Hondelatte Raconte - Christophe Hondelatte: Les frères Jourdain, deux ogres au carnaval - Le récit

Europe 1 Europe 1 8/17/23 - 30m - PDF Transcript

Aujourd'hui une histoire que j'ai envie de vous raconter depuis un bon bout de temps et puis je

repousse parce que c'est une histoire rude à raconter et sans doute d'ailleurs à entendre.

L'affaire des frères Jourdin qui en février 1997 au portail dans le pas de Calais un soir de

Carnaval, Jean-Michel et Jean-Louis Jourdin donc enlèvent, violent, étrangles, quatre jeunes

filles de 17 et 20 ans. C'est une affaire qui à l'époque a suscité une grosse polémique parce qu'ils

étaient déjà recidivistes, l'un avait déjà violé, l'autre avait déjà tué. Donc voici

l'histoire des abominables frères Jourdin, réalisation de Céline Le Brun.

Je vous en ai raconté des histoires de Jean Kittu, des centaines, mais celle-là,

celle-là pour moi c'est une histoire à part. J'en ai connu des assassins, je sais que certains

d'entre vous en doutent mais je vous jure qu'ils ont toujours un peu d'humanité en eux, toujours,

même les grands fous, les Emile Louis, les Francis Solmes, les Guy Georges. Ah ça nous arrangerait

qu'ils ne nous ressemblent pas, n'est-ce pas ? Ils nous ressemblent plus que vous ne le pensez,

ils sont humains, des humains des voyers, mais des humains tout de même. Mais les frères Jourdin,

les frères Jourdin je sais pas, ils ont des bras, des jambes, une tête, physiquement,

ils ont l'air d'être humains mais c'est tout. Les frères Jourdin sont une interrogation pour

l'humanité. Voici leur histoire. Le paradoxe de cette histoire sordine, c'est que son décor

est une fête. Le carnaval du portel dans le Pas-de-Calais. Nous sommes le mardi 11 février

1997, la fête bat son plein depuis trois jours. Et ce soir, ce soir c'est la derre, c'est le balle.

Pour vous dire à quel point c'est important, le balle, Peggy et Amélie Merlin, deux soeurs de

20 et 17 ans, ont séché les cours pour préparer leur déguisement. Peggy sera marquise et Amélie sera

pierreau. Tout l'après-midi, elles peaufinent leur déguisement. Ce soir elles ont rendez-vous avec

deux copines, deux soeurs elles aussi, du même âge. Isabelle et Audrey. Elles viennent d'arriver

au portel, elles vont leur faire découvrir le carnaval. Isabelle a prévu de se déguiser en indienne

et sa soeur en mousquetaire rouge. Elles sont toutes contentes, elles sont toutes joyeuses, elles sont

toutes naïves. Avant de partir, leur mère leur dit. Surtout vous restez bien à quatre, vous restez

ensemble. Allez bonne soirée les filles. Et c'est parti. Elles se retrouvent d'abord sur la place à

faire la tournée des bars. Or assurez-vous, elles ne vont pas aller bien loin, elles n'ont que 50 francs

chacune en poche. Mais elles font comme les autres, elles boivent des coups, elles chantent, elles rigolent,

elles s'amusent et elles assistent au clou de la soirée, le brûler. On met le feu à un homme de paille

et tout le monde danse autour du feu. C'est la tradition et les quatre filles sont là avec les autres

à chanter et à rire. Et après, après le programme c'est les balles jusqu'à l'homme. Les filles ont

prévu d'aller à celui d'Equien à trois kilomètres. Ce qui s'est passé après, pour l'instant on ne le

sait pas. Mais toujours est-il que le lendemain matin à cette heure, la mère de Peggy et Amélie

arrendez-vous avec ces deux filles sur la place. Elles ne sont pas là. Au début elles ne s'inquiètent pas,

elles ont dû dormir chez des copines, elles sont du coin, elles connaissent plein de gens. Et puis la

matinée passe, toujours pas de nouvelles. Alors elle appelle la mère d'Isabelle et Audrey, pas de nouvelles

elles non plus. Et là ça devient vraiment inquiétant. Alors au début d'après-midi les deux mères vont

au commissariat et là on leur dit c'est le carnaval, elles doivent être chez des amis. Les mères

insistent. Audrey et Amélie sont mineurs tout de même et donc les policiers consentent à diffuser

intellects pour signaler deux mineurs en fuge. En fuge, assis seulement elles pouvaient être en fuge.

