Hondelatte Raconte - Christophe Hondelatte: Les émeutes de Ferguson, ville noire police blanche - Le récit

Europe 1 Europe 1 8/24/23 - 20m - PDF Transcript

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Je vous raconte aujourd'hui une histoire qui montre à quel point les États-Unis n'en ont pas terminé avec la question raciale.

Les émeutes de Ferguson dans le Missouri en août 2014. Un policier blanc tire sur un jeune noir dans la rue et le tue.

Un témoin dit que le gamin n'avait rien fait de mal et que le policier lui a tiré dessus délibérément,

mais le chef de la police prétend que le jeune a voulu arracher l'arme du policier qui a riposté en état de légitime défense.

Une version qui suscite la colère de la population majoritairement noire de Ferguson.

Je ne suis pas armé, ne tirez pas. Voilà ce que crie cette foule en colère, le 10 août 2014 à Ferguson aux États-Unis.

Ferguson c'est la banlieue de Saint-Louis dans le Missouri.

Une banlieue populaire, des ouvriers plus des employés plus des chômeurs.

Surtout des noirs, environ deux tiers. Des petites maisons de briques rouges devant lesquelles sont garées de vieilles gambardes.

C'est ça, Ferguson.

Et pourquoi donc ces gens, tous ces gens, ces gens en colère, crie-t-il ?

Je ne suis pas armé, ne tirez pas. Et bien parce qu'il y a encore eu une bavure. Encore.

Hier après midi, un peu après 14 heures, en pleine rue, un coup de feu qui claque.

Et puis, incidence et cinq coups de feu.

Pam, pam, pam, pam, pam. Et au bout ? Au bout, un gars sur le carreau.

Un noir, bien sûr. Un balèze. Format XXL.

Et, juste devant, à quoi ? Une dizaine de mètres.

Un policier. Un blanc. Il a encore son arme à la main. Et c'est lui qui vient de tirer.

Et il est... Livide. Livide.

Et une minute après, on voit débouler une nuée de voitures de police, toutes sirènes hurlant.

Il a reçu une balle dans la tête, chef. C'est fini.

Les flics tentent des rubans de plastique jaune dans tous les sens. On ne passe plus.

Et assez vite, un attraupement se forme.

Qu'est-ce qui s'est passé ? C'est un flic, je crois. C'est un flic qui a buté un mec.

Et là, un type débarque. Un type qui dit...

C'est mon pote. Le mec qui a buté. C'est mon pote. C'est Mike. Mike.

J'étais avec lui quand le flic nous a tirés dessus.

Les journalistes qui commencent à débarquer se jettent évidemment sur ce témoin qui tombe du ciel.

Et voilà ce qu'il raconte. Il était avec son copain Mike. Il marchait dans la rue sur la chaussée.

Un policier est arrivé en voiture. Il leur a demandé de monter sur le trottoir.

Ils n'ont pas obéi. Il dit que le policier est sorti de sa voiture.

Et qu'il a tiré une fois, qu'ils ont eu peur, qu'ils se sont enfuis et...

Il a tiré encore. Mon ami a senti les coups de feu. Il s'est retourné vers le policier.

Il a levé les mains en l'air. Il a commencé à se baisser.

Mais le policier a continué à avancer en pointant son arme. Il a tiré encore plusieurs coups de feu.

Voilà donc comment Mike serait mort. De son vrai nom, Michael Brown.

2 mètres pour 130 kilos. Il n'avait que 18 ans. Il y en a qui l'appelaient Big Mike, le gros Mike.

Et ça devait lui plaire comme surnom puisque c'est comme ça qu'il signait ces textes de rap. Big Mike.

Il venait de finir le lycée. Il passait l'été chez sa grand-mère.

Il était inscrit en septembre en commerce à la fac de Saint-Louis.

Il faut que je prenne aussi 10 secondes pour vous présenter son pote.

Celui qui parle à la télé, celui qui raconte tout, celui des deux qui est vivant.

Dorian, 22 ans. Noir lui aussi, mais physiquement, rien à voir avec Mike.

Sec, avec de petites nades tirées vers l'arrière du crâne.

Pauvre Dorian. Son ami Noir vient de mourir.

Il a été tué par un policier blanc et il est le seul témoin et il est noir lui aussi.

