je m'en veux

je crachais des points d'exclamation

des points d'exclamation

il y en avait sous mon siège, sous mon pull

dans mes chaussures

ces points me démangeaient

et j'en trouvais dans mes oreilles

je me grattais les oreilles

et j'en dénichais deux, trois

mon père se balançait sur son volant

parler, parler

changer les vitesses

et poursuivait sa déposition

papa

qui est cette femme ?

d'où elle sort ?

depuis combien de temps ça dure ?

allez

je la connais depuis vingt ans

c'est une femme comme ça

son pouce est debout

c'est quoi son métier ?

sage-femme

elle a quel âge ?

comme moi

je te jure, je te jure

c'est quelqu'un de bien

elle aimerait beaucoup te rencontrer

ta soeur je te jure

elle en a bavé

ce n'était pas facile

la faute à qui papa ?

la faute à qui ?

je sais, je sais

mais c'est une fille bien

comme sa mère

j'ai quelque chose coincé dans les dents

papa

quand est-ce qu'elle est née ?

quand ?

quel jour au fait ?

le 9 novembre

comment ?

oui, le 9 novembre

je tiens mes dents

tu veux dire la veille de mon anniversaire

la veille

je tousse

je tire la langue

et des points d'exclamation

j'en retire des dizaines

certains me coulent des narines

me sortent de la peau

avec un goût de goudron

poids

je m'exclame

je tape sur mes genoux

ça c'est trop fort

ma soeur secrète

est née la veille de mon anniversaire

six ans après

je m'exclame

c'est une plaisanterie

non non

ta deux familles

ta deux maisons

deux de tes gosses

son nez à six ans d'intervalle

six ans moins un jour

je rote un point d'exclamation

c'est un film, papa

c'est incroyable

je sais, pardon

au moins t'es régulier dans tes désirs

pour un flic

tu vises juste

cette ordonnée

c'est bien rangé

et pendant un moment

il n'a plus rien dit

sinon répondre à mes questions

car des questions

j'en avais

les heures pâles

Richard Guetté

après ce premier roman

qui est publié

vous continuez à écrire

vous continuez à publier

qu'est-ce qu'il fait qu'on continue ?

