Hondelatte Raconte - Christophe Hondelatte: 45 ans au turbin rue Saint-Denis - Le récit

Europe 1 Europe 1 9/20/23 - 29m - PDF Transcript

Pendant les journées Mayody, l'ODI Q3TFSU hybride rechargeable en finition S-Line est à partage de 690 euros par mois avec apport de 2000 euros, entretien, extensur de garantie et véhicule de remplacement inclus. Rendez-vous chez votre partenaire,ODI.

Offre au particulier sur 37 mois et 30 000 km jusqu'au 30 septembre dans le réseau participant sous réserve d'acceptation par Volkswagen Bank. Conditions sur odi.fr. Mayody signifie monODI.

Au quotidien, prenez les transports en commun.

On de l'être raconte.

Christopher Delat.

C'est une histoire de femme que je vais vous raconter.

L'histoire de Marie Brunel, ce n'est pas son vrai nom mais peu importe.

Elle a exercé le métier de prostituer Russ Saint-Denis à Paris de ses 25 ans jusqu'à ses 70 ans.

Et elle raconte son histoire dans un livre qui paraît chez Ceramis que celle qui n'a jamais fait l'amour pour de l'argent lève le doigt.

C'est une histoire bouleversante mais pas forcément triste, vous verrez.

Cette histoire je l'ai écrite avec tuc du al de Dieu le veu, réalisation Céline Le Bras.

Mon père Ralph est un prisonnier de guerre allemand.

Il passe régulièrement par la fenêtre pour rejoindre ma mère, Francie.

Et quand il est libéré et renvoyé en Allemagne, il part en ignorant la grossesse de maman.

Et elle, elle doit trouver une solution pour sauver son honneur, voire sa peau, avorter.

Dans les années 50, les feseuses d'ange, comme on disait, sont passibles de prison.

Mais au fond, est-ce qu'elle ne veut pas me garder, garder le fruit de son amour ?

Alors elle tire fort sur les lacets de son corset, et elle s'efforce de cacher son ventre qui s'arrondit,

jusqu'au mariage de sa soeur qui coincide avec son huitième moite grossesse.

Ce jour-là, son corset est trop serré, elle a du mal à respirer, alors elle fait un malaise, et elle s'écroule.

Et quand le médecin arrive, il aperçoit le carcan, et la question tombe dans un silence de plan.

Qui est le père ? Qui est le salopard qui a engrossé cette fille ? Où est-il ?

Alors, à bout de nerf, elle finit par révéler le nom du coupable,

un pourri de boche, la honte pour la famille, qui voudra d'elle maintenant embarrasser du bâtard,

pour avoir une chance de se marier, elle ne peut pas me garder.

La honte d'être la mère d'un tel enfant, la poursuivrait toute sa vie.

Et c'est là qu'intervient mon ange gardien, ma future nounou.

Sa fille est morte à 18 ans d'une septi-sémifoudroyante, la sage-femme la convain de me garder chez elle.

Le temps que ma mère décide, si elle me reprendra un jour.

Et voilà comment je sors de la maternité dans les bras de cette fée.

Nounou, m'élève dans la douceur, la gentillesse et l'amour,

et son mari Pépère est aussi gentil qu'il est grand.

J'ai atterri dans une famille saine d'esprits,

et quand je suis en âge de comprendre, Nounou m'explique,

ton papa, il n'a pas pu revenir en France pour se marier avec ta maman.

Mais il lui écrit des lettres, hein ?

Regarde, ici, il a écrit Je t'aime, et il lui dit qu'il reviendra.

Mon père a fondé une famille en Allemagne,

mais il n'a pas caché mon existence à sa femme,

et tous les ans, il m'envoie une carte pour mon anniversaire,

et des cadeaux pour Noël.

Et quand j'ai cinq ans, il me fait venir chez lui en Allemagne.

J'y vais en train, et il m'attend.

Je t'aime, papa.

Le jour de ma communion solennelle, Nounou m'a préparé une belle fête.

Et moi, je suis joyeuse, jusqu'à ce qu'une pseudo tante me balance devant tout le monde.