Ça ne tient pas, ça n'est pas leur genre, ces quatre gamines sont trop attachées à leur mère,

c'est pas possible, elles auraient appelé. Et ça dure, ça dure deux jours, deux jours sans nouvelles,

deux jours sans que la police ne s'inquiète vraiment. Mettez-vous à la place des parents,

parce qu'en plus il y a une tragédie dans cette tragédie. Peggy et Amélie sont orphelines,

leur mère et leur mère adoptive. Et Isabelle et Audrey ont perdu leur père, ce sont donc deux mères

qui sont là à se ronger les sangs. Et donc au bout de deux jours elles mobilisent leur entourage,

une petite équipe qui se lance dans une recherche désespérée. Ils se mettent à fouiller les

endroits isolés, les tunnels, les voies ferrées, les blocaux entre le portel équin, les dunes,

les plages, ces boules versants. À un moment, quelqu'un leur montre une photo. Regardez là,

c'est elle non ? C'est Audrey ? Ah ouais ? Vous l'avez pris où cette photo ? Ben au portel ?

Donc c'est sûr qu'elles étaient au carnavel du portel. En revanche, la petite équipe d'amis va

à Équien et la personne ne les a vues. Personne. Elles auraient donc disparu entre le portel et Équien.

Ça fait maintenant trois jours que les quatre filles ont disparu. Et l'après-midi, le téléphone

sonne chez la mère d'Isabelle et Audrey. Allô ? Allô ? Bonjour. Je peux pas vous dire qui je suis,

mais je voudrais vous donner mon témoignage. Le soir du carnaval avec ma petite amie, on était sur

un banc. On a vu deux types qui nous mataient. On a eu peur. On est parti. Là-bas ils nous ont suivi et on

pensait les avoir semés. On les a vus réapparaître dans une camionnette. Une camionnette blanche avec

des bandes vertes. Il m'a triculé dans le nord, 59. Voilà. Je me suis dit que peut-être ça vous serait utile.

Utile ? Pour l'instant on sait pas. Mais c'est une piste et jusqu'ici on n'en avait aucune. Alors la

mère appelle tout de suite le commissariat et dans la foulée elle alerte la presse, un journaliste de

la voie du nord qui publie un papier dès le lendemain matin, quatre jours après la disparition des

quatre filles. Un papier avec la description de la camionnette, blanche avec des bandes vertes.

Et là ça dégringole. Les gens appellent. Allô ? C'est rapport à la camionnette là, au portel.

Moi je l'ai vu le soir du carnaval cette camionnette avec deux types bizarres à l'intérieur. Et à partir de là la presse

nationale commence à s'intéresser à cette histoire. Les enquêteurs continuent d'accumuler les

témoignages sur la disparition de quatre jeunes filles près de Boulogne-sur-Mer il y a près d'une

semaine maintenant. Ils ne privilégient pour l'instant aucune hypothèse. Leurs familles ne croient pas à une

fuge, elles étaient partis faire la fête, le coeur léger, Lionel Bouchelot. Marie-José Merlin,

la maman de Peggy et Amélie espèrent elle qu'elle aura bientôt les réponses aux questions qu'elle se

pose. Si jamais quelqu'un les a perçues ou c'est quelque chose qui vient de le dire immédiatement,

pour moi comme pour l'autre famille, parce qu'on est deux familles et qu'on est vraiment dans l'angoisse

complète. J'ai l'espoir qu'ils vont rentrer, de toute façon je garde l'espoir parce qu'il se faut.

