La source: Les Enfants du Paradis - Une superproduction sous l’Occupation
Radio France 8/11/23 - Episode Page - 56m - PDF Transcript
France Inter
Aujourd'hui, dans un faire sensible, Les enfants du paradis, une super production sous l'occupation.
Sorti en 1945, ce film réalisé par Marcel Carnet, écrit par Jacques Prévert,
est un monument du cinéma français, élu meilleur film de tous les temps
par quelques 600 critiques lors du centenaire du cinéma.
Une hegemonie qui tient tout à la fois à ses moyens exceptionnels,
sa durée, son ampleur, ses acteurs mythiques et l'universalité de son thème amoureux et théâtrale.
Certains parlent aussi d'une forme d'académisme un peu rigide qui protège l'œuvre du temps.
Il n'en reste pas moins que l'industrie du cinéma français, ses arts et ses techniques,
son artisanat ont atteint ici un sommet.
Même le jeune turc, François Truffaut, plutôt critique du cinéma de Carnet,
s'inclumera à la fin de sa vie.
« J'ai fait 23 films, dit-il, mais je les donnerai tous pour avoir fait les enfants du paradis. »
Tourné sous l'occupation, exploité après la libération, le film concentre tous les déchirements de son temps.
Un scénariste poète et anarchiste, un cinéaste homosexuel de gauche,
un décorateur et un compositeur juif contraint de travailler dans la clandestinité,
un acteur officiellement collabaud, une star française maîtresse d'un officiel allemand,
les personnages du film, eux, traversent la réalité sur la pointe des pieds,
étonnant funambule en équilibre entre la comédie et le drame.
Tels sont les ingrédients de ce film, sensibles à bien des égards ?
Notre invité aujourd'hui, Carol Orouet enseignant et chercheuse à l'université parieste,
Marne Navallé, spécialiste de Jacques Prévert,
y a concentré une dizaine d'ouvrages dont le dernier intitulé Prévert et le cinéma
a été publié aux nouvelles éditions Jean-Michel Place en 2017.
Affaire sensible, une mission de France Inter en partenariat avec Lina,
préparée aujourd'hui par Margot Pinel, coordination Christophe Barrère,
réalisation Coyenne-Buyenne.
...
Il arriva un jour du mois d'août dans ce pari fier vreux,
à peine sorti des barricades qui s'arrêtaient de compter ses morts
pour lui crier sa ferveur.
Il rapportait cette victoire qu'on avait crue perdue
et dont le premier, au 18 juin 1940, il n'avait pas désespéré.
Et puis, à ce peuple-murtis que l'ennemi pendant quatre ans avait humilier
pour mieux l'inserverre, il rapportait cette chose immense et merveilleuse,
la liberté.
...
Vendredi 2 mars 1945, place du Trocadéro, Paris 16e.
Moins d'un an après le débarquement de Normandie et la libération progressive du pays,
le printemps s'éveille dans une France en ruines et en deuil.
Après les jours heureux, après les ores sombres de l'épuration,
le pays entend désormais penser ses plaies, juger le marchel pétain et rire de nouveau.
...
Durant les quatre longues années de l'occupation,
Paris n'a pourtant jamais oublié ses théâtres et ses cabarets,
derniers refuges en ces jours de guerre.
Mais aujourd'hui libéré, c'est plus que jamais qu'on se précipite au spectacle.
Alors, ce 2 mars 1945, le tout-Paris des CDA se presse
sur les marches du Palais Chaillot à la première du grand film de la libération,
Les enfants du paradis, réalisés par Marcel Carnet, écrits par Jacques Prévert.
En haut de la fiche, les plus grandes stars de l'époque,
Jean-Louis Barot, Pierre Brasseur, Marcel Héran, Louis Salou et bien sûr, bien sûr,
Arléti, sublime et goyause, sublime parce que goyause.
Mais en ce soir de gala, organisé au profit des blessés guerres,
la gueule d'atmosphère est absente.
Oui, arrêté pour sa liaison avec un officiellement,
Arléti est placé depuis en résidence surveillée et ne peut pas assister à la première.
Loin de son Algérie, le réalisateur Marcel Carnet s'assoit anxieux sur les fauteuils rouges
et la lumière tombe.
Le rideau se lève, celui du théâtre et des funons bulles, décor des enfants du paradis.
Le film s'ouvre sur le Paris de 1830, boulevard du crime,
sur un nom donné au XIXe siècle au boulevard du temple,
où se regroupe alors tous les théâtres populaires de la capitale.
Arléti, Pierre Brasseur et Jean-Louis Barot interprètent des comédiens du quartier
qui pour certains ont réellement existé.
Ainsi, le truculant Pierre Brasseur et Frédéric Le Maître,
monstre sacré de l'époque,
Marcelleran joue Pierre-François Lassner,
d'Andy du crime, anarchiste et poète,
qui défreiait en son temps la chronique et finira guillotiné.
Enfin, le gracieux Jean-Louis Barot devient le mime baptiste de bureau,
créateur du célèbre Pierrot.
Et puis, et puis, il y a la femme, objet de tous les désirs,
garance, interprétée par Arléti.
Ce sera le rôle de sa vie,
de la femme, de la femme,
de la femme, de la femme,
interprétée par Arléti.
Ce sera le rôle de sa vie, écrit à sa mesure,
garance et Arléti.
Elle a son humour, son phrasé titi parisien,
sa maiglante collie.
Elle est la figure d'une femme imaginaire, insolante,
fragilien dontable,
d'aucun diront qu'elle est une allégorie de la France.
Et c'est donc autour d'eux que se joue le balai des sentiments.
Trois zones et prix qui s'interrogent sur le sens de l'amour
et la nature du théâtre, la vérité, l'artifice,
le tout transcendé par le vieux mot d'amour tout neuf
d'un préveur au sommet de son art.
Mais non, non, non.
Vous me pensons plutôt à nous qui avons tant de choses à nous dire.
Vraiment ?
Oui, vraiment.
D'abord je vous dis un mot, non.
Je m'appelle Frédéric.
Vous me dis à le vôtre ?
On m'appelle Garance.
Garance, oh, c'est joli.
C'est le nom d'une fleur.
D'une fleur rouge, comme vous l'aime.
Alors ?
Alors, au revoir, Frédéric.
Oh non, vous n'avez qu'à m'abandonner comme ça.
C'est tout seul sur le boulevard du crime ?
Dites-moi au moins quand je vous reverrai.
Bientôt, peut-être.
C'est-on jamais avec le hasard.