alors que je ne savais absolument pas

si ce premier roman allait être édité

ou pas

je pars en vacances avec un copain

sur une île cyclade

et m'y connaissent

alors qu'on pense qu'on va vivre

une dix jours de bas canal

absolument extraordinaire

de fat non stop

sur cette île là

on est coincé

parce qu'il y a une grève des ferrilles

donc on ne peut plus partir

et surtout vu qu'on est mi mars

tout est fermé

il n'y a aucune boîte

il y a juste 2-3 bars

on est vraiment les premiers touristes

de la saison

on est très bien reçus

d'ailleurs

mais voilà

et en fait

vu qu'il n'y a rien à faire

et qu'il ne fait pas beau

avec cet ami-là

on a l'étrange idée

de louer un quad

et on fait le tour de l'île

à 22 km heure

et je pose des questions

racontez-moi c'est-il

le reste de l'année

quand les fêtes ont disparu

quand il n'y a rien

et quand il y a juste vous

les grecs

en train de faire vivre

ce petit bout de Méditerranée

et je vois qu'on me raconte

des histoires géniales

et qu'ils sont vraiment

comiques, burlesques

en contraste

avec le ratage total

de ces vacances

d'abord pour moi

et ensuite pour mon pote

je me dis

je vais mettre en forme

le matériel

et pareil

il y a un moment où je me dis

non mais

la stricte restitution

de ces aventures

ça ne suffit pas

pour faire un roman

donc il faut que je trouve

qu'elles sont les chevilles

qui permettent

de faire tenir

debout le récit

la vraie semblance du récit

et surtout

il faut que je trouve une résolution

parce que nous on est revenus

on est simplement

rentrés chez nous

alors que ça ne fait pas un roman

donc je cherche

je cherche et je finis par trouver

et pareil

je me dis

ça se trouve

ce truc là il ne sortira jamais

mais j'ai su tellement heureux

de le fabriquer

je me dis

on a touché un truc

à la fois de ridicule

et de passionnant

et j'ai capté quelque chose

d'un petit bout

d'un côté

la culture grecque

et d'un côté

l'hédonisme touristique

un peu relou et stupide

et ça serait bien d'arriver

à le peindre

voilà

et de livre en livre

je commence d'abord par me dire

je suis

comment dire

écrasé par des perceptions

par des pensées

des associations d'idées

et à un moment je me dis

soit c'est trop drôle

soit c'est trop beau

soit c'est beau et drôle

et il faudrait le fixer

il ne faut pas que ça disparaisse

nous avons loué un quad

au carénage orange

et avons parcouru

l'intérieur des terres

au panthéon des véhicules ridicules

un quad orange

motorisant 2 touristes français

hors saison

au hasard des routes accidentées

dans des pointes à langes

jusqu'à 23 km heure en montée

possède sans nul doute

la puissance comique

des meilleures pièces d'aristophane

pour les contemporains d'aristophane

comme pour les rares badeaux

qui croisaient interleukés

nos facièses amusées

un voile terne de nuage

continuait d'envelopper Mykonos

et je m'interrogais

quant à la proportion de résidents secondaires

appartenant à des étrangers

parmi toutes les mensardes abandonnées

que nous dépassions

en fendant l'air triste

à cheval sur notre pauvre payage

en chemin

vers Anomera

l'autre seule cité habitée

nous avons longé un gigantesque nightclub

le queen

lié à celui des Champs-Élysées

en plein air avec piscine

et circuit de cartes

et j'entrevoyais ce que pouvait donner

deux semaines de vacances

en alternance de farnianeté

et de bamboula

de rush et de chill

de substance

et de souvlakis

une expérience du corps

de la nuit

et de l'Europe

ces mirages

me frapperont souvent

aux abords de plages emblématiques

idéalement baptisés Paradise

et Super Paradise

en regard de ce que nous loupions

nous les ailleries de la fin mars

des gens qui se mélangent

des excès

des zones humides

le temps qui s'effiloche

j'en arrivais à considérer

que les chats errants

innombrables

grouillants dans la ville

pouvaient être des réincarnations

de clubbers défins

terrassés par la fréquentation

des terrasses

et nous

eh bien

nous ne penchions

dans les virages

pour prendre un peu d'aspiration

sur le courant

Découvrez Mykonos hors saison

Richard Goethe

Quelles morceaux de musique

vous avez choisis

pour cette émission ?

Où devrais-je aller ?

C'est la dernière chanson

du deuxième album

du groupe Mustang

et je crois que c'est une question

que je me pose en permanence

je fais partie

de ce club

d'Écrivain

qui refuse

de faire toujours

le même livre

et donc je me demande toujours

mais

qu'est-ce que je vais bien pouvoir

faire après

quel est le nid

ou le petit temple

un cas qui pourrait

abriter mon imagination

et

c'est assez drôle parce que

dans

la magnifique

première phrase

devrais-je aller ?

devrais-je aller ?

Pour

trouver

et ensuite il se demande

pour cacher le trou

que j'ai dans le coeur

et quelque chose comme ça

je me suis dit

mais est-ce que c'est pas

une évocation de rainbow

et quand j'étais en train

d'écrire mon livre

sur rainbow, rainbow warriors

je vais quand même aller

l'interroger

pour lui demander

mais est-ce que

si c'était le cas

j'aurais intégré

mon amour pour cette chanson

au livre là

et en fait

il m'a dit pas du tout

c'était vraiment

il a laissé venir

son imagination

et du coup

j'aime bien ce genre

d'interprétation fossée

mais

cette chanson

c'est la même

une obsession personnelle

qui elle viendra beau

c'est être indépendant

n'importe où

devrais-je aller ?

Pour

trouver

la foi

mais où

devrais-je aller ?

Pour être

enfin

chez moi

J'ai vogué

sur le nid

l'Amazon

J'ai parlé

toutes les langues d'Asie

J'ai vogué

sur le nid

l'Amazon

Mais je ne suis

l'autoctone

d'aucun pays

Je changerai

à chaque porc

le nom de mon bateau

me disais

j'en quittons le nord

pour les pays chauds

mais tant d'autres aventuriers

m'avaient précédé

Le monde était moins sauvage

que j'avais espéré

J'ai pas vraiment

frôlé

la mort

Je n'ai rien ressenti

de fort

devrais-je aller ?