Là-dessus, au sixième jour, un jeune homme qui connaît Amélie vient dire qu'il l'a vu le lendemain du

carnaval, à outreau, c'est la ville d'à côté, il est formel, il l'a vu vivante, le lendemain. Ouf,

on vous l'avait dit c'est une fuge et d'autres témoignages du même tonneau arrivent, on les a

vus à Fréjus, figurez-vous, dans le Var, un policier qui blusait, il est absolument formel et d'autres

les ont vus à Paris, ça vous donne une idée de la valeur des témoignages en général. Bidons,

mais bon, c'est la piste privilégiée, le procureur s'adresse à la presse. Nous avons accueilli au cours

de ces dernières heures quelques indications plus favorables qui laissent penser que malheur ne

l'aurait pas arrivé. Est-ce que les maires y croient ? Non, non, elles ne sont pas allées à Fréjus

en tenue de carnaval, qui peut croire ça ? L'enquête va rebondir par un deuxième coup de fil

anonyme chez la mère d'Isabel et Audrey, une femme. Allô, bonjour, la camionnette là que vous

cherchez avec des bandes vertes, je sais qui c'est, elle est au jour d'un, c'est des types

recommandables, ils ont déjà été condamnés pour meurtre et pour viol je crois, ils habitent

du stade à Dan. Dan ? Dan c'est à 20 km au sud du portail. La petite équipe qui s'est constituée

autour des deux mamans, il va tout droit. Ils arrivent devant un taudis, une porcherie,

un cabaneau au fond d'une cour remplie de détritus, c'est là donc que vivent les frères

jourdans. Ensuite la petite équipe va dans le village, poser des questions. Les jourdans,

oh bah, là vous avez des spécimens, le Jean-Michel, il a pris 15 ans pour meurtre et son frère

Jean-Louis, il a pris 10 ans pour viol, vous voyez les higottos ? Et donc qu'est-ce qu'ils font ?

Bah ils appellent la police, qui envoient une équipe, qui fait un petit tour et puis qui repart, véridique.

Mais heureusement le lendemain, des gendarmes appellent pour dire qu'ils ont vu une camionnette

blanche avec des bandes vertes. Ils ont noté l'immatriculation 75-54, PN-59. Le propriétaire

est immédiatement identifié et les policiers vont le voir. Oh mais je l'ai vendu moi mon

camion, il n'y a pas longtemps. Un type qui s'appelle je crois Jean-Michel Jourdin. Tiens,

les jourdans, on y revient.

Ah ils ont un sacré pédigree, les frères Jourdin. Jean-Louis a déjà été condamné

pour attentat à la pudeur et pour viol. Et Jean-Michel a déjà passé plus de la moitié de sa vie

en prison pour des attentats à la pudeur et pour le meurtre d'une jeune fille de 19 ans,

il y a 8 ans. Les psychiatres qui les ont examinés tous les deux à l'époque décrivent des rustres,

débiles, bestiales, lâches et alcooliques. Il est temps d'aller les chercher ? Vous ne pensez pas ?

Les policiers vont les arrêter chez eux et tant qu'à faire, ils interpellent un troisième

frère et le père. Mon Dieu, l'endroit où ils vivent. À neuf dans un cabanon, une porcherie,

une horreur, pas de salle de bain, pas de toilette, les étrons dans la cour, les enfants au milieu et

partout de la ferraille de vieux frigos, quand on nettoiera, on enlèvera 150 tonnes de déchets. Et

ce panneau, Jourdain ramasse. Ils sont ferrailleurs, les Jourdains. Neuf jours après le carnaval,

les voilà donc en garde à vue. Mais face aux policiers, les deux frères sont comme des murs,

fermés, tés-eux. Vous étiez au carnaval du portel le 11 février dernier ? Oh non, j'y étais pour.

C'est à se demander si Jean-Louis comprend même les questions. Il n'y a rien à en tirer.

Heureusement, un couple se présente à la police. Le soir du carnaval, ils ont vu la camionnette. Et

les deux hommes à l'intérieur, ils les ont trouvés tellement louches, tellement patibulaire qu'ils

les ont suivis pendant deux heures, notamment sur la route qui va du portel à Équien. Et sur

le bord de la route, ils ont vu les filles. Bon, je crois bien que je les ai vues, oui. Il y en a une

qui était en muscotaire, c'est ça, rouge ? On leur présente les deux frères Jourdain derrière

une glace centaine. Ils les reconnaissent formellement. Mais Jean-Michel Jourdain ne bouge pas. Rien à dire.

Jean-Louis, en revanche, il est légèrement débile et il montre des signes de faiblesse. C'est le

maillon faible. Alors les policiers le bichonnent. Il lui parle tout doucement. Et d'un coup,

il lui glisse les photos des quatre filles sur le bureau. Il les regarde, fixement. Il se tortille.

