Hondelatte Raconte - Christophe Hondelatte: Amoureuse d’un criminel : Sigrid - Le récit

Europe 1 Europe 1 8/14/23 - 33m - PDF Transcript

Voici l'histoire vraie et dérangeante de Sigrid, une française qui tombe amoureuse

d'Alan, un américain condamné à mort pour double meurtre et qui se trouve dans le couloir

de la mort d'une prison de Floride aux Etats-Unis.

Histoire que je tire du livre Les Mets Meurtriers de Marine Maséas aux éditions du Rocher.

Sigrid a accepté du débriefé elle-même sa propre histoire.

Vous pourrez écouter son interview dans un deuxième podcast disponible sur votre application.

J'ai écrit cette histoire avec du al-dhélieu-le-veu, réalisation Céline Lebrun.

Je m'appelle Sigrid. Je suis né en 1981, c'est-à-dire l'année de l'abolition de

la peine de mort en France. Naivement, je me dis que c'était un signe.

Car aussi loin que je m'en souvienne, j'ai toujours été contre la peine de mort.

A l'école primaire, je détestais les histoires de guillotine dans les camps d'histoire.

Et à l'adolescence, quand j'ai découvert que les Etats-Unis exécutaient des hommes

et parfois dits mineurs, ça m'a choqué énormément.

Alors, j'ai voulu communiquer avec un détenu dans le couloir de la mort.

Et c'est comme ça que quand j'ai accès à Internet, après mon bac, je découvre

l'existence de James, un carcéré en Florine. Et je lui écris, « Chers James, j'ai lu

plusieurs de vos chroniques sur le Net et je les trouve très intéressantes.

Accepteriez-vous de correspondre avec moi ? »

Je n'ai aucune idée de pourquoi il a été condamné. Et en vérité, je m'en fiche.

Pour moi, c'est le système qui est inacceptable. On ne peut pas programmer la mort de quelqu'un,

quoi qu'il est fait. Et je me dis qu'apporter un soutien et de l'humanité à James

sera ma façon de militer à mon échelle.

En 2014, je me mets à la recherche d'un détenu plus jeune qui corresponde un peu plus

aux préoccupations de mon âge. Je ne me rends pas du tout compte à quel point cette décision

va changer ma vie.

Un soir, je vais sur un site d'annonce qui offre de correspondre avec des détenus. On me

demande des critères. J'en choisis de l'âge entre 25 et 35 ans, et la mention Death Row,

couloir de la mort. Et là, le profil d'un certain Alan s'affiche. Avec une photo,

comme sur les sites de rencontre. Les autres mettent des photos torsennues,

pas lui. Lui ne cherche pas de relations amoureuses. Et ça tombe bien, moi non plus.

Il écrit qu'il cherche quelqu'un pour partager des histoires de vie. C'est simple, et ça me parle.

Alors, je sais qu'il y a des femmes qui écrivent aux condamnés à mort pour pimenter leur vie.

Mais pas moi. Cela dit, il est beau garçon. Chatin aux yeux clairs, le crâne rasé,

la mâchoire carré. Sur la photo, il porte la blouse orange réglementaire. Sa présentation

est assez courte. Il a 26 ans. Il est condamné depuis 5 ans. Il donne sa taille, son poids,

sa ville d'origine, son signe astrologique et ses centres d'intérêt qui se démarquent un peu

des autres. Je m'intéresse à la philosophie, à la théologie et aux différentes cultures.

Je suis ouvert à tout type de correspondants, sans critères de race, de gens ou de religions.

Et tout à la fin de son profil, il y a son casier judiciaire. Si Alain est dans le couloir de la mort,

c'est pour avoir avec trois complices volés, enlevés, puis enterrer vivant un couple de

retraités. Moi, ça ne m'effraie pas. Même un tueur d'enfant, je pourrais lui écrire.

Au moment de lui envoyer ma première lettre, j'ai quand même quelques craintes. Et s'il était

en bout de course, et s'il était exécuté bientôt, je ne veux pas créer de lien avec

quelqu'un qui va mourir prochainement. Je sais que j'aurai beaucoup de mal à m'en remettre,

surtout si nous devenons amis. Nos premiers échanges sont un peu bateaux. On se présente.

