Hondelatte Raconte - Christophe Hondelatte: Susie et Georges, l'amour n'a pas d'âge - Le récit

Europe 1 Europe 1 10/8/23 - 23m - PDF Transcript

Ah ! Non mais vous vous rendez compte de ce que vous avez fait ?

C'est un tout l'érable, croyez-moi !

Alors là...

Hé, le sourire, tu penses qu'il va le garder longtemps ?

Au moins trois mois.

Allez, hop !

Préparez-vous à garder le sourire.

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Pensez à covoiturer.

Une histoire d'amour aujourd'hui, toute simple,

dont la seule particularité est de concerner un homme et une femme

qui, à cause de leur âge, pensait que c'était fini.

Susie 60 ans et Georges 74 ans.

Ils étaient veufs tous les deux.

Ils avaient tiré un trait sur leur vie amoureuse.

Et puis internet les a faits se rencontrer

et ça donne un très joli livre signé Susie Morkenstern

et Georges Rosenfeld, chez Bayard,

Fleurs tardives au pleuriel.

Tout ce que je vais vous raconter vient tout droit de ce livre.

Je le précise parce que vous risquez d'être un peu surpris par mon récit.

La réalisation est signée, Céline Le Bras.

Au tout début de cette histoire, Susie et Georges ne se connaissent pas encore.

Ils sont veufs et malheureux, mais chacun dans leur coin.

Susie a 60 ans, elle a perdu son mari Jacques, 11 ans plus tôt, un concert.

Elle en est au stade où elle se dit, ma vie n'est pas finie,

mais ma vie amoureuse, oui.

Tant pis, j'ai un travail, j'ai des enfants, je viens d'avoir une petite fille,

j'ai de quoi remplir ma vie.

Mais il y a un signe qui ne trompe pas.

Elle arrête de cuisiner et pourtant elle adore récuisiner, mais pour quelqu'un.

Elle s'achète des plats surgelés, quelle horreur,

des barquettes qu'elle glisse dans le micro-onde,

du poisson sans goût, vous voyez.

Et puis elle se fait pas suer.

Elle mange directement dans la barquette.

Ça fait moins de vaisselle.

Georges, lui, a 74 ans.

Il a perdu sa femme, Heidi, d'un cancer, là aussi.

Et ses touchants, c'était son premier amour.

La première fois qu'il a dit, je t'aime à une femme.

Et ils ont passé 40 ans ensemble.

Quand Heidi meurt, il se retrouve très seul, très seul.

Et il ne supporte pas la compassion de ses amis,

ni celle de son fils et de ses petits-enfants.

Alors il s'éloigne, il se planque, il s'en mûre dans la solitude.

Et puis un jour, il reçoit un mail.

Un site de rencontres lui offre un mois gratuit.

Il se dit, ça n'engage à rien.

Ça ne débouchera sans doute sur rien, mais ça peut être amusant.

Et donc il s'abonne.

Susie, c'est son gendre qui l'a secou.

Ça fait plus de dix ans qu'elle est veuve, et un jour, il lui dit,

« Écoute, ça suffit de pleurer, Susie.

T'es encore potable ? »

Et c'est lui, son gendre, qui l'a inscrit sur un site de rencontres.

Au début, je ne sais pas si vous avez déjà essayé ce genre de site.

C'est très addictif.

Alors elle se connecte un peu comme une adolescente qui va une boume.

Elle relève ses messages. C'est très excitant.

Ah oui, celui-là, il est pas mal.

Oh, celui-là, non.

Oh, pas celui-là, hein.

Mais elle ne va pas plus loin.

Ça reste virtuel.

Elle se dit que ça doit être un ramassis de mitomanes, tous ces mecs.

Alors elle leur répond pas.

Elle ne cherche pas à les rencontrer.

Comme ça, elle n'est pas infidèle à son fantôme de mari.

Et puis un jour, elle tombe sur Georges.

Elle lui envoie un message.

Et pourtant, sur la photo de son profil, c'est pas le prince charmant, hein.

Et il répond.

Sujet et verbe complément très simples, reposant par rapport aux autres qui en font des caisses.

Et elle se mette à lui poser des questions.

Taille ?

1,80 mètres.

D'accord.

Je ne veux pas d'un plus petit que moi.

Fumeur ?

Non.

Bien.

Je ne supporte pas la fumée.

Juif ?

Oui.

Circonci ?

Là, à l'autre bout, Georges, c'est pas le prince charmant.

C'est le prince charmant, hein.

C'est le prince charmant, hein.

C'est le prince charmant, hein.

Circonci ?

Là, à l'autre bout, Georges tique un peu.

Il est juif, mais il a grandi hors de toute culture juive.

