Hondelatte Raconte - Christophe Hondelatte: Les histoires de Maître Mô - L'intégrale

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Je vais vous raconter aujourd'hui trois petites histoires criminelles qui toutes les trois

racontent à leur manière le métier d'avocat. Et vous verrez, elles sont toutes les trois

touchantes et même certaines bouleversantes. Je les ai tirées dans l'ivre qui est publié

par les éditions Les Arenes, le livre de Maître Maud, Maître Maud étant le pseudonyme

sur les réseaux sociaux d'un avocat de l'île qui s'appelait Maître Jean-Yves Moyard et

qui est décédé au début de l'année 2021. Il tenait un blog dans lequel il racontait

son métier et c'est de ce blog que sont tirés les histoires de son livre. En voici trois

dont deux, je le répète, vous le verrez extrêmement touchantes. Et nous les débriefons avec vous,

Maître Maurent, bonjour. Vous êtes avocat au barreau de Paris, vous avez bien connu Maître

Maud et vous reciturez évidemment ces histoires dans le contexte du bonhomme. Voici la première

histoire, elle raconte ses premiers pas d'avocat avec une scène très drôle dans laquelle

il se prend les pieds dans sa robe. Je l'ai écrite avec Nicolas Loupien, réalisation

Céline Lebrace.

Me voilà donc avec une trentaine d'autres élèves avocats et leurs familles dans la belle salle

du Parlement des Flandres à Douay. Je suis debout avec une robe d'avocat flambant neuf,

c'est ma grand-mère qui me l'a offerte et j'ai des grands plans et je dis à mon tour

notre magnifique serment. Je le jure et je deviens avocat.

Dans les heures qui suivent, j'ai droit à ma première permanence pénale, ma première

audience correctionnelle et ma première plaidoire. Ce jour-là doivent comparètre de garçons qui

sont soupçonnées d'avoir volé à l'arracher devant la gare de l'île le sac d'une tamagée.

La dame s'est mis à urler, les policiers toujours présents dans la gare ont fendu la foule,

ils ont relevé la dame qui leur a donné une description des malentrain. Mais c'était deux

jeunes arabes, il y en avait un grand, avec les yeux noirs, méchants. Dans la foule, les policiers ont

repéré deux jeunes gars qui pouvaient correspondre à la description. Tout le monde a été amené au poste,

et l'un des deux avait un casier long comme un jour sans pain. La victime l'a reconnu,

mais lui, il a tout nier, sachant qu'il avait sur lui la somme de 150 francs qui correspondait à

peu près à la somme contenue dans le sac à main de la dame, avec un détail qui confondait définitivement

le gars. C'est-à-dire que je range toujours mes billets dans mon porte-monnaie, en les pliant

une fois dans la largeur, deux fois dans la longueur. J'ai appris depuis que les vendeurs de stupes

font la même chose. Si ça se trouve, c'était madame Escobar et je ne l'ai jamais su. Quoi qu'il en soit,

les billets de 50 francs saisissent sur notre lascar présentaient bien une trace de pli vertical et deux

horizontales. Le lendemain, le garçon et la victime se retrouvent devant le tribunal correctionnel,

et l'étudiant a tardé que je suis encore et commis d'office. Et donc je rencontre mon client dans

les jaunes du palais. Il s'appelle Farid et appartient à la catégorie des clients agérables. Quand

j'arrive, je l'entends déjà hurler. « Lâchez-moi ! Le rire fait de mal, justite merde ! Je veux voir

l'avocat ! » Et là, il me découvre. « Je bois un gamin à moi. C'est un bébé, putain. Je veux un avocat ! »

D'accord. Je vous demande de vous calmer. Vous êtes innocents, d'accord ? Mais vous allez le dire avec une

voix normale, hein ? « Vas-y, va ! Dégage, bouffant ! Va changer ta couche ! » Il n'y. Je plaiderai la relax. C'est tout.

Je regagne la salle d'audience qui, pour ma plus grande trouille, commence à se remplir. Et là,

je vois deux typesurs suite au premier an. Ce sont les chroniqueurs judiciaires de deux quotidiens

les lois. « Bienvenue, maître. C'est pas mal cette affaire. C'est rigolo, le coup d'ébiller. » Effectivement.