Tu devrais avoir honte de porter une robe blanche, sale fille de boche.

Et moi, je pleure, je meurs, et la haine de tout, c'est une blessure indélébile.

Je passe mon certificat d'étude, puis mon bêps.

Je suis hôtesse d'accueil, puis coiffeuse, puis vendeuse.

Et après ce que dix-huit ans, je tombe follement amoureuse de Philippe.

Mais quand je dis à Nounou que je veux me marier, elle est contre.

Enfin, il boise, garçon.

C'est pas l'homme qu'il te faut.

Il te rendra malheureuse.

Mais Philippe est un peu gangster sur les bords, il me sort de la routine.

Le jour de nos fiançailles, nous décidons de nous marier dans les deux ans à venir.

Moi, je suis catholique.

Je me dis qu'il faudrait être un peu patient.

Mais lui, il veut me faire l'amour.

Si tu m'aimais, tu coucherais.

Ça ne se fait pas avant le mariage.

Mais, à force de harcèlement, il m'entraîne dans un bois, un 1er mai.

Et sur un tapis de mousse trempée, car il a plu la veille.

Je me retrouve avec une bêta en rute.

Mon futur mari est en russe.

La nuit de nos Philippe est complètement sous.

Il se jette sur moi tel un loup sur sa proie.

Je ne peux rien faire d'autre que de me laisser aplatir comme une crêpe fourrée.

Je me sens sale, frustré et vide.

La seule chose qui m'arrange avec Philippe, c'est qu'il suffit de compter 3 fois jusqu'à 60,

pour qu'il émette son grognement avant de retomber comme une masse sur le matelas.

Un mois plus tard, je tombe enceinte et David naît.

Et 8 jours plus tard, il est mort.

Il est mort.

Philippe rentre sous tous les soins.

L'alcool le rend violent, méchant et jaloux.

Il me terrifie.

Je ne parle plus à personne, j'étouffe.

Je suis perdu.

J'aurais dû écouter nous-nous.

Dans les rares moments de Calmy, il me parle d'avoir un autre enfant.

Je me dis que peut-être il est agressif et violent à cause du décès de notre fils.

Alors je cède.

Et je retombe enceinte.

Et l'espoir revient.

Mais il se remet à boire et à sortir beaucoup.

C'est à cette période que j'apprends par télégrammes.

Le décès de nous-nous.

Le ciel me tombe sur la tête.

Je me retrouve une nouvelle fois seulement abandonné.

J'aurais voulu lui demander pardon avant qu'elle s'en aille.

Pardon de ne pas l'avoir écouté.

Quand Benjamin pointe le bout de son nez,

son père est déjà parti fêter l'événement.

J'accouche seul, mais je m'en moque.

Et quand il revient le lendemain, je suis touché par sa joie.

Il me sert contre lui.

Et il me promet que tout ira mieux.

Pour la naissance de Benjamin, mon père vient me rendre visite.

Tu crois que je pourrais revoir ta mère ?

Pour l'embrasser.

Juste une fois.

Mais ma mère n'en a pas le courage.

Je comprends pas.

L'amour lui tend les bras.

Elle le refuse.

Elle consent juste à lui proposer de passer en voiture devant chez elle.

Elle sera à la fenêtre.

Et elle lui fera un petit signe.

Et quand j'amène mon père, elle est là, à la fenêtre comme promis.

Et je vois dans les yeux de ces deux êtres,

un amour déchirant de douleurs et d'impuissance.

Merci papa.

Grâce à toi, je sais que l'amour existe.

Après l'accouchement, j'ai retrouvé du travail secrétaire dans une imprimerie.

Et je crois que le patron a le bégin pour moi.

Il me redonne confiance, du moins en mécharme.

Je découvre mon pouvoir sur l'agente masculine.

Et j'en joue.

Désormais, je devis de mon reflet dans le regard des hommes que je croise.

Je sens leur désir se faufiler entre mes cuisses.

Je suis désiré par des inconnus.

Et j'en tremble de plaisir.

Philippe me parle d'un second enfant.

Un dimanche, au coeur de l'hiver, il est sorti, je ne sais où.