Bon sang de bonsoir, Jean-Louis. Faut que tu m'aides. Elles sont peut-être en train de crever

quelque part, ces gamines. Faut que tu me dise, Jean-Louis. Faut que tu me dise. Et là, il dit.

Il n'y a plus rien à faire pour elles. Elles sont sur la plage. À St. Cecil.

Et ensuite, il fait en malaise. Le policier lui tente alors une feuille de papier et un crayon.

Et il se met à dessiner l'endroit où sont les corps. Une plage, un parking, un blocosse.

Les policiers l'emmènent tout de suite sur place et il les conduit sur une dune. Et les

pompiers se mettent à creuser. 10 cm. 30 cm. 50 cm. 70 cm. Et là apparaît un bout de tissu.

Rouge. Rouge comme l'habit du mosqueterre. Elles sont là. Elles sont là toutes les quatre.

En tassées l'une sur l'autre. Et lui, on dirait que ça lui fait rien. Il ne manifeste rien. Pas la

moindre humanité. Les deux mamans apprennent la nouvelle dans leur voiture, à la radio.

Sur une plage de St. Cecil près de Boulogne-sur-Mer, c'est là qu'ont été retrouvés les corps sans

vie d'Odré, Amélie, Isabelle et Peggy, toutes âgées de 17 à 20 ans et dont on était sans

nouvelles depuis dix jours. Les quatre petits corps sont emmenés à l'institut

médicolégal. Elles ont été étranglées, une par une. Isabelle, tout au fond du trou,

a été battue, mais c'est la seule qui n'a pas été violée. Peggy, juste au-dessus, a été violée

et hantérée vivante. Il y a du sable dans son estomac. Amélie a été violée et étranglée,

de même Codré. Le lendemain, les gens du coin voudraient les pendre, les lyncher. Là, maintenant,

tout de suite. Quand on s'aperçoit que c'est des gens qui ont déjà violé, qui ont déjà tué,

je suis désolée, ils auraient dû rester là où ils étaient, c'est-à-dire en prison. On les a fait

ressortir. Qu'est-ce qui se passe dix ans après ? Il se passe que quatre gamines, elles sont

parties et à personne qui les ramènera. Maintenant, on va mettre ces gens en prison. Je suis désolée,

si nous, qu'allons côtoyer pour les nourrir, ils vont avoir une cellule. Même s'ils passent 30 ans,

40 ans dans une cellule, les gamines, elles sont partis, on les fera en revenir. Moi, je dis que

quand il y a viol et meurtre sur des enfants, la peine de mort doit revenir. D'autant que d'anciennes

victimes des deux frères viennent témoigner. Je me promenais avec un bébé et puis j'ai rencontré

Jean-Louis Lachopi et puis je suis passée derrière la gare et puis donc là, il m'a poussé et puis

il m'a déshabillé, il m'a fait une tentative de viol. Parce qu'il m'a étranglé aussi,

mais j'ai perdu connaissance et lui, il a cru que j'étais morte. Donc il est parti. Et pour cela,

il a été condamné ? Il a pris 10 ans. Enfin, il n'a pas eu 10 ans. J'espère que ce

coup-ci, ils vont entendre tout le monde et que ce coup-ci, ils s'en prendront à vivre. Les gens

défilent pendant des jours, par centaines, dans les rues d'Outreau, de Boulogne-sur-Mer, du

portel au point que le président Chirac doit prendre la parole. Je suis horrifié et bouleversé par

cet acte de sauvagerie. Je pense à ces jeunes filles des enfants, victimes innocentes. Je pense à

leurs parents et à leurs détresses. Justice sera faite.

Le ressentiment des gens est-elle qu'il faut planquer le reste du clan jourdain pour éviter qu'on ne

les lâche. Et encore, les gens ne savent pas encore complètement ce qui s'est vraiment passé.

Interrogé à nouveau par la juge d'instruction, Jean-Michel Jourdain raconte un peu à sa sauce.

Oui, ce soir-là, ils étaient au portel. Toute la soirée, ils ont travaillé dans leurs camionnettes

des groupes de fêteurs. Et oui, à un moment, ils ont fait monter les quatre filles. Ils disent qu'ils

les ont emmenés jusqu'à la plage de Sainte-Sécil, mais à partir de là, ils racontent n'importe quoi.

