La source: Ecrire la Résistance : Joseph Kessel le chant d'un partisan

Radio France Radio France 9/8/23 - Episode Page - 55m - PDF Transcript

François Sainter, maestro, générique.

Aujourd'hui dans un faire sensible, en direct et en public du livre sur la place à Nancy,

Joseph Kessel, le champ d'un partisan.

C'était il y a 80 ans, en 1943.

La France et l'Europe étaient encore profondément enfoncées dans la guerre,

les alliés encore loin d'avoir débarqué sur les terres françaises.

Les maquisards attendaient de l'infant et dans le froid,

alors que résistants par milliers et juifs par millions étaient persécutés, raflés, assassinés.

C'est à cette époque, au cœur de la nuit et du brouillard,

que surgissent de l'ombre et de l'ondre deux œuvres,

qui transforment la résistance française en épopée tragique et lumineuse.

Oui, l'ondre.

Parce que c'est là, quand cette année 43 débarque l'un des plus grands écrivains français de l'époque,

un journaliste, un romancier, mais aussi un juif, du nom de Joseph Kessel.

Et c'est depuis l'Angleterre qu'il écrit le champ des partisans et l'armée des ombres.

Le premier, l'hymne des résistants, pensé en quelques heures avec son neveu Maurice de Rion,

et l'armée des ombres, le grand roman de la résistance, rédigé en quelques mois

et, des années plus tard, adapté aussi de ma part Jean-Pierre Melville.

Mais comment parvient-on, en quelques chapitres, en quelques vers,

à transformer le combat d'individus éparpillés en un hymne et en un roman fédérateur ?

Comment Joseph Kessel écrit-il, au cœur du désespoir, l'épopée tragique et glorieuse de la résistance ?

Notre habite aujourd'hui, Pierre Asseline, journaliste écrivain, auteur, entre autres,

de l'UTC à Sigmaringen, plus récemment auteur du nageur chez Gallimard.

À faire sensile, une émission de France Inter diffusée en direct aujourd'hui à l'opéra Nancy,

récit documentaire Romain Weber, rédaction en chef Franconnière,

chargé programme Rébecca Donante, documentation sonore Claire Tesser,

violoniste sur ce plateau, Marie Lambert, lecture d'archive Olivier Dautré,

réalisation et mise en scène Frédéric Milano.

Fabrice Drouel, affaire sensible, sur France Inter.

Gervier dit à l'oreille de Le Grun, on ne lâche jamais un camarade chez nous dans la résistance.

Le Grun, c'était-tu ? La résistance, tu entends ? dit encore Gervier.

On dort toi avec ce mot dans la tête. Il est le plus beau en ce temps de toute la langue française.

C'est une nuit froide du début de l'année 42.

Quatre silhouettes se pressent en silence dans l'obscurité.

Autour d'elles, on distingue à peine le maquis, la côte et la méditerranée.

La scène se situe aux alentours de Monaco.

Et en tête de fil, un homme, la stature imposante,

larges épaules, gros bras, gros ventres,

montre le chemin, faisant signe, de ne pas perdre de temps.

Derrière lui, trois femmes.

Deux autour de la vingtaine, la troisième est leur mère.

Trois femmes juives.

L'homme qui les give, juifs, lui aussi.

Mais contrairement à ces trois protégés qui sont étrangeurs, lui est français.

Il s'appelle Joseph Kessel.

C'est quelques jours plus tôt qu'un certain Norman Stein,

un jeune russe de 22 ans habitant en France,

a demandé de l'aide à Kessel et à sa maîtresse,

une certaine germaine sablon.

Les nazis sont sur sa piste.

Et ce sont les camps qu'il attend et sa famille avec.

Kessel, lui aussi, et juif, on l'a dit.

Mais lui aussi est d'origine russe.

Alors il accepte immédiatement des décès gens qui lui ressemblent

et qui sont en détresse.

Il leur a obtenu de faux papiers,

à cacher Norman Stein,

et il met maintenant sa famille en sécurité

avant qu'il ne prenne la route de la Suisse.

