Hondelatte Raconte - Christophe Hondelatte: Pierre Conty, le tueur de l’Ardèche - Le débrief

Europe 1 Europe 1 4/15/23 - 15m - PDF Transcript

Pour commenter son histoire du jour, Christophe Ondelat reçoit un invité, acteur direct de son récit.

Voilà donc pour ce récit reconstitué donc grâce à deux livres, celui de Noël Sarola dans lequel elle raconte comment elle a été amenée à être la complice de la cavale de Pierre Canty.

Et surtout le vôtre Henri Clinze, mon témoignage sur l'affaire Pierre Canty, qui vient de paraître aux éditions Marueuil, vous êtes donc ce gendarme qui a échappé à la mort le 24 août 1977.

Votre collègue, Danny Luxac, n'ayant pas eu cette chance puisque lui, a été abattu par Canty.

C'était il y a 40 ans et quelques mois et 40 ans après, on a le sentiment que c'est une histoire qui vous obsède encore et qui vous a obsédé toute votre vie, vrai?

Oui c'est vrai, c'est 35 ans d'abord d'enquête, 35 ans de recherche dans la clave destinité, voire dans l'illégalité.

Oui parce que vous ne tuez pas saisis en tant que gendarme de cette enquête.

Voilà, j'étais pas gendarme sur cette enquête et qui plus est la gendarmerie, il est en décésie de l'affaire au profit de la police judiciaire.

Je ne pouvais pas m'investir officiellement et faire mes recherches personnelles.

Ça veut dire que vous êtes allé lire le dossier d'enquête aux archives, intégralement?

Ça veut dire que je suis allé compulser, après beaucoup de refus, j'ai obtenu une autorisation d'aller compulser ce dossier d'enquête judiciaire entièrement, qui est assez conséquent.

Il y a 8 pages de dossier et puis également l'audition de tous les témoins, c'est-à-dire tous les acteurs et également tous les témoins de cette affaire pendant 35 ans.

Ça veut dire que par exemple vous avez retrouvé tous les membres de la communauté de Rochebès?

Pas tous mais parce que beaucoup ont disparu et se sont dissous dans la société actuelle, mais j'ai retrouvé bien sûr les membres de la famille et également les proches de Pierre Contier.

Qui sont restés dans l'esprit de l'époque ou qui sont devenus des petits bourgeois?

Le mot bourgeois est peut-être un peu fort mais on va dire qu'ils se sont intégrés à la société actuelle, oui.

Alors vous dites dans votre livre que vous avez le goût amer de l'épargner? Ça veut dire quoi, ça?

Alors en fait ce livre, si vous voulez, c'est bien sûr l'histoire de Pierre Contier mais c'est mon histoire.

Les gens comme moi qui survivent à une affaire comme ça sont touchés par un syndrome qu'on appelle psychologiquement le syndrome du survivant, comme il existe le syndrome de Stockholm.

Donc moi j'ai porté ce syndrome pendant des années, pendant 35 ans, ça m'a pourrit ma vie, et un jour j'ai décidé de poser ce poids.

Et ce poids, je l'ai posé en écrivant mon histoire.

Comme certains vont voir un psychiatre et sur un banc verbalisent leurs mots MAUX par des mots MOTS, moi j'ai utilisé ma main comme pour verbaliser cette affaire

et échapper par le bout de mes doigts ce poids que je portais depuis 35 ans.

Vous écrivez même que dans les années qui ont suivi, au cours de votre carrière de gendarme, vous vous êtes exposé au danger,

comme pour finir par prendre la balle qui ce jour-là vous a épargné?

Tout à fait, en quelque part ce syndrome est tellement fort qu'on aurait voulu être parmi les victimes.

À ce point-là?

Oui, à ce point-là.

Au nom de Danie?

Oui, au nom de Danie, également au nom des imperfections de l'enquête, au nom des vides juridiques, au nom des silences, au nom des injustices.

C'est un tout en fait.

Votre dernière phrase du livret, il ne devrait pas tarder à réapparaître.

On y reviendra tout à l'heure après la pub.

Vous pensez que Pierre Conti est toujours vivant?