Dites-moi, vous n'auriez pas un billet de 50 francs ? Je vous le rendrai après l'audience. Et je le

plie devant eux exactement comme la victime. Avant de le ranger dans la poche arrière de mon pantalon,

un costume au champ, si je me souviens bien, a c'était le début. L'audience commence et mon

faride entre en scène. Il faut que je vous précise que notre robe, long jusqu'à Mimolet,

comporte une sorte de queue de pied, une traîne qui est repliée à l'intérieur. Maître Maure,

le tribunal serait joui de vous entendre pour la première fois. Vous avez la parole. Merci,

monsieur le Président. Et là, je me lève de mon banc. Et l'un de mes pieds se prend dans

l'une des suspentes de ma robe. Et je me retrouve allongé sur le dos. Les bras en croix. Tandis

que tout le monde, sans exception, rie à gorge déployé. Ça va, maître ? J'espère que ça n'est

pas la défense de monsieur qui s'écroule. Non. Non, monsieur le Président, je demande à votre

tribunal de ne pas tenir compte de ce premier argument. Et là, dessus, je plaide. Et le coup

du billet fonctionne. Voici le billet que j'ai dans ma poche. Je l'ai plié très exactement comme

la victime. Et vous noterez qu'en le dépliant, s'agissant d'un billet usagé, il ne porte aucune

trace de pliure. Aucune. Et Farid est relaxé au bénéfice du doute. Voici une histoire d'avocat

que je tire du livre de Maître Maud publié aux éditions Les Arènes. Maître Maud, c'est le

pseudonyme de l'avocat liloi Jean-Yves Moyard décédé il y a quelques temps. Maître Maud tenait

un blog dans lequel il racontait des histoires qu'il avait vécu. Et voici une histoire d'accident.

La réalisation est signée celles-ci. Au tout début de ma carrière, je travaille dans un

cabinet qui a notamment pour clients une chaîne très connue de magasins. Et un jour,

l'un des avocats associés qui dirige le cabinet me confie une affaire. Tenez, Moyard,

c'est pour vous. Faites pour le mieux, c'est un très gros client du cabinet.

Alors voilà le dossier. L'un des cadres supérieurs de l'entreprise était revenu en pleine nuit

d'un voyage d'affaires dans un pays de l'est. Son avion avait atterri à Bruxelles vers deux heures

du matin. Il lui restait ensuite une heure et demie environ de trajet pour rejoindre son domicile à Lille.

Et donc il avait réservé une grosse berline de location. N'il lui ni personne n'a jamais su

ce qui s'était vraiment passé. Il roulait sur le tour route belge à la vitesse légale de 120 kmh.

Enfin, c'est ce qui établira l'enquête. Il n'avait pas vu une goutte d'alcool. Et il

a brutalement perdu le contrôle de son véhicule. Et sans raison apparente, la voiture a souda

brutalement dévié de sa trajectoire rectiligne et foncée vers le mur et embêtons séparant les

deux voies de l'autoroute. Il a voulu redresser. Il n'y est pas arrivé. Et il a percuté le

mouvret mal conçu puisqu'il n'a pas arrêté la voiture. Il est passé au travers et il l'a

déboulé de l'autre côté, c'est-à-dire à contresens au moment et à l'endroit précis où une

voiture arrivait en face. Une jeune brusseloise dans une petite voiture. Les deux voitures se sont

percutées frontalement. Les secours sont arrivés. Ils ont dégagé mon client de ce qui avait été

une voiture de luxe. Et c'est incroyable. Il n'avait rien. Pas une griffure. En revanche,

la jeune fille en face avait été broyée dans les débris de sa voiture.

Blanquette a été longue et fouillée. Est-ce que vous pensez que vous vous êtes endormi ?

Je ne me suis pas endormi. Vous en êtes sûr et certain ? Est-ce que vous étiez fatigué ?

Non, j'ai dormi dans l'avion et même un peu avant le vol. Je n'étais pas fatigué. Je ne me suis pas

endormi. Je ne sais pas ce qui s'est passé. L'enquête a établi que la chaussée était sèche et qu'il

n'y avait pas de tâche d'huile. La voiture a été auscultée dans tous les sens. Elle était récente.

On n'a pas trouvé de défaillance technique. Le train de pneu arrière était neuf. Il y avait

juste un doute sur le train avant puisque les pneus avaient éclaté dans le choc ou éventuellement

avant le choc. Vous n'aviez rien constaté d'un normal depuis le début de votre parcours ?