Mais, ayant regardé de plus près,

si on ouvre bien les yeux pour percer la pénombre,

il semble en réalité que ce ne soit pas quatre individus

qui se faufuillent sur ce sentier de la Côte d'Azur,

mais cinq.

Oui.

Kessel tient dans ses bras un enfant,

un tout petit enfant.

Il n'a pas encore deux ans.

Et il a peur, ce petit.

Il veut pleurer.

Or, il ne faut pas qu'il pleure.

Il ne faut pas que ce cri brise le silence.

Alors, Kessel porte sa grande main sur sa petite bouche

et sens sur sa paume aussi large que le visage de l'enfant.

La laine chaude,

le souffle humide de ce petit garçon d'enjeu de mort.

Peut-être, à ce moment précis,

se remémort-t-il le reportage qu'il a effectué dix ans plus tôt,

en 1932, quand il est parti dans les quartiers de Berlin

pour en ramener des éclairages sur une peste qui gonflait

et qui s'appelait le national socialisme.

Peut-être, se souvient-il plus particulièrement de cette soirée,

ou dans une brasserie de Düsseldorf.

Il avait été un parmi des milliers

à assister un discours d'Adolf Hitler.

Il raconte.

Il s'est mis en transe.

Et alors là, j'ai commencé à comprendre

l'Empire qu'il exercait sur son public.

Il était tellement amoureux de lui-même,

tellement persuadé de son propre magnétisme

et de son propre pouvoir

que, peu à peu, il le communiquait.

Il s'est mis en transe.

Et alors là, j'ai commencé à comprendre

l'Empire qu'il exercait sur son public.

Il s'est mis en transe.

Et alors là, j'ai commencé à comprendre

que, peu à peu, il le communiquait aux autres.

Et à mesure qu'il criait,

moi, moi, moi, l'Allemagne, c'est moi, l'Allemagne, c'est vous,

moi, vous, je ferai de vous l'Allemagne,

il les intoxiquait complètement

et exercait sur eux une espèce d'hypnotisme.

La guerre.

Joseph Kessel la boit poindre au fil des années

se transformait en menace mortelle.

Mais qui est-il Kessel en 1940

alors que les armées allemandes entrent en France ?

À 42 ans, il avait avoir un ancien combattant

engagé volontaire à 16 ans dès le début de la première guerre.

Il a vu les morts, les blessés, les souffrances.

Il a servi dans l'aviation

et il en garde un goût pour la fraternité,

pour la vérité même et des souvenirs traumatisants.

Les visages qui ne ressemblent plus à rien,

l'odeur des corps qui pourrissaient l'écrit

des hommes grand-poutes.

De sa guerre, il a fait un roman d'équipage.

Parce que Kessel est un écrivain célèbre et prolifique.

En 1940, il est l'auteur de plus de 40 livres.

Belle de jour, marché d'esclaves,

mis de balles perdues, des grands succès

et surtout des romans inspirés du vrai.

Parce qu'avant d'être écrivain, Kessel est journaliste

Le journalisme, dit-il, c'est l'école du romancier.

De fait, il n'y a pas beaucoup d'endroits depuis 20 ans

où il se soit passé quelque chose et que Kessel ne soit pas les voir.

Il rlande, liban, la Syrie, la Palestine, les bandits parisiens,

les marchands d'esclaves, la guerre d'Espagne.

Kessel accumule les voyages et on revient avec des reportages.

Mais de cette matière, il ne fait pas que des articles.

Il en extrait l'essence pour écrire des romans et des films.

Mais Kessel, c'est un écrivain qui transforme le réel en fiction.

C'est un romancier reconnu pour son extraordinaire capacité

à comprendre l'histoire pendant qu'elle se crée.

Alors, en juin 1940, il fait son travail.

Voilà deux décennies qu'il va au-devant des champs de bataille.

Et bien ce sont eux désormais qui viennent à lui.

Kessel est correspondant de guerre à quelques heures de Paris.

Et la voie est en libre.

La ligne Magineau débordée, la puissance allemande a frappé vers le centre de la France.

Voilà ce que c'est que la guerre.

La guerre ne consiste plus en place prise, en victoire ou en défaite.