Et je ressens de grosses douleurs dans le bas-ventre.

Et je prie pour que Philippe arrive à la fenêtre,

à la fenêtre, à la fenêtre, à la fenêtre,

à la fenêtre, à la fenêtre.

Et je prie pour que Philippe arrive à Jean, de préférence.

Et les heures passent et il ne rentre toujours pas.

Et donc je dois me rendre à l'hôpital par mes propres moyens.

Et voilà comment mon Julien arrive.

Gros mille lettres à la poste.

Ce matin, je me lève angoissée.

Dans la cuisine, Philippe est déjà complètement en hive.

Il titume.

Et Julien se met à pleurer dans son lit.

Et il a fait les plans poignes.

La mère, c'est une salope.

Et c'est une garce.

Et elle n'aime pas ton papa.

Et là, il s'avance vers le balcon.

Et il met le petit à bout de bras au-dessus du vide.

Toi, nous, salope,

on brasse mes pieds.

Et juire-moi sur la tête de notre fils

et tu m'aimes.

Sinon, je le lâche.

Théoriser et farivre d'horrage, je me soumets.

Je t'aime, Philippe.

Je t'aime.

Et bah voilà.

Tu vois que c'est pas difficile de dire je t'aime à son mari.

Mais qu'est-ce que je viens de vivre ?

Je vais me réveiller, c'est pas possible.

Demain, je partirai, définitivement.

J'irai chez ma mère avec mes fils.

Réa ne me fera changer d'avis.

Ma mère n'a pas l'air surprise quand elle me voit débarquer chez elle.

Et avec mes deux enfants, j'entame une nouvelle vie.

Sauf que je dois rembourser les dettes et les emprends plus de 250 000 francs.

Et Philippe me laisse assumer toutes nos dettes.

Après quelques semaines passées à accumuler les petits boulots,

j'y arrive plus.

La misère arrive à grand pas.

Et c'est là que je pense à Catherine, la sœur de Philippe.

Elle est prostituée à Paris.

Et après tout, c'est elle réussie.

Pourquoi pas moi ?

Je suis joli, je suis bien faite.

Il me suffira de serrer les noms.

Ça ne peut pas être pire qu'avec Philippe.

Hormis le fait que je gagnerai du fric.

Ma nounou là-haut.

Ne va pas être contente.

Mais finis les sentiments, finis les compromis.

Je deviens une machine de guerre.

Je ne contrais plus jamais sur personne à part ma mère.

Maman, assieds-toi et écoute-moi.

Voilà.

Je vais monter à Paris.

À Paris.

Et pourquoi faire ?

Pour me prostituer.

Je vois ses mains tremblantes se lever vers le ciel.

Elles me prendant ses bras.

Et je me laisse faire.

Et elle me fait du bien.

Tu vas t'occuper de mes fils.

Le temps que je reviens avec de l'argent.

Nounou, je te demande pardon.

À Paris.

Je passe ma première nuit à traîner à la gare Saint-Lazare.

Et quand le jour se lève, j'achète un journal.

Et je tombe sur une annonce.

Bar américain recherche hautesse.

Se présenter à partir de 17h.

J'y vais.

Et je pousse la porte.

Derrière le bar, il y a une femme.

Bonjour.

Est-ce que la place d'hôtesse est toujours vacante ?

Elle me toise de la tête au pied.

Elle évalue la petite gourde de province.

Je vous donne 20 francs du bouchon.

Le bouchon, c'est la bouteille de champagne.

A vous toucher 20 francs, à chaque fois vous pousserez le client à en commander une.

Vous serez payé à la fermeture.

Mais à 4h du matin.

Pour le reste, les filles vont vous expliquer.

Alors revenez ce soir, à 7h.

Et tâchez de vous trouver autre chose que cet accoutrement de bonne sœur.

Et il est l'air un peu plus sexy.

Il est trop tard pour reculer maintenant.

Mais qu'est-ce qui m'attend réellement dans ce bar ?

Le soir, l'une des filles me demande demain soir.

Et elle m'explique.

Écoute ma petite chérie.

C'est très simple.