Oh.
Paris est grand aujourd'hui ?
Paris est tout petit pour ceux qui s'aiment comme nous d'un aussi grand amour.
Fresque grandiose, les enfants du paradis se composent
de deux parties de une heure et demi chacune.
Le boulevard du crime est l'homme blanc.
Entre les deux, quelques années ont passé,
l'amour est toujours impossible et ne reste sur le sable
que par des amants désunis, comme dit la chanson.
Dans la salle du palais Chaillot,
ce 2 mars 1945,
ici aussi le temps passe.
Après 2h30 de projection,
les sièges commencent à grincer.
Les spectateurs s'agitent.
Le réalisateur Marcel Carnet s'inquiète,
se reste par ennui.
En réalité,
une partie du public a peur de rater le dernier métro.
Le film, commencé avec le retard,
a duré plus de 3h et beaucoup n'ont toujours pas de voiture,
l'essence est réquisitionnée
et les taxis ont déserté les rues.
Reste donc le métro,
le dernier, comme dirait Truffaut,
il part à 1830.
Dans ses mémoires publiées en 1975,
Marcel Carnet raconte cette fin de projection
un peu chaotique.
C'est pourquoi la dernière bobine
qui, au surplus, n'est pas synchrone
est projetée dans un bruit de fauteuil qui claque.
C'est peut-être pourquoi, également,
après des applaudissements atifs,
les gens se rues vers la sortie.
À l'exception de quelques groupes,
la salle se vit dans un clin d'œil.
J'aperçois Fédère et Françoise Rosé.
Sachant qu'ils sont de retour en France,
ayant quitté la Suisse
où ils ont passé toute la guerre,
je les ai naturellement invités.
Je reçois d'eux un accueil assez froid.
Fédère me dit
« c'est pas mal »
qui me glace.
Et la presse,
convitelle,
élogieuse dans l'ensemble,
à l'exception du très influent chroniqueur
François Chalet.
Hélas, écrit-t-il,
nous n'avons eu qu'un vôtre,
revue par Paul Féval
avec une interminale étrange
de Mystère de Paris.
Les références sont adaptées,
mais la critique a serre.
Chalet se ravusera,
cependant, quelques jours plus tard.
Après la projection londonienne,
des enfants du paradis,
à la sortie de sa proche de Carnet,
et il lui dit spontanément
et probablement sincèrement
« excusez-moi, je me suis trompé,
votre film est très beau ».
Ils sont désormais
des millions à le penser.
Le 22 mars 1945,
après une semaine d'exclusivité parisienne,
les enfants du paradis sont partout en France.
Les deux époques du film
étant projetées dans deux salles différentes,
le prix du billet est doublé,
c'est un triomphe.
La preuve, le film reste
à la fiche 54 semaines d'affilée
et finit sa carrière
avec un record de 4.700.000 spectateurs.
Il devient alors
le symbole
de l'excellence française
l'emblème de la reconstruction nationale.
Face à cette histoire,
la libération est en réalité
le dernier tourné sous l'occupation
et il emporte les funestes stigmates.
Jacques Prévert
dira que toute fiction est un documentaire
sur les acteurs qui y figurent.
A commencer par le tournage du film
qui l'a écrit Les enfants du paradis
est en ce sens un cas d'école,
une sacrée aventure
qui commence bien des années plus tôt
par une rencontre légendaire.
C'est-à-dire que je l'avais rencontré depuis longtemps,
enfin je le connaissais depuis longtemps,
une fois à la maison des syndicats,
nous mettions en morceaux,
on y jouait une pièce qui s'appelait La bataille de Fontenoy.
Je m'étais beaucoup amusé
et des années après, je me souviens encore d'une phrase
dans cette pièce
qui était
« Soldat de Fontenoy, vous n'êtes pas tombés dans l'oreille d'un sourd ».
Ça m'avait beaucoup amusé
et quand j'ai fait mon premier film,
j'ai demandé cet homme qui s'appelait Jacques Prévert.
Et je m'attendais à s'en dire,
oh là là, c'est pas possible,
un anarchiste, un surréaliste,
surtout par contre,
contrairement à ce que j'imaginais,
mais nous, une connexion entre lui,
il vient de faire un film avec Jean Stélie
pour notre maison.
Et voilà comment j'ai fait la connaissance de Prévert
et comment on peut travailler 10 ans ensemble.
Dans l'émission au cinéma ce soir,
diffusé en 1974,
Marcel Carné évoque sa première rencontre avec Jacques Prévert.
C'était en 1936, Carné avait 30 ans,
il voulait réaliser son premier long-étrage.
Et bien il pourrait lui apprêter sa plume
et cela s'appellera Jenny.
S'en suivra, drôle de drame,
qui est des brumes et son célèbre,
t'as de beaux yeux, tu sais.
Puis en 1939, le jour se lève
avec Jean Gabin et Arletti.
Oui, Arletti déjà.
Carné Prévert, du haut assez improbable,
mais pas vraiment amical.
Deux personnalités très différentes,
mais avec une véritable chimie dans le travail
et jusqu'à la gloire.
En 1942,
en plein cœur de la guerre,
ils réalisent les Visiteurs du soir,
films médiévales fantastiques,
avec Arletti en Corel,
en femmes fatales bien sûr,
envoyées par le diable évidemment.
C'est un immense succès critique,
public et commercial.
Leur producteur, André Bollvet,
figure incontournable du cinéma français
des années 40 et aux anges.
Il donne alors carte blanche
au duo Carné Prévert pour leur prochain film
et un budget quasi illimité.
Malgré l'occupation,
malgré la pénurie de matière première
et celle de la pellicule.
Aussi étenant que cela puisse paraître
aujourd'hui, le cinéma français
sous l'occupation connaît une sorte d'âge d'or,
ou disons plutôt de temps héroïque.
En août 1940,
alors que les films américains et les films français
depuis de quatre ans sont proscrits,
le régime péténiste repense l'ensemble
du système de production.
Il crée ainsi le comité d'organisation
de l'industrie cinématographique
après la guerre,
et une école Lidec, aujourd'hui la Fémis.
L'objectif est de revitaliser le cinéma français.
Et ça marche.
De 75 films annuels avant-guerre,
on en compte 82 en 1943.
Cela n'empêche pas, bien sûr,
l'exil d'artistes emblématiques aux États-Unis
comme Jean Gabin, Jean Renoir ou Michel Morgan.