Bon courage Dorian.

Et retournons maintenant sur les lieux du crime.

Devant les rubans de plastique jaune, où il commence à y avoir beaucoup de monde.

Et il en arrive, et il en arrive encore. Et on sent la tension monter.

Et ce qui ne contribue pas à calmer les esprits, c'est que le corps de Mike est toujours là.

Dans sa marque de sang sur la chaussée, il le voit au loin.

Et ça dure une heure, deux heures, trois heures.

Et il ne l'enlève pour l'amener à la mort de l'hôpital qu'au bout de quatre heures.

Et pendant ce temps-là, il arrive des gens de partout.

Quand l'ambulance emmène le corps de Mike, ils sont mille, mille personnes.

Des hommes et des femmes du quartier. Et ça n'est plus une foule de curieux.

C'est une manifestation qui s'ébranle en direction du quartier général de la police de Ferguson et qui crier.

On est Michael Brown. On est Michael Brown.

Et aussi ce slogan.

Je sais !

Je sais !

Je sais !

Je sais !

Je sais !

Devant ces gens qui marchent, il y a le beau père de Mike.

Il tient un panneau sur lequel il est écrit.

La police de Ferguson a exécuté mon fils désarmé.

Et il y a sa mère aussi qui hurle.

Vous m'avez pris mon fils, vous savez comme c'était difficile de le faire aller en cours et qu'il ait son diplôme ?

Vous savez combien de noirs ont leur diplôme ? Très peu.

Et puis dans la soirée, ça se calme. Chacun finit par rentrer chez soi, pour cette fois.

Alors voyons comment la police va se dépêtrer de cette histoire.

Le lendemain, le dimanche, le chef de la police du comté de Saint-Louis s'adresse à la presse. Il n'a pas l'air à l'aise du tout.

Hier vers midi, au bloc 2900 de Canfield, un agent de la police de Ferguson a une altercation avec deux individus dans la rue.

En fait, au moment où l'agent de police quittait sa voiture, l'un des deux individus aurait repoussé l'agent de police dans la voiture,

ou il a physiquement agressé l'agent de police.

D'après ce qu'il dit, Michael Brown a tenté d'arracher son arme au policier.

Et il aurait eu un premier coup de feu dans la voiture, ensuite le policier est sorti et je cite,

« Des tirs se sont produits et le policier a tiré sur l'individu ».

Des tirs se sont produits et le policier a tiré sur l'individu. C'est cette phrase qui est importante.

Le policier a donc été attaqué et il a réagi en état de légitime défense.

Ce n'est pas du tout la même histoire que celle que raconte Dorian, le copain rescapé. Du tout !

Mais quelle importance ? Dorian, les policiers ont vu son témoignage à la télé.

Vous croyez qu'ils vont le chercher, qu'ils le convoquent, qu'ils l'interrogent ? Pensez-vous.

Pourquoi faire ? « Légitime défense », on vous dit.

La seule chose que le chef de la police concède, c'est que 1. Michael Brown n'était pas armé.

2. Il n'avait pas de casier judiciaire.

Du côté de la famille de Michael Brown, leur n'est pas encore à la polémique.

Ça viendra en son temps. Mais pour l'instant, c'est le temps du deuil.

Le lendemain de la mort de Michael, tous ses amis, sa famille et ses proches se donnent rendez-vous là où ça s'est passé.

Ils portent une photo de Michael en costume de diplômé avec sa toque verte.

Et quand la nuit tombe, ils allument des bougies, ils pleurent, ils prient, ils s'embrassent, ils se soutiennent, ils chantent, ils veillent.

Et puis assez vite, la tension devient à nouveau palpable, comme hier. La foule s'échauffe.

C'est pas la première fois. C'est toujours la même chose.

Un policier blanc qui tue un noir pour rien et il ne lui arrive rien, rien.

C'est un crime raciste. C'est tout. Et les gens se mettent à crier.

Les policiers et tueurs doivent partir. Les policiers et tueurs doivent partir.

Les policiers et tueurs doivent partir.

Et ça monte. Et ça monte. Et les gens devant veulent en découdre.

Ils prennent une voiture, ils la renversent. Et puis une autre. Et puis encore une autre.