Ils prétendent que les gamines les ont suivi tout sourire jusqu'au blocaus. Ils prétendent qu'ensuite

il est parti, qu'il les a laissé toutes les quatre avec son frère Jean-Louis, qu'il est allé à sa

camionnette, qu'il a fumé une cigarette et qu'au total, il s'est absenté une heure. Il dit qu'ensuite,

il est revenu au blocaus et que là, il a croisé son frère sans les filles et qu'il lui a demandé.

« Tu en as fait quoi ? » Et que Jean-Louis lui aurait montré les quatre corps. Jean-Michel Jourdain

accusent son frère et il se dédouane complètement. Le lâche. Il reconnaît seulement avoir aidé

son frère à enterrer les corps.

Alors que Jean-Louis dit que c'est Jean-Michel qui a tout fait. Voilà ce qu'il raconte. Il dit que dans la camionnette,

les filles comprennent assez vite qu'elles sont piégées, qu'elles paniquent. Ils les descendent,

ils les emmènent jusqu'au blocaus et là, il dit que Jean-Michel les prend une par une pendant

que lui garde les autres. Il part d'abord avec Isabelle au sommet de la dune. Il dit que ça dure

20 minutes et qu'il revient. Et puis il prend Peggy et il l'emmène à son tour et puis il revient

et il repart avec Amélie et puis il revient et il n'en reste qu'une, Audrey. Et là, il l'accompagne

tous les deux sur la dune. Jean-Louis reconnaît qu'il pratique à ce moment-là sur elle des

attouchements et qu'ensuite, il assiste à sa mise à mort, il voit son frère étrangler Audrey dans

le creux de son bras. Jean-Louis donc accuse Jean-Michel. Il se renvoie à la faute. Lequel des deux

faut-il croire ? Disons que la version de Jean-Louis est plus crédible. Elle colle assez bien avec

le rapport des légistes. Mais on n'arrive pas à croire qu'ils sont allés d'abord au blocaus,

parce que ça ne tient pas, parce qu'il faisait nuit, parce qu'il pleuvait, parce qu'il n'avait pas

de lampe de poche, parce qu'il faut passer des rochers et des barbelés. On n'y croit pas. Et puis

on ne trouve pas de sable dans les sous-vêtements. Elles n'ont pas été violées sur la dune.

Ils mentent. Ils mentent tous les deux. De toute façon, au fil des interrogatoires,

ils changent de version, et l'un et l'autre. Et à un moment, ils se dédouanent complètement. Jean-Louis

prétend même qu'ils n'ont jamais fait monter les filles dans la camionnette. Ils n'ont rien fait. Ils

sont innocents. Heureusement, on a une preuve tangible à leur maître sous le nez. On a retrouvé

la boucle d'oreille dodrée dans la camionnette. Il est probable donc, je ne dis pas certains,

je dis probable, qu'en vérité, tout s'est passé dans la camionnette. Les viols et les meurtres.

Le passage par le bloco, c'est une invention. Ça s'est passé dans le J5. Elles ont dû se

rebeller. Ils les ont frappés. Tous les cadavres portent des coups. Ils les ont violés là. Ils les ont

tués là, dans les quatre mètres carrés de la camionnette. Les unes devant les autres. Vous

imaginez l'horreur jusqu'à la dernière qui a vu mourir toutes ses copines, une par une.

Malgré leur monstruosité, les frères Jourdain ne veulent pas assumer leur crime. Mais peut-être

diront-ils la vérité au procès. Les gens évidemment sont venus voir à quoi ressemblent les

monstres. Jean-Michel Jourdain entre le premier, massif, des mains de bûcherons. Et ils toisent

la salle du regard. Et puis arrive son frère. Lui c'est tout l'inverse. Il est penaud. Il est

tremblant. Ils vont prendre perpét, bien sûr. Aucun doute là-dessus. Mais est-ce qu'ils vont

parler ? Est-ce qu'ils vont dire enfin la vérité ? C'est tout l'enjeu de ce procès. Et dès le

premier jour, c'est très mal parti. Jean-Michel Jourdain garde les bras croisés. Un mur. Il refuse

de répondre aux questions. Tout ce qu'il dit, c'est... Je comprends pas ce que je fais là. Je suis

innocent. Je n'ai rien fait. Jean-Louis, c'est différent. Il est demeuré, Jean-Louis. Mais il fait