Ceux qui restent sont confrontés
à une double censure,
celle du puritanisme vichy
et celle de l'occupant allemand personifié
En octobre 1940, Goebbels
nomme cet esthète francophile à la direction
de la Continental Film,
principale société de production française
financée par des capitaux allemands.
Il reste que veut l'occupant,
du divertissement,
histoire de meuse avaler la pilule
de l'occupation, peut-être.
Et puis, Paris, n'est-elle pas la ville des plaisirs ?
Ainsi, durant toute cette période,
rares sont les films français de propagande antisémite,
non, à la place on vend, de l'amour,
du rêve, de la fantaisie
et sans la moindre allusion à l'actualité,
bien entendu.
Un espace de liberté surveillée
dont s'empare Marcel Carnet,
comme il l'explique sur le plateau d'Apostrophe
le 27 juin 1975.
On voulait, dans son domaine,
se battre et montrer qu'on n'était pas
le genou à terre.
C'est très difficile à expliquer,
mais c'était une sensation très singulière.
On est, on va se battre,
de n'importe quelle manière, et on va continuer.
Et on va faire des films,
même s'il y a des pires difficultés,
il faut gagner.
À savoir ce que nous essayons
de regagner par l'esprit,
ce qui avait été perdu par les armes.
Ainsi,
pour leur sixième collaboration,
Marcel Carnet et Jacques Prévert
cherchent plutôt dans le genre,
grande fresque que dans le film Intimiste.
Ils se retrouvent au début de l'année 1943,
à Nice, en zone sud et en quête du 2.
C'est alors que, promenade des Anglais,
ils rencontrent le comédien et amie Jean-Louis Barot.
À la terrasse d'un café,
et trois compères par le théâtre, comme toujours.
Barot leur raconte alors
cette anecdote du mime,
Baptiste de Bureau, le célèbre pyro du 19e siècle.
Aggressé par un ivrogne
qui insulte sa femme,
de Bureau le tue à coup de canne.
À son procès, tout Paris se précipite
aux assises pour entendre,
oui, entendre, et pour la première fois,
la voix du mime.
Et là, voilà la bonne idée.
Carné et Prévert veulent faire revivre
cette foule parisienne,
ces artistes, sa fantaisie, son public.
Le cinéaste se rend alors à Paris
et se ruent au musée Carnavalet.
Pendant trois semaines, ils consultent
des centaines d'estampes du boulevard du Créum,
petit grand théâtre et des funambules,
des dessins destabinés de marchands de rue.
Puis, ils repartent sur la côte d'Azur,
heureux de sa moisson.
Il y a là, de quoi faire douze films,
répond Prévert Garnet.
Leur producteur, André Paulevé,
en est convaincu, lui aussi.
Alors, dès le départ, il est entendu
que le film, intitulé à l'époque les funambules,
durera plus de trois heures
et qu'il sera projeté en deux parties,
pour plus de bénéfices, à l'exploitation.
Paulevé veut faire de ce nouveau projet
le chaîne d'œuvre de la Renaissance
du cinéma national.
L'enjeu est si important
que la direction générale du cinéma
autorise une coproduction italienne
permettant au film d'échapper
Et André Paulevé contraint de céder
ses droits à la firme escalère.
Le film sera tout de même tourné chez lui
au studio de la victorie d'un Nice,
dont il est copropriétaire.
Voilà, le travail peut commencer
pour Garnet et pour Prévert.
Une mécanique bien huile,
comme explique le réalisateur
Bertrand Tavernier dans Le Documentaire.
Il était une fois les enfants du paradis
réalisés par Julie Bonan en 2009.
Garnet est la personne qui a su
le mieux faire travailler Prévert.
Garnet aussi était un bulldog
quand les ambitions d'un projet
étaient définies.
Garnet devenait intraitable.
Et ce qui fait qu'il arrivait
à sauvegarder
toutes les ambitions
du scénario de Prévert
et à leur donner aussi quelque chose.
Parce que le découpage chez Garnet
est souvent formidable.
Il est souvent extrêmement aigu,
extrêmement intelligent.
Prévert m'a dit, Garnet
est le seul cinéaste avec lequel j'ai travaillé
qui était incapable d'écrire
une phrase de dialogue
et de changer une ligne dans un scénario.
Tous les autres, ils étaient des scénaristes.
Grémillon, Renoir, Kayat.
Garnet, c'était impossible.
En février 1943,
Jacques Prévert s'installe à l'auberge du Prioré.
Prioré de Valais, près de Saint-Paul-de-Vance.
Alors que la France est totalement occupée par la nazi.
Il réunit autour de lui ses fidèles.
Alexandre Troneur en tête.
Décorateur Juifon-Groix.
Contrain de travailler dans la clandestinité
pour cause de lois antisémites.
L'avantage de l'auberge écrire à Troneur
c'était qu'elle avait une porte qui s'ouvrait à l'arrière.
C'est la police de Barque.
Il participera aux enfants du paradis de façon anonyme.
Avec la puits de son grand ami Prévert.
Mais aussi celui de ses collègues.
Troneur, est-ce qu'il sera
les dessins et maquettes du décor
qu'André Barrasque réalisera ?
Il aime pour le compositeur Joseph Cosma,
lui aussi Juifon-Groix.
Il composera un ballet pour les pantomimes
signés sous un prête nom.
Tandis que Maurice Thierrier s'occupera
du ras de la musique.
Enfin, le peintre maillot
accepte de créer les costumes humains dans la main
avec les maisons l'envin qui mettent à sa disposition
ses plus beaux tissus à un signe privilège.
Ainsi, pendant plusieurs semaines,
l'auberge du prioret se transforme
en joyeux fallenster d'artistes
insensible au cas ou du monde.
D'or, les combats font rage
et les américains, après la victoire de Midouais
poursuivent la conquête du pacifique
à bord de leur bombardier Boeing B-29
mais...
Chaumaswan.
Regardez-les là-haut.
Au paradis.
Au paradis.
Ici aussi, on lève les yeux au ciel
mais au paradis, surnom donné au 19e siècle
ou dernier balcon des théâtres,
ce qu'on appelle aujourd'hui le poulailler.
Un paradis
où s'entend ceux qui ont les poches vides,
le rire contagieux et le verbe haut.
Eh bien, c'est à eux
que Prévert-Récarné décide de rendre hommage.
Le film est alors robotisé
les enfants du paradis.
...
Quant à la distribution,
facilité par le succès des visiteurs du soir,
elle sera exceptionnelle.
Outre Jean-Louis Barrault,
à l'origine du projet
pour le rôle d'une bâtiste,
on retrouve Pierre Brasseur,
déjà aperçu dans Les Brumes.