Mais non. Rien. Un bruit suspect avant l'accident ? Absolument pas. On avait observé des traces

de freinage. Elles étaient cohérentes. Il y avait un témoin qui roulait derrière. C'est d'ailleurs

lui qui a appelé les secours. Je n'ai rien remarqué de particulier. Jusqu'à ce que la voiture dévie

brutalement, strictement rien. Mon client n'avait pas bu. Il n'avait pas pris de

drogue ni de médicaments. Il avait un passé sans tâche, pas de casier judiciaire et un bonus

d'assurance maximum. La jeune fille décédée avait 24 ans. Elle s'appelait Joana. Elle était

étudiante. Elle était la fille unique d'un couple de commerçants de Bruxelles. Et elle

de fait se marier dans deux semaines. Et là, elle rentrait d'une soirée entre copines. Est-ce

que vous avez détecté de l'alcool dans son sang ? Negatif. Pas un milligram d'alcool.

Mon client a d'abord arrêté de travailler. Et puis il a voulu reprendre. Mais il n'était

plus tout à fait le même. Il était rongé par la culpabilité. Il avait fini par accepter un

suivi psychologique, mais sans grand succès. Et il avait écrit une lettre poignante aux parents

de Joana. Pour leur dire à quel point il n'aurait jamais voulu se trouver là, à cet instant.

C'est donc moi qui vais défendre cet homme dans un procès pour homicida volontaire en flanc,

en Belgique. Je plaiderai donc avec un confrère flamant. Le jour de l'audience,

je n'emmène pas large. C'est un petit tribunal, une seule classique et ancienne. Mon client entre,

costume sombre, le visage tendu à l'extrême. J'essaye de le rassurer comme je peux,

à voix basse. Et puis les juges entrent dans la salle. Et là, une dame se lève,

grande, fine, habillée de noir. Et elle s'avance vers nous, avec un petit cadre à la main. C'est

la photo de sa fille, Joana. Elle s'arrête devant mon client. Et d'une voix tremblante,

les yeux plantés dans les sien, elle lui dit. « Monsieur, monsieur, je suis la maman de Joana.

Monsieur, je voulais vous dire que quoi qu'il arrive aujourd'hui, ça n'est pas votre faute. Et là,

elle prend ses mains dans les siennes. Nous avons ma famille et moi, vu tout le dossier. Et nous

avons le votre-l'être. Nous sommes croyants. L'accident, ça n'est pas votre faute. Ça pourrait

arriver à n'importe qui, n'importe comment. Ça devait sans doute arriver cette nuit-là. Et vous

êtes impliqués. Mais nous avons discuté beaucoup. Et nous ne voulons pas qu'une deuxième vie soit

prisée. Vous n'y êtes pour rien. C'est le hasard. C'est le destin. En tout cas, vous avez notre parto.

Et là, elle enlace. Et lui, la tête penchée sur son épaule, il est boule-versé. Et il brudouille.

Merci. Merci. Le procès a eu lieu quelques heures plus tard, mais ça n'avait vraiment plus aucune

importance. Voici une histoire d'un vocat que je tire du livre de Maître Maud publié aux éditions

Les Arenes. Maître Maud, c'était le pseudonyme de l'avocat Lilois Jean-Yves Moyard décédé

il y a quelques temps. Et Maître Maud tenait un blog dans lequel il racontait des histoires qu'il

avait vécues. En voici une, une histoire d'inceste et de violence intra-familiale. La réalisation

est signée, celles-ci lignent l'obrasse. Européen, Christopher Delathe.

Ça a commencé en début d'après-midi. Un premier rappel téléphonique. Et Laurence

raccroche. Au bureau, personne ne doit savoir. Il rappelle, peut-être 20 ou 30 fois, elle sent le

vibreur dans sa poche. Mais elle tient bon. Elle fait semblant de bosser, malgré les douleurs

ou ventres qui la reprennent. Et puis il arrive des SMS. Trois coups sur coups. Tu réponds pas ?

Ok, je vous attend les trois. On va discuter. Tu as tort de ne pas me répondre ? Je vais lui

arracher son clito. Je vais la massacrer. Je vais la défigurer.

Quand elle lit ce dernier message, Laurence sent la sueur qui lui nomme le dos. Elle le connaît,

Igor. Elle ne le connaît que trop. Au bout de 20 ans. Ça n'est pas une menace en l'air. Il va s'en

prendre un Nathalie. Sa fille, car il vient d'apprendre qu'elle avait enfreint une heure règle.

