Hondelatte Raconte - Christophe Hondelatte: Amoureuse d’un criminel : Chloé - L'intégrale

Europe 1 Europe 1 8/15/23 - 43m - PDF Transcript

Voici l'histoire de Chloé qui, en 2016, enceinte jusqu'au coup, tomberait dingue d'un assassin

rencontré en prison. Et vous verrez, ça a failli très mal se terminer. Je dirais cette histoire

du livre de Marine Mazéas aux éditions du Rochelet, l'aimé meurtrier. Et c'est avec Chloé

elle-même que nous la débriefrons dans un deuxième podcast disponible sur votre application.

J'ai écrit ce récit avec Tuduel de Dieu le veut, réalisation Céline Le Bras.

Je m'appelle Chloé. En 2016, j'ai 29 ans et je propose mes services comme bénévole au

Chénépie. C'est une association qui propose du soutien scolaire et des ateliers en prison.

Et on me met au parfum dès le début. Vous devez savoir que, comme tous ceux qui interviennent

en prison, vous ne pouvez pas, vous ne devez pas entretenir la moindre relation, comment dire privée,

avec un détenu. À l'époque, je suis éducatrice spécialisée auprès d'administres

et adultes autistes. Mais je suis enceinte de quatre mois et mes patients peuvent être violents,

vu mon état impossible de continuer à travailler. Alors je ne connais pas du tout la prison,

je ne sais pas si j'aurai les épônes, mais j'ai envie d'éter.

La première fois que j'entre en prison, je suis observatrice aux côtés de bénévoles plus

expérimentés. J'apprends les règles. Les fouilles à l'entrée, à la sortie, les attendants

dans le sas, les alarmes, le bruit des clés. Et on me donne à nouveau des conseils.

C'est une aborde, surtout pas avec le détenu, le crime qu'il a commis. Et puis alors pas de

lien affectif avec lui pour éviter toute tentation de leur part. Je te conseille de

venir s'en maquillage et puis surtout avec des vêtements qui ne sont pas trop près du corps

ou qui dévoilent pas trop ta peau. D'accord ?

Tels premiers jours, ça se passe bien. J'ai un bon relationnel avec les détenus.

J'annime des ateliers, de jeux de société, des débats. Je donne des cours de soutien à

ceux qui s'y inscrivent. Ça me plaît et je me sens utile.

Quelques semaines plus tard, on me présente Loïc. Et comme on dit, dès la première

poignée de main, c'est un coup de cœur. Je suis comme appé par le long regard qui

me graisse. Son sourire, si beau, si charmant, son charisme. Je suis complètement déboussolé

par ce détenu de 24 ans. Bah voilà, j'ai arrêté mes études très jeunes et donc pour

trouver un emploi à ma sortie, je voudrais passer d'abord le brevet des collèges et

puis l'un c'est à paix quoi. Nous convenons que je lui donnerai quatre à six heures de

cours particuliers par semaine, en mathématiques et en anglais. Au début, même s'il me trouble,

je maintiens une distance prudente. J'ignore quel crime il a commis. Et si j'avais su,

bah j'aurais peut-être refusé. Bah voilà quoi, j'ai été condamné à 18 ans, mais

mon main peine a été ramenée à 15 ans. Mais c'est pas pour une affaire de meurs, j'ai tué quelqu'un.

Et là, il me livre les détails de son crime. À l'époque, il est sans abri et toxicomane depuis

plusieurs mois. Un homme luitant la main et propose de l'héberger et de le nourrir contre des travaux

de rénovation dans sa ferme. Un an plus tard, il le tue à coup de marteau, sans raison apparente.

Ce jour-là, il me parle aussi de son enfance, fracassée. Bon, en fait, je suis issu d'un viol.

Et puis après, j'ai été battu par mon beau-père, et puis on m'a balotté de foyer en famille d'accueil.

Et puis voilà, je suis tombé dans la drogue. Je me suis retrouvé dans la rue. Et dans la rue,

tu sais, soit tu survises, soit tu crèves. Ça me secoue tout ça. Je sens une volonté de s'en sortir.

Mais à côté de ça, il n'exprime pas vraiment d'en regret. En tout cas pas celui d'avoir tué.

Oh, mais j'aurais jamais dû me faire attraper. J'ai été mauvais.

Bon, de toute façon, ça n'est pas à moi de le juger. Je dois me concentrer sur mon rôle

d'enseignante bénévole. Mais il me trouble. Il me trouble toujours.

Pendant les temps de pause, Loïc se montre curieux. Et c'est quoi vos passions ? À vous,

quoi ? Vous loisir à l'extérieur ? Je lui réponds, mais sans donner de détail. Je ne

lui parle pas de ma famille. En tout cas, avec moi, il est très prévenant. Il reste à lui-même

ma chaise au début de chaque séance. Asseyez-vous. Alors, ça se pose bien cette grossesse ? Vous voulez

un verre d'eau ? Bref, entre nous, le courant passe déraisonnablement bien. Au point d'ailleurs

que nos discussions ne prennent pas sur les études. On se parle de plus en plus. Et on travaille de moins en moins.

