Hondelatte Raconte - Christophe Hondelatte: Les frères Jourdain, deux ogres au carnaval - L'intégrale

Europe 1 Europe 1 8/17/23 - 39m - PDF Transcript

Aujourd'hui une histoire que j'ai envie de vous raconter depuis un bon bout de temps et puis je repousse parce que c'est une histoire rude à raconter et sans doute d'ailleurs à entendre.

L'affaire des frères Jourdin qui en février 1997 au portel dans le Pas-de-Calais un soir de carnaval Jean-Michel et Jean-Louis Jourdin donc enlève, viol, étrangle 4 jeunes filles de 17 et 20 ans.

C'est une affaire qui à l'époque a suscité une grosse polémique parce qu'ils étaient déjà recidivistes, l'un avait déjà violé, l'autre avait déjà tué.

Pour le débrief tout à l'heure j'ai invité celui qui fut l'avocat général à leur procès qui est désormais d'ailleurs magistraux honoraires comme on dit depuis pas longtemps.

Bonjour Luc Frémio.

Vous avez donc la parole totalement libre, est-ce que vous avez déjà eu toujours eu d'ailleurs ?

A tout de suite donc voici l'histoire des abominables frères Jourdin, réalisation de Céline Lebrun.

Je vous en ai raconté des histoires de gens qui tuent, des centaines.

Mais celle-là, celle-là pour moi c'est une histoire à part.

J'en ai connu des assassins, je sais que certains d'entre vous en doutent mais je vous jure qu'ils ont toujours un peu d'humanité en eux.

Toujours, même les grands fous, les Émilouis, les Francis Solmes, les Guy Georges, ah ça nous arrangerait qu'ils ne nous ressemblent pas n'est-ce pas ?

Ils nous ressemblent plus que vous ne le pensez, ils sont humains, des humains dévoyés mais des humains tout de même.

Mais les frères Jourdin, les frères Jourdin je sais pas, ils ont des bras, des jambes, une tête, physiquement, ils ont l'air d'être humains mais c'est tout.

Les frères Jourdin sont une interrogation pour l'humanité. Voici leur histoire.

Le paradoxe de cette histoire sordine, c'est que son décor est une fête.

Le carnaval du portel dans le Pas-de-Calais. Nous sommes le mardi 11 février 1997, la fête bat son plein depuis trois jours.

Et ce soir, ce soir c'est la der, c'est le balle. Pour vous dire à quel point c'est important, le balle, Peggy et Amélie Merlin, deux soeurs de 20 et 17 ans, ont séché les cours pour préparer leur déguisement.

Peggy sera Marquise et Amélie sera Pierrot. Tout l'après-midi, elles peaufinent leur déguisement. Ce soir elles ont rendez-vous avec deux copines, deux soeurs elles aussi, du même âge, Isabelle et Audrey.

Elles viennent d'arriver au portel, elles vont leur faire découvrir le carnaval. Isabelle a prévu de se déguiser en Indienne et sa sœur en mousquetaires rouges.

Elles sont toutes contentes, elles sont toutes joyeuses, elles sont toutes naïves. Avant de partir, leur mère leur dit.

Surtout vous restez bien à quatre, vous restez ensemble. Allez bonne soirée les filles.

Et c'est parti.

Elles se retrouvent d'abord sur la place, à faire la tournée des bars. Or assurez-vous, elles ne vont pas aller bien loin, elles n'ont que 50 francs chacune en poche.

Mais elles font comme les autres, elles boivent des coups, elles chantent, elles rigolent, elles s'amusent et elles assistent au clou de la soirée, le brûler.

On met le feu à un homme de paille et tout le monde danse autour du feu. C'est la tradition et les quatre filles sont là avec les autres, à chanter et à rire.

Et après, après le programme c'est les balles, jusqu'à l'homme. Les filles ont prévu d'aller à celui d'Equien, à trois kilomètres.

Ce qui s'est passé, après, bah pour l'instant on ne le sait pas. Mais toujours est-il que le lendemain matin, à cette heure, la mère de Peggy et Amélie a rendez-vous avec ces deux filles sur la place.

Elles ne sont pas là. Au début elles ne s'inquiètent pas, elles ont dû dormir chez des copines, elles sont du coin, elles connaissent plein de gens. Et puis la matinée passe, toujours pas de nouvelles.

Alors elle appelle la mère d'Isabelle et Audrey, pas de nouvelles elles non plus.

Et là, ça devient vraiment inquiétant. Alors au début d'après-midi, les deux mères vont au commissariat. Et là on leur dit, c'est le carnaval, elles doivent être chez des amis.

