Hondelatte Raconte - Christophe Hondelatte: Maria Doyle, aveugle à 9 ans, star à 20 ans - Le débrief

Europe 1 Europe 1 10/1/23 - 14m - PDF Transcript

Pour commenter son histoire du jour, Christophe Ondelat reçoit un invité, acteur direct de son récit.

C'est votre fils, Maria, qui vous accompagne au piano sur cette chanson, n'est-ce pas ?

Oui, t'as raison, Christophe.

C'est votre fils aîné, hein ?

Oui, oui, oui.

Comment il s'appelle ?

Emmanuel, comme son papa.

Ils sont tous musiciens.

Sauf un qui elle danse, elle fait de danse classique, mais elle danse très très bien.

Qu'est-ce que vous apporte dans la vie, la chanson ?

Tout, tout en fait.

Parce que je pense, bon, quand je suis devenue aveugle, j'avais cette rêve dans mon cœur depuis tout petit.

J'ai chanté même avant de parler et cette voix, ma voix, c'est elle qui m'a donné cette force de continuer, d'aller plus loin.

Et je m'imaginais, comme j'ai dit souvent, ma maladie, c'était le ciel tout noir et j'étais cette petite tétoile sur le côté.

Et c'était mon rêve de chanter et de briller pour tout le monde.

Est-ce que c'est un rêve de chanter devant des gens ?

Ou est-ce que le vrai bonheur, votre vrai bonheur, les chanteurs disent souvent que ce qui est rempli de bonheur, c'est la vibration au niveau du plexus de la poitrine ?

Oui.

En fait, comme moi, je suis sur scène, c'est là que je ne suis pas aveugle, en fait.

Vraiment, j'ai l'impression de tout voir, de tout sentir.

Et en moi, cette émotion que ça me donne et de donner ça aux autres, en fait, je me sens comme un oiseau qui vole.

Je n'ai pas besoin de faire attention à ce qu'il y a, attention à ça.

J'ai juste besoin de chanter et de me vider, en fait.

C'est ça, le champ pour moi.

Est-ce qu'il y a une version braille de votre livre ?

Ou est-ce qu'il y aura une version braille de votre livre ?

Ça, je ne sais pas trop parce qu'elle vient juste de sortir mon livre.

Mais je l'espère parce que mon message, justement, c'est que je peux donner de la force à tous ces petits enfants qui m'écoutent, qui peut-être en train de devenir aveugle,

qui peuvent vraiment réaliser tout leur rêve, tout est possible.

Alors, si on revient au tout début, on est surpris.

Tout de même, par votre réaction, vous avez 9 ans et vous encaissez le choc de votre cécité.

J'ai envie de dire sans broncher, en tout cas, sans vous effondrer.

À quoi ça tient ?

Alors, je pense parce que la vie que j'avais en Irlande, elle était très difficile.

On était pauvres.

Et l'année avant, j'avais perdu ma petite sœur, elle est morte dans les bras de ma maman.

Et pour moi, il n'y avait rien pire que la mort.

Et moi, quand ils avaient annoncé cette nouvelle, dans ma tête tout de suite, j'avais pensé, mais tiens, toi, t'es en vie,

t'as 9 ans et demi, t'as déjà vu plein de choses que ta petite sœur n'aurait jamais vu, et t'as de la chance.

Et j'avais mon petit copain aussi, qu'il n'avait pas de jambe.

Alors lui, il nous suivait partout, son papa, lui, a fabriqué un petit skate.

Et lui, il était heureux.

Et je me suis dit, si lui, il est heureux sans ses jambes, moi, je peux être heureux sans mes yeux.

Et en plus, comme j'avais cette rêve de chanter, j'ai dit, mais je n'ai pas besoin de mes yeux pour chanter.

Je peux faire tout ça sans voir.

Et puis, il y a votre maman.

C'est-à-dire qu'on voit bien, en lisant votre livre, que votre maman vous insuffle une énergie incroyable.

Oh, ma mère, c'est tout pour moi, vraiment.