Alors il répond.

Vérifie toi-même ?

Oh !

Ça devient chaud.

Autour de Georges, maintenant, de poser des questions.

D'abord physique.

Je suis grosse.

J'ai des grand pieds.

Et je ne suis pas top model.

Ça lui va.

À Georges.

Mais elle lui dit aussi qu'elle est écrivain.

La prétentieuse.

Alors il va vérifier en tapant son nom sur Google.

Hein ?

Elle n'a pas menti.

Elle écrit, elle publie.

Elle a obtenu des prix.

Un bon point.

Ils viennent de se donner rendez-vous à Paris

sur le quai de la Garde Lyon.

Ils sont là sur le quai.

Georges arrive de Suisse.

Et Susie habite à Nice.

Mais elle est à Paris depuis quelques jours.

C'est important, ils ne se sont jamais échangés de photo.

Oui, je sais, des jeunes l'auraient fait.

Mais pas eux.

Vont-ils se reconnaître ?

Eh bien, oui.

Georges arrive au bout du quai avec sa petite valise.

Il la voit tout en rose.

Il la reconnaît tout de suite.

Et elle,

joue à un grand déjaingandé,

courbé avec un imperméable d'un espion de la guerre froide,

un homme sans une minute de moins que la jeune oncée.

Oh, les oreilles !

Les oreilles !

On a dû l'appeler d'un beau quand il était petit.

Et là arrive un moment assez délicieux.

Georges n'a pas de point de chute à Paris.

Alors que Susie sait où dormir,

puisqu'elle dort chez sa fille.

Alors il lui a demandé de lui trouver un petit hôtel.

Et elle lui a réservé le nouveau hôtel à côté de la gare.

Et là,

ils y vont tout droit pour déposer la valise.

Bonsoir, monsieur-dame.

Alors nous avons une réservation, n'est-ce pas ?

C'est pour une ou deux personnes.

Lui,

il est un peu embarrassé.

Mais elle,

c'est pour deux.

Bon.

Elle a dit deux.

C'est bien.

Nous voici dans une chambre d'hôtel,

standard.

Moi, confus, je me tiens au milieu.

Que faire ?

Que dire, je ne sais pas.

Et elle, pendant ce temps-là.

J'ai répondu à sa place

qu'il voulait une chambre double.

Mais c'était pour qu'il ait plus d'espace.

Je pensais faire un brin de conversation

et puis reprendre le métro.

Vous y croyez ?

Pas moi.

Là-dessus, la fille appelle.

Maman ?

Maman, tu rentres à la maison.

Tu rentres à la maison tout de suite.

T'es confiance, ma chérie ?

Allez, je t'embrasse.

Euh, Georges,

on pourrait demander de nous faire monter

une goutteille de rouge, qu'est-ce que t'en penses ?

Je n'ai pas trop envie de ressortir.

Room service.

C'est lui

qui retire le bouchon

et qui remplit les verres.

Mais c'est elle qui le pousse

sur le lit.

C'est pas son genre, c'est pas du tout dans ses habitudes.

Elle est elle-même un peu aurie

de ce qu'elle vient de faire.

Mais en vérité, elle a compris qu'elle avait affaire

à un grand timide.

Et avec le recul, elle se dit que c'est la meilleure démarche

qu'elle n'est jamais entreprise de sa vie.

Et lui, il n'en revient pas.

Il n'est pas très beau,

plus très jeune.

Il se considère comme vieux.

Et là, il a cette femme

sur lui.

Et elle,

j'étais tout de suite chez moi,

dans ce pays de chair, de peau,

de bras, de lèvres.

J'étais, rouillé,

mais coopératif.

Il a enlevé ses lunettes et puis tout le reste.

Je ne suis pas fier de ma personne physique.

Trop grasse.

Mais lui, il avait l'air moins décomplexé

avec son slip de la van guerre.

Je me suis blotté contre lui.

Et j'ai réveillé un mort

endormi

depuis longtemps.

Via le moment où George, 74 ans,

doit aller chercher son Viagra

dans sa trousse de toilette.

Et voilà.

Et après, il s'endorme scotché l'un à l'autre

dans une symphonie

de ronflement.

Et le lendemain,

Paris, Paris,

main dans la main.

À un moment, elle lui prend la main.

Il la refuse.

La pudeur, sans doute.

La matinée se passe.

Il déjeune.

Et puis, l'après-midi, Susie veut aller se changer

et aller dans sa tenue de la veille.

Et donc, il se dise,

à ce soir,

et Susie rentre chez sa fille.

Et là, mamanille.

Non, mais maman,

t'es tenu s'agler.

Tu découches.

Non, maman, enfin, t'es folle.