Marc-Séléran et la Snare,
la théâtrale Maria Césarès
joue son premier rôle à l'écran
avec le personnage de Nathalie,
Robert Levigand,
Incarno Géricco,
Le Marchand Libé
et Le Meilleur pour la fin,
Arletti, l'actrice préférée
de carnet de Prévert,
interprète Grance,
un personnage d'amoureuse
idéal.
Au moment personne l'ignore,
l'actrice vit une liaison
passionnelle
Hans-Hürgenschering,
officiellement de la loup de Vaff.
Prévert-Récarné,
ne cessera de parler
de sa merveilleuse amitié
avec l'actrice
comme dans cet interview
en 1974.
Ce qui compte,
c'est que je pense que les gens disent
c'est la façon de le dire
et Arletti,
elle a une façon de parler
qui n'appartient qu'à elle
ou les acteurs,
tout fut mental documentaire.
Des fois, c'est la mère,
des fois, c'est n'importe quoi l'autre
et des fois, c'est les atroïments
comme on les appelle.
Arletti est dans un documentaire
qui est celui de sa vie.
Elle est pareille dedans,
pareille dehors.
Par exemple,
je ne peux pas dire que c'est une star.
Arletti,
c'est un tourne-sol
en soleil.
Le corbeau voie,
c'est là où elle est née.
Moi, je suis née pas loin
en Eugie.
Là, à l'an près,
on a le même âge.
On aurait pu se connaître tout petit.
On s'est connu très tard.
En plus de cette prestigieuse
équipe ajoutons un budget initial
de 26 millions de francs.
Le plus important,
jamais engagé pour un film français.
Tout va presque trop bien,
pense Karné.
Et le 16 août 1943,
au studio Victorine de Nice,
le premier coup de manivelle est donné.
Après quelques plans en intérieur,
la troupe s'édeplace sur un terrain
non où se vraient ces impressionnants
reconstitutions du bouvard de crime.
Ils mesurent 80 mètres de long,
mais ils en paraissent double
grâce à la qualité des trompeurs
du magicien Trôneur.
Ces enfants rêveurs.
Le 3 septembre 1943,
les forts alliés des barcansiciles
entraînant les fondrements
du régime fasciste de Mussolini.
Son successeur,
Sinarmistis le 8 septembre.
L'Italie a changé de camp.
Alors, plus question de poursuivre
la coproduction transalpine
des enfants du paradis.
Le lendemain,
Vichy ordonne à l'équipe du film
de regagner Paris.
Karné,
tant alors de jouer la montre,
l'immense décor du boulevard du crime
n'aura servi que trois jours.
Mais il doit savouer vaincu.
D'autant,
que son producteur,
qu'on aurait pollué,
est à présent interdit
de toute activité par les Allemands.
Les raisons de cette mise à l'écart
sont restées obscures.
Le 15 septembre 1943,
un mois après le clap de début,
le tournage des enfants du paradis
est officiellement interrompu.
Et, bien malin,
celui qui pourra dire jusqu'à quand.
...
Vous ne pouvez pas savoir
comme mon pauvre coeur est lou.
Pourtant, je le sens ce soir,
l'amour n'interdit pas,
l'amour.
Le jeu recommence
le printemps s'avance,
tout chante,
c'est encore mon tour.
Rêve d'amour,
bonheur trop court,
au paradis perdu,
tendreuse espoir,
bouquée d'un soir,
dans le parc en éclut,
le coeur cherche sans cesse,
l'écho de sa jeunesse,
et chaque amour est en retour
au paradis perdu.
Vous venez je ne sais d'où
j'ignore jusqu'à votre renom.
Je vois que vos yeux sont doux,
mais votre vraiment tel ou non.
Tant pis, je vous aime,
l'amour c'est moi-même,
qui meure et renaît chaque jour.
Rêve d'amour,
bonheur trop court,
au paradis perdu,
tendreuse espoir,
bouquée d'un soir,
dans le parc en éclut,
le coeur cherche sans cesse,
l'écho de sa jeunesse,
et chaque amour est en retour
au paradis perdu.
Je ne suis pas crevel, je suis logique.
Depuis longtemps, j'ai déclaré la guerre à la société.
Et vous avez tué beaucoup de monde,
c'est ainsi Pierre-François?
Non mon âge,
voyez aucune trace de sang,
seulement quelques tâches d'encre.
Mais rassurez-vous Garange,
je preta quelque chose d'extraordinaire.
Vous avez tort de sourire Garange, je vous ai su,
je ne suis pas un homme comme les autres.
Mon coeur n'est pas comme le le,
vous n'entendez absolument pas.
Oh non, il n'est pas comme les autres,
ce Pierre-François Lasseneur assassin
et écrivain public,
guillotineur 1836,
interprété à l'écran par Marcelaire.
Dans cette scène, il confie à Garange,
jouer par arrêté son futur crime
et l'ambition d'un grand destin.
Mais au moment du tournage
des enfants du paradis,
faut-il le rappeler,
nous sommes en 1943,
ces mots raisonnent cruellement
avec la réalité de la guerre.
C'est un mot de guerre
qui met aussi le film à l'arrêt
à Nice en septembre 1943.
De retour à Paris,
Marcel Carné négocie la reprise de son oeuvre
par la société bâté soit des mois
de discussion avec la firme au coq
autant de tractations avec les comédiens.
Mais tout se répond à l'appel,
sauf Robert Le Viggan,
collaborateur et antisémite notoire
qui part peur de la débacle,
fuit en Allemagne.
Pierre Renoir, le frère aîné
du cinéaste Jean Renoir,
leur emplace au pied levé dans le rôle de Jérico,
le marchand d'Abi.
Le 9 novembre 1943,
après trois mois d'interruption,
le tournage des enfants du paradis
peut enfin reprendre.
Le travail est toujours aussi difficile,
les alertes sont fréquentes,
la pellicule rationnée,
l'électricité souvent coupée et la peur,
omniprésente.
L'équipe du film, comme la France entière,
condensera des collabos affichés,
des vichistes hostiles à l'Allemagne,
ça existe, des résistants,
des épiciers du marché noir,
des informateurs de police et des juifs cachés.
Les descentes de police sont fréquentes.
Dans ses mémoires, Carné raconte
une arrestation particulièrement douloureuse.
Au début d'une scène, son régisseur
l'informe que la femme de l'un des figurants
a eu un grave accident.
Celui-ci est attendu au bureau de la production.