Désormais, les surveillants ne passent plus tous les quart d'heure comme au début. Il n'y a pas eu

d'incident. Ils nous font confiance. Et donc, nous nous retrouvons dans une bulle toute douce,

agréable, un peu cotonneuse. Nos mains assez fleurent, nos jambes se touchent avec gêne,

mais avec envie aussi. Mais je ne suis pas toute seule dans ma vie. Je suis enceinte. Et pourtant,

tous les jours, je m'empresse de venir le voir. Et je suis triste quand je le quitte. Je suis amoureux

mais je refuse de me l'avouer.

Ça fait neuf ans que je suis en couple. Et je suis content d'avoir un enfant avec le papa. Je l'aime

profondément. Mais c'est vrai qu'il est peu impliqué dans ma grossesse et dans son rôle de futur

père. Il n'est pas là aux écographies, très peu au cours de préparation à l'accouchement. Il ne

participe pas à l'aménagement de la chambre du bébé. Il me dit que cette nouvelle responsabilité

l'angoisse. Moi, ça, je l'accepte. Mais je manque cruellement de soutien. Et ce soutien,

et bien je le trouve paradoxalement, auprès de Loïc, en prison.

Un homme qui a tué. Je me dis, je suis folle. Un jour, un chef de détention me dit. Eh,

faites attention. C'est un manipulateur ce gars-là. Et il est vrai que j'ai entendu dire

que Charmée Parloïc, une psychologue intervenante à la maison d'arrêt, avait demandé à cesser

la thérapie car leurs relations n'étaient plus professionnelles. Je garde ça dans un coin de ma

tête. À la maison, j'essaye de camoufler mes troubles auprès de mon compagnon. Je donne le

change. Mais dès qu'il est parti, je m'effondre. C'est fou quoi. J'ai l'impression de le tromper,

alors qu'il s'est rien passé. Mais mes brancées me font culpabiliser. Car, je vais très envie de

l'embrasser, Loïc. Alors en octobre, à un mois de mon accouchement, alors que la situation m'échappe

totalement, je décide d'arrêter. Je veux me concentrer sur ma vie personnelle. Même si dans

mon couple, ça ne se passe pas comme je l'espère. Je vais devenir maman. C'est tout ce qui doit me

préoccuper. Mais Loïc me manque. Juste avant mon départ, il tente une approche. Je vois bien que

t'es pas indifférente. Est-ce que je peux te demander ce que tu ressens pour moi ? Je ne sais pas

vraiment. Tu me perturbes. Ça, c'est évident. Mais bon, tu connais ma situation. J'espère que

j'aurais quand même noté nouvelles. Mais toi aussi, tu pourras m'en donner. Tiens, note mon numéro

de téléphone. Et il l'inscrit fièrement au feutre sur son avant-bras, comme un trophée.

En novembre 2016, j'accouche d'un magnifique petit garçon. Mais ce bonheur était un peu

terni par le peu d'investissement de son papa. Au fil des semaines, notre couple se délite. Et Loïc

est toujours dans ma tête. Et moi, à la maternité, je lui ai créé une lettre pour lui annoncer la

naissance de mon fils. façon de dire que même dehors, je ne l'oublie pas. Seulement voilà,

cette lettre est interceptée par les services pénitentiaires. Quelques semaines plus tard,

me voilà convoqué chez le directeur. Vous savez, je suppose, madame, que vous n'avez pas,

en tant que bénévole du génépi, le droit d'écrire à un détenu. Alors, vous n'avez pas signé votre

lettre, mais nous vous avons vite identifié. Ça n'a pas été difficile, puisque vous êtes la seule

femme enceinte à le fréquenter. C'est assez humilion et gênant. Il me conseille de me préserver de

lui. Et en attendant, mon permis de visite est suspendu, définitivement. Et Loïc est transféré

dans une autre prison à une heure de route. Je le prends comme un signe, même si ça me rend triste.

C'est l'occasion de passer à autre chose, de l'oublier.

Pendant ce temps, mon compagnon n'est toujours pas très présent. Il ne se lève pas la nuit pour

nourrir ou pour apaiser le bébé. Il part même au ski pendant son congé paternité. Et moi,

j'accumule beaucoup de rancoeur et de colère contre lui. Ça ne peut plus continuer. Je décide

de tout arrêter avec lui. Et c'est là, en mars 2017, au moment où je ronds avec le père de mon

fils que Loïc réapparaît. Quand je lui ai donné mon numéro de téléphone, je lui ai dit qu'il

pourrait me donner des nouvelles allocations. Et bien c'est ce qu'il fait. Alors, comment il va,

ce bébé ? Bien, bien. Très bien. Il va mettre ton mari ? Ça va ? Ouais. Enfin, pas trop en fait.