Et c'est pour ça que je vais dédiquer cette livre pour elle, parce que c'est son histoire aussi.

Parce qu'après, bien sûr, quand j'ai su, en fait, que mon papa et cet zoro qui habite quelque part en Espagne,

je me sentais si spécial, si différent.

Et quand elle m'a raconté tout mon début dans ces foyers de la Madeleine Landrys et toute son parcours horrible.

Je n'ai pas raconté l'histoire de votre mère, qui est une enfant de ces fameux foyers irlandais.

Oui, des Madeleines Landrys.

La Madeleine Landrys, elle était enfermée comme des prisons, en fait.

Les enfants étaient vendus et volés.

Ils étaient mises à l'adoption sans des fois l'accord des filles.

Moi, j'ai eu de la chance, parce que ma grand-mère, elle nous a trouvés les traces.

Elle avait déjà deux enfants, elle a trouvé les traces de sa fille et on est sortis de cette prison.

Mais maman, elle était obligée de se battre, vraiment de se battre.

Et c'est grâce à cette force qu'elle avait que j'ai hérité de cette même force.

Quelle est la place là-dedans ? On est en Irlande dans les années 70, très catholique.

Quelle est la place de la foi dans cette envie de vaincre ?

Mais pour moi, dans ma maison, c'était très important parce qu'on avait vécu des choses très difficiles.

Les catholismes, c'était très important, le petit communion.

La foi, c'était tout ce qu'on avait, quand on n'avait pas à manger, quand à foi.

Il restait la prière.

Il restait la prière et ça donnait une force.

Et c'est vrai, ça m'a aidé beaucoup, moi et ma famille.

La révélation du secret de famille.

D'abord, est-ce que c'est une révélation ?

Parce qu'on dit toujours que les secrets de famille, on les perçoit.

On les connaît pas, on n'est pas capable de les verbaliser.

Est-ce que vous vous doutiez de quelque chose ?

Non.

Pas du tout, pas du tout.

Je pense que si je ne serais pas devenue aveugle, je ne serais jamais...

Maman n'aurait jamais dévolgué cet secret.

Cet secret-là.

Oui.

Tu restais le fille de Patrick McCabe, encore aujourd'hui.

Voilà, c'était vraiment son secret.

Elle voulait le garder.

Ça a changé votre relation avec votre père ?

Je ne parlais pas trop avec après parce que j'ai aimé beaucoup mon papa qui m'a élevée.

Et c'est juste depuis il n'y a pas longtemps, quand il est mort,

que je vais vraiment discuter beaucoup avec maman,

à propos de mon père, mes racines, parce que c'est vrai.

J'ai coupé en deux, je connais beaucoup le côté irlandais,

mais il y a un côté de moi, je ne connais pas du tout.

Et je sais, il est en moi parce que c'est grâce à lui,

cet handicap, parce qu'ils étaient deux pour me faire.

Mais lui, par contre, il ne sait pas qui il est porteur.

Du gène.

Il ne sait pas.

Vous avez cherché à le retrouver, d'ailleurs, ce Theodoros Gonzales Gonzales.

Il a un nom extraordinaire.

Oui, oui, c'est... Alors, c'est une question d'Alika, Christophe,

parce que, en fait, je ne veux pas frapper, venir frapper à sa porte et dire,

« Me tiens, tu as fait une fille, je suis aveugle. »

Assume.

Oui, je ne veux pas parce que...

Mais s'il vient lui ?

Voilà.

Là, si un jour, peut-être une de ses enfants,

parce que c'est peut-être Dieu de demi-frère et de demi-sœur,

qui le disent, peut-être avec cette livre,

« Je jette à la mer comme une bouteille »,

ils disent, « Ah, peut-être, c'est peut-être notre père.

Moi, je connais, il était marin et c'est vrai, il était en Irlande.

Écoute, c'est peut-être toi.

Je préfère que c'est plus magique.

Je veux que ce soit pas une miracle, mais oui,

une miracle que ça vienne plutôt de lui.

Pas moi.

Je comprends.

Voilà.