Rompue à la méfiance,
Carné prend alors toutes les précautions
et questionne sans relâche son régisseur.
Tout à l'air normal,
lui dit-il.
Il se retrouve alors devant un choix cornelien,
si c'est un piège, il l'envoie
les chaffaux, mais si c'est vrai,
prendrait-il le risque de le priver
des derniers instants de sa femme ?
Petitier prend alors le pas sur la crainte,
et Carné prononce cette phrase,
qui ne s'est jamais pardonné,
on demande M. X au bureau de production.
Et c'est la gestapo qui l'attend,
et c'était effectivement un résistant.
Et puis, il y a la fin
qui creuse tous les ventres.
Comme le raconte l'électricien de Plateau,
Jean rogé bon temps.
Dans le documentaire, il était une fois les enfants du paradis.
C'était terrible, on avait des tickets
de pain, on avait des tickets de viande.
Vous rendez compte, 48 grammes
de viande par personne,
et par moi, je crois que c'était
48 grammes sans os,
et 100 et quelques grammes avec os.
Vous savez, la cuisse
de poulet qui mange à un moment,
Pierre Brasseur, il en a goûté
pas mal des cuisses de poulet.
Je vous assure qu'il y en a quand même été les ramasser,
quand ils la jettent, et qu'ils les ont mangés.
Parce que ça nous tentait, vous vous rendez contre
un poulet comme ça, dont il a raché
la cuisse, je sais pas comment ils ont fait
pour retrouver les poulets, ils ont dû les acheter
au marché noir, mais
j'y pensais
à chaque fois que je vois le film,
je pense à cette
cuisse qui voltage
là,
ça tentait, vous savez, on avait souvent le vent
de creux.
Pour d'autres, c'est la peur, disons,
professionnelle qui sert le ventre
à l'entrée du plateau. Marcel Carné
a la réputation d'être un réalisateur très dur,
autoritaire, perfectionniste
jusqu'à la tyrannie.
Maria Casares, qui joue alors l'Intalie,
amoureuse du bimbatiste, en fait les frais.
Comédienne de théâtre,
c'est son premier rôle au cinéma et elle supporte mal,
la pression, ce que Carné supporte
mal. Alors, les insultes fusent
et les larmes de Casares coulent.
Ces collaborateurs non plus ne sont pas en reste.
Le décorateur, Lion Barrasque,
dira de Carné, qu'il était
complètement hypnotisé par son film.
Rien d'autre de compter pour lui.
C'est tout juste, s'il ne pensait pas
que les gens continuaient à faire la guerre
juste pour l'emmerder.
Pour l'emmerder ou pas, la guerre continue.
Et Marcel Carné poursuit le tournage
des enfants du paradis avec une détermination
exceptionnelle.
Le 21 février 1944,
après 3 mois dans le studio parisien,
l'équipe est autorisée à repartir
sur la Côte d'Azur, retrouver le fameux
boulevard des crimes.
Mais les décors sont très endommagés
et le couvre-feu est imposé de façon rigoureuse.
Les retards
et les imprévus accumulent, tout comme le dépense.
Des 26 millions de francs prévus initialement,
le film en coûtera
55, soit 7 millions d'euros
aujourd'hui.
Point d'orgue de ses moyens exceptionnels,
la grande scène finale du Carnaval
où l'on compte jusqu'à 2000 figuants.
Finalement, début juin 1944,
près d'un an après le premier coup
de manivelle, le tournage
touche à sa fin et il flotte dans l'air
comme un avant-goutte victoire.
La anecdote est comptée par le réalisateur
Bertrand Tavernier en 2009.
Il a dit
« Faites gaffe, il y en a un,
celui-là, c'est Gestap.
Alors, faites gaffe,
planquez-vous, parlez pas,
et s'il vous remarque,
je ne voudrais vous le dire.
Et puis elle reparlait les rejoindre.
Et un des Allemands très fort
remarque les langoustes et dit
« Oh, des langoustes,
on voudrait des langoustes.
Et le patron du restaurant dit
« Elles ont été retenues.
Et puis,
le tournage m'a dit,
à ce moment-là, prévère,
c'est tourné vers moi et m'a dit
voilà, ça c'est la preuve que nous nous sommes
en train de gagner la guerre.
Le tournage s'achève la veille
des débarquements des Alliés
en Normandie le 6 juin 1944.
Dans Paris, libérer les rires
et les explosions de joie
laissent place à la violence encore.
En fait, les purations commencent.
Les tribunaux populaires se forment
pour condamner les traîtres, les colabots
et du côté des enfants du paradis également
après l'ivresse, arrive une certaine angoisse.
Marseille Carnet
est blamée pour avoir signé
un 41 contrat avec la société production franco-allemande
contrat qu'il a pourtant rompu
de sa propre initiative.
Le 20 octobre 1944
Arletti est arrêté
condamné pour sa liaison
avec son officielement.
Elle est internée à la conciergerie
puis au camp de Rancy,
placée en résidence surveillée
pendant un an et demi
et interdit de tourner pendant 3 ans.
Elle n'insistera pas
à la première de ce qui deviendra
pourtant son film le plus mythique.
Fidèle à elle-même,
elle assume le premier tournage
Fidèle à elle-même, elle assume le sort
qui lui est réservé.
Mon cœur est français, mais mon cul
est international, se justifiera-t-elle
selon la légende.
Quand j'étais malheureux, je dormais, je rêvais.
Mais les gens n'aiment pas qu'on rêve.
Alors, ils vous cognent dessus,
histoire de vous réveiller un peu.
Heureusement, j'avais le semeil
dur, plus dur que les coups
et je leur échappais en dormant.
Oui, je rêvais.
J'espérais.
J'attendais.
C'est peut-être vous que j'attendais.
Déjà.
Pourquoi pas?
Je voyais sans doute dans mes rêves.
Ne souriez pas.
Aujourd'hui, en me jetant cette fleur,
peut-être m'avais vous réveillé pour toujours.
Quel drôle de garçon vous faites.
Comme vous êtes belle.
Je suis pas belle, je suis vivante, c'est tout.
Vous êtes la plus vivante.
Jamais je n'oublierais cette nuit.
Et la lumière de vos yeux.
La lumière, comme tout le monde.
Tenez, regardez.
Les petites lueurs,
les petites lumières de minile montant.
En attendant la fin de ces temps troublés,
Marcel Carné retard le volontairement
à la fin du montage.
En fait, il attend le 2 mars 1945
à l'enfant du paradis Paléchayo, à Paris.