Oui, j'ai des nouvelles, on va dire, fraîches, si on passe à l'expression, qui date du printemps 2017, selon laquelle Pierre Conti est toujours vivant et il se porte très très bien.

Il ne risque plus rien aujourd'hui sur le plan judiciaire. Cette affaire est prescrite, maintenant, et donc techniquement, il pourrait réapparaître.

Oui, il retrouve au bout de 30 ans ces droits civiques et civils, de citoyens comme vous et moi, et donc il pourrait apparaître librement

sur le territoire national, sans que la justice ou la police lui demande des comptes.

À votre connaissance, il le souhaite?

À ma connaissance, il ne souhaite pas revenir. C'est pour ça que c'est sa famille qui va le voir.

Elle va le voir là où il est?

Exactement.

Vous savez dans quel pays il est?

Oui, il est en Afrique du Nord.

Vous en êtes certains?

J'ai des témoignages qui confirment qu'il est en Afrique du Nord.

Henri Clince, vous êtes un miraculé dans cette affaire, puisqu'à l'époque, vous êtes jeune gendarme, et vous êtes dans la fameuse estafette

qui croise par hasard la route des deux tueurs qui sont en fuite après ce braquage au crédit agricole, et vous voyez, votre collègue, Danny, s'effondrait

sous les balles de Comti. Vous, qu'est-ce qui s'est passé? Ils ont voulu vous tuer, ou ils ont voulu vous épargner?

Alors Pierre Comti avait la volonté farouche de me tuer, puisqu'il a dit à son complice, descend-le.

Et moi, je me suis retourné en partie vers Stéphanie au Pécate, et je lui ai dit, déconne pas, je suis marié.

Et il m'a dit, casse-toi. Donc Stéphanie au Pécate a décidé ce jour-là de m'épargner.

Il avait le temps matériel de me tuer, soit de face, soit dans le dos lorsque j'ai pris la fuite, et il ne l'a pas fait.

Et donc, vous descendez ce ravin, en roules et boules, jusqu'à cette eau, et en bas, à ce moment-là, il peut encore vous tuer.

Il essaye d'ailleurs, il tire.

Il tire, mais il tire volontairement trop haut pour m'atteindre.

Il aurait eu le temps matériel de le faire, de m'abattre dans le dos, à 2 mètres, on n'aura pas sa cible, et il ne l'a pas fait.

Pourquoi d'après vous? Parce que vous êtes marié?

Non, je crois parce que c'est un sportif de haut niveau qui fait notamment des sports de combat, et qui a une maîtrise de lui-même, quasi parfaite.

D'ailleurs, ce qui est assez important dans cette affaire, c'est surprenant, c'est qu'il ne versera pas dans la bième du crime.

Ce jour-là, alors qu'emporté dans la folie de Pierre Conti, combien de gens auraient pu résister à un versement dans ce tel ravin du crime?

Vio Pécate n'était pas fait du même bois que Pierre Conti.

Pas du tout.

L'un est un prolétaire issu d'un milieu ordinaire, un contestateur communiste à l'origine qui duviendra après terroriste et extrémiste et anarchiste Conti.

L'autre est qu'un enfant parisien du 16e arrondissement, qui est en mal à des démons qui lui courent après, s'il est en mal avec lui-même,

si vous laissez quelqu'un qui se cherche et qui va se débrider dans le milieu des néoruraux de l'Ardèche, mais qui n'a pas l'essence d'un pire Conti.

C'est un enfant de famille aisé, qui a une bonne éducation, qui a un milieu intellectuel très élevé, qui vit d'une rente que lui verse ses parents.

Donc c'est un enfant de bourgeois qui est à l'opposé même des idéologies de Conti, puisque sur la maison de Conti, il avait écrit « interdit aux flics et aux bourgeois ».

C'est paradoxal.

Il était bourgeois lui-même.

Tout à fait.

Une question quand même qu'on se pose dans ce récit.

Pourquoi est-ce que vous ne tirez pas? Vous êtes chan d'armes, vous êtes armés, vous ne tirez pas?

Alors, on ne tire pas parce qu'on n'a pas eu le temps de le tirer.