Écoute, si jamais t'as envie de venir me voir, tu sais où je suis.

Entendre sa voix m'a totalement déconcerté. J'ai de nouveau envie de le voir. Comme me dit

une amie, ça n'engage à rien après tout. Dès le lendemain, j'écris au service pénitentiaire pour

demander un permis de visite. Alors que j'étais professeur bénévole en détention, je donnais des

cours à ce détenu et un lien s'est créé. Je souhaiterais donc le voir, sachant qu'il ne reçoit aucune visite.

Et un mois plus tard, je reçois mon permis. Et tous les jours, je me demande si c'est une bonne idée.

Quand j'entre dans le petit box vitré du parloin, nos regards disent tout ce qu'on a

réfraîné pendant tant de mois. On se prend tout de suite dans les bras. C'est la première

fois qu'on se l'autorise. Et je retrouve son odeur si agréable. Tu sais pas à quel point tu m'as manqué.

J'ai essayé de t'oublier, mais j'y suis pas arrivé. Et à la fin du parloir d'une heure,

on échange notre premier baiser, fougueux, passionné. On a tellement attendu. Je ne sais pas où on va,

tous les deux. L'insuite me paraît vertigineuse, mais plus rien ne me retient. Tous mes doutes

se sont envolés. Je reviendrai le voir le week-end prochain.

Dans sa nouvelle prison, les parloirs se font dans de petits boxes vitrées dont les portes

sont au pas qu'en bas. Alors, pour ne pas subir le regard des surveillants, on s'assoit

portaire et on se crée à un cocon rien qu'à nous. Et là, plus rien ne compte. On est serré l'un

contre l'autre. On ne se lâche pas comme deux adolescents vivant leur premier amour. Et on

parle de tout. Je lui raconte mon côté dien, mais difficulté de maman dans l'éducation solitaire

de mon fils, par exemple. Oh, je suis sûr que tu es une bonne mère. Et moi, moi j'écoute sa vie

de prisonniers, ses préoccupations, son monde. Et quand j'entends le gardien annoncer...

Fin de parloir, c'est terminé pour tout le monde. C'est violent. Un déchirement.

Pendant la semaine, on s'écrit des lettres de plusieurs pas. Et quand arrive le week-end,

au parloir, on s'échange nos écharpes et même des sous-vêtements qui ont, comment dire,

notre odeur corporel.

Il m'a demandé de lui acheter une puce de téléphone qu'il glissera dans son portable,

car il en a un. Et du coup, il m'appelle le soir depuis sa cellule.

Ça va ? T'as passé une bonne journée ?

Au bout de quelques mois, on s'autorise une relation intime au parloir. Ça me met mal à

l'aise à cause des gardiens qui peuvent nous surprendre. Cette première fois n'est pas

aussi romantique qu'on l'espérait. Mais c'est comme ça.

Loïc progresse tous les jours. Je sens un apaisement émotionnel par rapport à son

passé et à ses actes. Il tient un discours positif sur sa réinsertion. Ça me donne plein

d'espoir tout ça.

Je le vois deux heures tous les week-ends et quand il y a un jour férié, je loge sur

place pour avoir un double parloir. Et le soir, dans ma chambre d'hôte, je parle avec

lui via son portable. Notre lien devient fusionnel, presque cadnaissant, emprisonnant.

Le reste de la semaine, quand il fait froid, j'enroule son écharpe bleu marie négrise

autour de mon cou. Et lui, dans sa cellule, sert fort mon t-shirt imprégné de mon parfum.

Je n'ai plus vraiment de temps pour moi. Enfin, c'est rare que je sorte avec des amis

ou que je parte en week-end. Je vois ma famille régulièrement. C'est ma seule distraction.

Dans sa prison, après le petit déjeuner et la douche réglementaire, Loïc rejoint son

atelier dans lequel il est manutensionnaire, façon de s'occuper et de gagner quelques

dizaines d'euros pour cantiner. Et l'après-midi, il fait du sport. Nous ne vivons rien

en commun. Nous ne partageons rien. Mais j'ai le sentiment qu'on ne construit pas véritablement.

J'aimerais bien partager des choses à l'extérieur avec lui.

Mais qu'est-ce que tu fais, Chloé ? Mais dans quoi tu t'es embarqué ?

Visite après visite, j'en apprends un peu plus sur lui. Avant moi, il a eu peu de relations

et il dit que ses petites amis l'ont déçu. C'est pour ça que la nôtre reste important

à ses yeux. J'ai que toi, Chloé. Personne d'autre que toi. Et moi, je deviens comme

toutes les femmes de prisonniers. Une femme qui attend. J'attends qu'il appelle. J'attends

ses courriers. Et surtout, j'attends qu'il sorte. Oui. Oui, je me suis un peu enfermé.