Quand le type entre avec toi dans la chambre,

tu lui demandes l'argent

et tu le rentres bien au chaud.

Après, tu lui laves le sexe.

Et puis tu le fais asseoir sur le lit et tu le suces.

Ensuite,

tout allonge après avoir seulement relevé ta jupe.

Et baisser ta culotte.

Tu le laisses faire.

Interdiction d'embrasser le client sur la bouche.

Et pour la sodomie, c'est pareil.

Tu vends t'achat.

Tu vends boiton cul.

Et voilà, c'est tout.

Ça doit être rapide.

Le plus rapide possible.

Mais qu'est-ce que je fous là ?

Mes enfants,

je vous aime tellement.

Je reviendrai vite.

Maman sera toujours là pour vous.

Je vous protégerai.

Mon premier client ressemble à un bon paysan.

Gros, chauvet, tout rouge.

Euh, c'est combien pour la poste ?

100 francs.

Mais c'est juste l'amour.

Si tu vas autre chose, c'est plus cher.

Il commence à se déshabiller.

Et là,

il y a une peur panique sans part de moi.

L'idée que ce gros lard puisse me tuer,

me paralyse.

Alors je me jette sur la porte

et je me sauve en le plan tendu

au milieu de la pièce.

J'ai fait la connaissance de Georges.

Bellum,

grand-brun, très viril,

un garçon, comme on dit dans le milieu.

Il me fait rencontrer la patronne

d'un bar de nuit à Pigalle.

600 francs en la passe.

1000 francs pour un 69 ou une levrette.

Et 1500 francs pour y passer une heure.

Mon premier client n'est pas mal.

Il est gentil et doux.

Et je sens mon corps se détendre.

Et mon sexe se relâcher un peu

et se humidifier.

Il a fallu que je devienne une pute

pour découvrir un zeste

de douceur sexuel.

Oui, merci.

Je te promets de revenir te voir bientôt.

Et moi,

moi je tripote mon sac

pour m'assurer que mon argent

est bien au chaud.

Je n'ose pas croire

la facilité avec laquelle je l'ai obtenue.

Je vais pouvoir, enfin,

me sortir de mes problèmes.

C'est décidé.

Je quitte le bar pour la rue.

Ça paie moins, hein.

Entre 100 et 150 francs en la passe.

Mais pas besoin de tchaccher

pendant des heures

avec le client pour le décider.

Il s'approche.

Il s'approche.

Il s'approche.

Il s'approche.

Il demande le prix.

Il monte.

Il tire son coût, puis s'en va.

Ça prend

une quinzaine de minutes maximum.

Je demande à Georges

de me trouver un emplacement fixe.

Trois jours plus tard,

il me donne rendez-vous

rue Saint-Martin.

Et il me présente à l'atelier

une grosse maigère laide et vulgaire

qui trône devant un vasistas.

Son rôle est de me donner la serviette

et d'encaisser le pourbois.

Jamais moins de 10 francs.

Tu lui fais gagner de gros pourbois.

Mieux, elle choisira ta chambre, d'accord ?

Mais quand je rentre

dans la chambre,

j'ai à haut le cœur.

Une paillasse avec un drap déchiré,

une moquette qui grouille de puces

et d'acariens.

Georges,

je veux pas travailler dans ces conditions.

Trouve-moi un autre endroit.

Quelques jours plus tard,

je travaille de nuit rue Saint-Denis.

Et l'hôtel est clean.

Mais je déchante rapidement.

Faire le tapin en pleine rue.

C'est des gens qui me regardent.

Et ça, ça m'oppresse.

Je voudrais aller me cacher,

mais je m'adapte.

Je gagne ma vie comme une grande.

Je suis maîtresse de ma propre vie.

Je retrouve enfin mes enfants

après trois mois d'absence.

Bonjour mes amours.

Maman est là.

Jamais un cours vers moi.

Les bras tendus, suivi de Julien.

Où t'étais, maman ?

Pourquoi t'es parti sans nous ?

Tu nous manques ?

Je sais, mon chéri.

Mes mamans doivent travailler à Paris.

J'entends du tissu dans un quartier

qui s'appelle le Marais.