D'après le bulletin de son lycée professionnelle, Nathalie a séché les cours deux jours. Et elle

ne l'en n'a pas informé. Alors que bordel de merde, il doit tout savoir. On ne doit jamais lui mentir.

Ça, le pute de Nathalie. Et forcément, elle a fait quelque chose d'interdit pendant ces deux jours.

Quoi ? Hein ? Quoi ? Elle a flirté avec un mec ? Avec plusieurs ? Dis-moi ce que ta salle pute de

fille a fait. Elle sait, Laurence, que comme tous les jours, il les attend, déjà armé de sa rallonge

électrique pliée en deux pour les fouetter. Mais aujourd'hui, c'est différent. Elle le sent.

Elle le sait. Et elle n'a toujours qu'un seul but. Protéger ses filles. Vaille, que vaille. S'interposer

entre elles et lui. Elle sait aussi que ses filles vont bientôt sortir de cours. Qu'elles vont sauter

pour prendre le bus. Et qu'elles, Laurence, elles travaillent trop loin. Elles ne pourraient

pas y être à temps. Elles ne peuvent pas les appeler non plus, puisqu'elles sont en plein cours. Elles

ne décrocheront pas. Restent et s'émessent. Laurence ne le rend en voie que très rarement,

parce que Igor ne travaille pas, mais il est informaticien. Il arrive à savoir, d'après l'historique,

les messages qui ont été envoyés et acquis. Et s'ils ont été facés, il les retrouve. Mais là,

là, c'est un cas d'urgence. Laurence ne veut pas que Nathalie rentre à la maison. Alors elle

envoie un message simultanément à ses deux filles. Votre père est fou de rage. Il sait pour l'absence

de Nath. Il veut lui faire du mal. Il faut qu'on trouve une solution. Rappelez-moi. Maman, il est là

temps. 16h10, 16h15, 16h20, 16h25, toujours rien. Et puis enfin son téléphone sonne. Elle décroche

sans regarder. Allô ? Nath ? Au bon sens, je crevais de trouille. Et là, une voix calme,

froid, lui coupe la parole. Pourquoi tu crevais de trouille quand on se vache ? Qu'est-ce qu'elle fout,

les filles ? Je n'arrive pas à leur parler. Aucune des deux décroche. Elle le connaît. Laurence se

tombe là. Elle sait ce que ça signifie. Alors elle lui raccroche au nez comme ça. Et à ce moment-là,

son téléphone sonne à nouveau. Et merci mon Dieu, ce sont bien ses filles. Pas Nathalie, mais sa sœur,

Stéphanie. On était déjà dans le bus quand on a eu ton message, maman. Alors on a décidé de

descendre deux arrêts avant la maison. Là, on est sous la pluie, près de l'église. Papa, essayez

plein de fois de nous appeler. On n'a pas répondu. Et maintenant, qu'est-ce qu'on va faire ?

Il y a des instants où tout bascule. Quelques secondes qui transforment votre vie. Tout à coup,

brusquement, vous savez ce que vous avez à faire. Laurence se surprend elle-même.

Écoutez, Stéphanie. Écoutez-moi toutes les deux. On va au bout. Voilà ce qu'on fait. Je vais déposer

plein. On va lécher les flics. Et vite, parce qu'il doit vous chercher. Maman, il va te...

Non, c'est décidé. On n'a pas le choix. Tu me dis que vous êtes à côté de l'église ?

Le poste de police est tout près de la mairie. Vous allez à pied jusqu'à la mairie,

et je vous retrouve sur la route. On y va toutes les trois. D'accord ? Je vais tout raconter.

Ils seront obligés de réagir, ils vont l'arrêter. Maman ? Quoi ? Tu vois une autre solution ?

Non. C'est ce qu'on doit faire. Tu as raison. Mais on aurait dû...

Et là, à l'autre bout, c'est Nathalie qui prend l'appareil.

Maman ? Maman, ce que Stéphanie veut te dire, tu sais qui nous viol. Tu comprends ?

Depuis des années, depuis toute petite, ils nous violent. Tout le temps.

Laurence est en état de chauve. Elle aurait pu. Elle aurait dû voir.

Elle aurait dû entendre.