Les mères insistent. Audrey et Amélie sont mineurs tout de même. Et donc les policiers consentent à diffuser intellects pour signaler deux mineurs en fuge. En fuge, assis seulement, elles pouvaient être en fuge.

Ça ne tient pas. Ça n'est pas leur genre. Ces quatre gamines sont trop attachées à leur mère. C'est pas possible. Elles auraient appelé.

Et ça dure. Ça dure deux jours, deux jours sans nouvelles, deux jours sans que la police ne s'inquiète vraiment. Mettez-vous à la place des parents, parce qu'en plus il y a une tragédie dans cette tragédie.

Peggy et Amélie sont orphelines. Leurs mères et leurs mères adoptives. Et Isabelle et Audrey ont perdu leur père. Ce sont donc deux mères qui sont là à se ronger les seins.

Et donc au bout de deux jours, elles mobilisent leur entourage. Une petite équipe qui se lance dans une recherche désespérée. Ils se mettent à fouiller les endroits isolés, les tunnels, les voies ferrées, les blocaux entre le portel équin, les dunes, les plages. C'est bouleversant. À un moment, quelqu'un leur montre une photo.

Regardez là. C'est elle, non ? C'est Audrey ? Ah ouais ? Vous l'avez prise où cette photo ? Ben au portel ? Donc c'est sûr, elles étaient au carnaval du portel.

En revanche, la petite équipe d'amis va à Équien. Et la personne ne les a vues. Personne. Elles auraient donc disparu entre le portel et Équien.

Ça fait maintenant trois jours que les quatre filles ont disparu. Et l'après-midi, le téléphone sonne chez la mère d'Isabelle et Audrey.

Allô ? Allô ? Bonjour. Je peux pas vous dire qui je suis, mais je voudrais vous donner mon témoignage. Le soir du carnaval avec ma petite amie, on était sur un banc.

On a vu deux types qui nous mataient. On a eu peur. On est parti. Et ben ils nous ont suivi. Et on pensait les avoir semés. On les a vus réapparaître dans une camionnette.

Une camionnette blanche avec des bandes vertes. Il m'a triculé dans le nord 59. Voilà. Je me suis dit que peut-être ça vous serait utile.

Utile ? Pour l'instant, on sait pas. Mais c'est une piste. Et jusqu'ici, on en avait aucune. Alors la mère appelle tout de suite le commissariat.

Et dans la foulée, elle alerte la presse, un journaliste de la Voix du Nord qui publie un papier dès le lendemain matin, quatre jours après la disparition des quatre filles.

Un papier avec la description de la camionnette blanche avec des bandes vertes.

Et là, ça dégringole. Les gens appellent.

Allô ? C'est rapport à la camionnette, là, au portel. Moi je l'ai vu le soir du carnaval, cette camionnette, avec deux types bizarres à l'intérieur.

Et à partir de là, la presse nationale commence à s'intéresser à cette histoire.

Les enquêteurs continuent d'accumuler les témoignages sur la disparition de quatre jeunes filles près de Boulogne-sur-Mer.

Il y a près d'une semaine, maintenant, ils ne privilégient pour l'instant aucune hypothèse. Leurs familles ne croient pas à une fuge.

Elles étaient partis faire la fête, le cœur léger. Lionel Bougelot.

Marie-José Merlin, la maman de Peggy et Amélie espèrent, elle, qu'elle aura bientôt les réponses aux questions qu'elle se pose.

Si jamais quelqu'un les a perçues ou c'est quelque chose qui vient de le dire immédiatement, pour moi comme pour l'autre famille.

Parce qu'on est deux familles et qu'on est vraiment dans l'angoisse complète.

J'ai l'espoir qu'ils vont rentrer. De toute façon, je garde l'espoir parce qu'il se faut.

Là-dessus, au sixième jour, un jeune homme qui connaît Amélie vient dire qu'il l'a vu le lendemain du carnaval.

Aoutreau, c'est la ville d'à côté. Il est formel. Il l'a vu vivante. Le lendemain.

Ouf, on vous l'avait dit, c'est une fuge. Et d'autres témoignages du même tonneau arrivent.

On les a vus à Fréjus, figurez-vous, dans le Var. Un policier qui blusait. Il est absolument formel.

Et d'autres les ont vus à Paris. Ça vous donne une idée de la valeur des témoignages en général.

Bidon. Mais bon, c'est la piste privilégiée. Le procureur s'adresse à la presse.

Nous avons accueilli au cours de ces dernières heures quelques indications plus favorables qui laissent penser que Malheur ne l'aurait pas arrivé.