Par exemple, je lui parle de mon père qui vient de mourir d'un cancer. Et lui,

me parle de sa mère atteinte du même mal, mais qui a guéri. C'est une porte d'entrée vers

des conversations autour de la mort, de la santé, vers des sujets profonds.

Et très vite, Alain devient un confident précieux. Je peux vraiment tout partager avec lui. Je me

sens libre et écouter, être 100% soi-même avec quelqu'un. C'est un rêve. Et puis, il s'exprime

très bien. Il était rudi pour quelqu'un qui est en prison depuis ses 18 ans. Il a beaucoup lu,

il s'est instruit seul. Je suis sensible à ça. À part ça, par rapport à moi, son parcours de

vie est très tourmenté. Moi, j'ai eu une vie banale, une famille classique. Je n'ai jamais fumé

une seule cigarette, ni jamais touché à la drogue. J'ai toujours été sage dans les clous, alors que

lui, mes parents ont divorcé quand j'avais 6 ans. On était trois garçons et donc ma mère nous

a élevés seuls. Elle travaillait beaucoup, donc elle n'était pas souvent là. Et moi, j'étais livré à

moi-même. J'ai commencé à boire de l'alcool et à 12 ans, j'ai essayé la drogue. Mais je suis devenu

à con. Pour avoir ma dose quotidienne, je volais. Je volais pour le compte de 10 heures. Jusqu'à

mon arrestation, j'étais complètement à la dérive. Et voilà, on s'écrit deux à trois lettres par

semaine. Et j'ai reconné que c'est difficile d'attendre ses réponses. Du coup, je lui ai écrit

avant même de recevoir ses lettres. On a trop de choses à se dire. On se comprend vraiment bien.

Alain est une bonne personne.

Je m'aperçois, au fil de nos lettres, qu'Alain cherche de l'amour, aimer et être aimé. Il est

romantique. Moi, mes histoires d'amour n'ont jamais été vivantes, ni fougeuses, ni passionnées. J'ai

connu trop de désillusions. J'ai laissé tomber cette utopie. Le grand amour, je n'y crois plus. Mais

maintenant, quand j'entends le bruit du vélo du facteur par la fenêtre, je dévalle les escaliers

de l'immeuble pour récupérer mon courrier. Et si je le loupe, je descends trois fois à ma boîte pour

vérifier et reverifier. C'est presque une dépendance. Alain me rend heureuse. Mais je n'envisage pas

de relation. Alors que lui, trois mois après le début de notre correspondance, il m'écrit une

longue lettre de 30 pages. Tu sais, nos échanges m'ont beaucoup fait avancer. Mais j'ai un réel coup

de cœur pour toi. Je suis attiré par toi. Et puis je te trouve belle. Je jouais à balètre un

formulaire de visite. Au cas où tu voudrais venir me voir un jour.

Je suis flatté. Mais ça me fait peur. Jusque-là, nos lettres n'étaient que du bonus dans ma vie. Alain

était un confident idéal. Mais moi, à côté, je fréquente des zones. Jamais, je n'ai imaginé

entretenir une relation avec lui. Il est loin, en prison, et en plus dans le couloir de la mort. Alors

oui, j'aime ces mots. Je me suis attaché à lui. Mais être en couple avec lui ? Non. Non. Mais maintenant,

il faut que je lui réponde. Est-ce qu'il n'y a pas 20 autres filles qui t'écrivent de la même façon ?

Et puis c'est si bien écrit. Est-ce qu'on va se plaire dans la réalité ? Si ça n'était pas le cas,

la déception serait immense. Poqu'il en soit, je serai heureuse de venir te voir un jour. Peut-être.

Et dans la lettre suivante, je joint le formulaire de visite remplie au cas où. Mais lui, cesse de m'écrire.

Je m'en doute, il a été vexé. Il a été blessé par ma lettre. Et ça dure 6 semaines. Et pour moi,

c'est un supplice. Je suis triste et déprimé. Comme je ne l'ai jamais été avant. Il me manque. Et je pleure beaucoup.

Pendant ce temps-là, moi, je viens d'avoir mon diplôme. Je suis censé chercher un emploi. Mais ne plus recevoir

de l'être de lui me plonge dans une lethargie. Total. Je reste chez moi. Je ne fais rien. Je suis déprimé.