Et il y a là maintenant 150 policiers avec leur équipement anti-hémote.

Mais ça continue.

Un groupe pille une supérette, le Quick Trip.

Et un quart d'heure après, le Quick Trip s'embrasse.

Et comme les flammes dans la nuit, ça fait de belles images,

les camionnettes des chaînes de télé déboule de partout. Breaking news.

Et ça dure comme ça toute la nuit.

A la Maison-Blanche, bien sûr, Barack Obama, premier président noir,

suit les événements de Ferguson, avec beaucoup d'attention.

Il adresse ses sincères condoléances à la famille de Mike Brown.

Et il envoie 40 agents du FBI à Ferguson pour qu'on ne puisse pas dire

que la police locale fait sa tambouille dans son coin.

Et en attendant, ce sont des journalistes qui font avancer l'enquête.

Ils ont dégoté de nouveaux témoins, de secrétaires qui ont assisté à la scène

et qui donnent une nouvelle version.

Ce que j'ai vu, c'est que le policier a tenté de faire entrer Mike Brown dans la voiture.

Et puis après, il a tiré à l'intérieur de la voiture.

À ce moment-là, j'ai vu le jeune qui s'est enfu.

Le policier l'a poursuivi quelques mètres et puis il a tiré.

Là, Brown s'est arrêté, il l'a levé les mains, mais le policier a encore tiré deux fois.

Et Brown s'est effondré.

Une version légèrement différente de celle du copain Dorian,

mais très différente de celle de la police.

Dans cette version, il n'y a pas de légitime défense.

Dorian, lui, il n'a toujours pas été interrogé par la police, figurez-vous.

Alors, il continue à donner ses interviews.

C'est marrant, il fait attention à son look.

Il cache ses tatouages, il se met une chemise blanche bien repassée.

Et il révèle un détail dont il n'avait pas parlé jusqu'ici.

Avant d'être tué, Mike aurait crié,

« Hands up ! Don't shoot ! Je n'ai pas d'armes, ne tirez pas ! »

Voilà pourquoi ça devient le cri de ralliement de tous les manifestants,

qui se mettent face aux policiers et qui lèvent les mains en l'air.

« Hands up ! Don't shoot ! Hands up ! Don't shoot ! »

Il y a une manifestation tous les soirs.

Et tous les soirs, ça vire à l'émote.

Et Dorian est là, bien sûr, tous les soirs.

Entre manifestants et casseurs, son cœur balance.

Il y a du foule, si vous voulez.

Il y a une foule plus âgée qui est en colère, mais qui réclame justice.

Et puis il y a une foule plus jeune, qui est en colère aussi, mais qui veut se venger.

Moi, je ressens leur colère, hein.

Je ressens leur dégoût.

C'est pour ça que je les ai rejoints.

Et tous les jours, une nouvelle révélation ravive l'incendie.

Par exemple, le rapport d'autopsie.

Il dit que Mike a reçu au minimum six balles,

dont deux, dans la tête.

Ça ressemble à une exécution.

Et puis on finit par apprendre le nom du policier qui a tiré.

Il s'appelle Darren Wilson.

C'est un blond, au visage un peu rougeau.

Il a 28 ans, il est policier depuis six ans.

Décoré six mois plus tôt pour bravoure exceptionnelle dans l'exercice du devoir.

Il a envoyé un gros dealer au trou.

Depuis la mort de Mike, il est en congé.

Mais ce qui va vraiment mettre le feu au poudre.

C'est une nouvelle conférence de presse du chef de la police.

Il dit maintenant que Mike Brown, avant la fusillade,

a commis un vol à main armée dans une supérette.

Il aurait volé des cigars.

Et là, les gens disent, mais c'est pas vrai.

Mais ils sont prêts à inventer n'importe quoi.

Alors le soir, ils sont encore plus nombreux à la manif.

Et la supérette qui accuse Mike de vol de cigars est dévalisée.

La police appelle en renfort 70 agents du SWAT une unité d'élite.

Dispersez-vous, veuillez évacuer immédiatement.

Le 15 août, 6 jours après la mort de Mike,

le président Barack Obama, qui n'avait rien dit jusque-là, sort de sa réserve.

Et il n'est pas tendre avec la police.