Centré sur lui. Sur notre histoire. Mais je suis très amoureux. Alors, je fais ce qu'il faut.

En attendant qu'il sorte. À côté de ça, je vis avec le poids du secret. Car c'est

un amour clandestin. Je n'en ai parlé à personne. Ni au père de mon fils, ni même à ma famille.

Il n'y a qu'une très bonne amie bénévolo-génépique qui est au courant. Je ne veux pas qu'on me juge. Et

surtout, je ne veux pas qu'on me retire mon enfant au prétexte que je serai folle de m'attacher

à un criminel. Alors, pour ne pas être démasqué, je m'invente des explications. Ce week-end,

ça ne va pas être possible. Je vais au cinéma avec une copine. Et bien sûr,

je camoufle les photos de Loïc dans une petite boîte à l'abri des regards. Je m'entends très

bien avec ma mère. Ça me fait le coeur de devoir lui mentir. Mais c'est mieux comme ça. Pour moi,

comme pour elle, pour la préserver. J'ai deux vies en quelque sorte. J'avoue que

Vigneur totalement qu'elle sera son comportement à l'extérieur. Je ne sais pas à quoi m'attendre

de la pardonnome qui est incarcérée depuis déjà cinq ans. Mais bon, ma seule envie, c'est de partager

des moments tendres, de bons moments avec lui dehors. Loïc a maintenant 26 ans. Ça fait cinq ans

qu'il est en prison. Et il vient d'obtenir sa première permission de sortie. Je serai son

garant. Il logera chez moi. Et dans ce cadre, je suis convoqué à la gendarmerie. Vous êtes

sur, madame, de vouloir la cueillir chez vous. Vous avez une bonne situation, stable et vous êtes

mère de famille. Oui, mais je sais qui il est. Je sais ce qu'il a fait. Je sais ce que je fais. Vous

savez, ces gars-là, ils sont forts pour manipuler les jeunes femmes comme vous. Faites attention. Et

il est vrai que ça ne va pas se passer exactement comme prévu.

Loïc fait sa première sortie un matin de février 2018. Il a droit à quelques heures autour de la

prison. Je suis heureuse. Et lui aussi. Il prend sa première bouffée d'air libre depuis cinq ans.

J'avoue que je suis un peu engossé. Je me demande si tout va bien se passer,

quoi. S'il aura un comportement adapté à l'extérieur.

On a réservé une chambre d'hôtel pour passer un moment, rien qu'à nous. Et en allant à l'hôtel,

on croise deux hommes qui me regardent. Sans plus. Il sert la mâchoire et il me balance.

Tu vas aller avec eux, c'est ça ? Il te plaît ? Mais non, Loïc, c'est juste un regard.

Ça fait partie de la vie à l'extérieur. T'es plus habitué. Et là, il se met à

m'insulter. Je mets tout de suite l'eau là et il s'excuse. Tout ça à écommandier.

Une déception. Ça n'augue rien de bon pour sa réinsertion.

C'est vrai que cette première sortie me laisse un goût amer. Je dirais que c'est un peu la douche

froide. Et la semaine d'après, eh bien son comportement change. Il devient plus nerveux,

moins patient. Il se met en colère si je ne suis pas disponible pour répondre au

téléphone en journée ou le soir. Il devient suspicious quand je sors avec mes amis. Il me

demande comment je suis habillé pour sortir. Moi je minimise. Il doit se réhabituer à l'extérieur.

Ça viendra. Et puis il a toujours les mots pour se faire pardonner. Il s'excuse plusieurs fois.

Il dit que ça se passera bien la prochaine fois qu'il sortira.

Quelques semaines plus tard, Loïc obtient une seconde permission d'une journée et une nuit

avec la permission d'aller chez moi. Il a deux envies. Il veut aller nager à la piscine et il veut

faire un bon repas. Alors je l'amène s'acheter en maillot de bain. Mais ça tourne au cauchemar.

Le moindre regard sur lui la graisse. Mais qu'est-ce qu'il me veut celui-là ? Je suis gêné.

J'essaye de le calmer. En prison, il a l'habitude que les détenus baissent le regard quand

il le croise parce que c'est un tueur. Mais plus tard, à la piscine municipale, il s'agace à

nouveau à cause d'un regard appuyé d'un maître nageur. Il est prêt à se battre avec lui. Il a le

point serré et un regard terrifiant. Alors je tente de le raisonner, mais il m'écoute pas.