Il voulait en faire le film de la paix retrouvée,
il le saura, au-delà de ses espérances.
Avec les enfants du paradis,
le réalisme poétique atteint son apothéos,
cinématographique,
son champ du signe aussi.
Au lendemain de la guerre en effet,
il n'y a plus de grande illusion possible
et le duo Carné Préverni résistera pas.
Après un dernier film ensemble,
il se sépare en 1949.
Le film,
les enfants du paradis entre lui et d'emblée,
au panthéon de l'histoire du cinéma,
il ne l'a jamais quitté.
Quel est le préféré cosmo
et chaque fois
les feuilles mortes
te rappellent
dans mon souvenir
jour après jour
les amours mortes
n'enfinissent pas de mourir
avec d'autres bien sûrs je m'abandonne
mais leurs chansons aimant le tonne
et peu à peu je m'indiffèrent
à cela il n'y a rien à faire
car chaque fois
les feuilles mortes
te rappellent à mon souvenir
jour après jour
les amours mortes
n'enfinissent pas de mourir
peut-on jamais savoir
par où commence
et quand finit l'indifférence
passe l'automne vienne l'hiver
et que la chanson de prévère
cette chanson
les feuilles mortes
se fassent de mon souvenir
et ce jour-là
mes amours mortes
en auront fini de mourir
et ce jour-là
mes amours mortes
en auront fini de mourir
bonjour
vous êtes enseignante et chercheuse à l'université parieste Marne Lavallée
spécialiste de Jacques Prévert
vous lui avez consacré une dizaine d'ouvrages
donc le dernier prévert et le cinéma
publié aux nouvelles éditions Jean-Michel Place en 2017
beaucoup d'entre nous connaissent bien
l'œuvre poétique de Jacques Prévert
on l'a lu, étudié depuis
pour certains la putain de l'enfance
moins peut-être son cinéma
alors qu'il a collaboré tout au long de sa carrière
au cinéaste
car évidemment je pense aussi à Gré-Millon
Paul Grimo
Pierre Prévert son frère
d'ailleurs Jean Renoir et Jean Passe
comment prévert vient-il au cinéma ?
c'est une longue histoire
on va la faire courte
je vais essayer de la faire courte
en tout cas c'est l'activité qu'il préfère
Prévert est un artiste protéiforme
il est effectivement poète
il fait des collages
il écrit des pièces de théâtre
et il est scénariste
il a toujours dit que c'était homme de cinéma
quelque chose qu'il fascinait
il est fasciné par le cinéma dès son plus jeune âge
en fait il fait l'école buissonnière
pour se rendre dans les salles obscures
il est fasciné par les burlesques
par fantomas
notamment
et en fait il ne cherche pas
à travailler pour le cinéma
c'est son frère cadet Pierre Prévert
qui a 6 ans de moins que lui
qui est devenu réalisateur
qui commence par être projectionniste
et qui fait un petit peu le lien
entre Jacques et le cinéma
il lui parle notamment de grands registres
qui se trouve vers le boulevard poissonnière
dans lesquels on peut s'inscrire
pour faire de la figuration
Prévert n'a pas particulièrement envie de faire la figuration
mais il a terriblement besoin de gagner de l'argent
et il s'inscrit sur ses registres
et en fait il va être repéré
par le réalisateur Henri Fescourt
en 1924
qui lui propose de faire de la figuration
et il fait de la figuration
dans son film qui a pour titre les grands
donc en 1924
et c'est assez drôle
parce que Prévert qui a été
plutôt une sorte de cancre
dans le sens où il pratiquait l'école buissonnière
incarne là le rôle d'un jeune élève
extrêmement studieux
avec des petites lunettes
et ce qui fait vite d'emblée un comédien
donc c'est sa première expérience véritablement
avec le cinéma
et puis ça va se faire progressivement
son premier coup d'essai en fait c'est en 1928
cinéma encore muet
avec son frère Pierre Prévert
et avec Marcel Duhamel
et puis petit à petit
ça va continuer
peut-être quelques titres marquants
avant les enfants du paradis
l'affaire est dans le sac
en 1932
réalisé par Pierre Prévert
au temps Lara dès 1933
pour six boulettes
et puis Jean Renoir que vous avez cité
en 35-36
avec le crime de Monsieur Longes
alors avec Carnet
la collaboration avec Carnet
on l'a dit était
très efficace
d'un point de vue artistique
en revanche
elle n'était pas forcément amical
c'est vrai pourquoi ?
effectivement je pense qu'il y a une vraie
complémentarité dans le travail
parce que ce sont de bonhomme
extrêmement différents
et il y a cette sorte d'opposition
qui leur permet d'être très efficace
c'est à dire que...