Alors, quand vous vous présentez à ce concours de l'Eurovision,

vous ne dites pas que vous êtes aveugle.

Vous dites quoi ?

Vous dites que j'ai un petit problème quand même,

parce qu'il faut bien se déplacer sur scène.

Mais pas à ce point.

Alors, c'est sûr, comme aujourd'hui,

j'avais toujours quelqu'un qui m'a accompagné,

mais j'ai utilisé toutes mes sens,

et tous les matins,

vraiment, tout était calculé,

je le savais tout,

mais je ne voulais pas de l'appétit.

C'est l'appétit ?

L'appétit.

Je ne voulais pas que les gens disent,

« Ah, le pauvre ».

Même ça arrive, Christophe, là.

Moi, je n'ose pas aller au magasin avec ma canne blanche,

parce que, regarde, le semaine dernière,

j'étais au magasin avec les petits,

mes deux dernières,

et j'avais la canne avec moi,

c'est rare,

mais il y avait un homme qui était devant moi,

il a dit « Quelle belle femme, quel dommage ».

Et c'est des petites choses comme ça.

Vous l'avez entendu ?

Oui.

Et c'est pas vous l'avez entendu ?

Moi, je pense que si,

il a parlé quand même assez fort,

il fallait être sourd, je crois.

Je suis aveugle, mais pas sourd.

Et belle, vous êtes belle.

Mais je ne voulais pas être pétière,

et j'avais peur aussi,

parce qu'à l'époque,

dans les années 60, 70, 80,

l'handicap, il n'y avait pas la même vue

sur les handicapés,

et c'était mal vu d'être handicapé.

Le preuve, mon papa,

tu avais dit tout à l'heure,

il était plâtrier.

Il voulait immigrer en Australie

pour changer de vie après Dona,

après le monde de Dona,

un an après.

Mais tout le monde a passé l'immigration,

ils m'ont refusé.

J'avais que dix ans,

j'étais un petit gamin,

j'étais interdit d'aller en Australie

pour faire une nouvelle vie avec mes parents.

On ne se rend pas compte.

Aujourd'hui, ça serait une opportunité.

Vous seriez jeune,

vous vous lanceriez aujourd'hui

dans la chanson,

vous diriez aujourd'hui

que vous êtes aveugle.

On ne parlerait que de vous

parce que vous êtes aveugle.

Aujourd'hui, parce que c'est différent,

parce que maintenant,

c'est une force en plus situarie

avec un handicap.

Mais à l'époque, nous,

à l'époque, nous,

c'était mal vu.

C'était mal vu de pas voir.

D'ailleurs, vous n'êtes pas

complètement aveugle.

Il vous reste un tout petit pourcentage.

Vous voyez la lumière.

La lumière.

Et voilà, c'est,

pour moi, c'est extraordinaire,

parce que je n'aime pas le noir,

déjà.

Et cette lumière,

ça me donne cette force de,

de, je ne sais pas,

comme une énergie.

Cette lumière qui,

grâce à cette lumière,

je veux briller

et je veux,

je suis toujours en recherche

de la lumière.

Et le fait que j'ai cette

petite lumière qui rentre,

ça me console énormément.

Et votre avantage,

ce qui va vous aider

dans ce concours de l'Eurovision,

vous suivez les caméras des yeux.

Comment vous faites, d'ailleurs ?

Alors, je ne sais pas si je les suis.

Je prends ces plutôt...

J'ai regardé la vidéo.

Oui, en fait...

A aucun moment, ça ne se voit.

Oui, en fait,

je fais les mêmes gestes,

à la même temps,

à chaque répète,

tous les matins.

Et je pense,

parce qu'il y avait six jours

de répète.

Et je pense que les cameraman,

ils se rendent des comptes,

parce que c'était des pros,

ils se rendent des comptes

qu'à là, à cette,

quand je dis catch the tide,

il y a des mots-clés,

ils savaient qu'elle va faire ça, là,

et ils ont travaillé

aux fonctions de moi.

Oui.

Donc, ce sont eux qui ont

répété ce que vous foliez ?

Je pense.