Est-ce que les maires y croient ?

Non. Non. Elles ne sont pas allées à Fréjus en tenue de carnaval. Qui peut croire ça ?

...

L'enquête va rebondir par un deuxième coup de fil anonyme chez la mère d'Isabelle Eaudret, une femme.

Allô ?

Allô, bonjour. La camionnette, là, que vous cherchez, avec des bandes vertes. Je sais qui c'est.

Elle est au jour d'un. C'est des types recommandables. Ils ont déjà été condamnés pour meurtre et pour viol, je crois.

Ils habitent rue du Stade, à Dan.

Dan ? Dan, c'est à 20 km au sud du portail. La petite équipe qui s'est constituée autour des deux mamans, il va tout droit.

Ils arrivent devant un taudis, une porcherie, un cabaneau au fond d'une cour remplie de détritus.

C'est là donc que vivent les frères Jourdain.

Ensuite, la petite équipe va dans le village, poser des questions.

Les Jourdains ? Oh ! Là, vous avez des spécimens, le Jean-Michel. Il a pris 15 ans pour meurtre.

Et son frère Jean-Louis, il a pris 10 ans pour viol. Vous voyez les higottos ?

Et donc, qu'est-ce qu'ils font ? Ils appellent la police, qui envoient une équipe, qui fait un petit tour, et puis qui repart, véridique.

Mais heureusement, le lendemain, des gendarmes appellent pour dire qu'ils ont vu une camionnette blanche avec des bandes vertes.

Ils ont noté l'immatriculation 75-54, PN-59. Le propriétaire est immédiatement identifié, et les policiers vont le voir.

Oh, mais je l'ai vendu, moi, mon camion. Il y a pas longtemps.

Un type qui s'appelle, je crois, Jean-Michel Jourdain.

Tiens, les Jourdains, on y revient.

Ah, ils ont un sacré pédigree, les frères Jourdains.

Jean-Louis a déjà été condamné pour attentat à la pudeur et pour viol.

Et Jean-Michel a déjà passé plus de la moitié de sa vie en prison pour des attentats à la pudeur et pour le meurtre d'une jeune fille de 19 ans, il y a huit ans.

Les psychiatres qui les ont examinés tous les deux à l'époque décrivent des rustres débiles, bestiales, lâches et alcooliques.

Il est temps d'aller les chercher ? Vous pensez pas ?

Les policiers vont les arrêter chez eux. Et tant qu'à faire, ils interpellent un troisième frère et le père.

Mon Dieu, l'endroit où ils vivent. A neuf dans un cabanon, une porcherie, une horreur, pas de salle de bain, pas de toilette,

les étrons dans la cour, les enfants au milieu et partout de la ferraille de vieux frigos, quand on nettoiera, on enlèvera 150 tonnes de déchets.

Et ce panneau, Jourdains ramasse. Ils sont ferrailleurs, les Jourdains.

Neuf jours après le carnaval, les voilà donc en garde à vue.

Mais face aux policiers, les deux frères sont comme des murs, fermés, tés oeufs.

Vous étiez au carnaval du portel le 11 février dernier ? Oh non, j'y étais pas.

C'est à se demander si Jean-Louis comprend même les questions. Il n'y a rien à en tirer.

Heureusement, un couple se présente à la police. Le soir du carnaval, ils ont vu la camionnette.

Et les deux hommes à l'intérieur, ils les ont trouvés tellement louches, tellement patibulaire, qu'ils les ont suivis pendant deux heures.

Notamment sur la route, qui va du portel à Équien. Et sur le bord de la route, ils ont vu les filles.

Bah je crois bien que je les ai vues, oui. Il y en a une qui était en muscutaire, c'est ça, rouge ?

On leur présente les deux frères Jourdains derrière une glace centaine. Ils les reconnaissent formellement.

Mais Jean-Michel Jourdain ne bouge pas. Il n'y a rien à dire. Jean-Louis, en revanche, il est légèrement débile et il montre des signes de faiblesse.

C'est le maillon faible. Alors les policiers le bichonnent. Il lui parle tout doucement.

Et d'un coup, il lui glisse les photos des quatre filles sur le bureau. Il les regarde, fixement. Il se tortille.

Bon sang de bonsoir, Jean-Louis. Faut que tu m'aides. Elles sont peut-être en train de crever quelque part, ces gamines.

Faut que tu me dise, Jean-Louis. Faut que tu me dise. Et là, il dit, il n'y a plus rien à faire pour elles. Elles sont sur la plage.

À Saint-Sécile.