Quand Laurence arrive devant le commissariat, la nuit est tombée. Et en reconnaissant la

voiture de leur mère, Nathalie et Stéphanie sortent de l'ombre. Et Laurence regarde ses filles.

Et elle leur murmure. J'aurais dû le faire depuis longtemps.

Et elle ouvre grande la porte du commissariat.

Les voilà sur un banc qui attendent.

Pourquoi vous ne m'avez pas ? On a essayé, maman, plusieurs fois.

Mais on ne pouvait pas le dire. Il répétait que c'était un secret que ça tuerait,

qu'on nous placerait. Moi, je pensais que tu ne croirais pas. On était tellement sales, tu sais.

Parfois, je n'ai pas su comprendre. Mais je vous aime. Et je vous aimerai toujours.

Et là, Laurence s'interrompt net, brusquement envahie par cette espèce de peur glacée.

La grande porte du commissariat, c'est à nouveau ouverte. Un homme entre, il a le visage fermé et

dur. C'est Igor. Il est là. Il les a retrouvés.

Laurence se lève. Il est devant elle. Et elle, elle est toute droite, toute blanche. Monument

de courage devant cet homme qui les a tellement meurtris. Et elle tend le bras bien droit,

pomme à la verticale. Stop Igor. Stop, c'est fini. Je sais tout.

Il fronce les sourcils. C'est la première fois qu'on tient tête au maître. Et sa main

remonte malgré lui et malgré le lieu. Et là, une main ferme se pose sur son épaule.

Et il se retrouve face au policier du guichet. Bonjour, monsieur. On se calme. Vous êtes?

Tout va bien. Je suis le mari de madame. Je m'inquiétais pour elle et pour mes filles.

Vous n'êtes pas rentrés. Parfait, parfait. On va voir ça. Madame, vous allez venir avec moi.

Et vous, monsieur, vous allez vous asseoir. Là-bas. D'accord. Mais je ne sais pas ce que

elle veut vous dire. Je peux lui parler avant, peut-être, quand même, non? Non. Non, non.

Votre femme va d'abord me parler. C'est la procédure.

Laurence parle. Mais probablement parce qu'elle est en pleine décompensation. Par un de ses tours

de passe-passe manteau qui ne se maîtrise pas. Oui, elle minimise. Elle n'évoque pas les

violences physiques les plus récentes. Mais le policier n'est pas idiot ni débutant,

alors il la laisse venir quitter à la bousculer au bon moment pour que l'essentiel sorte.

Pourquoi venir dénoncer ses faits aujourd'hui, madame?

Parce que, personnellement, j'aurais plutôt supporté. Mais maintenant, il s'en prend mes

filles. Nathalie m'a parlé de se suicider il y a quelques jours.

Comment s'en prendre-ils à vos filles? Ils les espionnent. Ils regardent leur correspondance

téléphonique. Ils veulent qu'elle soit toujours joignable. Mais enfin, madame,

là, vous dénoncer un père attentif. Non. En fait, mon mari viole mes deux filles.

Je veux porter plainte contre lui.

Igor a été placé en garde à vue. Il a nier au début et puis il a reconnu des rapports

sexuels avec ses filles depuis leur 12 ans. Mais consenti, selon lui, il a été mis en examen

pour atteindre sexuel et viol sur mineurs de moins de 15 ans par ascendant et placé en détention

provisoire. L'instruction a duré une année. On l'a énormément parlé d'emprise. Cette notion

de domination morale jusqu'à l'écrasement qui broyait la famille et qui faisait de sa

femme et de ses filles des choses, modelables à volonté en fonction de ses envies. Elles ont

fini par penser qu'elles souffraient suffisamment pour aller voir un avocat et lui demander de les

assister. Et c'est là que j'ai fait leur connaissance. Un an et demi après la plainte, Igor a été

reconnu coupable de l'ensemble des faits qui lui étaient reprochés et il a été condamné à 16 années

de réclusion criminelle. J'étais particulièrement heureux de cette condamnation-là. Il a fait appel

et s'appelait passé à 18 ans de réclusion. Vous forcez mon admiration, Laurence et les filles,

vous êtes trois femmes exceptionnelles. Vraiment, je vous souhaite une belle vie.

On ma chaude,

Everywhere I go,

You're blue,

So blue.

Trois histoires, donc, j'ai tiré du livre de Maître Maud et pour lui rendre hommage, en quelque sorte,

un certain nombre d'avocats ont tenu à ce qu'on ressorte en livre les histoires de Maître Maud.