Alors je sors et je quitte le bassin. Je suis déçu, désemparé et même mortifié et aussi un peu

effrayé par ce regard que j'ai aperçu, le regard d'un tueur. Et lui s'excusent. Il promet qu'il en

parlera avec sa psychologue à son retour en prison. Le dîner en tête à tête se passe bien.

La permission se termine sur une note plus douce. Et la séparation est difficile. Mais ça du terre

aussi. Et depuis, à chaque fois que je vais le voir au parloir, j'ai toujours autant envie. Mais j'ai

un peu plus d'appréhension. Mais pourquoi tu t'infliges ça, Chloé ? Est-ce que tu l'imagines

vraiment en famille ? J'étais parent. Au téléphone, il doute de plus en plus de ma fidélité. Tu vois

qui ? Tu fais quoi ? Des détenus jaloux lui ont fait croire que j'ai été vu avec un autre homme

dehors, ou carrément dans un film pornographique. On se dispute de plus en plus. Et ça devient

pesant et inutile. Tout ça me détruit peu à peu. Mais sur le moment, je m'en rends pas compte. Car il

y a encore de l'amour et de la tendresse. C'est bien pour ça que c'est difficile d'y voir clair.

Au début de l'été, nouvelle permission de deux jours plein. J'ai décidé de peser chacun de mes

mots, de contrôler mon regard pour qu'il ne soit pas mal interprété. Et pourtant, il se met en colère

dès les premières minutes. Pourquoi tu me tiens pas la main ? Je suis pas comme le fray, une femme amoureuse,

quoi. Et là, il entre dans une colère noire. Je développe des trésors de diplomatie pour le calmer.

Le soir, chez moi, une nouvelle dispute éclate. On est chacun d'un côté du lit, dans la chambre. Il me

hurle dessus. Et il m'insulte à nouveau. Et il a les points serrés, fermés. Il est ivre de rage. Et moi,

je reste près de la porte, prête à me sauver si besoin. Ah oui, il a tué quand même. On ne sait jamais.

C'est la première fois que j'ai peur. Le lendemain, j'organise une randonnée en pleine nature. Je me dis

qu'il appréciera le décor. Et l'isolement. Et là, pour une futilité comme une grenade, il dégoupille à nouveau.

Sauf qu'on est seul, au milieu de nulle part, près d'une falaise et d'une rivière. Je suis totalement

paniqué. Face à son maître 80, je n'ai aucune chance qu'il s'en prend à moi. Heureusement, ce jour-là,

l'auic en reste au mot. Bon, tu sais que l'auic, mes réactions, j'avoue qu'elle me dépasse. Je vais

continuer mon suivi psychologique et tout ça pour m'apaiser. Je veux y croire. Je refuse de laisser

tomber. Mais quelque chose s'est brisé. J'espace les parloirs. J'espace les courriers. Et je réponds de

moins en moins à ses appels. Ma seule bouffée d'air, ma petite bulle d'oxygène, c'est mon fils. Il est mon petit

bonheur. Quand je suis avec lui, je lui fais découvrir plein de choses. On passe les moments en prouves magiques.

Et la permission suivante tourne court. J'ai été trop blessé et trop déçu. Alors je préfère qu'il aille ailleurs que chez moi.

Mais lui, lui veut m'embrasser. Je le repousse. Il s'énerve. J'appelle un ami à lui pour qu'il vienne le

chercher et je m'enfuis. Et là, il tente de me rattraper dans la rue. Il m'agrippe. Et puis devant

le regard des passants, finalement, il me lâche. Entre nous, c'est fini. Fini, fini.

J'ai bloqué son numéro. Mais il a trouvé un autre téléphone. Je te retrouve. Tu verras ce que je

ferai à toi et ton fils. Et puis la fois suivante. Non mais je dis ça. Je t'ai en colère. Je te ferai

jamais de mal. C'est bien. Certains jours, il menace de se suicider. Il joue avec tous les ressorts

possibles. Et ça fonctionne. Je suis perdu. Mon ami me conseille de déposer plein de contre lui.

Je ne veux pas. Je préfère jouer la carte de l'apaisement. En revanche, j'appelle la prison.

Dites-moi, je voulais vous dire que je ne le recevrai plus chez moi. Ah bon ? C'est étonnant,

enfin. En détention, il se comprend bien. Il lui calme. Il n'y a jamais d'incident avec lui.

Il me faut un an pour me reconstruire. Avec, malgré tout, le sentiment d'un énorme gâchis.

Parce que j'y ai cru. Je me dis aussi que si je ne l'avais pas rencontré, ça se serait peut-être

passé autrement avec le père de mon fils. On n'a pas complètement coupé le pont avec Louis. Depuis,

il est sorti en semi-liberté. Et il m'a appelé. Il m'a appelé pour me dire que j'étais toujours

la femme de sa vie, mais qu'il n'interviendra plus jamais dans la mienne.