J'ai toujours eu du mal à comprendre les femmes qui tombent amoureuses d'homènes carcérées alors qu'elles ne les connaissent pas.

Sortes de groupies fanatiques dont on a le sentiment qu'elles sont folles. Et pourtant, c'est ce qui m'arrive.

Et je le vis très mal. Je viens de passer 6 ans avec un autre homme auquel j'étais attaché.

Mais je n'ai jamais eu pour lui cet étincelle. Il faut que je le sorte ma tête. Il faut que je le sorte ma tête.

Alors, je décide de faire des recherches sur son affaire. Ça va peut-être me dégoûter. M'aider à l'oublier.

Effectivement, son affaire est ignoble. Un couple de trans qui le retraitait, enlevés chez eux,

à qui on a soutiré leur côte de carte mancaire avant de les enterrer, vivant.

Les articles d'Iskala n'étaient l'instigateur de tout le monde.

Je n'arrive pas à les lire jusqu'au bout.

Enfin, c'est pas possible qu'il ait commis de telle fée. J'y crois pas.

J'y crois pas. Ça ne colle pas.

S'il me réécrit un jour ce que j'espère de tout cœur, je le rencontrerai et on en parlera.

Il aura force à le faire.

Et on en parlera. Il aura forcément une autre version.

Après six semaines de silence, alors que je n'y crois plus, je reçois des nouvelles d'Alan.

Et ces premiers mots sont « I love you ».

Je suis dans le couloir de la mort depuis 12 ans.

Jusqu'ici, je ne voulais pas avoir une histoire d'amour.

Je n'ai rien à offrir.

Et je veux me préserver d'un amour qui ne serait pas réciproque ou qui pourrait me blesser.

Mais j'ai été vraiment très triste de ne plus avoir de lien avec toi durant ces quelques semaines.

Alors, quoi que tu décides, j'accepterai ce que tu voudras bien m'offrir.

De l'amour ou de l'amitié, j'en prendrai mon parti.

C'est là que je prends la décision de le rencontrer.

Confronter à ce qu'il est en réalité, pour savoir si je ne l'ai pas idéalisé.

Et si je ressens vraiment de l'amour pour lui.

Deux mois plus tard, mi-décembre 2014,

me voilà devant les portes du centre correctionnel de Rayford en Floride.

Je me suis maquillé, mais pas trop. Je veux rester naturel.

Est-ce que je vais savoir quoi lui dire ?

Je suis nul en anglais.

Me voilà dans une grande salle avec des tables en métal fixées au sol.

Et là, il entre.

Qu'est-ce qu'il est beau ?

Quel sourire.

On s'embrasse.

Pendant les six heures que dure cette première visite, on rit.

On se prend les mains.

Il a un accent du sud des États-Unis incompréhensible.

Je ne comprends rien à ce qu'il me dit.

Alors on se contente de se regarder.

Et ça passe à une vitesse folle.

Pendant ces jours aux États-Unis, on se voit cette fois,

dont le jour de Noël.

J'ai l'habitude de ne pas passer les fêtes de fin d'année en famille.

Ça ne me prive pas du tout d'être ici avec lui.

Bien au contraire.

Et un jour de Noël dans le couloir de la mort,

eh ben je me sens à ma place.

Tant que je suis avec lui, je suis heureuse.

Mais m'engager auprès de lui,

c'est le risque de le perdre du jour au lendemain.

Pour l'instant, il attend une décision concernant l'appel de sa condamnation à mort.

Mais moi, moi si je m'engage,

je n'envisage pas ma vie sans lui.

De retour en Europe au Danemark, où je vis,

comment dire à mon entourage que je suis en couple

avec un homme condamné à mort pour un double meurtre.

Comment affronter leurs regards et leurs réactions.

Alors je poste sur ma page Facebook une photo de moi et d'Alan en détention.

Et en légende, j'écris un message succinct et volontairement imprécié.

Ce voyage a été déterminant pour moi.

Alan est quelqu'un d'exceptionnel et d'assez particulier pour moi.

Pas de question de dire clairement que je l'aime.

Je veux rester sur mon petit nuage et je ne veux pas gâcher mon enthousiasme

par des critiques ou des remarques ou traits de mes proches.

Au centre pénitentiaire de Rayford, Alan est immatriculé sous le numéro J35801.