C'est donc ce livre aux éditions Les Arenes et parmi ses avocats, il y a vous, maître Eric Morin,

vous êtes-vous avocat au barreau de Paris ? Vous vous avez rencontré Maître Maud via Twitter, c'est ça ?

Oui, j'ai rencontré Jean-Yves Moyard, Alias Maître Maud, c'est drôle parce que vous disiez Maître Maud,

Alias Jean-Yves Moyard et c'est vrai que les deux s'ont entremêlé en 2013, on se suivait sur Twitter,

il était déjà très connu sur ce réseau, il en riait d'ailleurs parce qu'il disait que être connu sur Twitter,

c'est comme être riche au Monopoly et un jour on a voulu se rencontrer en vrai,

il venait plaider à Paris et on s'est retrouvé derrière le palais de justice Place Dauphine

et puis on s'est tout de suite très bien entendu et on est devenus amis.

Quand il est mort, ça a été un moment étonnant sur Twitter en tout cas, c'est-à-dire qu'on a vu la totalité

quasiment des avocats de France pleurer sa mort. Il avait 60 000 followers sur Twitter,

ce qui est quand même un très bon score, honnêtement supérieur à votre serviteur et à vous sans doute.

Exact.

Il représentait quelque chose manifestement pour le monde des avocats. Qu'est-ce qu'il représentait ?

Il représentait pas seulement pour le monde des avocats mais pour le monde judiciaire dans son ensemble, magistrats, étudiants.

Beaucoup de témoignages sont venus après ce 20 février pour venir dire moi si je suis devenu avocat

ou si je suis devenu magistrat, c'est parce que je lisais son blog,

les histoires de son blog qu'il écrivait dans ses insomnies parce qu'il se levait très très tôt dans la nuit,

et dès qu'il y en avait une nouvelle, on se l'échangait, on se l'envoyait, on la lisait.

Et il était comme la première histoire que vous avez raconté, sa première plaidoirie où il se prend les pieds dans cette satanérobe.

Personne ne sait, à part ceux qui l'apportent, qu'effectivement il y a des plis à l'intérieur et que c'est assez compliqué.

Et il se mettait en scène mais sans faux semblants, il aimait rire de lui-même, il aimait avoir de la dérision sur lui-même.

Il ne se prenait pas au sérieux mais il racontait des histoires aussi très sérieuses.

– Alors ce livre est particulièrement bien écrit, c'est donc qu'il avait aussi à côté un talent d'écrivain.

– Il avait un talent pour raconter les histoires, il aimait raconter les histoires, il en racontait à ses enfants,

puis un jour il a décidé de les raconter un peu plus publiquement, et puis il aimait aussi raconter la justice de l'intérieur.

C'était un peu comme un mécanicien à l'ancienne, vous savez aujourd'hui nos voitures,

quand on les emmène au garage, on les branche sur un ordinateur et puis on appuie sur des touches et puis tout est réparé.

Lui c'était un peu un mécanicien à l'ancienne, il mettait les mains dans le camboui de ses dossiers,

qu'il défend des auteurs ou qu'il défend des victimes, partis civils comme dans la troisième histoire.

Voilà, il la racontait de l'intérieur et du début jusqu'à la fin.

Mais en mettant parfois un focus, l'histoire de l'accident est tellement bouleversante

parce que finalement il raconte pas le procès, le procès n'avait plus aucune espèce d'importance.

On est nombreux, nous avocats pénalistes, à avoir vécu ce type d'audience avec des homicides involontaires

à la suite d'accidents mortels de véhicules où effectivement il n'y a pas de drogue, il n'y a pas d'alcool, il n'y a pas de fatigue,

il n'y a une faute à pas de chance, ça arrive.

Ce sont des audiences extrêmement douloureuses où vous avez toute la malheur du monde qui s'est abattue sur une famille,

mais aussi le malheur du monde qui s'est abattu sur un conducteur qui n'a pas pu éviter l'accident

lorsque effectivement il n'y a pas ces générations.

On appelle en général le chauffard d'ailleurs.

Oui mais le chauffard c'est celui qui viole les rêves, qui monte à 200 km heure, qui brûle les feux rouges,

qui prend l'essence interdit, qui fume du cannabis alors que c'est interdit

ou qui prend le volant alors qu'il a bu.