Mais la guerre, ça veut dire que des gens moyens qui travaillent au champ,

à l'usine ou au bureau, qui vont parfois au théâtre,

sans fuite, affamée, pris de panique, sans ressources et sans amis.

Parce que dans un monde égoïste, ils étaient seuls.

Ils restaient maintenant à en finir avec l'Angleterre.

Une Angleterre fatiguée et toute seule.

Deux juins 1940, Nord-Pas-de-Calais.

Et sur les routes défoncées, nous voiterole à contre-corons du flot des réfugiés.

À son bord, Kessel est un photographe

qui s'offrait un chemin entre les carioles, les vélos, les chevaux.

Au bout de la route, c'est dans un guerre carré.

Là, bloqué.

Les soldats anglais français se font harceler par les allemands

et tentent avec les moyens du bord de franchir la manche pour sauver leur vie.

Au milieu des chaos, Kessel a peur et plus que d'habitude.

Pendant deux ou trois heures, dit-il, j'ai eu la plus belle trouille de ma vie.

Mais s'il se donne temps de mal pour témoigner, ce n'est pas que pour faire son métier.

Non, il y a quelque chose dans la violence et dans la peur qui le fascinent.

Il s'en explique plus tard.

Si je m'exposais ainsi, c'est que chez moi, depuis toujours, le goût du risque était le plus fort.

Voir sur dix kilomètres des milliers d'hommes sous le bombardement ennemis

assistés aux chassés croisés de torpilleurs, de croiseurs, de bateaux à roues, de voiliers,

se mêler à cet armada dépareillé, affolé, c'était un cadeau pour un correspondant de guerre.

Au risque de paraître cynique, et malgré l'horreur des morts et des blessés

parmi lesquels je pouvais figurer d'une seconde à l'autre,

j'ai trouvé le spectacle d'une beauté hallucinante.

Et la débâte les succès de la catastrophe.

L'armée au pouvoir de Pétain et sa demande d'armistie soulagent certains,

et en indignent d'autres, alors.

Dans quels catégories ce site utile Kessel,

lui qui sait si bien lire l'histoire en marche, comprend-il en juin grande

que Pétain finira d'enfoncer la France dans le désastre ?

Eh bien non, parce que Pétain joue double jeu,

pense Kessel, il n'abandonnera pas.

L'écrivain, ancien de XIV,

se souvient de ce maréchal à la fin de l'autre guerre.

Il l'admire comme tant de Français avec lui.

D'ailleurs, il en a fait le portrait dans son premier portage.

C'était le 14 juillet 1919 sur les Champs-Élysées.

Il se souvient des acclamations, des pleurs,

le héros de Verdun sur un cheval blanc,

fier, habité d'écrit, simple et grand comatréon fater Rome.

Alors, Kessel reste en France.

La question lui traverse les prix, tout-même,

mais il reste, d'autant qu'il connaît du monde ici,

et il le plutôt bien vu du nouveau gouvernement

qui a tout intérêt à séduire un journaliste de son importance.

Et tant pis si son nom figure sur la liste

des livres et auteurs interdits parce qu'il est juif.

Tant pis si les juifs sont bannis du journalisme et du cinéma,

Vichy lui assure qu'il aura une dérogation.

Il faut dire qu'il a aussi en France des repères

qu'il ne veut pas abandonner sa mère, sa femme et de maîtresse.

Mais c'est peut-être quelque chose de plus profond

qu'il empêche de quitter un pays dont il n'a toujours pas la nationalité,

un pays qui a accueilli ses parents, juifs,

fuyant l'antisémitisme de l'Europe de l'Est.

Peut-être même que son patriotisme l'empêche

et, pour la première fois, devoir juste, devoir droit.

Il écrit à son frère.

Je n'en peux plus de cette monstrueuse aventure.

Je ne me voyais en Angleterre que comme combattant.

Alors tu es des Français, je ne peux pas.

Sauver la France, malgré elle,

on peut le risquer intérieurement

si on a 20 générations derrière soi qui ont été de France.

Moi, vraiment, je ne sais pas si je peux lever la main

sur ceux qui m'ont reçu, enseignés, grandis.