Les malfaiteurs savaient qui on était.

On reconnait les gens d'armes.

On leur restait à la fête de l'arquipie.

Nous, on ne savait pas qu'ils étaient des malfaiteurs.

La bonne raison technique, on n'avait pas à l'époque les fréquences radio nécessaires pour savoir ce qui se passait dans le département.

Vous ne saviez pas qu'il y avait eu un hold-up?

Pas du tout, d'autant plus que le commissaire qui clôture à l'enquête et son procès verbal de synthèse qui dirige le SRPG de Montpellier, termine son procès verbal dans cette phrase extraordinaire.

Il dit, à la vue des gens d'armes, Pierre Conti n'avait plus qu'une idée, se frayait un passage et éliminait les témoins.

Voilà, ça résume l'affaire.

Donc vous n'avez pas été en mesure de tirer à aucun moment, ni de dégainer?

Non.

J'ai eu le temps de dégainer, mais j'ai pas eu le temps de tirer.

En même temps, vous êtes jeune, dans une brigade de campagne, on peut pas être plus à la campagne que là, vous n'êtes pas vraiment préparé à affronter des olibrillus de ce niveau.

À l'époque, les gendarmes n'étaient pas préparés, comme le sont maintenant les jeunes gendarmes sortant d'école et du modernisme de la gendarme réactuelle, qui a fait un bon considérable en avant dans sa technicité.

À l'époque, on était des gendarmes ruraux de la campagne traditionnelle, s'il voulait au sortir de la pré-guerra.

Il s'est passé jamais rien, quoi.

Il s'est passé jamais rien, et la dernière affaire criminelle importante dans l'Ardèche, c'était l'affaire de Père Rebeille.

Que j'ai raconté.

L'auberge rouge.

Tout à fait, que vous avez raconté, qui était survenu pendant la restauration.

Pourquoi est-ce qu'ils tuent les deux automobilistes? Parce qu'il n'y a pas nécessité. Vous savez pourquoi vous?

Alors votre question est la question d'un inquièteur.

Et par avant, bien sûr, on se pose la question, pourquoi au cours de sa cavale?

Il a des incidents divers avec d'autres automobilistes qui l'épargnent.

Et il va tuer Cyprien, Malos et son fils Roland.

Alors, je travaille actuellement sur cette piste qui laisse entrevoir des horizons assez intéressants.

Et on le saura dans un prochain livre qui va sortir sur membre pour Noël prochain, dans lequel l'histoire sera éclairci définitivement.

Est-ce que vous pensez que Père Conti a été protégé dans sa fuite? Et c'est oui par qui?

Alors protéger à plusieurs niveaux. Aujourd'hui, je peux l'affirmer, je l'écrirai, je le prouverai dans mon prochain livre.

Mais si vous voulez, moi, je ne peux écrire que les choses que j'ai vues et pour lesquelles j'ai un élément certain.

Alors si vous voulez, le premier élément arrive d'un avocat,

lorsqu'il interpelle le procureur dans les publics, maître Périn, qui est bâtonnier de l'Ardèche,

en disant au procureur, au cours d'une audience, qui protège Père Conti?

C'est pas moi qui l'ai dit. C'est l'avocat des partis civils. Et qui interpelle le procureur en ces termes?

Monsieur le procureur, votre substitue ne m'a-t-elle pas dit,

ce n'est pas la peine de me transmettre à les plaintes de vos clients, je les mettrais sous le coude.

Voilà ce qui s'est dit à une audience correctionnelle à privat.

Et donc qui le protège?

Alors il y a plusieurs facteurs, plusieurs personnes qui sont derrière Père Conti.

Mais si vous voulez, je réserve ça un petit peu à mes lecteurs, mais on va dire que ça vient du milieu judiciaire,

du milieu politique et du milieu social.

Ce que vous dites en gros dans votre livre, c'est que dans l'atmosphère de l'époque qui va juste suivre,

qui est celle de mai 1981, l'arrivée de la gauche au pouvoir,

il s'est trouvé tout un tas de gens pour ne pas avoir envie d'arrêter,

ni de faire comparaître devant les assises Père Conti.