Là ces histoires-là, on les a vécues et c'est cette justice un peu quotidienne

qui est souvent racontée dans la presse quotidienne régionale

mais de manière beaucoup plus fugace et lui à chaque fois a voulu s'apesantir pour raconter l'humain, l'humain derrière.

Il avait un goût manifeste pour le pardon, en tout cas c'est ce que raconte cette histoire d'accident.

Est-ce que c'est quelque chose que vous partagez avec lui ça ?

C'est vrai qu'il y a très peu de pardon dans les procès.

Il est très rare qu'une partie civile se lève et se tourne vers l'accusé et dise

nous avons réfléchi avec mon mari, nous vous accordons notre pardon.

C'est vrai que c'est rare, c'est vrai que ce sont des scènes.

On dit que les audiences pénales c'est une catharsis, c'est-à-dire que on va purger les passions

et forcément dans une audience pénale on raconte une histoire qui s'est passée

et on va la rejouer en quelque sorte.

Alors parfois quelques jours après, quand on est en comparution immédiate,

parfois quelques années après lorsque l'on est devant une cour d'assises

mais en tout cas on va rejouer une scène.

Et ce temps qui passe et puis le caractère des uns et des autres,

je sais pas s'il était attaché au pardon,

en tout cas c'était quelqu'un qui était profondément attaché

à accoucher la parole des uns et des autres

et ensuite à être ce porte-parole.

Avocat, on est appelé à l'aide étymologiquement

mais on va porter la parole de ceux qui parfois ne savent pas parler,

bien s'exprimer, non pas les codes,

vont aussi paniquer et puis ils sont accusés lorsqu'ils sont accusés

et lorsqu'on est accusés, on est un piètre défenseur de soi-même,

c'est pour ça que les avocats existent.

C'était ton avocat, j'ai envie de dire, ordinaire.

Oui, il disait, tu sais, moi je suis qu'un petit avocat de Provin.

Il était très attaché à sa ville, c'était à Lille.

Un Lille-loi de cœur profondément attaché à cette région,

profondément attaché aux gens, ceux qui ont dans le cœur.

On connaît la chanson.

Et quand il venait à Paris, il avait toujours ce petit sentiment

d'infériorité qu'il aimait bien cultiver ou faire croire

alors qu'il avait un immense talent.

Et c'était un avocat, oui, ordinaire de la justice ordinaire.

Vous savez, de celles dont on parle pas obligatoirement.

C'est pour ça que j'ai voulu raconter ces histoires en fait.

Ces histoires qui ne font pas la une des journaux dont on ne parle pas.

Mais notre justice, certes, qui est bien malade,

qui était déjà bien malade avant le Covid et qui est encore bien malade après la pandémie,

mais elle fonctionne tous les jours.

Tous les jours, il y a ces histoires-là que lui a voulu raconter

en préservant d'ailleurs le secret professionnel, en changeant parfois.

Il n'y a pas de noms, il n'y a pas de lieux, il n'y a rien.

Voilà, en changeant les prénoms et les lieux.

Et en même temps, il faut, on parle de la justice tous les jours.

Voilà, c'est devenu un sujet d'actualité, soit à travers un certain nombre d'affaires,

de procès importants qui se déroulent, soit à travers le budget de la justice,

les déclarations du garde des Sceaux et les histoires de prison et autres.

Mais en même temps, le Français ne connaît pas sa justice.

Le Français, on va dire ordinaire, quand il va avoir affaire à la justice,

c'est parce qu'il va divorcer, donc il va avoir le juge aux affaires familiales.

C'est quand il va être licencié, il va aller au conseil de prud'homme.

Mais la justice pénale, telle qu'il la raconte, elle concerne finalement assez peu de Français.

Et lorsque le Français est confronté à cette justice pénale,

c'est toujours avec une certaine immédiateté, une certaine violence, il n'a pas les codes.

Et là, ce qu'il raconte, c'est comment on défend.

C'est un livre d'utilité publique pour tous les étudiants aspirants, avocats ou magistrats.

Comment on défend, comment on s'entretient, qu'est-ce qu'on cherche à faire dire.

On nous présente parfois de manière assez caricaturelle.

Nous les avocats, on n'est pas là pour mentir aux juges,

on est là parfois pour porter, alors toujours pour porter une parole.

Et puis pour faire un zoom, moi j'aime bien cette expression de faire un zoom sur telle ou telle partie du dossier.