Pour

trouver

la foi

mais où

devrais-je aller ?

Pour être

au fond

chez moi

...

Tu désires confier à des inconnus

Le soin de valider

ce qui t'est le plus intime

Tu réalises le malentendu

Tu veux être un héros

au milieu de tes semblables

Tu te rends compte que c'est grossier

Tu es décidé

à tout miser sur l'absolu

Tu aurais bien conscience

que tu vas perdre

Tu vas consacrer ton existence

au beau

Tu n'oublies pas que c'est du luxe

Et

tout cela

uniquement par le choix

de mots

de tournures de phrases

Tu dois savoir que tout le monde

au fond

s'en fout

ayant tout cela en esprit

Tu dois aussi te dire

que tu ne produiras pas de livres

qui te satisfacent

qu'une fois le livre achevé

tu ne trouveras pas d'éditeurs

que si tu en trouves un

tu n'auras pas de presse

que si la presse parle de toi

ce sera au mal

que même si c'est au bien

tu n'auras pas de lecteurs

ou quelques uns

mais pas de prix

pas de traduction

et qu'à aucun moment

tu ne ressentiras de satisfaction

parce que rien n'est en mesure

de continuer ce que tu vises

en écrivant

si tu arrives à prendre conscience

de tout cela

et que tu veux continuer

vas-y

mais

ne t'arrêtes jamais

écrit tout le temps

passe les moments de découragement

franchis les dizaines de pages nul

les chapitres à refaire

les phrases à recomposer

traverses les journées désespérantes

et la haine de toi

trouve ton bonheur dans le paragraphe

plus à toi

qui ne vient plus de toi

et qui pour cela est réussi

parce que c'est à force de vouloir

que tu arriveras à ce décésissement

c'est abandon

qui est le sens et la valeur de ton acte

qui n'a plus rien à voir avec ton désir

mais qui est tout de même

ce que tu cherchais

sans le savoir

enfin

je te dis ça

mais tu sais

on fait ce qu'on peut

Richard Goethe

quel texte avez-vous choisi

pour habiller cette émission ?