Je vous ai raconté l'histoire de Chloé, tombée amoureuse d'un assassin à qui elle donnait

des cours en prison. Elle rêvait d'une belle histoire d'amour, mais quand il est sorti de prison,

eh bien ça ne s'est pas du tout passé comme prévu. Cette histoire, je l'ai tiré du livre de

Marine Mazéa, sous éditions du rocher « L'aimer meurtrier ». Et vous êtes là, évidemment,

Chloé, pour débriffer votre propre histoire. Ça va ? Pas trop secouer ?

Mais ça va. Non, ça va. Vous avez encore des nouvelles de Louis qu'aujourd'hui,

je veux dire, depuis la sortie du livre ? Non, j'en ai pas eu dernièrement. Le dernier,

c'était en tout début d'année 2022, mais depuis, je n'ai plus une nouvelle justement.

Des coups de fil, hein ? Vous ne l'avez jamais revu ? Non, non, non, uniquement des coups de fil.

Vous savez s'il a une relation avec une autre femme ? J'en ai aucune idée. Il m'avait dit qu'il

avait discuté avec d'autres personnes, vu qu'il avait toujours un portable et accès à internet.

Il avait la possibilité de discuter, mais ça lui passait le temps.

À votre avis, il sera toujours dangereux pour les femmes ? Je ne sais pas si il sera dangereux pour

les femmes, mais je pense qu'il est déjà dangereux pour lui-même. Il arrive vraiment à se contrôler,

à gérer ses émotions, et c'est son passé qu'il rattrape et qu'il n'arrive pas à gérer tout ça,

donc tant que lui ne va pas bien, il ne pourra pas être bien avec quelqu'un.

Qui est au courant aujourd'hui de cette histoire, en dehors de Marine Maséas,

qui est recueillie votre témoignage pour son livre ? Mon conjoint actuel est au courant de cette histoire.

Mais personne d'autre ? Non, personne d'autre.

Et votre maman non plus ? Ah non, non, non.

Vous lui dirais jamais ? Non, ça ne sera rien de l'inquiéter avec ça. C'est passé maintenant.

Vous vous en voulez à vous donc ? Ouais, un peu, ouais, je pense.

D'avoir plongé dans cette histoire et d'avoir cru, d'avoir cru un peu que je pouvais le sauver,

que je pouvais lui apporter quelque chose, qu'il allait pouvoir changer, que grâce à moi il serait peut-être

différent et non, je n'ai pas réussi parce que le passé était trop lourd,

il était trop important, trop difficile et que je n'avais pas les dépoules pour ça.

Vous êtes très touchante quand vous dites à la fin, peut-être que je suis passé à côté

de quelque chose avec le père de mon fils ? Il est pas au courant de vos états d'âme.

Non, non, non. Je pense que ça parfois, par le moment je me dis que ça n'allait pas,

donc de toute façon, il n'allait pas que ça continue, donc il aurait peut-être une mauvaise idée

de continuer de toute façon. Est-ce que ça serait une bonne idée qu'il lise le livre,

est-ce qu'il se reconnaîtra et vous reconnaîtra ? Oh, c'est un peu hâte aujourd'hui,

je m'en moque un peu, c'est du passé, ma vie d'aujourd'hui, elle est apaisée,

même s'il le lit, je pense que ça ne changera pas grand-chose, il m'en veut toujours,

il m'en faudrait toute ma vie, je n'ai pas d'être parti, donc ça n'aura rien.

On connaît, tout le monde connaît ce genre de situation. On voit très bien, Chloé,

que dès le début, vous avez un tout petit doute, tout petit, sur votre capacité à intervenir

en prison. Vous dites, je ne connais pas, je ne sais pas si j'aurai les épaules. Et donc on se dit

qu'en vérité, vous n'étiez pas assez préparé. Peut-être. Je suis dans une période aussi où

j'étais enceinte, donc au niveau de l'émotion, au niveau de tout ça, c'est différent et je pense

que j'avais une sensibilité qui était plus importante aussi. Après, je suis quelqu'un de sensible,

donc ça me touche peut-être trop de leur histoire justement.

Et Yaze, chez vous, un piège, c'est que vous voulez aider les autres.

Eh oui, de ça. Je voulais les aider, mais je pensais pas que je me ferais un pays de cette

manière-là émotionnellement parlant. Comme une adolescente.

Oui, c'est ça un petit peu, oui. Vous voulez les aider et les changer. Là,

il y a une sorte d'utopie de jeunesse. Oui, peut-être. Peut-être pas les changer,

mais leur montrer autre chose en fait, leur montrer qu'ils ont eu un passé difficile,

mais qu'en sortant, ils peuvent être différents. Ils peuvent laisser ça derrière eux,

laisser ça dans la prison et rebondir d'une autre manière, en fait. C'était un peu ça la volonté.