des efforts. Il répond aux questions. Mais on comprend rien. Rien. Il baragouine. Enche-ti. Vous pouvez

répéter, Monsieur Jourdain. On n'a pas bien compris. Le chef d'enquête de la police judiciaire

vient à la barre. Il parle de la camionnette. Il semble clair qu'ils ont acheté la camionnette dans

le but de commettre les crimes. Quand ils l'achètent, ils savent à quoi elle va servir. Ils savent que

les jeunes filles vont mourir dedans. La preuve, deux jours avant le drame, ils ont tenté un premier

enlèvement. On fait d'ailleurs venir la victime à la barre. J'étais en train de téléphoner dans

une cabine. Et puis une camionnette s'est arrêtée. C'était Jean-Michel Jourdain. Quand je suis sorti,

il m'a suivi. La camionnette était juste derrière moi. Et puis là, la porte arrière, c'est entre

ouverte. On imagine alors que ces gens, Louis, qui est à l'arrière, prêt à bondir, ça ne s'est

pas fait. Mais ça a failli. C'était une répétition. À un moment, le président de la

cour d'assises décide d'emmener tout le monde sur la plage. Les jurés, les magistrats, les avocats,

les accusés, les journalistes, tout le monde se retrouve sur les lieux du crime. Car les accusés

persistent à dire qu'ils ont d'abord emmené les filles dans ce fichu blocos. Et là, là, ça se

confirme. Ça n'est pas possible. Les jurés font le chemin. C'est une galère. En pleine nuit,

dans le noir, sans lampe de poche, ça ne tient pas.

Et eux, comment se comporte-t-il sur la plage ? Sur cette plage où ils ont violé et étranglé quatre

filles ? Et bien Jean-Michel ne manifeste aucune émotion. Il profite de la promenade. En même

temps, il n'est pas prêt de se promener sur une plage. Jean-Louis, en revanche, il a l'air plus

affecté. Retour au palais de justice. À un moment, comme toujours, les partis civils, les deux

mamans viennent à la barre. Elles font revivre le souvenir d'Isabelle, de Peggy, d'Amélie,

d'Odré. Et puis elles les regardent. Elles leur demandent la vérité. Et elles n'en tirent rien. Rien.

Et le verdict arrive qui vient dire ce sentiment partagé que, dans l'horreur, il y a un faible et

il y a un fort. Le faible, c'est Jean-Louis. Il prend perpète avec vingt ans de sûreté. Et le fort,

le fort, c'est Jean-Michel. Il prend perpète avec vingt-deux ans de sûreté. La différence est

nue. Mais les jurés ont voulu marquer la différence. Jean-Louis a parlé. Jean-Louis a dit où elles

étaient. Jean-Michel s'émurait dans le déni. La sentence s'est tombée. La cour d'assises du

pas de Calais condamne à la réclusion criminelle à perpétuité. Les frères Jourdin. Pour les parents

des quatre victimes, ce procès a été un nouveau calvaire. La réaction ce soir de la mère de deux

d'entre elles, l'or, la mote, au micro de Lionel Gougelot. Nous filles ne sont plus là. Donc, on

refermera toujours nos bras sur du vide. Mais enfin, au moins, ils ne feront plus de mal à d'autres

enfants et à d'autres familles. Sever notre deuil ne terminera jamais. Nous faudra un bon moment

avant que nous soyons apaisés. La vérité, vous ne l'avez pas eue parce qu'ils n'ont pas avoué. Justement.

On ne l'a pas eue, puis on ne l'aura jamais. Donc, c'est ce qui nous peine le plus. C'est vrai,

on l'attendait. Un truc qui se serait conduit, pardon, ce ne serait que quelques instants comme des

hommes d'Inde Snow, qui nous aura dit la vérité. Malheureusement, ils sont restés dans leur bulle

et nous auraient dit. Des centaines d'histoires disponibles sur vos plateformes d'écoute et sur

europein.fr.

Machine-generated transcript that may contain inaccuracies.

Quatre jeunes filles de 17 à 20 ans sont enlevées, violées et étranglées, un soir de carnaval au Portel dans les Hauts-de-France. Une affaire qui, en 1997, a suscité une grosse polémique car Jean-Michel et Jean-Louis Jourdain sont récidivistes.