Et ensuite, il fait tomales. Le policier lui tente alors une feuille de papier et un crayon.

Et il se met à dessiner l'endroit où sont les corps. Une plage, un parking, un blocosse.

Les policiers l'emmènent tout de suite sur place et il les conduit sur une dune. Et les pompiers se mettent à creuser.

10 centimètres, 30 centimètres, 50 centimètres, 70 centimètres. Et là apparaît un bout de tissu rouge, rouge comme l'habit du mousquetaire.

Elles sont là. Elles sont là toutes les quatre, en tassées l'une sur l'autre. Et lui, on dirait que ça lui fait rien.

Il ne manifeste rien, pas la moindre humanité.

Les deux mamans apprennent la nouvelle dans leur voiture, à la radio.

Sur une plage de Saint-Sécile, près de Boulogne-sur-Mer, c'est là qu'ont été retrouvés les corps sans vie.

Dodré, Amélie, Isabelle et Peggy, toutes âgées de 17 à 20 ans et dont on était sans nouvelles depuis 10 jours.

Les quatre petits corps sont emmenés à l'Institut Médicolégal. Elles ont été étranglées, une par une.

Isabelle, tout au fond du trou, a été battue, mais c'est la seule qui n'a pas été violée. Peggy, juste au-dessus, a été violée et enterrée vivante.

Il y a du sable dans son estomac. Amélie a été violée et étranglée, de même codrée.

Le lendemain, les gens du coin voudraient les pendre, les lyncher. Là, maintenant, tout de suite.

Quand on s'aperçoit que c'est des gens qui ont déjà violé, qui ont déjà tué, je suis désolée, ils auraient dû rester là où ils étaient, c'est-à-dire en prison.

On les a fait ressortir, qu'est-ce qui se passe 10 ans après ? Il se passe que quatre gamines, elles sont parties et il n'y a personne qui les ramènera.

Maintenant, on va mettre ces gens en prison, je suis désolée, si nous allons côtoyer pour les nourrir, ils vont avoir une cellule.

Même s'ils passent 30 ans, 40 ans dans une cellule, les gamines, elles sont parties, on ne les fera pas revenir.

Moi, je dis que quand il y a viol et meurtre sur des enfants, la peine de mort doit revenir.

D'autant que d'anciennes victimes des deux frères viennent témoigner.

Je me promenais avec un bébé et j'ai rencontré Jean-Louis Lachopi et je suis passée derrière la gare.

Donc là, il m'a poussé, il m'a déshabillé, il m'a fait une tentative de viol.

Il m'a étranglé aussi, mais j'ai perdu connaissance et lui, il a cru que j'étais morte. Donc il est parti.

Et pour cela, il a été condamné ? Il a pris 10 ans. Enfin, il n'a pas eu 10 ans.

J'espère que ce qu'ils vont entendre tout le monde et que ce qu'ils vont entendre à vivre.

Les gens défilent pendant des jours, par centaines, dans les rues d'Outreau, de Boulogne-sur-Mer, du portel,

au point que le président Chirac doit prendre la parole.

Je suis horrifié et bouleversé par cet acte de sauvagerie.

Je pense à ces jeunes filles et des enfants, victimes innocentes.

Je pense à leurs parents et à leurs détresses.

Justice sera faite.

Le ressentiment des gens est-elle qu'il faut planquer le reste du clan jordain pour éviter qu'on ne les lâche ?

Et encore, les gens ne savent pas encore complètement ce qui s'est vraiment passé.

Interrogé à nouveau par la juge d'instruction, Jean-Michel Jourdin raconte un peu à sa sauce.

Oui, ce soir-là, ils étaient au portel.

Toutes la soirée, ils ont travaillé dans leurs camionnettes des groupes de fêtards.

Et oui, à un moment, ils ont fait monter les quatre filles.

Ils disent qu'ils les ont emmenés jusqu'à la plage de Sainte-Sécile.

Mais à partir de là, ils racontent n'importe quoi.

Ils prétendent que les gamines les ont suivi tout sourire jusqu'au blocaus.

Ils prétendent qu'ensuite, ils les parties, qu'ils les allaient c'est toutes les quatre avec son frère Jean-Louis.

Il est allé à sa camionnette, qu'il a fumé une cigarette et qu'au total, il s'est absenté une heure.

Il dit qu'ensuite, il est revenu au blocaus et que là, il a croisé son frère sans les filles et qu'il lui a demandé.

« Tu en as fait quoi ? »

Et que Jean-Louis lui aurait montré les quatre corps.