Lorsque vous avez un appareil photo que vous êtes en montagne et que vous allez zoomer sur telle ou telle partie de la montagne,

vous ne vous occupez pas du reste, vous ne mentez pas, vous avez choisi un angle.

Et puis si jamais cet angle, il n'est pas suffisant pour le procureur,

de raconter le reste de la montagne, finalement c'est ce qu'on fait, nous.

On vient mettre un focus particulier sur tel ou tel élément qui nous paraît important pour défendre nos clients.

Est-ce qu'au fond, le métier d'avocats existe vraiment ?

Est-ce qu'il n'y a pas au fond deux sortes au minima d'avocats,

c'est-à-dire ceux qui font du pénal d'un côté et d'autant en temps quelques divorces

et quelques affaires civiles pour arrondir les fins de mois, et puis les avocats d'affaires.

Parce que mettre un mot, ce n'est pas un avocat d'affaires.

Et le sentiment qu'il donne, c'est d'être une race à part par rapport à une grande majorité d'avocats

qui font un autre métier, que le sien et que le vôtre.

Je dirais pas qu'il y a deux sortes d'avocats, on est 36 000 avocats, je crois en France,

je crois qu'il y a 36 000 manières d'être avocat.

Et qu'à partir du moment où vous rajoutez un adjectif au mot avocat,

finalement vous le perdez un peu, on est tous avocats.

Avocats d'affaires, comme avocats pénalistes, comme avocats civilistes,

comme avocats qui font du droit du travail.

Simplement, on a une mission pas sacrée qui l'est de moins en moins

parce que notre secret professionnel est attaqué par le législateur,

mais avocats d'affaires ou avocats pénalistes, on vient recueillir des confidences.

On sait que lorsqu'on va aller chez l'avocat, c'est comme quand on va aller chez le médecin,

lorsque l'on va donner une information à un journaliste,

eh bien ce secret des sources, ce secret médical, ce secret de l'avocat,

il doit être absolu et il doit être défendu.

Et à ce moment-là, on est investi d'une mission,

quelle que soit la matière juridique dans laquelle on exerce,

évidemment que le pénal, c'est aussi l'effet d'hiver, vous connaissez ça bien,

ce sont à la fois les petites escroqueries, les petites violences,

et puis les vrais drames humains, voilà.

Et dans ces histoires-là, il y a des vrais drames humains,

quelle que soit la partie que l'on défend.

Et c'est ça finalement qui a fait qu'avec quelques amis

et puis Laurent Bécarial, directeur des arènes,

on a voulu rééditer ce livre,

qui avait connu un petit succès d'estime dont il était assez fier, mais pas assez.

Ah il avait été épuisé, c'est-à-dire...

Il était épuisé, on nous a réclamé le week-end de son décès,

on a rajouté quelques textes inédits,

ainsi que le texte lu par sa femme à ses obsèques,

et ça fait un bel objet.

Est-ce qu'il aurait aimé qu'on raconte ces histoires post-mortem,

autrement dit, avait-il un petit peu de vanité,

ce qui était en général très partagé chez les avocats ?

Je crois qu'il en aurait beaucoup ri,

mais en même temps, il en aurait été très flatté.

C'était quelqu'un qui était un bon vivant,

c'était quelqu'un qui ne comptait pas ses heures,

qui comptait encore moins ses heures de sommeil.

Il est parti bien trop tôt sans doute à cause de cela.

C'est un métier qui ronge, c'est un métier qui use...

Moi je dis souvent à mes clients,

voilà, vous m'avez confié vos soucis, maintenant c'est moi qui les porte.

Je vous assure que parfois c'est lourd à porter,

même quand on a 20 ans, 30 ans ou 40 ans de barre.

C'est sans doute ce métier qui l'a aussi trop usé,

parce qu'on pense pas assez à sa santé,

peut-être plus à la santé de ses clients,

mais voilà, c'était lui Maître Mo.

Le livre s'appelle Le livre de Maître Mo.

Il paraît aux éditions des arènes.

Il est signé Jean-Yves Moyard.

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Maître Mô était le pseudonyme de l'avocat Lillois Jean-Yves Moyart décédé le 21 février 2021. Maître Mô tenait un blog dans lequel il racontait des histoires vécues au tribunal. Histoires tirées du livre « Le livre de maître Mô » de Jean-Yves Moyart (Editions Les Arènes).