Ils vous ont suivi,

et pas vous qui l'avez suivi.

Quand vous fuyez l'école

pour aveugle de Dublain à pied,

comment est-ce que vous faites

pour vous déplacer ?

Parce que ça, quand même,

vous faites 15 km

sur des routes

que vous ne connaissez pas.

Alors, toutes les aléoïtours

que j'ai fait, quand même,

avec maman,

à l'hôpital, à Dublain,

j'avais quand même

cette sixième sens

qui est vraiment très développée.

Et en fait, c'est

l'alerte.

Tu vois, tout te devient

comme ligne.

Tu aurais d'alerte.

Voilà.

Et je le savais

avec cette sens

où il fallait aller,

qu'est-ce qu'il fallait faire.

Et je tiens

très, très bonne actrice.

Très, très bonne actrice.

Et quand les gens, ils disaient,

bonjour, juste bonjour,

ça va.

Et je suis entrée dans

cette magasin,

et je dis à cette dame,

écoute, je suis perdu.

Je suis perdu

ma pièce pour le bus.

Est-ce que...

Bonjour, sans montrer

que vous êtes aveugle ?

Toujours, toujours.

Et ils me croyaient,

les gens, ils avaient

un doute.

Ils me donnaient la pièce.

Je prenais le bus.

Et hop, j'étais sur

au Colonel Bridge.

Et là, je le savais,

c'était tout droit.

C'est pas compliqué.

Le Dublin Road,

il n'y a que un,

un Dublin Road,

et c'était tout droit.

Et je suis allé tout droit.

Tout droit, tout droit.

Il y a une dernière séquence

dont je veux qu'on parle.

C'est ce moment

où vous tentez

de rebondir à Londres.

Et vous tombez

très exactement

sur le type

de producteur

sur lequel

sont tombés

beaucoup d'actrices

de cinémas.

C'est la fameuse

affaire Harvey Weinstein.

C'est ce qu'on peut réussir.

Au fond, c'est ça

qui vous dit Tony.

Puisque t'as pas couché,

eh bien, tu chanteras bras.

Voilà.

Mais c'est ça.

Et moi,

comme j'étais très bonne

catholique,

je pouvais pas,

je pouvais pas,

je pouvais pas faire ça.

C'est le catholicisme

qui vous souloue

un sale tour à ce moment-là.

Vous dites.

Mais non,

moi,

je pense que c'était...

Je pense que

je suis contente

que je n'ai pas fait ça.

Je suis très heureuse

que je n'ai pas pris

ce chemin-là.

Je serais peut-être

malheureuse aujourd'hui.

C'est cet enfant.

Je pense que

j'ai sacrifié

peut-être ma carrière

parce que je ne voulais pas

coucher.

Mais je suis fière de moi.

C'est tout.

Aujourd'hui,

si quelqu'un vient vous voir

et vous dit

on fait un disque,

Maria.

Je serais contente.

Vous serais contente?

Oui.

Ah oui, ça,

c'est sûr.

Avec mes enfants

qui jouent derrière moi,

là.

Il y a un truc à faire, là.

Ah bah,

ça serait vraiment

un super,

super rêve.

Vous parlez

comme Jane Burkin.

Mieux.

Je ne sais pas

comment elle chante

Jane Burkin.

Elle chante bien?

Oui,

le pôneur pour quoi

qu'il se sauve.

Oui.

Petite voix,

toute petite voix.

Ah non,

moi, j'ai pas

une petite voix.

Ah non,

non,

j'ai une grosse voix.

Non,

ça,

c'est pas important.

L'important,

c'est de chanter

avec son coeur.

Et c'est tout.

J'ai adoré

passer ce moment avec vous.

Maria Doyle

et je conseille

à tous la lecture

plomb.

Merci Christophe.

Machine-generated transcript that may contain inaccuracies.

Maria Doyle perd la vue à l’âge de 9 ans mais rêve toujours de devenir chanteuse. Et à 20 ans, sans rien dire de son handicap, elle est sélectionnée pour représenter son pays d’origine, l’Irlande, au concours de l’Eurovision.