Hondelatte Raconte - Christophe Hondelatte: Les histoires de Maître Mô. Episode 2

Europe 1 Europe 1 8/22/23 - 9m - PDF Transcript

Voici une histoire d'avocat que je tire du livre de Maître Mo, publié aux éditions Les Arenes.

Maître Mo, c'est le pseudonyme de la vocale illo à Jean-Yves Moyard, décédé il y a quelques temps.

Maître Mo tenait un blog dans lequel il racontait des histoires qu'il avait vécues.

Et voici une histoire d'accident. La réalisation est signée Céline Le Bras.

Europe 1. Christophe Fondelat.

Au tout début de ma carrière, je travaille dans un cabinet qui a notamment pour clients une chaîne très connue de magasins.

Et un jour, l'un des avocats associés qui dirige le cabinet me confie une affaire.

Tenez Moyard, c'est pour vous. Faites pour le mieux, c'est un très gros client du cabinet.

Alors voilà le dossier. L'un des cadres supérieurs de l'entreprise était revenu en pleine nuit d'un voyage d'affaires dans un pays de l'Est.

Son avion avait atterri à Bruxelles, vers deux heures du matin.

Il lui restait ensuite une heure et demie environ de trajet pour rejoindre son domicile à Lille.

Et donc il avait réservé une grosse berline de location.

Ni lui ni personne n'a jamais su ce qui s'était vraiment passé.

Il roulait sur l'autoroute belge à la vitesse légale de 120 kmh.

Enfin, c'est ce qui établira l'enquête.

Il n'avait pas vu une goutte d'alcool et il l'a brutalement perdu le contrôle de son véhicule.

Et sans raison apparente, la voiture assouda brutalement des vieilles de sa trajectoire rectiligne

et foncée vers le mur et en béton séparant les deux voies de l'autoroute.

Il a voulu redresser. Il n'y est pas arrivé.

Et il a percuté le muret mal conçu puisqu'il n'a pas arrêté la voiture.

Il est passé au travers et il l'a déboulé de l'autre côté, c'est-à-dire à contresens,

au moment et à l'endroit précis où une voiture arrivait en face.

Une jeune Bruxellesoise dans une petite voiture.

Les deux voitures se sont percutées frontalement.

Les secours sont arrivés.

Ils ont dégagé mon client de ce qui avait été une voiture de luxe.

Et c'est incroyable. Il n'avait rien.

Pas une griffure.

En revanche, la jeune fille en face avait été broyée dans les débris de sa voiture.

L'enquête a été longue et fouillée.

Est-ce que vous pensez que vous vous êtes endormi ?

Ah non, je ne me suis pas endormi.

Vous en êtes sûr et certain ?

Ah oui, certain.

Est-ce que vous étiez fatigué ?

Non, j'ai dormi dans l'avion et même un peu avant le vol.

Je n'étais pas fatigué.

Je ne me suis pas endormi.

Je ne sais pas ce qui s'est passé.

L'enquête a été établie que la chaussée était sèche et qu'il n'y avait pas de tâche d'huile.

La voiture a été auscultée dans tous les sens.

Elle était récente.

On n'a pas trouvé de défaillance technique.

Le train de pneu arrière était neuf.

Il n'y avait pas de tâche d'huile.

La voiture a été auscultée dans tous les sens.

Elle était récente.

Le train de pneu arrière était neuf.

Il n'y avait juste d'un doute sur le train avant,

puisque les pneus avaient éclaté dans le choc,

ou éventuellement, avant le choc.

Vous n'aviez rien constaté d'anormal depuis le début de votre parcours ?

Bah non, rien.

Un bris suspect avant l'accident ?

Absolument pas.

On avait observé des traces de freinage.

Elles étaient cohérentes.

Il y avait un témoin qui roulait derrière.

C'est d'ailleurs lui qui a appelé les secours.

Je n'ai rien remarqué de particulier.

Jusqu'à ce que la voiture dévie brutalement,

strictement rien.

Mon client n'avait pas bu.

Il n'avait pas pris de drogue, ni de médicaments.

Il avait un passé sans tâche,

pas de casier judiciaire,

et un bonus d'assurance maximum.

La jeune fille décédée avait 24 ans.

Elle s'appelait Joanna.

Elle était étudiante.

Elle était la fille unique d'un couple de commerçants de Bruxelles.

Et elle devait se marier dans deux semaines.

Et là, elle rentrait d'une soirée entre copines.

Est-ce que vous avez détecté de l'alcool dans son sang ?

Négatif.

Pas un milligram d'alcool.

Mon client a d'abord arrêté de travailler,

et puis il a voulu reprendre,

mais il n'était plus tout à fait le même.

Il était rongé par la culpabilité.

Il avait fini par accepter un suivi psychologique,

mais sans grand succès.

Et il avait écrit une lettre poignante aux parents de Joanna

pour leur dire à quel point

il n'aurait jamais voulu se trouver là, à cet instant.

...

C'est donc moi qui vais défendre cet homme

dans un procès pour homicida volontaire,

en flanc, en Belgique.

Je plaiderai donc avec un confrère flamant.

Le jour de l'audience, je ne l'emmène pas large.

C'est un petit tribunal,

une salle classique et ancienne.

Mon client entre,

costume sombre, le visage tendu à l'extrême.

J'essaye de le rassurer comme je peux,

à voix basse.

Et puis les juges entrent dans la salle.

Et là, une dame se lève,

grande, fine, habillée de noir,

et elle s'avance vers nous,

avec un petit cadre à la main.

C'est la photo de sa fille, Joanna.

Elle s'arrête devant mon client,

et d'une voix tremblante,

les yeux plantés dans les siens, elle lui dit,

Monsieur,

Monsieur, je suis la maman de Joanna.

Monsieur, je voulais vous dire que,

quoi qu'il arrive aujourd'hui,

ce n'est pas votre faute.

Et là,

elle prend ses mains dans les siennes.

Nous avons ma famille et moi,

vu tout le dossier,

et nous avons le votre-l'être.

Nous sommes croyants.

L'accident, ce n'est pas votre faute.

Ça pourrait arriver à n'importe qui,

n'importe comment.

Ça devait sans doute arriver cette nuit-là,

et vous êtes impliqués.

Mais nous avons discuté beaucoup,

et

nous ne voulons pas qu'une deuxième vie

soit brisée.

Vous n'y êtes pour rien.

C'est le hasard.

C'est le destin.

En tout cas, vous avez notre parton.

Et là,

elle l'enlace.

Et lui, la tête penchée sur son épaule,

il est boule-versé.

Et il brudouille.

Merci.

Merci.

Le procès a eu lieu quelques heures plus tard,

mais

ça n'avait vraiment plus aucune importance.

J'ai tiré cette histoire du livre de Maître Mo,

de Jean-Yves Moyard,

aux éditions Les Arènes.

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Maître Mô était le pseudonyme de l'avocat Lillois Jean-Yves Moyart décédé le 21 février 2021. Maître Mô tenait un blog dans lequel il racontait des histoires vécues au tribunal. Histoires tirées du livre « Le livre de maître Mô » de Jean-Yves Moyart (Editions Les Arènes).