Jean-Michel Jourdin accuse son frère et il se dédouane complètement le lâche.

Il reconnaît seulement avoir aidé son frère à enterrer les corps.

Alors que Jean-Louis dit que c'est Jean-Michel qui a tout fait, voilà ce qu'il raconte.

Il dit que dans la camionnette, les filles comprennent assez vite qu'elles sont piégées, qu'elles paniquent.

Ils les descendent, ils les emmènent jusqu'au blocaus et là, il dit que Jean-Michel les prend une par une pendant que lui garde les autres.

Il part d'abord avec Isabelle au sommet de la dune, il dit que ça dure 20 minutes et qu'il revient.

Et puis il prend Pégui et il l'emmène à son tour et puis il revient et il repart avec Amélie.

Et puis il revient et il n'en reste qu'une, Audrey.

Et là, il l'accompagne tous les deux sur la dune.

Jean-Louis reconnaît qu'il pratique à ce moment-là sur elle des attouchements.

Et qu'ensuite, il assiste à sa mise à mort, il voit son frère étrangler Audrey dans le creux de son bras.

Jean-Louis donc accuse Jean-Michel, il se renvoie à la faute.

Lequel des deux faut-il croire ?

Disons que la version de Jean-Louis est plus crédible.

Elle colle assez bien avec le rapport des légistes, mais on n'arrive pas à croire qu'ils sont allés d'abord au blocaus.

Parce que ça ne tient pas, parce qu'il faisait nuit, parce qu'il pleuvait, parce qu'il n'avait pas de lampe de poche,

parce qu'il faut passer des rochers et des barbelés, on n'y croit pas.

Et puis on ne trouve pas de sable dans les sous-vêtements.

Elles n'ont pas été violées sur la dune, ils mentent, ils mentent tous les deux.

De toute façon, au fil des interrogatoires, ils changent de version, et l'un et l'autre.

Et à un moment, ils se dédouanent complètement.

Jean-Louis prétend même qu'ils n'ont jamais fait monter les filles dans la camionnette.

Ils n'ont rien fait, ils sont innocents.

Heureusement, on a une preuve tangible à leur maître sous le nez.

On a retrouvé la boucle d'oreille dodrée dans la camionnette.

Il est probable donc, je ne dis pas certain, je dis probable,

qu'en vérité, tout s'est passé dans la camionnette.

Les viols et les meurtres.

Le passage par le bloco, c'est une invention.

Ça s'est passé dans le J5.

Elles ont dû se rebeller, ils les ont frapper,

tous les cadavres portent des coups.

Ils les ont violés là, ils les ont tués là,

dans les quatre mètres carrés de la camionnette.

Les unes devant les autres.

Vous imaginez l'horreur, jusqu'à la dernière,

qui a vu mourir toutes ses copines, une par une.

Malgré leur monstruisosité,

les frères jordins ne veulent pas assumer leur crime.

Mais peut-être diront-ils la vérité au procès.

Les gens, évidemment, sont venus voir

à quoi ressemblent les monstres.

Jean-Michel Jourdin, entre le premier,

massif, des mains de bûcherons,

et il toise la salle du regard.

Et puis arrive son frère.

Lui, c'est tout l'inverse.

Il est penau, il est tremblant.

Ils vont prendre perpét, bien sûr.

Aucun doute là-dessus.

Mais est-ce qu'ils vont parler ?

Est-ce qu'ils vont dire enfin la vérité ?

C'est tout l'enjeu de ce procès.

Et dès le premier jour, c'est très mal parti.

Jean-Michel Jourdin garde les bras croisés.

Un mur.

Il refuse de répondre aux questions.

Tout ce qu'il dit, c'est...

Je comprends pas ce que je fais là.

Je suis innocent.

J'ai rien fait.

Jean-Louis, c'est différent.

Il est demeuré, Jean-Louis, mais il fait des efforts.

Il répond aux questions.

Mais on comprend rien, rien.

Il baragouine en ch'tit.

Vous pouvez répéter, Monsieur Jourdin.

On a pas bien compris.

Le chef d'enquête de la police judiciaire vient à la barre.

Il parle de la camionnette.

Il semble clair qu'ils ont acheté la camionnette

dans le but de commettre les crimes.

Quand ils l'achètent, ils savent à quoi elle va servir.

Ils savent que les jeunes filles vont mourir dedans.

La preuve ?

Deux jours avant le drame.

Ils ont tenté un premier enlèvement.

On fait d'ailleurs venir la victime à la barre.

J'étais en train de téléphoner dans une cabine.

Et puis une camionnette s'est arrêtée.