réalisme pour Carnet
poésie pour Prévert
poésie, imagination débridée pour Prévert
quelqu'un d'extrêmement foisonnant
avec une verve incroyable
et on a un Carnet qui arrive en quelque sorte
alors le cadré, le terme est peut-être un peu fort
le verbe n'est peut-être pas bien choisi
mais en tout cas elle est canalisée
donc voilà cette complémentarité
il travaille très très bien ensemble
on peut dire que ce que
deux dans leur collaboration
représentent ce qu'on appelle
le réalisme poétique du cinéma
de cette époque là
si vous voulez au quelque sorte
c'est un peu ça effectivement
quelqu'un de très terre à terre
qui sait porter un film
qui sait gérer une équipe
et puis de l'autre côté
on a quelqu'un avec cette imagination débordante
avant de revenir sur les enfants du paradis
avec vous
j'aimerais faire écouter aux auditeurs
il y a vous même cet archive
qui dit peut-être tout sur Prévert
finalement son esprit facetieux, drôle
mélancolique
aussi c'est un extrait du film documentaire
Mon Frère Jacques
réalisant 1961 par Pierre Prévert
Marcel Carnet, Pierre et Jacques Prévert
sont en grande conversation
autour d'une table
on aurait bien m'être invité ce soir-là
on dirait bien évidemment
dans les deux centaines de Montréal
plus ou moins mais on y met le temps
par exemple
c'est dans la vie ça
mais par exemple si je dis moi
aujourd'hui nous sommes vivants
bon
mais si je dis en regardant
les téléspectateurs
je dis
aujourd'hui je suis mort
aujourd'hui je suis mort
c'est une plaisanterie
mais si le film lui on l'entend
mais donc il repasse
dans 30 ans
quand tu as le jeu
cette émission
oui cette émission-là
ça repasse
puis je dis
je suis mort
je vais le dire lui qu'au roman
je suis mort
les gens qui le regarderont
en mettant que je sois centenaire
parce que je le cherche d'ailleurs
qu'il a un an
un an 2000
il verra un type qui dit je suis mort
ils vont
ils ne croyaient pas si bien dire
et c'est vrai
non non tu n'es pas mort
ah non non non non
ils sont tous vivants
on va se retrouver
et bien ils sont vivants
autour de cette table
dans un nouveau film
ah bah j'espère le
voilà c'est Carnet qui dit
j'espère on le
à la fin
lorsque Pierre Prévert
évoque un nouveau film
qu'il pourrait faire ensemble
en fait depuis 49
et après 7 films
Carnet et Prévert
ne retravailleront plus ensemble
y avait une raison précise à cela
c'est vrai que la situation
enfin en tout cas les relations
entre les deux hommes
sont dégradées
sur le tournage d'un film
qui s'appelle la fleur de l'âge
qui en fait
devait reprendre une partie
de l'équipe des enfants du paradis
on devait retrouver
Arletti, Trôneur, Cosma
entre autres
et le film
le tournage a été assez chaotique
et s'est interrompu
au bout de quelques semaines
et la situation
en fait s'est dégradée
entre les deux hommes
au point qu'ils se sont
véritablement fâchés
Prévert a d'ailleurs envoyé
un telegramme à Marcel Carnet
assez délectable
sur lequel il a fait
écrire
Je te prie de rentrer
grand chevaux
dans petites écuries
et voilà
il y a eu cette brouille
et effectivement ils n'ont plus
retravaillé
par la suite ensemble
mais ils se sont quand même vus
ils se sont réconciliés
et ils ont gardé
une relation
alors certes
peut-être pas très amicale
en tout cas
ce n'est pas une amitié
comme celle qui a pu unir
le décorateur Alexandre Honneur
et Jacques Prévert
mais il y a eu
quand même cette relation-là
jusqu'à la fin de leur vie
alors revenons aux enfants du paradis
vous avez longuement travaillé
sur ce film
plus précisément
sur son scénario original
publié en 2012
aux éditions Gallimard
avec une préface
que vous avez rédigé
ailleurs dans un film
il y a toujours des scènes
non retenues
qu'est-ce qu'elles nous disent
ces scènes
on les fait pas toutes
parce que sinon
c'est encore à 16h30
on est chez nos cônes sinon
écoutez finalement
il y a peu de scènes
qui n'ont pas été retenues
par contre
ce que j'ai découvert
à l'occasion de mes travaux
et de cette publication
c'est que Prévert
avait initialement prévu
une troisième partie
déjà trois heures
pour les deux parties
alors effectivement
vous avez mis le doigt
justement
sur le refus
de cette troisième partie
c'est que le film
était déjà extrêmement long
et que cette troisième partie
ne s'est pas faite
alors ça a été
longtemps
une sorte de mythe
j'ai vraiment cheré
à nous prouver
que cette partie existait
parce que Prévert le niait
mais en fait il en avait marre
je pense qu'on lui parle
de cette troisième partie
et en fait à la fois
dans les scénarios
dans les maquettes de costume
dans les décors
et surtout dans un synopsis
inédit de 23 pages
que j'ai pu retrouver
à cette occasion-là
je me suis aperçu
que cette troisième partie
était prévue
et qu'elle devait être
consacrée au procès
de Baptiste
et au procès
de l'Asnerre
un double procès
et il y a effectivement
des maquettes de cours d'assises
d'accord
alors si on considère
que la femme est l'avenir
de l'homme
ce qui n'est pas complètement idiot
la femme de ce film
évidemment
elle s'appelle
le personnage
s'appelle Garant
c'est la femme réelle
s'appelle Arléti
on l'a dit
elle représentait
la modernité
c'est probablement vrai
quelle modernité
l'a représenté à cette époque-là
c'est une question
un peu complexe
mais en tout cas
c'est toute la modernité
qu'Arléti elle-même
aussi pouvait incarner
incarner dans sa vie
parce que vous l'avez dit
un petit peu tout à l'heure
dans cette magnifique
cette magnifique déambulation
que vous nous avez livrée
sur les enfants du paradis
Garant s'inspire énormément
d'Arléti
alors ce n'est évidemment
pas un hasard
parce que Prévert aimait
écrire pour le cinéma
parce qu'il aimait les acteurs
il a toujours expliqué
que s'il faisait du cinéma
c'était pour les acteurs
que c'était absolument
merveilleux
et donc il crée
pour les acteurs
qu'il avait choisi
des rôles sur mesure
et des personnages
qui allaient puiser
dans les tempéraments
et la vie des acteurs
et effectivement
Arléti est né
à Courbevois
elle a une mère
qui est lingère
comme par hasard
comme garance
elle a la même goie
elle a la même verve
elle a eu une enfance
assez difficile
qu'il a fait pousser
un peu comme une herbe folle
dans les rues
donc voilà
il y a tous ces parallèles
là
et en tout cas
Garant s'a la même liberté
Carléti
la même verve
Carléti
et cette absence
de calcul
et cette sincérité
et cette limpidité
constamment au fur et à mesure
du film
et c'est un personnage
aussi qui est extrêmement moderne
parce que Prévert l'a dit plus tard
il était extrêmement agacé
par la misogynique
qui régnait au cinéma
à cette période-là
et il avait envie de créer
des rôles féminins
forts et marquants
qui ne soient pas
des fers-valoirs
des personnages masculins
et c'est effectivement
pleinement le cas
avec Garant
dans les enfants du paradis
je vois que vous vous animez
et si on écoutait
Arléti dire la même chose
que vous
ça montrerait l'excellence
de votre analyse
et puis ça nous donnerait le plaisir
d'entendre la voix mythique
par volonté
par goût de la solitude
j'étais moderne déjà
de la liberté
de la liberté
de la fuite même peut-être
je ne sais pas
ça c'est un domaine
tellement privé
je l'argue, je l'argue
à vie aux amateurs
cela dit maintenant redonnons sérieux
Arléti et sa liaison
avec un officiel allemand
évidemment c'est très lourd
elle s'en est remise
comment s'en est-elle remise ?