Mais je te promets, bientôt,

je serai avec vous,

un peu de patience, mon ange.

Et je laisse la vérité derrière moi.

Le tendin week-end.

Ça fait six mois que je travaille Russanais.

Et Georges a eu la délicatesse

de me trouver un studio meublé

dans le 18e.

Un soir, il me rend visite.

Et il insiste pour se serrer contre moi.

Et il m'embrasse à pleine bouche,

quasiment de force.

Et après, il en fit un préservatif

pour me baiser.

Et quand il s'en rhabille,

tu peux me prêter 5 000 francs ?

15 heures plus tard,

il revient à nouveau me réclamer du fric.

Mais, la fois d'après,

je refuse de lui donner quoi que ce soit.

Hé, Georges,

si tu veux des sous,

t'as qu'à aller te faire mettre au bois de boulogne ?

Et là,

il me balance une droite bien placée

et puis, un coup de savate dans les côtes.

Et là,

je sens son flingue sur ma tente.

Non, mais qu'est-ce que tu crois ?

Tu crois que je m'occupe de toi

pour tes beaux yeux ?

Maintenant, faut payer, ma chérie.

Tu dois rembourser ce que j'ai investi pour toi.

Tu aurais une avance

et 5 000 balles par semaine.

Et t'as pas intérêt à faire la maligne,

tu peux même pas imaginer

ce qui t'arriverait.

Eh bien, ma fille,

te voilà dans de Beaudra,

un proche sénète.

Il faut que je trouve une solution

pour me sortir de là.

Il est hors de question

que je donne mon argent

à un macro.

Alors je laisse à Georges

une lettre sur la table.

Georges,

il est inutile que tu me cherches.

Je ne ferai jamais ce boulot

pour un homme.

J'ai des enfants que je dois lever

et ce n'est que pour eux

que j'ai accepté de me vendre.

J'ai prévenu mon avocat

de la situation.

Nous sommes convenus

que sans nouvelles

de ma part tous les 8 jours,

il transmettrait à la police

la liste que je lui ai fournie

des noms de tes amis

et des endroits que tu fréquentes.

Si tu veux être tranquille,

alors

laisse tomber.

J'ai parfois l'impression

que les hommes sont dingues.

Je les surnommais Hamburger.

Il arrive avec son repas

dans son sac.

Il ouvre son sandwich en deux.

Il le remplit d'abord

de cendres de cigarettes

et ensuite

il me demande de cracher dedans

et de frotter le dessous

de ma chaussure

sur une partie du pain

et duriner sur l'autre moitié.

La vinaigrette est prête

et là il s'assoit

et avec un air enjoué

il mort dans ce délicieux sandwich.

En me regardant droit dans les yeux

d'un air pervers

et le plus dingue

c'est qu'il a l'air très heureux.

Il a en pleur de joie même.

Ça me rend triste

toute cette misère humaine.

J'ai décidé de continuer

jusqu'à mes 30 ans

et après d'arrêter.

J'ai acheté une maison

en Bretagne

pour 180 000 francs.

Une petite maison

avec ses pommiers

ses cerisiers

ses pruniers à tir l'arigot.

Tout ce ton je rêve.

Un vrai coup de cœur.

Pour le compromis

je dois verser aussitôt

la somme de 30 000 francs

en chèque.

Si vous pouviez

déposer le chèque à la banque

disons dans 15 jours

vous me dites madame

que vous disposerez de cette somme

dans 15 jours ?

Oui.

Oui maître vous

pouvez me faire confiance

avec un peu de bonne volonté.

Je suis capable de faire

des journées à 6 000 francs

en travaillant 12 à 13 heures

par jour, 7 jours sur 7.

Et à la date prévue

j'ai rassemblé la somme nécessaire

et maintenant j'ai 3 mois

pour réunir le reste

150 000 francs

et 3 mois plus tard

à 20 clients par jour

la somme est dans la boîte

me voilà propriétaire.

Je me méfie

de l'hygiène de certains clients

la couleur de leurs slips

en disons

et même si je passe leurs isis

à la savonnette

je prends des précautions

pour éviter le contact direct.