Et ces petits enfants

qui lui font la gueule.

Et elle, bye-bye,

elle va rejoindre son amoureux

pour une nuit de plus.

Et après, après, elle rentre chacun chez soi.

Susie dans sa maison de Nice

et George dans sa maison

sur le lac de Neuchâtel en Suisse.

Et c'est rigolo,

parce que chacun dans leur coin

ils font le même constat.

C'est le bordel chez eux.

Il faut qu'ils rangent.

Et oui, la même mécanique

a joué dans les deux cas.

Vœuf, les enfants partis,

Susie a accumulé en tas

et George a arrêté

de remonter les pendules, entre autres.

Et donc les retrouvailles se font chez lui,

en Suisse.

Il va la chercher à l'aéroport de Genève

en train, figurez-vous.

Il n'a pas de permis de conduire.

Il ne conduit pas.

Et elle, ça lui paraît, surréaliste,

un homme qui ne conduit pas.

Et puis elle est voilà chez lui,

sur les bords du lac de Neuchâtel face aux Alpes.

Il lui a préparé une petite chambre,

rien que pour elle, au casou.

Elle lui dit,

non mais ça va pas,

qu'est-ce qu'elle a spié ?

À un moment donné, le fils de George,

un géant, passe une tête.

Il a peur, George.

Qu'est-ce qu'il va penser,

en découvrant que son père s'est amouraché

d'une parfaite inconnue,

qui prend une partie du cœur

jusque là uniquement réservé à sa mère.

Mais ça se passe bien.

Et d'ailleurs, tout le séjour se passe bien.

C'est bien parti, leur affaire.

Et la prochaine fois, c'est chez elle,

Anis.

...

Quatre jours.

Ils ont prévu de passer quatre jours ensemble à Nice.

Et là, c'est au tour de George

d'avoir des angoisses.

Vont-ils m'accepter ?

Ils pensent aux amis et aux enfants de Susie.

Et en tout cas, il arrive bien en avance

à l'aéroport de Genève,

pas question de louper l'avion.

Et à l'autre bout, Anis,

Susie aussi, à ses angoisses.

Comment est-ce que je vais le mettre

dans le lit de mon mari ?

...

Et oui, parce que celui,

celui, elle se souvient très bien

du jour où il a été fabriqué.

Par un hébéniste, il y a bien longtemps,

suffisamment haut pour qu'elle et son mari

puissent voir la mère

depuis leur plumeur.

Comment inviter un étranger

dans ce lit ?

...

Quoi qu'il en soit,

le premier séjour de George chez Susie,

se passe bien, très bien, même.

Il mange chez l'une des filles de Susie,

ça va, elle est bienveillante.

Ils marchent le long de la mer,

ils vont manger une soca,

ils vont pique-niquer au soleil.

Et l'endroit, la maison sur les hauteurs

plaît à George.

À ce détail près que les toilettes sont un peu loin

et qu'il lui faut une lampe de poche

pour y aller la nuit.

...

La fois d'après, il se retrouve à Paris.

Mais la plus question d'hôtel,

il se retrouve chez la fille de Susie.

Vous vous souvenez, celle qui avait traité

sa mère d'ado à tardée,

la première fois qu'elle avait découché.

Depuis, la position de la fille

et des petits-enfants a un peu évolué.

Mais pas totalement.

Je vois bien, dans leurs yeux,

qu'il le trouve gentil

et qu'il se dise,

qu'est-ce qu'elle fout avec lui ?

...

La fois suivante,

c'est à nouveau chez lui,

en Suisse, deux semaines.

Susie va chez le coiffeur, se refaire une couleur.

Elle passe aussi chez l'esthéticienne,

se faire épiler.

Et elle prend l'avion pour Genève.

Et lui, pendant ce temps-là,

il se pose ses éternels questions.

Est-ce que la maison est assez rangée, hein ?

Est-ce que c'est assez confortable

pour elle ?

Comment je vais la nourrir ?

La voilà arrivée.

Et dans le train qui les emmène tous les deux chez lui,

elle se dit, tiens,

je commence à ne plus voir ses oreilles.

Pendant ce séjour,

ils font shabbat tous les deux.

Je vous l'ai dit, ils sont juifs tous les deux.

Ça compte beaucoup.

Ils vont aussi passer une journée

dans un camp naturiste, à poil.

Et quand vient le moment de se quitter,

j'aime sa cuisine.

J'aime sa douceur,

son affection.

J'aime sa sérénité qui détient sur moi.

Peut-être bien que je l'aime aussi.

Mais elle reconnaît

qu'elle aime aussi son absence.

Et là, ça se passe par téléphone.

Qu'à un cas.