comment elle a vécu cette période
juste après rappelons
qu'elle n'a pas pu assister
à la première
oui tout à fait
elle était en résidence surveillée
sur cette période-là
avec sa pudeur
elle ne s'est jamais trop livrée
en tout cas elle est revenue
quand même
pôctuellement sur le sujet
quelques années après
au moment du tournage
de la fleur de l'âge
parce qu'en fait
le producteur va la trouver
pour tourner
cette autre carnet prévers
qui n'a finalement pas vu le jour
et elle a tout de suite répondu
au producteur
qu'elle n'avait plus
envie de revenir devant la caméra
de faire des sourires
après ce qui s'était passé
mais qu'il y avait
une seule condition
qu'il pouvait faire qu'elle reviendrait
c'était qu'il réunisse
la même équipe
que celle des enfants du paradis
c'est-à-dire préverse
c'est-à-dire trôneur
c'est-à-dire cosmas
c'est-à-dire carnet
et c'est ce que le producteur a fait
et Arleti a accepté de revenir
et a rejoué
a repris goût
à cette vie de cinéma
alors une autre phrase
même interpellée
sur ce thème-là
c'est carnet
qui dit on l'a diffusé
dans le récit
il s'agissait de gagner par l'esprit
ce qu'on avait perdu
par les armes
ok, pourquoi pas
il se trouve que d'autres
comme Gabin
ont eu un autre raisonnement
et eux sont partis
voilà, qu'est-ce que...
Bah comment expliquer son choix
je peux pas le faire pour lui
mais c'est position compliquée
quand même mais qui
lui ont aussi beaucoup de choses
de comportement
de beaucoup de gens
pendant la situation
bien sûr, il y a plein de moyens
de résister, de s'engager
la création et la poésie
sont des actes de résistance
et ce sont ces voies
qu'on choisit d'emprunter
carnet et prévers
j'aime bien rappeler
quand même l'étymologie
du mot poésie
en grec, ça veut dire action de fer
création
et leur moyen de résister
ça a été la poésie
sous toutes ces formes
je reviens au thème du film
qu'est-ce qui fascinait
prévers et carnet
on va même prévers
spécialiste
vous êtes une spécialiste
de prévers
de ce pari de la fin
du milieu du 19e siècle
la fin de la restauration
il y avait ce pari-là
elle les fascinait
c'est des opportunités
cinématographiques
qui les fascinent
dans ce projet
en fait ce qui fascine carnet
en tant que metteur en scène
c'est la possibilité
de réaliser un film
avec de grands décors
de grands costumes
mémormément de figurants
et de rendre compte
de ce pari du début
du 19e siècle
de la première moitié
du 19e siècle
ce qui fascine
davantage prévers
tout de suite
sur le moment
ce qui est l'étincelle
qui fait qu'il s'enflamme
c'est le personnage de l'Asner
prévers est fasciné
par l'Asner
par le poète assassin
par celui qui se dit
en révolte contre la société
mais il est lucide prévers
il sait très bien
qu'on ne lui permettra
jamais d'écrire un scénario
sur l'Asner
par contre il est malin
il sait qu'il va pouvoir
insérer l'Asner
dans un scénario
sur deux bureaux
et sur cette période
de l'histoire française
et sur le théâtre
et c'est ce qu'il fait
donc ce sont des...
oui des enthousiasmes
pour des domaines
un peu différents
bien joué
bien joué en tout cas
au passage
alors est-ce qu'on peut y voir
des résonances
avec l'époque à laquelle
il était écrit et tourné
c'est-à-dire la guerre
et l'occupation
et ce qu'il y a
des double sens
oui il y a toujours
des double sens
dans les réalisations
de prévers écarnés
et particulièrement
dans les deux tournées
pendant l'occupation
l'occurrence les visiteurs
du soir et les enfants du paradis
eux ne s'en sont jamais revendiqués
même quand on leur en parlait
ils avaient plutôt tendance
à le nier
si je reprend
là pas dans les enfants
du paradis
mais dans les visiteurs du soir
la fin du film
avec ce cœur qui bat
sous l'homme
qui a été transformé
les amoureux
qui ont été transformés en pierre
évidemment
c'est une symbolique
de la résistance
et de ce cœur
qui continue de battre
évidemment que la liberté
de garance
dans les enfants du paradis
les intrigues secondaires
avec des amours
tout à fait différentes
autour de l'amour de Baptiste
et de Garant
sont des thèmes
qui résonnent fortement
aux prises des spectateurs
de cette période-là
alors ce film
qui a une place
particulière
spécifique
dans le panthéon
du cinéma français
Les enfants du paradis
il le tient
pour toutes ses raisons
pour son histoire
il le tient aussi
de façon artistique
ça c'est pour le film
maintenant prévers
on va finir avec lui
volontiers
voilà je demande
à la spécialiste
tout simplement
lui dans notre panthéon
littéraire
français
dans le panthéon littéraire
et poétique
une place extrêmement importante
mais
avec des éléments
qui sont assez surprenants
c'est-à-dire que
parole
qui est son recueil
de poèmes
le plus connu
le plus vendu
dans le monde
le plus traduit
touche évidemment
un certain nombre
de lecteurs
et notamment la Genève
c'est qu'il résonne
encore aujourd'hui
donc une place extrêmement
importante
dans le cœur des lecteurs
c'est-à-dire
presque j'ai envie de dire
c'est les enfours du paradis
c'est le vrai public
et puis finalement
une place assez difficile
encore
à obtenir
auprès des intellectuels
auprès
du milieu universitaire
parce que
vous comprenez
évidemment préverse
n'est pas de la littérature
c'est facile
c'est abordable
il écrit
comme il parle
etc.
ce qui est parfaitement faux aussi
c'est parfaitement de la littérature
également
donc voilà
un double
double face
voilà
pas de double sens
bientôt me fasse
merci infiniment
carol oroué
ce sera le mot de la fin
je rappelle
que vous êtes
une spécialiste
effectivement
de Jacques Prévert
et je l'ai bien senti
merci beaucoup pour tous ces clars
au revoir
c'était Affaire sensible
aujourd'hui les enfants du paradis
une émission
que vous pouvez réécouter
en podcast
sur Franceinter.fr
rendez-vous
sur la page
Affaire sensible
du site de France Inter
pour toute information
complémentaire
vos commentaires
merci à Michel Béziquian
qui était à la technique
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durée :00:55:01 - Affaires sensibles - par : Fabrice Drouelle - Aujourd'hui dans Affaires Sensibles, l'histoire d'un film sorti en 1945, Les Enfants du Paradis, réalisé par Marcel Carné et écrit par Jacques Prévert, devenu un monument du cinéma français. Invitée Carole Aurouet, enseignante et chercheuse à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée et spécialiste de Jacques Prévert. - invités : Carole AUROUET - Carole AUROUET