Il m'a même arrivé

une fois d'en rembourser un

et de lui demander

de se rhabiller et de partir

mais il a nausé

mais venu à la gorge

à la seule vue

de son slip kangourou.

...

Benjamin va bientôt

atteindre sa majorité

et mon unique crainte

c'est qu'il arrive quelque chose

que deviendrait mes fils

alors bien entendu

j'ai souscrit des assurances

vies

j'ai même fait le nécessaire

pour mon enterrement

mais bon

j'ai 42 ans

je suis encore jeune et belle

je travaille

j'en profite pour

gagner de l'argent pour mes fils

et économiser pour mes vieux jours

tout est pour le mieux

enfin presque

je dois dire la vérité à mes fils

je dois trouver les mots

pour m'expliquer

mais je ne veux pas qu'ils voient

en moi le cliché

de la prostituée

que les médias

ont la manie de diffuser

Benjamin a maintenant

19 ans

et Julien 15

auront-ils déjà des doutes

sur ce que je fais

pour gagner ma vie ?

un jour

Benjamin me regarde

droit dans les yeux

maman

j'aimerais que tu m'expliques

en quoi consiste ton travail

je préférerais que tu me le dises

plutôt que

de l'apprendre par quelqu'un d'autre

je te laisse le temps de réfléchir

pendant que je vais aux toilettes

quand mon fils réapparaît

je ne souhaite qu'une chose

que la terre m'engloutisse

alors maman

je suppose Benjamin

que si tu me poses des questions

c'est parce que tu as déjà

une vague idée

peut-être bien maman

mais l'arme coule toute seule

et je lui dis tout simplement

tu veux savoir

et bien ta maman se prostitue

voilà

tu connais la vérité maintenant

ça va changer quoi

rien

je voulais simplement

que tu me le dises

je me prostitue depuis 15 ans

et je n'ai pas à me justifier de ça

j'ai fait ça pour notre bien-être

à tous les trois

je ne le regrette pas

et je serai prêt à recommencer

quand je vois le résultat

je ne veux Benjamin

que tu comprennes bien

que je ne suis pas malheureuse

mais je n'ai pas de jugé maman

je m'en doutais

depuis longtemps

et je suis fier de toi

et peu importe le travail

que t'exerces

je voulais que ce soit toi

qui me le dise

je t'aime maman

et je t'aimerais toujours

nous nous tombons

dans les bras l'un de l'autre

et je ressens

un soulagement

intense

j'ai 65 ans

et je travaille en camp

mais moi

parce que côté forme physique

je me traîne de plus en plus

mais

faire entre 5 et 6 passes par jour

ça ne pas la mer à bois

certains clients me disent

que je suis encore très belle

je gagne encore beaucoup d'argent

même si les impôts

m'en piquent une bonne partie

résiste Marie

résiste

et Julien et Benjamin

ne cesse de me répéter

t'arrêtes quand maman

si seulement

je pouvais trouver l'amour

je veux quand même

juste une toute petite foi

mais où se cache-t-il mon sang

dans 6 mois

je fêterai mes 69 printemps

et je fais

comme m'a dit mon amie Laure

l'autre jour au téléphone

une sorte de burn out du cul

mon corps me barre la route

il ne m'obéit plus

il a signé mon arrêt de travail

sans les signaux de mon corps

je serai morte

il fait nuit

je suis dans ma maison Bretonne

ma nounou est partout

je la sens

et je me souviens

pour toujours de ces mots

tu sais Nenette

quand je partirai

je serai quand même près de toi

regarde bien le ciel

tu choisis une étoile

et tu te dis que c'est moi

ta nounou

et que cette étoile brillera

toujours pour toi

j'ai tiré cette histoire

du livre de Marie Brunel

que celle qui n'a jamais fait

l'amour pour de l'argent

lève le doigt

aux éditions Ceramis

des centaines d'histoires disponibles

sur vos plateformes d'écoute

et sur europein.fr

Machine-generated transcript that may contain inaccuracies.

L’histoire de Marie Brunel qui, de ses 25 ans à ses 70 ans, a exercé le métier de prostituée, rue Saint-Denis à Paris.