Je me dis quand même que le Génépine ne vous a pas assez préparé. Bon,

c'est une association qui n'existe plus aujourd'hui, qui a été dissoute pour

cause de dérives politico-féministo-islamogochiste. Ils vous ont mis en garde sur le risque de

l'affect, de l'attachement. Mais en vérité, il y a quelque chose qu'ils ont oublié de vous dire,

c'est le risque de manipulation. Oui, il y a ça. Après, on le sait,

parce qu'il y a d'autres détenus qui essaient de manipuler, de demander de leur avenir plein de

choses. On a eu des tas, des tas qui ne demandent plein de choses, de ne se marier avec eux pour

avoir des papiers. Mais ça, on le voit. En fait, on le voit très bien. Là, j'avoue que je ne l'ai pas

perçu de cette manière-là. Je suis sentée à une certaine sensibilité. Quelque chose de vraie,

en fait. J'ai Louis qui est... Pour ça, que je pense que j'ai été un peu biaisé aussi.

Ce que vous ne savez pas vous et que moi je sais, parce que je suis très vieux,

que j'ai raconté un milliard de crimes, c'est qu'on ne tue pas un homme sans raison,

sans raison qui plus est, sans être fondamentalement pervers, et même voir pervers manipulateur.

C'est quand même au coeur du crime, ça. Oui, après, on se dit, ensuite, il m'a raconté qu'il y avait

une histoire de contrat sur la tête de cette personne, et qu'il ne l'a pas fait comme ça.

Il l'a fait parce qu'il avait l'argent à la clé. Mais ce n'est pas ce qu'a retenu la cour d'assise,

manifestement. Et ben non, parce qu'il racontait ça et risquait de prendre une peine beaucoup

plus importante, parce que ça aurait été pris comme un assassinat, et non comme un crime.

Quelle part, dans le crime, est-ce que vous donnez à son enfant se fracasser ? On sent que ça vous a

touché, et c'est touchant le fait qu'il soit né d'un viol, le fait qu'il était frappé par son

beau-père, etc. Il n'a aucune limite, en fait. C'est ça le problème, c'est qu'il n'a aucune limite

dans ce qu'il fait, dans ce qu'il vit. Tout son enfance, ça a été ça, ça a été que violence,

ça a été normalisé, en fait. C'est normal d'avoir mal, c'est normal de souffrir, c'est normal de

faire souffrir l'autre. C'est normal de grandir dans ce genre d'environnement. Alors sous la vie de

quelqu'un, qu'est-ce que ça vaut, en fait ? Mais ça, ça explique. Est-ce que ça excuse ?

Ah non, ça excuse pas du tout. Il n'a aucune excuse dans ce qu'il a fait. Ça ne fera jamais

excusable, de toute façon, aucun crime inexcusable. Alors vous faites donc ce choix de ne pas en parler

à votre entourage de cette histoire d'amour, parce que, dites-vous, vous ne voulez pas qu'on vous

juge et qu'on vous prenne pour une folle. Mais finalement, quand on revisite l'histoire, on se dit

que vous auriez eu besoin de jugement de la part de l'extérieur.

Peut-être, après, on vit toujours qu'il y a des histoires qui achetissent bien et que

il y a des choses positives qui peuvent arriver. Mais je ne sais pas si ça m'aurait fait changer

d'asin ou pas, parce que j'étais dans mon idée qu'il n'était pas une mauvaise personne, qu'il

pouvait changer. Donc ça m'aurait pu s'agacer qu'autre chose. Je pense d'avoir les jugements autour

de moi et ça m'aurait peut-être renforcé dans l'idée de, bah, vous pensez ça, mais au final,

non, ça va se passer autrement et je vais vous le promener. Et votre copine de nuages et népiles

est dans le même trip que vous, donc elle n'est pas non plus Lucine.

Non, puis je ne vous cache pas qu'aujourd'hui, elle vit avec un ancien détenu aussi.

Voilà, voilà. C'est arrivé plus tard, en fait, pour elle, parce qu'elle a travaillé dans l'administration

pénitentiaire ensuite et elle a aussi rencontré un détenu avec qui elle vit aujourd'hui,

avec l'extérieur et ça se passe très bien, comme quoi, des histoires qui achetissent bien.

Ce qui m'amène d'ailleurs à vous poser cette question, est-ce que quand on entrait au génépi

qui n'existe plus, on n'y entrait pas au, s'il y a un peu, pour connaître ce frisson

du contact avec le détenu et avec l'hypothèse d'un frisson amoureux ?

Pas du tout. Moi, en tout cas, je n'allais pas du tout refaire. J'étais bien dans ma vie, non ?