Il n'y a pas d'excuse pour la police.

Quand elle fait un usin de la police,

il n'est pas tendre avec la police.

Il n'y a pas d'excuse pour la police.

Quand elle fait un usage excessive de la force contre des manifestants pacifiques.

Ou quand elle fait en prison des manifestants pour avoir exercé pacifiquement leur droit au premier amendement.

Il n'y a pas d'excuse.

Mais ça ne suffit pas à calmer les esprits.

Le lendemain, le gouverneur instaure l'état d'urgence

et un couvre-feu de minuit à 5 heures du matin.

Et comme ça ne suffit pas, on appelle en renfort la garde nationale.

En fin de soirée, on a vu d'un seul coup la garde nationale

avec ses charantiers émeutes se positionner au milieu de la rue principale de Ferguson.

Les policiers se sont alignés pour faire face aux manifestants

et puis après plusieurs longues minutes de face à face tendues,

ils ont recommencé à tirer des gaz lacrymogènes sur les derniers irréductibles.

Et on n'a toujours pas enterré Michael Brown.

Ces obsèques ont finalement lieu le 25 août à Saint-Louis, 15 jours après sa mort.

Et il y a la 5000 personnes rassemblées qui prient et qui chantent et Dorian prend la parole.

Il était comme mon petit frère.

Et puis, la tension retombe un peu.

Tout les yeux sont maintenant tournés vers la justice.

Le 24 novembre 2014, 3 mois et demi après la mort de Mike,

un grand jury doit décider si oui ou non le policier sera poursuivi pour homicide.

L'audience a lieu à Huitclaw et le policier maintient sa version.

Michael Brown était furieux.

On aurait dit un démon.

Il m'a attaqué en tentant de me prendre mon arme.

Les premiers coups de feu dans la voiture lui ont fait peur alors il s'est renfuit.

Je l'ai poursuivi. Il s'est retourné, il a poussé un grognement et il s'est rué vers moi.

Il a mis son poids sur le côté. Je me suis senti me lasser.

Alors quand il est arrivé à 3 mètres de moi, j'ai tiré.

Je ne sais plus combien de fois.

Et le grand jury rend sa décision.

Elle est explosive.

Le policier ne sera pas poursuivi.

Il n'a commis aucune faute. Il était en état de légitime défense.

Oui, la foule s'était rassemblée pour l'entendre devant le poste de police de Ferguson

après des mois d'attente. Il y a eu ce silence, ce choc, puis la mer de Michael Brown.

Et soudain apparu en l'âme sur l'étoile d'une voiture.

Vous avez tué mon fils, criait-elle.

Alors émenter cette clameur. Il n'y a pas de justice.

C'est une claque, une pleine figure, dit un homme.

À côté de lui, une vieille dame s'effondre.

Comment croyez-vous que je me sens ?

Ce procureur traité noir comme des chiens. Tout le système est pourri.

Très vite, des projets qu'il vole vers la police.

Restez calmes, restez calmes, supplie, une manifestante.

Elle n'est pas entendu de petits groupes rapidement se détachent visage masqué.

Une vitrine est brisée, un salon de coiffures pillées, des coups de feu éclatent.

Et cette fois, les manifestations s'étendent à tout le pays.

Washington, Los Angeles, les gens défilent avec des pancartes qui disent

« La vie des noirs compte ».

Mais la justice ne fera pas marcher rien.

Et les manifestations ne peuvent pas durer toute la vie.

Alors elle s'arrête.

Le policier qui a abattu le gros Mike quitte la police finalement.

Et il déménage pas très loin de Ferguson.

Il paraît qu'il vit terrée dans une maison payée par des dons qu'il a reçus.

Dorian, l'ami de Mike, a été arrêté en mai 2015 pour trafic de drogue.

Une consolation, une seule.

En mars 2015, le chef de la police de Ferguson, le maire et le président du tribunal municipal

ont tous les trois été débarqués.

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Ça fait plus d’un demi-siècle que les Etats-Unis ont officiellement mis fin à la ségrégation raciale. Les émeutes de Ferguson durant l’été 2014 vont montrer que rien n’est réglé. Histoire d’autant plus intéressante qu’elle se déroule sous la présidence de Barack Obama, le 1er président noir.