Et puis, qu'est-il dans une autre lettre ?

J'ai hâte d'avoir peur.

Mais de quelle peur, parle-tu ?

Parce que, de 1940 à 1942,

il ne prend pas beaucoup de risques.

Il habite sur la côte d'Azur, dans une ville-là,

côté de celle de sa maîtresse.

Il ne vedait de la variété.

Il travaille ses romans, il écrit des chansons

avec son neveu, Maurice de Rion.

Très doué pour ça.

Alors qu'ailleurs, les résistants, eux,

s'organisent et se font tuer.

Qu'est-ce qu'elle en est loin et il se sent coupable.

D'autant qu'au fil des mois,

la confiance dans Vichy évidemment se brise.

Alors, le voilà qui prend une pause

dans le roman qu'il occupe pour en écrire un autre,

les mots de rue.

L'histoire d'un père et de son fils,

des paysans du Nord, qui entrent en résistance.

Ce roman, c'est le premier à la gloire des partisans.

Mais, pour la première fois,

les personnages qu'il décrit,

ne sortent que de son imagination.

Il ne les connaît pas, les résistants,

et en inventé, ne le suffit plus.

Angoisse, dégoût,

sens de mon inutilité,

écrit-il à son frère.

Mais peut-être, va gentirer quelque chose.

Oui, c'est bien cela.

Faire quelque chose,

trouver des camarades pour lutter,

se rendre utile,

ne pas s'inscrire dans la courte des attentistes.

D'autant que l'humiliation continue.

A Paris, son visage est affiché

dans l'exposition dissémite.

Le juif est la France.

Regardez ce nez.

Regardez ces traits,

cette implantation des cheveux

tellement typiques des juifs.

Alors, qu'est-ce que celles

ressoquent l'un des mieux constitués

en cette fin d'année 1941 ?

Une organisation dans laquelle

il a la surprise de retrouver

Germaine Sablon.

Mais oui, sa maîtresse

qui depuis des mois lui cache ses activités.

Il se souvient,

20 ans plus tard.

Et dans les midis,

j'ai fait partie d'un

réseau de résistance

où j'ai fait

ce que

beaucoup de gens ont fait.

J'ai transporté des armes,

j'ai transporté de l'argent,

beaucoup d'argent.

J'ai procédé

à des embarquements clandestins

quand la zone libre

a été occupée

et que je vivais déjà

avec de faux papiers

et que j'étais ensemble brûlé

la décision de gagner l'Angleterre.

Londres, enfin, au bout du chemin.

Parce que l'année 1942 est terrible.

L'étoile jaune,

les milliers de Juifs raflaient,

envoyés dans des camps.

Il aura sauvé la famille de Normand Stein,

sa mère, ses deux sœurs et son jeune neveu.

Mais à la fin d'année,

il s'agit de se sauver lui-même.

Car l'Allemagne envahit la zone

dite libre et la Gestapo a caissé

l'enviseur.

Alors il part, avec Germaine Sablon

et Maurice Drion.

C'est Drion, justement, son neveu.

Près que son fils en réalité,

qui trouve une filière dans les Pyrenees

pour passer la frontière espagnole.

Drion, lui, n'est pas juif.

Il ne risque pas grand-chose.

Mais trop attaché à son oncle,

trop remonté contre Vichy

et en quête d'héroïsement,

il part également.

Arrivé en Espagne, c'est une longue épopée

pour gagner le Portugal.

Et le 21 janvier,

qu'est-ce que les Drions partent pour l'Angleterre.

Germaine Sablon les y rejoindra.

Je n'avais plus d'attache, dit Kessel.

Je n'avais plus rien.

Et pourtant, jamais je m'étais senti

aussi libre.

Quelques jours plus tard,

il a rendez-vous, par très loin,

dans un grand bâtiment carré

aux quatre Carleton Gardens.

On l'accompagne jusqu'au deuxième étage,

la porte d'un grand bureau

s'ouvre.

Et apparaît un homme dont les Français

depuis trois ans ne connaissent que la voix,

le général de Gaulle.

Kessel est intimidé.

Il a, face à lui, un être mythique.