eh bien

j'ai choisi un texte

de l'écrivain français Pierre Jourde

c'est un texte

qu'il a tout simplement publié

en 2013

sur le site du Nouvel Ops

et je m'étonne

qu'il ne soit imprimé nulle part

je trouve qu'il met les choses à plat

cette position

qui consiste à s'extraire

d'une vie rentable

de la ville bureau

de la hiérarchie

des horaires bien définies

pour pouvoir

consacrer sa vie

à fabriquer de la beauté

il y a vraiment

une chance sur mille

que ça fonctionne

et c'est très long

et c'est souvent désespérant

mais

si c'est la voie

qu'on s'est choisi

eh bien il faut y aller

et il faut y aller

sans attendre la reconnaissance

sans se laisser piéger par l'orgue

et sans espérer les prix

il faut y aller quand même

il faut se dire

tant pis ça marchera pas

j'en ai besoin

et j'y vais

et j'écrirai quoi qu'il arrive

et

la deuxième chose importante

c'est le dernier paragraph

c'est

et tellement tu vas travailler

tellement tu vas creuser

y'a peut-être bien les pépites

qui vont surgir

et que tu ne l'avais pas prévu

et la littérature souvent

elle se situe là

sous la langue

sous les anecdotes

sous les sujets les plus consensuels

dans les bizarris

dans les accidents

voilà

c'est dit en 35 lignes

et

merci Pierrot

Prichard Gaété

on arrive au terme

de cette entretien

est-ce qu'il y a quelque chose

qu'on doit dire aux gens

eh bien c'est si le

peut-être qu'il faudrait

dire aux gens que nous ne sommes pas

devant une écluse

sur les berges de la Seine

et que nous avons

collégiellement

fait naître en eux

d'un point de vue strictement auditif

les pouvoirs de la fiction

j'ai décrit au début de cette émission

l'endroit où Alfred Jari

l'auteur du burroi

l'inventeur de la patta physique

science des solutions imaginaires

a été

je crois

le plus heureux de sa courte existence

puisqu'il est mort à 34 ans

1907 dans des circonstances misérables

il appelait cette remise

le bon royaume du barrage

c'était un petit endroit

qu'il louait aux aubergistes

chez lesquels

il allait se souler tous les midis

en compagnie de mariniers

qu'il surnommait Pommes Cuites

Petit poil ou jaune d'oeuf

et Jari pêchait son poisson

tous les matins

c'était l'essentiel de son alimentation

et dans cette remise

il a écrit en 4 ans 600 pages de chroniques

et c'est là qu'il a fini

son roman Le Surmal

qui démarre

ne l'oublions pas par cette phrase

qui est peut-être une bonne phrase de conclusion

l'amour est un acte sans importance

puisqu'on peut le faire indéfiniment

et il se trouve qu'en ce moment

je m'intéresse beaucoup à Alfred Jari

parce que je prépare avec des amis

une course cycliste pataphysique

qui aura lieu du 1er au 5 juillet

entre Saint-Brieux et Rennes

et nous serons habillés

en squelette avec des chapeaux melons

pour traverser la Bretagne

et refaire sur le tracé le M de merde

j'insulte préférer du burroi

et du coup je suis plongé

dans la vie et dans l'œuvre d'Alfred Jari

pour essayer de faire en sorte que cette course

soit quand même un peu solide

et j'ai été ému par la description

de la joie qu'il avait d'être tout seul

dans cette ancienne écurie

à composer ses fantaisies

Lettre d'Alfred Jari à Rachilde

amie Autrice

et compagne de l'éditeur du Mercure de France

Alfred Vallette

Malade et persuadée de sa fin prochaine

Jari a reçu l'extrême onction

lorsqu'il entame cette lettre

il ne décède qu'un an plus tard

Laval, 28 mai 1906

Le père Hübu cette fois

n'écrit pas dans la fièvre

ça commence comme un testament

il est fait d'ailleurs

je pense que vous avez compris

il ne meurt pas

pardon le mot est lâché

de bouteilles et autres orgies

il n'avait pas cette passion

et il eut la coquetterie

de se faire examiner partout

par les maires de saint

il n'a aucune tard

ni au foie

ni au coeur

ni au rein

pas même dans les jurines

il est épuisé simplement

fin curieuse quand on a écrit le surmal

et sa chaudière ne va pas éclater

mais s'éteindre

il va s'arrêter tout doucement

comme un moteur fourbu

et aucun régime humain

si fidèlement qu'il le suive

n'y fera rien

sa fièvre est peut-être que son coeur

essaye de le sauver

en faisant du 150

aucun être humain

jusque là

il est depuis deux jours

l'extrême loin du seigneur

était l'éléphant sans trompe

de Kipling

plein d'une insatiable curiosité

il va entrer un peu plus arrière

dans la nuit des temps

comme il aurait son révolver

dans sa poche accus

il s'est fait mettre au coup

une chaîne d'or

uniquement parce que ce métal

est inoxidable

et durera autant que ses eaux

avec des médailles auquel il croit

s'il doit rencontrer des démons

ça l'amuse autant que de poissons

notons que s'il ne meurt pas

il sera grotesque d'avoir écrit

tout cela

mais nous répétons que ceci

n'est pas écrit dans la fièvre

il a laissé de si belles choses

sur la terre

mais disparaît dans une telle apothéose

le père Ubu a fait sa barbe

s'est fait préparer une chemise mauve

par hasard

il disparaîtra dans les couleurs

du mercure

et démarrera pétrie

toujours d'une insatiable curiosité

il a l'intuition que ce sera

ce soir, à 5 heures

là-dessus, le père Ubu

qui n'a pas volé son repos

va essayer de dormir

il croit que le cerveau

dans la décomposition

fonctionne au-delà de la mort

et que ce sont ses rêves

qui sont le paradis

c'était La Source

une émission préparée par Fanny Le Roi

réalisée par Anne Vanfeld

à la technique Xavier Lévec

la semaine prochaine

je vais à Lyon

à la rencontre d'une illustratrice

pour qui la poésie est bien plus qu'un mot

une manière de vivre

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durée :00:56:37 - La source - Une heure à guetter l’imprévu, une heure à goûter les mots et leur capacité de faire naitre des mondes. Une heure en compagnie d’un journaliste et auteur qui, pour une fois, nous dévoile son propre univers.