C'était Jean-Michel Jourdin.

Quand je suis sorti, il m'a suivi.

La camionnette était juste derrière moi.

Et puis là, la porte arrive.

On imagine alors que c'est Jean-Louis qui est à l'arrière,

prêt à bondir.

Ça ne s'est pas fait.

Mais ça a failli.

C'était une répétition.

À un moment, le président de la cour d'assises

décide d'emmener tout le monde sur la plage.

Les jurés, les magistrats, les avocats,

les accusés, les journalistes,

tout le monde se retrouve sur les lieux du crime.

Car les accusés persistent à dire

d'abord emmener les filles dans ce fichu blocos.

Et là, là, ça se confirme.

Ça n'est pas possible.

Les jurés font le chemin.

C'est une galère.

En pleine nuit, dans le noir,

sans lampe de poche, ça ne tient pas.

Et eux, comment se comporte-t-il sur la plage ?

Sur cette plage où ils ont violé et étranglé quatre filles.

Et bien Jean-Michel ne manifeste aucune émotion.

Ils profitent de la promenade.

En même temps, il n'est pas prêt de se repromener sur une plage.

Jean-Louis, en revanche, il a l'air plus affecté.

Retour au palais de justice.

À un moment, comme toujours, les partis civils,

les deux mamans viennent à la barre.

Elles font revivre le souvenir d'Isabelle,

de Peggy, d'Amélie, d'Odré.

Et puis elles les regardent.

Elles leur demandent la vérité.

Et elles n'en tirent rien.

Rien.

Et le vert dictari,

qui vient dire ce sentiment partagé,

que dans l'horreur, il y a un faible et il y a un fort.

Le faible, c'est Jean-Louis.

Il prend perpète avec vingt ans de sûreté.

Et le fort, le fort, c'est Jean-Michel.

Il prend perpète avec vingt-deux ans de sûreté.

La différence était nue, mais les jurés

ont voulu marquer la différence.

Jean-Louis a parlé.

Jean-Louis a dit où elles étaient.

Jean-Michel s'est muré dans le déni.

La sentence s'est tombée.

La cour d'assises du pas de Calais

condamne à la réclusion criminelle

à perpétuité les frères Jourdin.

Pour les parents des quatre victimes,

ce procès a été un nouveau calvaire.

La réaction ce soir de la mère de deux d'entre elles,

l'or, la mote, au micro de Lionel Gougelot.

Nous filles ne sont plus là.

On refermera toujours nos bras sur du vide.

Mais enfin, au moins, ils ne feront plus de mal.

A d'autres enfants, il y a d'autres familles.

Vous savez, notre deuil ne terminera jamais.

Il faudra un bon moment avant que nous soyons apaisés.

La vérité, vous ne l'avez pas eue

parce qu'ils n'ont pas avoué ?

Justement.

On ne l'a pas eue, puis on ne l'aura jamais.

Donc, c'est ce qui nous peine le plus.

C'est vrai, on l'attendait.

Un truc qui se serait conduit

pendant, ce ne serait que quelques instants,

comme des hommes, d'une de ce nom,

qui nous aura dit la vérité.

Malheureusement, ils sont restés dans leur bulle.

Ils nous auraient dit.

Voilà donc pour cette horrible histoire

et pour le débrief.

Je suis avec celui qui fut avocat général

à leur procès d'assises.

Luc Frémio est là dont je signale

le dernier livre chez Michelon,

La Vengeance d'une femme.

Je suppose, Monsieur Frémio,

que vous gardez un souvenir précis

du procès des frères Jourdin.

Quels souvenirs vous ont-ils laissés,

et l'un et l'autre ?

Comment est-ce qu'ils se sont comportés ?

C'est une affaire qui colle au coeur

et à la mémoire.

Lorsque je vous entendais tout à l'heure,

je les revoyais devant moi.

Je revoyais Jean-Michel,

ce bloc de silence,

de dureté,

de cruauté aussi.

Et je revoyais le regard de Jean-Louis,

dont les yeux fous semblent vouloir s'échapper

de ces lunettes à double foyer.

C'est à ça que je pense.

Je pense au silence aussi,

lorsque je suis rentré dans la Cour des six.

Je vois cet cours avec ces gens,

avec le portrait de ces malheureuses jeunes six.

Et puis dès les premiers mots,

on comprend qu'ils ne parleront pas

ou ils parleront en nous mentant,

en nous jetant au visage

les mensonges qui leur viennent à l'esprit.

Voilà la première impression que j'ai.

Lorsque je suis arrivé devant la Cour des six

de Saint-Mère,

il y avait de la brume, il faisait froid.