Oui, le député de l'Ardèche, à l'époque, Pierre Corné me disait au cours d'un entretien,

lorsqu'on a vu le mouvement néo-rural apparaître,

on a eu qu'une idée, c'est d'aider de disperser sur le territoire national.

Parce que ces gens-là, c'était des contestataires.

Donc on n'avait pas envie de créer un nouveau 68.

Et donc puisqu'ils voulaient aller à la terre, dans des coins isolés,

même qu'ils y aillent, et on va les aider.

C'est-à-dire qu'on va leur donner des facilités pour s'installer à la terre et les y fixer.

C'est le mot qui avait été employé par le député Pierre Corné,

de manière à ce que ces gens ne se retrouvent pas dans la rue de la capitale

et comment s'était passé en 128 heures.

Et donc, est-ce qu'il est possible que la gauche de 81

ait fermé les yeux sur la cavale de Conti?

Effectivement, il s'est passé des événements politiques

qui font que Pierre Conti a bénéficié de certaines protections, entre guillemets, de faits.

Je vais en prendre une au hasard.

L'abolition, par exemple, de la courte sûreté de l'État,

a permis de faire mettre à la trappe son dossier de terrorisme.

C'est-à-dire, Pierre Conti, qui de tenait 1600 kilos d'explosifs,

destiné à faire sauter une centrale nucléaire.

600 kilos de ces explosifs étaient déjà passés dans les rambes d'action directe.

Le dossier concernant cette affaire est passé à la trappe,

avec la suppression de la courte sûreté de l'État.

Oui, ça, c'est quelque chose que je n'ai pas raconté,

mais en 1980, à la suite d'une dénonciation,

on creuse à Roche-Baisse et on retrouve de la dynamite et des armes enterrées.

Et à ce moment-là, on dit Conti était proche d'action directe.

Non seulement il était proche, mais effectivement,

il voulait être une des leaders du terrorisme.

Il avait, dans ses idées anarchistes, des idées fortes à ce sujet.

Et le fait qu'on retrouve chez lui 1600 kilos d'explosifs

destiné à faire sauter la centrale nucléaire de crues

qui après, a été ventilé dans le groupe d'action directe.

Donc ce sont, au fond, tout ce qui évoluait dans la mouvance gauchiste de l'époque,

à votre sens, qui ont fait en sorte que Conti ne soit jamais attrapé.

C'est un peu difficile de répondre à votre question,

c'est pas seulement une affaire politique,

c'est un mélange de circonstances qui ont été favorables à Pierre Conti.

D'abord des protections humaines, politiques également,

puis vous savez, il y a quelque chose de commun à la classe politique.

C'est que les loups ne se mangent pas entre eux.

Et on trouvait dans Roche-Baisse des enfants du milieu politique

qui appartenaient à des extrêmes politiques

qui étaient très éloignés dont les parents étaient très éloignés des familles politiques

et les enfants se côtoyaient dans les communautés neururales.

Donc à partir de là, il valait mieux jeter un voile et discuter sur l'affaire.

Est-ce que vous aimeriez, aujourd'hui, rencontrer Conti?

Par curiousité malsaine, je dois avouer que oui,

je voudrais bien savoir s'il a évolué dans sa pensée comme moi j'ai évolué.

Mais je suis un peu déçu parce qu'on m'a dit, il n'a pas changé.

Vous lui poseriez quoi comme première question?

Quel regard il a aujourd'hui sur ce qui s'est passé avant?

Vous voudriez qu'il ait des regrets?

J'aimerais bien, oui.

Normalement, il devrait en avoir.

Je pense qu'avec l'âge, la sagesse et d'an,

il a dû retourner l'affaire dans sa tête plus d'une fois.

Merci Henri Clintz.

À votre service, merci à vous.

Merci infiniment.

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En 1977, trois hippies, membres de la communauté de Rochebesse en Ardèche, attaquent une agence bancaire. Dans leur fuite, ils tuent un gendarme et deux automobilistes. Les enquêteurs retrouvent leurs traces dans une ferme mais ils se sont envolés.