Un jour, il part en voyage sans elle.

Il n'appelle pas de la semaine.

Le téléphone portable

n'est pas une annexe de sa main,

à sa nom.

Il n'a pas le réflexe de m'écrire

dix-sept fois par jour.

Et il n'entend pas toujours la sonnerie

quand je l'appelle.

Mais quand il répond pas,

je l'imagine, étalée par terre,

gisant, en danger.

Il leur arrive même de parler mariage.

Mais ils ne sont pas riches.

Et chacun perdrait la pension

de réversion de son défunt.

Alors le mariage,

eh bien ça sera pour une autre vie.

En vérité, ils ont trouvé la recette.

Ne pas vivre tout le temps ensemble.

Vivre une histoire

en dehors de la vraie vie.

La vie des factures,

des corvées, de l'entretien

d'une maison.

Profiter de chaque minute

qu'il passe ensemble, c'est tout.

Aller à un l'hôtel par exemple,

dans de beaux hôtels.

Et pour George, apprendre à supporter

qu'elle vienne picorer

avec sa fourchette dans son assiette,

chez lui ça ne se faisait pas.

Il faut apprendre à faire des concessions,

par exemple, quand ils sont chez George.

Après son bain, ils vident la baignoire

et ils la rincent.

Alors que quand ils sont chez Susie,

ils se lavent dans la mémo qu'elle,

odorante, moussante,

chaude.

Chez George,

c'est lui qui remplit la vaisselle.

Oh ben ça,

c'est pour éviter que je fourre une assiette plate

dans sa rangée d'assiettes creuses, oui.

Et idem,

quand ils sortent du lit.

Depuis toujours dès qu'elle pose le pied sur terre,

avant même d'avoir fait pipi,

Susie fait son lit.

George va mettre 10 ans à lui dire

Tu sais moi,

je préfère qu'on aire la chambre

avant de refaire le lit.

Aller petite manie

de l'un et de l'autre.

George, par exemple,

avant d'enfiler ses chaussettes

et ses chaussures.

Et la nuit, il se lève au moins 3 fois

et après, il se rend en or.

Mais pas elle.

Elle l'a prévenue au tout début.

George,

si tu tombes malade,

désolé mais c'est au revoir.

Et bonne chance.

Je pourrais pas supporter

une autre maladie,

comme l'agonie de mon mari.

Je t'aurais prévenu, je pourrais pas.

Et bien entendu,

elle ne va pas faire ce qu'elle a dit.

Avec toujours,

ses problèmes de communication.

Susie, il lui faut des appels

à or fixe.

Il faut qu'il lui envoie des messages

au cinéma, par exemple.

Et lui, il oublie.

Dis donc,

est-ce que ça serait pas trop te demander

d'écrire une ligne je vais au cinéma ?

Parce qu'elle, à ce moment-là,

elle voit les pompiers, les urgentistes,

le lit d'hôpital.

Réponse de George.

Relax.

Pas des catastrophes.

Et puis évite de me faire sentir emprisonnée.

Je t'assure que je ferai de mon mieux,

mais il m'arrivera encore d'oublier.

À un moment, agacé,

elle lui fait une drôle de proposition.

Ne pas s'appeler pendant une semaine.

Réponse de George.

C'est c'est pendant une semaine

toute communication entre nous.

Je l'accepte.

Mais je le ressens comme une punition.

Comme un danger latent de désunion.

Sans toi, ma vie serait une catastrophe,

un tas de débris

dont je ne sais pas comment je sortirai.

Il ne me reste que ça.

Et je m'y accroche.

L'espoir que nous trouvions,

un chemin d'entente.

Et après viennent les petits malheurs de la vieillesse,

qui malgré la différence d'âge,

14 ans,

va finir par les mettre tous les deux

à égalité.

D'abord George fait un malaise,

seul chez lui, en Suisse.

Il se retrouve à l'hôpital,

et Susie annule tout,

et elle débarque à Neuchâtel.

Et elle le trouve en robe de chambre,

avec une couche.

Pas très sable,

mais c'est bien.

Avec une couche.

Pas très sexy.

Et avec son fils, il se met à parler

maison de retraite.

Et après c'est elle qui fait une péricardite,

et puis un cancer des ovaires.

Opération, 3 mois de chimio.

Et c'est lui, George,

qui l'accompagne à la première séance.

La vie continue,

avec ses hauts, ses bas,

et notre amour fleurs tardives et précieuses,

fruits d'un hasard de la vie,

qui ne se fanent pas.

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Susie et Georges, 60 et 74 ans, sont veufs et s’enfoncent dans la solitude. Jusqu’au jour où ils se rencontrent sur internet et redécouvrent l’amour.