Son quotidien, ce sont les barreaux, l'uniforme orange, les alarmes d'ouverture des portes

et deux fois trois heures de sortie par semaine en dehors de sa cellule de 5 m2.

A l'intérieur de la cellule, les murs doivent rester nus, aucune photo, aucun dessin.

Alan s'occupe, il dessine, il construit des miniatures en papier et en bâtonnée de bois.

Et puis il chante du death metal, il lit des ouvrages scientifiques et philosophiques.

Il est habitué à vivre avec cette peine de mort qui plane au-dessus de sa tête.

Il se consacre à l'instant présent, comme les bouddhistes.

J'ai commencé à dire les choses à ma mère.

Je pense qu'elle sentait arriver ce que j'allais lui révéler.

Bien sûr, je ne suis pas entré dans les détails de sa condamnation.

Je ne parle pas des retraités enterrés vivants.

Mais il n'y aurait pas un beau danois que tu pourrais rencontrer.

Non, maman, ça ne m'intéresse pas.

Je suis avec Alan et je veux être avec lui.

Mais il est quand même en prison. Il est condamné à la peine de mort.

Maman, si tu le connaissais Alan, tu arrêterais de me parler d'autres hommes.

Si tu veux, tu pourrais m'accompagner et tu comprendrais pourquoi je suis avec lui.

Et donc, en mai 2015, je vais en Floride pour la deuxième fois accompagnée de ma mère.

Il l'accueille en français.

Ah, bonjour madame. Est-ce que le voyage s'est bien passé ?

Comment allez-vous ?

Et il dit ce premier parloir. Elle l'adore.

Je l'ai trouvé gentil, charmant.

Et il est très beau. Je l'ai trouvé très attentionné avec toi.

Je ne t'ai jamais vu aussi heureuse, mais je me rassure.

La veille de notre dernier parloir, probablement encouragée par l'adoubement de ma mère,

Alan me prend les mains et il me dit,

c'est gris. Je n'ai jamais rencontré quelqu'un comme toi.

Tu es devenu le personne le plus important de ma vie.

Tu me rends tellement heureux.

Je ne savais pas que je pouvais aimer à ce point.

Même si on se voit peu,

je voudrais que l'on soit officiellement marie et femme.

Est-ce que tu veux bien m'épouser ?

Oui, bien sûr.

Je t'aime, donc...

Donc oui.

J'ai dit oui.

Et là, en guise d'alliance provisoire,

il me glisse au doigt une bague, tracée avec du fil de brotterie.

Si on se marie,

il faut que je vienne m'installer près de lui,

alors je consulte un avocat.

Il faut vous marier rapidement,

comme ça vous pourrez obtenir un visa d'épouse

et ça vous permettra de travailler sur le territoire américain.

La cérémonie aura lieu en prison.

Je ne pourrais pas éviter mon entourage.

Alors je le renvoie à un faire part.

Parmi les 60 amis et proches que je préviens,

seuls quatre me répondent.

Les autres me tournent le tout.

Ma sœur et mon frère me disent que je vais gâcher ma vie.

J'en caisse.

Si je veux poursuivre ma relation avec lui,

je vais devoir m'endurser.

Alain avait fait appel de sa compte,

Alain avait fait appel de sa condamnation à mort.

Elle vient d'être rejetée.

Je n'ai jamais abordé l'effet avec lui.

J'ai lu tous les articles consacrés à l'affaire.

Je ne veux pas croire à son implication dans ce double meurtre.

Il n'est pas le monstre qu'on décrit.

Je sais au fond de moi que sa participation au crime

n'est pas celle que décrivent les journaux.

Il me l'a dit.

Je ne ferai jamais de mal à une femme, tu sais.

Notre mariage a lieu le 23 avril 2016.

J'ai mis une Europe de patineuses des années 50.

Et lui n'a pas pu déranger à sa tenue réglementaire orange.

Ca se passe au fond de l'espace de visite.

Nous sommes là, mais enlacés.

À nos terres, lit un passage de la Bible.

Et puis on l'échange nos oeufs devant nos sept invités bouleversées.

Même les gardiens sont émus au l'art.

Aujourd'hui, je choisis sans hésitation ni doute mon époux.

Il est l'homme idéal.