Et dès le matin, à midi,

je me souviens même,

il y avait des fils devant le palais de justice

avec des pancartes,

à mort les jours d'un.

Voilà les premières images que j'ai

lorsque je repense à tout cela.

Vous êtes d'accord avec le chef d'enquête

de la police judiciaire,

qui dit qu'ils ont acheté

cette camionnette

pour enlever des filles.

Je suis absolument persuadé.

En fait, les Jordins sont des braconniers.

Ils étaient en maraude.

Ça faisait plusieurs jours qu'ils cherchaient

une proie.

Comme vous l'avez rappelé tout à l'heure,

à Berque-sur-Mer,

ils ont failli enlever une jeune femme

qui a eu la chance d'avoir son compagnon

sans mettre plus loin

dans une autre cabine téléphonique.

Lorsque celle-ci a été

interpellée par les Jordins

qui arrivaient avec leur cabinet

tout doucement

à proximité de la cabine

où elle-même téléphonait.

Elle a dû s'en saluer au fait

que son compagnon était à 100 mètres plus loin.

Sinon, on lui aurait pas retrouvé.

Ce sont des maraudeurs.

Ce sont des braconniers de jeunes femmes.

Et bien évidemment, ce soir-là,

ils étaient partis pour cela.

Elle a preuve en es que lorsqu'ils étaient

sur le chemin entre le portel

d'Épargne initial et Équien,

ils ne prenaient que les jeunes femmes.

C'est-à-dire qu'ils refusaient

de prendre des auto-stoppers

lorsqu'il y avait un garçon.

Et à un moment donné,

il y en a un qui est rentré dans la camionnette

et les Jordins étaient très très mécontents

de cela. Ils étaient en maraude.

Au moment de vos requisitions,

Monsieur Frémio,

est-ce que vous constatez vous aussi

qu'il y a un fort,

Jean-Michel,

il y a un faible, Jean-Louis.

Et est-ce que vous demandez que

au minimum la peine de sûreté

ne soit pas exactement la même

pour marquer la différence ?

Oui, j'ai effectivement marqué cette différence.

Mais pour une raison quand même très particulière

qu'on n'a pas évoqué, dont je voudrais parler,

d'abord, il est vrai,

comme vous l'avez souligné,

que Jean-Louis a expliqué

où le retrouver ces quatre jeunes femmes.

Il faut lui rendre ça.

Voilà, il faut lui rendre ça.

Vous parliez tout à l'heure

d'humanité en posant la question de savoir

si on le trouvait ou pas un zeste d'humanité.

Il y a eu un moment, malgré tout,

parce que le fonctionnaire de police judiciaire

qui a obtenu ces aveux

de Jean-Louis,

lui a parlé de sa petite sœur.

Parce que Jean-Louis avait perdu sa petite sœur

quelques années plus tôt,

une maladie très grave,

une maladie infantile, il avait très très mal supporté.

Et ce fougir d'APJ, lui on a parlé,

lui on dit, mais est-ce que tu pourrais

réunir que ta petite sœur

que tu aimais tant Jean-Louis,

puisse être comme ça sans vignumation

n'importe où, dans un terrain vague,

dans une forêt, sans qu'on puisse

lui rendre un dernier hommage.

Et c'est à ce moment-là que Jean-Louis a parlé.

Et puis il y a autre chose aussi.

Ces jeunes femmes ont été dévabillées.

C'est clair.

On le voit, les vêtements n'ont pas été arrachés.

Et bien c'est Jean-Louis qui a, comment dire,

patientement remis chaque bouton

de chaque costume,

comme s'il y avait une espèce

de volonté qui le dépasse,

de vouloir réparer d'une certaine manière

au moins l'image de ces jeunes femmes.

C'est la solution avec laquelle

on peut se raccrocher parce qu'on a besoin

au plus noir de la nuit

de trouver une étincelle

qui vous permet d'avoir

un moment de respiration.

Monsieur Frémio, au procès,

au moment du transport

de la cour d'assice sur la plage,

on s'aperçoit que le scénario

que décrit Jean-Louis selon lequel

les quatre filles auraient d'abord

été emmenées au blocos

et ensuite emmenées une par une

sur la dune par son frère,

ça ne tient pas.

Mais au final, qu'est-ce que ça change ?

Eh bien ça change beaucoup de choses.

D'abord ça nous permet de constater

une fois encore qu'il nous ment,

qu'il nous ment de manière éhontée.