En tout cas, c'est comme ça qu'il voit les choses

comme tant d'autres.

De Gaulle, lui, a enfin grand écrivain

dans son bureau. Une plume

dont il connaît la capacité à transformer

la vraie vie en roman.

Peut-être, enfin, l'écrivain de la résistance,

dit-il.

Kessel voulait se battre.

Mais de Gaulle avait d'autres projets.

Vous voulez être utile.

Alors écrivez un livre

pour apprendre au monde

ce qu'est la résistance française.

...

...

Écrire un livre sur la résistance.

Quand de Gaulle lui demande

que Kessel ne bidit pas

qu'il en a déjà écrit un,

les maudres, qu'il a acheté

deux ans plus tôt, et dont il a laissé

l'unique exemplaire à sa mère en France,

avant de partir.

Il ne lui dit pas, peut-être,

parce qu'il n'en est pas satisfait.

Mais, plus sûrement,

parce que là, depuis Londres,

il peut reprendre ses habitudes

puis ocher dans le réel

pour construire une fiction.

Alors, il lui faut des histoires,

des personnages, des drames.

Pour écrire le roman de la résistance,

celle qui, en ce début de 1943

lui décimait que jamais.

Alors que les maquilles se remplissent

et se font harceler,

il lui faut partir en reportage.

Mais cette fois, pas bien loin.

Dans les bureaux du BCRA,

les services secrets de la France Libre

ont lui sort quelques dossiers.

Et dans des endroits que Kessel

affectionne particulièrement,

les bars.

...

Situé sur St. James Street,

le petit club remplit chaque soir

de Français et de Françaises.

Certains à Londres, depuis longtemps,

d'autres qui ne sont que de passage

avant de repartir en mission.

Ils se réunissent dans cet endroit

enfumé, bondé,

qui leur donne un semblable goût de la France.

Au mur des affiches montrent

la Normandie, le pays basque et les châteaux de la Loire,

avec aussi des portraits de Maurice Chevalier

et de Charles Treine.

Et on y croise les grands chefs de la résistance.

...

Ces histoires ne sont pas toutes glorieuses.

Il y a des évasions

de grands moments de joie et des morts

héroïques, bien sûr, mais il y a aussi des drames

qu'on aimerait oublier.

Des trahisons, des meurtres, au sein même

de la résistance.

Médéric, résistant du côté du contentin,

lui raconte un soir un triste épisode.

...

Un jeune qui l'avait recruté

et qui a fini par trahir.

Et bien, c'est Médéric qui s'est chargé

de la sanction. Il a dû le tuer.

Ah, ce n'est pas un beau travail à faire,

dit-il, mais j'étais responsable.

En écoutant ces drames,

qu'est-ce que c'est le mesure, cet héroïsme,

cet engagement qui n'a pas été le sien ?

Le fait d'écrire sur des gens

qui se battent alors que soi-même

on est plus ou moins à l'abri

est toujours

à mon sens délicat.

Et puis, en commençant

à fréquenter

les Français de Londres,

surtout ceux qui touchaient de près

au-delà de la résistance,

j'ai compris que c'est peut-être

ce que j'avais de mieux à faire

d'écrire de mon vieux

ce qui se passait en France.

À vrai dire,

je n'ai jamais eu aussi peur

en commençant un livre

que celui-là.

L'écriture de l'Armée des Ombres avance laborieusement

et Joseph Kessel doit composer avec une contrainte

dire la vérité

mais éviter d'exposer les résistants

qui racontent les histoires.

Le roman publié

Vichy et les Allemands les pucheront

pour recouper les affaires avec celle qu'ils connaissent.

Il fallait que tout fût exact

dit Kessel et en même temps

que rien ne fut identifiable.

Autre contrainte,

ce ne doit être ni de la propagande

ni de la fiction. Non,

l'Armée des Ombres est un témoignage

presque brut.

Parce qu'il n'est pas nécessaire d'embellir la résistance.

C'est la dureté de la mission qui la rambelle

par l'héroïsme.

Nesse alors de ses rencontres

quelques personnages.

Philippe Gerbier, chef de réseau placide

accomplissant sa tâche sans gloire

ni fierté.