Alain, tu es la personne à laquelle je pense en dernier quand je me couche.

Et la première à m'en réveiller avant même d'avoir ouvert les yeux.

Et rien, rien ne me rend plus heureuse.

J'admire et j'aime ton honnêteté, ta loyauté, ta force et ta résilience.

Tu m'inspires.

Je te promets d'être toujours à tes côtés

et de te soutenir dans les meilleurs et les pires moments.

Je veux que nous ayons des cheveux gris ensemble.

Et lui prononce ses voeux à son tour.

Te présence à mes côtés ses gris.

Dicte le temps.

Il est difficile de respirer quand tu es loin

et mes pensées sont troublées quand tu es là.

Je promets de traverser le feu et la pluie avec toi jusqu'à le fin.

Je promets de te donner tout de moi et de t'aimer tout entier.

Et puis nous échangeons nos consentements.

On a juste demandé de modifier une phrase.

On dit qu'on s'unit pour toujours plutôt que jusqu'à ce que la mort nous sait pas.

Et après ces brutels, ils le ramènent en ces lieux.

Ça a duré une demi-heure.

Une fois marié, je lui pose toutes les questions que je veux sur son affaire.

Je lis la transcription du procès.

Et je m'aperçois que son histoire est très différente des gros titres des journaux.

Tu sais, oui, oui, j'étais présent lors du cambriolage.

Mais je n'ai ni assisté, ni participé au mythe.

Il reste un petit espoir de voir sa condamnation à mort transformée en peine de prison à vie.

Mais quoi qu'il advienne, il ne sortira probablement jamais de prison.

À moins qu'un nouveau procès ne puisse avoir lieu.

Je voudrais avoir les moyens de lui payer un nouvel avocat.

Les siens ne se battent pas pour lui.

Mais financièrement, je ne peux pas.

De toute façon, je ne veux pas me donner de fausse espoir.

Je ne l'imagine pas rentrer à la maison un jour.

Je ne crois pas qu'on vivra ensemble.

Avant notre mariage, je l'ai dit que je ne pouvais pas lui promettre de rester fidèle.

Tu sais, Alain, je compte pas abandonner le sexe, hein.

Ok.

Ok, tu peux faire ce que tu veux.

Ok, tu peux faire ce que tu veux.

Ok, tu peux faire ce que tu veux.

Ok, tu peux faire ce que tu veux.

Ok, tu peux faire ce que tu veux.

Ok.

Ok, tu peux faire ce que tu veux.

Mais moi, je veux rien savoir.

Depuis, il a peur, bien sûr, que je rencontre quelqu'un qui m'apporte tout ce qu'il ne peut pas m'apporter.

Le sexe, la tendresse, m'emmener au restaurant et partir en vacances.

Mais en vérité, je ne suis tenté par aucun autre homme.

L'idée qu'une autre personne me touche me met mal à l'aise.

Avec Alain, nous avons très peu de contact physique.

Et ça me manque.

Je rêve de le prendre dans mes bras pour une durée illimitée.

Sans qu'on me dise...

Stop !

Comme le font les gardiens de prison.

15 mois après notre mariage, je m'installe aux États-Unis.

Dans un premier temps, j'habite chez sa mère, à Jacksonville, à environ une heure de voiture de la prison.

Il est prévu que j'y reste un an, le temps de trouver du travail et de faire des économies.

Les loyers sont chers aux États-Unis.

Le revers de la médaille, c'est que j'ai des moments de solitude dans ce pays où je n'ai pas de repères et pas d'amis.

Passer le forêt du premier mois, ça devient difficile.

Les semaines sont longues et j'attends avec impatience le dimanche pour voir Alain.

Mais je sais pourquoi je suis là et je m'accroche.

Selon le règlement du couloir de la mort, nous avons droit à deux câlins et à deux baisers par visite.

Et pourtant, 2018, je tombe enceinte.

Je baisse le pour et le contre.

Je serai maire célibataire, je serai la seule à m'occuper de mon bébé.

Comment est-ce que je vais lui expliquer plus tard pourquoi son père est en prison ?

Qu'est-ce que je lui dirai quand il me demandera ?

Dis maman, papa il va sortir bientôt ?

Et si Alain était exécuté, serait-il traumatisé ?