Et la vérité c'est qu'au cours des débats

on se rend compte, grâce aux questions

que l'on pose, et c'est moi qui vais demander

eh bien pour lever l'équivoque

d'organiser un transport.

On va se rendre sur place avec les jurés.

On y va dans une après-midi où il s'éclaire

la marée est haute.

Ce qui était le cas le soir

de la disparition et d'humeur de ces jeunes femmes.

Et là, les jurés se rendent compte

que pour accéder

à ce blocos contenu de la mer,

on a dû disposer des échelles de bois

pour leur permettre d'arriver au blocos.

La démonstration est faite,

ça ne s'est pas passé dans le blocos.

Tout, parce qu'on imagine

et vous l'avez très bien souligné tout à l'heure.

Le calvaire qu'elles ont vécu

parce qu'elles ont assisté

chacune d'elles aux viols

et aux mœurs de chacune d'entraînes

dans une espèce de bulle de violences

dans cette camionnette

où les cris devaient raisonner

dans cette caisse métallique

où elles ont assisté les unes et les autres

à leur calvaire.

Ça aussi finalement ça leur donne

une once d'humanité, ils ne sont pas capables

d'affronter ce qui s'est passé

cette nuit-là dans ces 4 mètres carrés.

Mais moi j'ai voie plutôt de la lâcher.

Bien évidemment, la lâcher est un sentiment humain

malheureusement. C'est peut-être là aussi

où on retrouve une certaine once d'humanité

mais c'est certainement pas la plus stateuse.

La vérité c'est qu'ils se rendent

bien compte, comme on dit,

que la scène que l'on imagine est insupportable

et ça le reconnaît pour eux

c'est quelque chose qui est impossible.

Et vous savez, il y a eu d'autres choses,

encore des détails qui sont terribles avec Jean-Louis.

Je me souviens à un moment donné, je quitte

la chair où je suis.

Je descends dans la cour d'assises pour être au plus

proche de lui pour essayer de le faire parler

parce que je sens qu'il y a un moment donné

qu'il est en train de faiblir.

Et je lui pose une question parce que

on a retrouvé en haut de la dune

une canette de bière qui était vide.

Et je lui pose la question, brusquement

ça me vient l'esprit, je lui dis

Jean-Louis Jourdin, je lui dis

dites-moi, vous avez enterré

ces 4 enfants là-haut dans

avec Jean-Michel.

Il répond, oui.

Je lui dis, dites-moi, la bière

elle était bonne, il lui répond

elle était pas fraîche

monsieur l'avocat général.

Et là vous voyez, on a toute la personnalité

ce détachement absolu

cette capacité

chez eux d'aller boire

une bière sur la tombe

de ces enfants.

Je vais me faire l'avocat du diable

face à l'avocat général

et ce sera ma dernière question.

Jean-Louis on l'a dit

est débile. Jean-Michel

est un rustre

ils sont tous les deux

rustres, ils ont grandi

comme des animaux, dans la crasse

dans la violence, dans la misère

il faut que ça soit évoqué

quand même, leur monstrosité

à des circonstances

je dis pas aténuante

mais au moins des circonstances

vous êtes d'accord avec ça ?

Bien sûr. Vous savez, les gens

ne sont jamais par hasard

devant une cour d'assises. On les trouve

jamais par hasard dans des affaires de cette nature.

Il y a malheureusement tout un passé

toute une misère

morale, psychologique

sociale qui est souvent derrière

et on retrouve tout cela chez les juridins

avec un père alcoolique qui les battait

avec des relations très ambigues

avec leur mère, on s'est même posé beaucoup de questions

pour savoir si c'était pas dans l'inceste

bien sûr, et bien évidemment

les monstres, et c'est ce qui s'est passé

je les ai appris à l'époque, je me souviens

il est ici à moi de l'horreur, mais c'était

exactement l'image qui vient d'un tel esprit

lorsqu'on les côtoyait.

Je vous remercie infiniment Luc Frémio

d'avoir partagé tout ça avec nous

je signale donc la sortie de votre dernier livre

qui est un travail de réflexion que vous avez fait

après un procès au sujet d'une jeune fille

qui avait été violée

et violentée par son père

et qui a ensuite tenté de le tuer

c'est publié chez Michelon, ça s'appelle

Luc Frémio

des centaines d'histoires disponibles

sur vos plateformes d'écoute et sur europein.fr

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Quatre jeunes filles de 17 à 20 ans sont enlevées, violées et étranglées, un soir de carnaval au Portel dans les Hauts-de-France. Une affaire qui, en 1997, a suscité une grosse polémique car Jean-Michel et Jean-Louis Jourdain sont récidivistes.