J'étais bien dans ma vie, j'étais enceinte, j'allais du temps à donner, en fait. Donc,

je pense n'importe quelle association, c'est que là, on m'a proposé, on m'a dit, on cherche

des bénégoles, tu veux venir avec nous. Je pense que je l'aurais fait à un pain contre la fin,

ou je ne sais quelle sauve, enfin de la même manière. J'avais pas cette envie de découvrir.

Il n'y a pas un inconscient qui vous amène dans cette histoire de manière irrémédiable,

j'ai envie de dire. Non, je n'en peux du tout. Et on sent donc, même à la fin de l'histoire,

que vous conservez une forme de bienveillance pour Loïc, vous ne lui voulez pas de mal.

Non, parce que ça me fait mal au cœur. Je vais donner des espoirs sur plein de choses,

sur une vie à l'extérieur qui pourrait être merveilleuse. Et au final, je lui ai dit,

en fait, non, je n'ai pas les dépôts pour ça, et ton histoire est trop l'autre pour que je puisse

vivre avec ça. Et je m'en veux, en fait, de lui avoir donné de l'espoir, vraiment.

Donc, c'est pour ça que je continue. C'est vous qui vous êtes trompés.

Ouais, c'est ça. Je pensais arriver, je pensais l'aider, je pensais supporter cette colère,

cette rage qui est encore en ligne et pouvoir l'apaiser, mais j'ai pas réussi. Donc, c'est pour ça,

est-ce qu'il est sincère quand il vous dit qu'il veut se soigner ?

Oui, oui, parce qu'il le fait, il a un régulier d'absuicidie. J'ai le SPIP qui m'appelle

régulièrement, qui me fait le retour des suivis qu'il a à l'intérieur. Donc, il a vraiment envie de changer.

Je sens que c'est dur pour lui, en fait.

Le SPIP, c'est le service de probation.

Est-ce qu'il est définitivement fracassé ?

J'en sais rien. Je pense qu'il y a quelque chose de meurtrier en lui, vraiment,

de part son histoire, de part ce qu'il a eu vu, puis là, je pense que la prison, pour les années

qu'il y a passé, ça ne va pas arranger des choses dans sa haine contre la vie, en fait, contre les gens.

Ça va être très compliqué pour lui de sortir et de se réinsérer sereinement.

Ouais, enfin, en même temps, on peut dire quelque chose. Il est condamné à 18 ans, ramené à 15 ans,

et il sort au bout de 5 ans en libération conditionnelle.

Donc, ce n'est quand même pas si mal comme destin. Je veux dire, je me mets à la place des gens qui nous écoutent.

Ah oui, c'est sûr que, pour lui, c'était plutôt idéal. En fait, comme situation,

je peux sortir au bout de 5 ans. Bon, après, c'était que j'ai eu des terminations de part son

d'une journée ou deux, quoi. C'était pas énorme, mais c'était déjà énorme pour lui.

Au bout de 5 ans, quand on est condamné à 18, ramené à 15,

Non, c'est sûr que c'était... C'est pour ça qu'il était très heureux de ça et que

c'était une grosse claque, un peu pour lui. Quand je lui ai dit, je ne peux pas continuer,

en fait, parce que c'était bon, voilà, c'est terminé pour moi. Et il m'en a voulu de me dire,

bah, tu as offert ces moments de vie, et là, je me retrouve derrière les murs tout le temps,

en fait, pour le reste de ma peine. Est-ce que dans cette affaire, vous avez perdu votre altruisme,

un peu ? Vous n'êtes pas un devenu égoïste ? Non. Je suis pas devenu égoïste,

je suis devenu un peu fléméfiante, peut-être de l'autre. Je suis moins conscient. Je me méfie

des gens, j'attends d'avoir des véritables preuves, de l'honnêteté de l'autre, de la

bienveillance de l'autre, pour m'ouvrir émotionnellement. Si il y a un copain ou une copine vous dit,

je voudrais m'occuper de prisonniers, vous lui dites quoi ? Je veux dire, c'est une super expérience,

vas-y, mais attention, et si tu as des doutes sur quoi que ce soit, viens m'en parler, parce que

je saurais te guider, en fait. Quelle est la morale de votre histoire ?

C'est pas si il y a une morale, c'est qu'il faut faire attention, c'est bien de croire à l'humain,

de croire à l'autre, d'abord de l'histoire en l'autre, mais il ne faut pas s'oublier dans tout ça.

Je vous remercie infiniment, Chloé, d'avoir accepté ce débrief avec moi. Je rappelle le livre dont

j'ai tiré cette histoire, qui s'appelle « L'aimer meurtrier », qui est l'œuvre de Marine Maséas.

Il y a plein, plein, plein d'autres histoires comme ça, dans ce bouquin qui sont toutes passionnantes.

L'éditeur s'appelle Duc Rocher.

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Chloé donne des cours en prison, elle tombe amoureuse de Loïc condamné pour assassinat. L’histoire se finit mal.