Mais bon, j'ai vu beaucoup d'enfants au parloir, ils ont l'air heureux.

Malheureusement, je perds cet enfant et je me retrouve seul dans une grande détresse.

Je tombe à nouveau enceinte, en mai 2019. C'est un garçon.

Comment on a fait ? Je ne vous le dirai pas.

Toutes les semaines, j'apporte à Alain les écographies.

Je suis heureux, je suis amoureuse et je vais devenir maire.

J'ai décidé de l'appeler Soren River.

Il naît le 17 janvier 2020.

Je fais tout de suite une visio avec ma famille.

Et ensuite, j'en vois une courte vidéo à Alain par mail.

C'est le seul moyen que j'ai de lui faire savoir qu'il est papa.

La première fois qu'il voit son fils, Alain en devient gagat tout de suite.

Et à partir de là, rien ne compte plus.

Dès le premier parloir, il lui donne le bibron.

Il le change comme un papa attentif.

Et là, arrive le Covid. Plus de visites.

Impossible de le voir pendant 8 mois.

C'est une période très dure. Je m'inquiète pour son moral.

Alors on s'écrit, je lui envoie des vidéos pour qu'il voit son fils grandir.

Mais ça me coûte sacrément cher.

25 dollars pour un carnet de 70 points.

Lui envoyer un mail coûte un point.

Et une photo, quatre points.

Sorène, je lui parle tous les jours de son père.

Pour qu'il ne l'oublie pas.

La direction de la prison,

nos potes du tout appréciés que nous ayons réussi à voir un enfant.

Alors je suis interdit de visites.

C'est ma belle-mère qui amène Sorène au parloir

pour maintenir le lien.

Pour moi c'est difficile.

D'autant que je n'ai aucune date.

Aucune perspective de revoir Alain.

C'est terriblement injuste et cruel.

Si je prenais pas des anti-dépresseurs,

je ne serais sans doute plus là.

En juin 2022, la justice finit par me donner raison.

Jusque là, je pensais ne plus revoir Alain.

En tout cas pas avant 2023.

Mais notre vie de couple et de famille

reste conditionnée par la prison.

J'aurais préféré une autre vie.

Plus facile, plus simple.

Oui, c'est une vie de sacrifice.

J'aimerais pouvoir dormir avec mon mari,

sortir avec lui au restaurant,

partir en voyage,

l'avoir près de moi tout simplement.

Ce n'est pas possible.

Je le sais depuis le début.

Je l'ai accepté.

C'est mon âme sœur.

On se complète.

On se comprend.

Il est un confident parfait.

Il est un partenaire de vie.

Il est un mari idéal.

Et puis un père impliqué aussi.

Les frontières, la culture,

la langue, la prison.

Rien.

Rien ne nous a empêchés de nous aimer.

Ni le candidaton,

ni l'enthousiasme mitigé de ma famille

ne m'ont dissuadé de rester auprès d'Alan.

Avec mes proches, c'est parfois compliqué.

Encore maintenant, ça ne passe pas auprès de ma mère.

Ça n'est pas la vie qu'elle voulait pour moi.

Ça fait peur de se dire qu'une jeune femme équilibrée,

épanouie, puisse tomber amoureuse d'un prisonnier.

Je comprends.

Qu'on dise qu'un homme comme ça, ça n'apporte rien.

Ni l'argent, ni la sécurité,

ni relations intimes,

ni avenir.

Et pourtant, il m'apporte autant.

Nous avons une intimité

qui est bien plus forte que celle que j'ai vécue avec d'autres partenaires.

Les gens et les médias

préfèrent verser dans la caricature

et nous décrire comme des groupes hysteriques

de tueurs sanguinaires.

On me dit parfois qu'être avec Alain,

c'est un manque de respect pour ses victimes

et qu'avoir un enfant avec lui est irresponsable.

Et comme mon fils héritra certainement des gènes de son père

et qui deviendra un tueur,

c'est d'une violence inouïe.

En livrant mon histoire,

j'espère faire évoluer les mentalités.

J'espère faire avancer

la tolérance du cœur.

Sous-titres réalisés par l'Amara.org

Sous-titres réalisés par l'Amara.org

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Sigrid tombe amoureuse d’un prisonnier Américain. Il est dans le couloir de la mort en Floride.