Le biseau, ancien légionnaire, la force brute.

Mathilde, la logisticienne

déterminée

avec comme seul point faible son amour

pour ses enfants.

Mais Kessel a du mal à écrire.

Il se perd dans les bars, dans l'alcool,

la fête triste.

Et puis un jour,

Emmanuel Dastier de la Vigérie,

chef du mouvement Libération Sud,

vient le solliciter pour autre chose.

Rien, lui dit-il.

Rien unit les hommes au combat comme une chanson.

Il nous faut ce lien

et c'est vous qui devez nous faire notre

chant de guerre.

Et Kessel,

de se rappeler les chansons qui composaient

pour Germaine Sablon avec son neveu Maurice

de Ruyon sur la côte d'Azur.

Bon, les paroles, ce n'est pas un problème.

Mais il faut un air,

une mélodie.

Et au petit club français, précisément.

Il y a une jeune femme,

une franco-russe qui chante à la guitare.

Elle s'appelle Anna Marielli.

Elle a ressorti de son répertoire

une vieille chanson soviétique

qu'elle avait en tête et

qui ressemble à ça.

À l'écoute de cette chanson,

Kessel s'est meu.

Évidemment, lui dit Germaine Sablon,

c'est russe.

Oui, parce que de la Russie,

de cette ère originnelle,

Kessel gardera toute sa vie

une grande nostalgie.

Cette ère,

une musique en rythme lourd,

guide Ruyon,

dramatique, l'ancienant,

est utilisée depuis quelques jours

comme édicatif d'une émission

de la France libre

intitulée Honneur et Patrie.

C'est cela qu'il nous faut liquer

Kessel à Germaine Sablon,

qui elle-même hurrait que la même chanson

depuis des semaines.

Cette ère,

il a dans la tête le dimanche 30 mai,

jour de la Sainte Jeanne d'Arc,

quand il se rend dans une petite auberge

à la campagne avec Ruyon et Germaine Sablon,

qui racontent.

Ce jour-là, il faisait beau temps.

Nous étions aux environs de Londres.

Nous avons été sur la plouse.

Il y avait Maurice Ruyon, Joseph Kessel et moi.

J'avais sur mes genoux mon cahier

parce que je travaillais l'anglais toujours.

Alors sur mon cahier,

j'ai écrit les couplets à mesure qu'il me disait.

Et puis ça s'est passé entre 3 heures de l'après-midi

et 5 heures à peu près.

À 5 heures, la chanson était faite.

Nous sommes rentrés dans le petit salon de l'hôtel

et là, on a joué

d'un doigt au piano.

Et nous avons chanté le chant des partisans.

On avait trouvé tous les couplets que nous voulions.

On ne savait qu'on n'a jamais mis

d'ailleurs le fermier, mais le feu à thèmeux,

les choses comme ça, mais on n'a jamais pris cela.

En 2 heures, Kessel et Ruyon mettent en verre

ce qu'ils animent depuis 2 ans.

Comme si tous les thèmes,

le vol noir, des corbeaux,

les barreaux, des prisons, les amis qui sortent de Londres,

comme si tous ces thèmes avaient muré

en ne pas dans ces longs mois d'action

très relatives.

Ils ne connaissent pas le maquis.

Mais ils en reconstituent l'atmosphère,

la peur, la fierté, la soif de vengeance.

C'est un chant de fraternité, guerrier,

qui unit toutes les classes de la société,

paysans, mineurs, ouvriers.

Un chant virile aussi,

sans femme.

Le soir même, il le chante devant

une assemblée de résistants.

Et l'émotion est immense.

La résistance à son hymne.

Anna Marley l'avait appelée

partisanski, le partisan.

Ils deviennent

le chant des partisans.

Peut-être dit alors que c'est l'adrillon,

peut-être tout ce qui restera de nous.

Et nous, qui brisons les barreaux

des prisons pour nos frères.

La haine à nos tous,

c'est la fin qui nous fous,

la misère.

Et dans des pays

où les gens creusent du lit

qu'ont des rêves.

Et nous, qui brisons les barreaux

des brisons pour nos frères.

Les rêves.

Ici nous voient-tu,

nous on marche et nous on tue,

nous on crave.

Qui chagne, c'est ce qu'il fait,

ce qu'il fait, pas d'une base.

Amis-t-il, il tombe un ami

sur l'embre à la place.

Des mains du son noir,

sécheront au grand soleil

sur les rouges.

J'ai pris compagnon

dans la mine à liberté,

sous les rouges.

Diffusé par la BBC,

le chant des partisans devient

en pleine guerre un chant fédérateur.

On le siffle dans les maquilles

des Alpes, du Sud-Ouest,

des Vosges, partout en France,

on l'entonne dans les prisons,

on le chante pour se reconnaître

et les paroles sont parachutées

sur des milliers de tractes

tombant confittis sur la France,

disséminant l'appel à la vengeance,

disséminant surtout l'espoir.

C'est à l'image du chant des partisans

une résistance brutale,

irrespirable, sans pitié.

Il en est au chapitre 5.

A présent d'en raconter l'évasion

de Philippe Gerbier, son personnage principal,

l'exécution insoutenable

d'un traître à la façon dont Médiric

lui avait raconté l'exécution d'un résistant

et il arrivait à Londres de Gerbier

qu'est-ce qu'elle rédige un chapitre singulier.

Il l'appelle

les notes de Philippe Gerbier.

C'est une suite d'épisodes très court,

chacun racontant un fragment du réel,

une histoire que qu'essaient de transmettre.

Des imprimeurs arrêtés,

des chemis d'eau fusillés,

un curé qui plante des réfractaires

au travail obligatoire en Allemagne,

un vigneron qui cache un chat

chez lui en attendant la libération.

Le poème d'un jeune résistant écrit

pour un ami exécuté à 17 ans

et la détermination froide

de toute la résistance

dans les mots de Luc Jardy, le grand chef

d'un roman.

Nous savons que nos soldats changent

100 fois de nom et qu'ils ne possèdent

ni abris ni visages.

Ils vont en secret dans des chaussures informes

sur des chemins sans soleil et sans gloire.

Nous savons que notre armée

effamélique est pure,

qu'elle est une armée d'ombre,

l'armée miraculeuse de l'amour et du malheur.

Et j'ai pris conscience ici

que nous étions seulement les ombres

de ces ombres et le reflet

de cet amour et de ce malheur.

Et cela surtout, Jherbie, valait la peine.

L'armée des ombres est achevée

en septembre 1943.

Entre le début

et la fin de sa rédaction,

beaucoup de choses ont changé dans la résistance.

Jean Moulin est mort,

torturé par la gestapo.

En vérité,

chaque semaine de la rédaction du livre,

il est arrivé en France sans que qu'elle le sache

ce qu'il était en train d'écrire.

L'armée des ombres paraît en Algérie

en novembre 1943.

On y lit dans la préface

de la main de Kessel.

La France n'a plus de pain,

de vin, de feu.

Et surtout, elle n'a plus de lois.

La désobéissance civile,

la révélion individuelle

ou organisée sont devenues devoirs

envers la patrouille.

Le héros national,

c'est le clan destin,

c'est l'homme dans l'illégalité.

Tout ce qu'on va lire ici a été vécu

par des gens de France.

Le général de Gaulle est l'un des premiers lecteurs

et il en est satisfait.

La résistance

dispose enfin

d'une histoire fixée,

gravée d'une référence.

Mais Kessel, lui, ne l'est pas.

J'ai terminé un livre

sur la résistance qui m'a coûté un mal infini,

qui n'est pas aussi bon que le sujet le mérite,

mais qui tout de même existe,

dit-il à son frère.

Avichy, on tente

d'égratigner l'œuvre, et évidemment,

et Philippe Henriot, l'une des voix

de la collaboration, prend le micro.

On s'est mis une émission

de la voix de l'Amérique en français,

sur un livre

qui vient de publier Joseph Kessel

et qui s'appelle

L'Armée des Onts.

Tout le monde a lu des ouvrages de Kessel.

Certains d'entre eux témoignent

d'un talent décrivain

d'une singulière puissante.

Mais Kessel est juif.

Ils connaissent le genre de littérature

qu'ils vendent à New York.

Ils la fabriquent sur commande.

Et quand on ne les explique pas chez nous,

c'est le moins qu'on puisse demander.

L'Armée des Ombres est interdite,

évidemment, dans la France occupée,

gouvernée par une dictature

à la solde d'une autre.

Et dans les faits, bien peu d'exemplaires

circulent en France avant la libération.

On le lit en Angleterre

et en Algérie, mais pas en métropole.

L'Armée des Ombres,

c'est d'abord un roman mythique

dont on parle sans l'avoir lu.

Et c'est en 1945

que l'ouvrage entre

dans les librairies et dans les foyers français.

Alors que la victoire est là,

mais qu'elle est amère,

qu'on pleure les morts

et qu'on compte les blessés.

La France lit le récit de la résistance

du temps où la victoire était encore loin.

C'est le témoignage le plus beau

et le plus complet

sur cette période tragique

qui fera du roman de Kessel

un film, le grand film,

de la résistance.

Jérusalem, 11 avril 1961

Joseph Kessel est en reportage

dans une ville qui s'apprête

à vivre des jours douloureux.

Les souvenirs de la Shoah

reviennent hantés et les rescapés.

On juge Adolf Heichmann

le planificateur de la solution finale.

Dans le box,

le nazi n'a ni émotion ni remords.

Un témoin rappelle

une conversation dans laquelle

il ne savait plus s'il avait teu

5 millions, 500 millions

ou 6 millions de Juifs.

Et soudainement,

devant cet homme qui avait froidement

organisé le génocide,

un souvenir remonte à la mémoire de Kessel

assis dans le tribunal.

Un souvenir de la guerre,

un souvenir d'avant le champ des partisans

et d'avant l'armée des ombres,

une nuit sur un sentier de la Côte d'Azur.

La famille était composée de 3 femmes

et d'un petit garçon qui n'avait pas 2 ans.

Le refuge était loin.

Je sentais les femmes à bout de force et d'angoisse.

Je dû porter l'enfant.

Il eu peur d'abord de ses brins

connus et voulu crier.

Je fus obligé de lui mettre une main sur la bouche.

Et dans le prétoir

où l'on jugait Heichmann,

il me semblait tenir encore

ce corps léger, cette haleine chaude,

innocente contre ma peau

et ce cœur minuscule qui battait

à foler comme un oiseau à l'agonie

contre ma poitrine.

Alors,

et en multipliant par millions,

juant cet instant le sentiment vrai,

la pleine mesure

est encore possible

de toutes les terreurs,

de toutes les larmes,

de toutes les clameurs,

de tous les silences désespérées

et de tous les tourments dont Heichmann avait été l'ouvrier

à la face du monde.

Heichmann est condamné à mort.

30 ans après son reportage

en Allemagne,

30 ans après le meeting

délirent d'Hitler dans une brasserie de Düsseldorf,

Joseph Kessel

boucle ce jour-là le dernier épisode

d'une enquête au long cours

qu'il aura occupé de ses 30 à ses 60 ans.

Ce jour-là, à Jérusalem,

en sortant du tribunal

il se souvient en particulier

du souffle de l'enfant,

de ses sensations dans la paume de sa main

qui font de lui aussi

une ombre de l'armée

qui l'a transformée en légende.

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Marie-Laure-Bert, au violon.

Olivier Dautré, à la lecture des archives,

je vais répéter le nom de notre violoniste,

Marie-Laure-Bert.

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Aujourd'hui, le chant des partisans,

notre évité, Pierre Asseline.

Bonjour.

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Alors, une question sensible.

L'affaire sensible, pour le coup,

la persecution des Juifs, la Shoah,

c'est quand même l'absence

de la mémoire de la résistance,

pour le citer qu'un exemple,

le général de Gaulle n'en dit pas un mot

dans ses mémoires de guerre.

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durée :00:54:09 - Affaires sensibles - par : Fabrice Drouelle - Aujourd'hui dans Affaires Sensibles, en direct et en public du Livre sur la Place à Nancy : Joseph Kessel le chant d'un partisan