La source: Le suicide de Bernard Loiseau
Radio France 8/30/23 - Episode Page - 49m - PDF Transcript
François Sainterre
Aujourd'hui dans « Affaire sensible, drame en cuisine, le suicide de Bermard Loiseau ».
Le 24 février 2003, à l'âge de 53 ans, ce chef, triplement étoilé, retourne son fusil de chasse contre lui.
S'il laisse une femme et trois enfants, ce drame familial est immédiatement débordé par la polémique.
Alors que le cuisinier n'a écrit aucune lettre, ni donné aucune explication à son geste,
une grande partie de la profession accuse les guides Michelin et Gohémio d'avoir précipité la fin de Bermard Loiseau.
Le guide gastronomique rouge l'aurait menacé de lui retirer une étoile, tandis que le guide jaune venait d'abaisser la note de son restaurant.
Votre appréciation aura coûté la vie d'un homme, lance Paul Bocuse dans les médias.
Et c'est tout un système qui est tenu pour responsable de la mort de l'un des chefs français les plus talentueux au monde.
Un système qui contraint des cuisiniers, en fait, des artistes, à devenir chef-entreprise,
un système qui ajoute à la pression des horreurs, aux difficultés du métier, un culte de la performance et de guerre des étoiles.
Notre invité aujourd'hui, Marie Aline, ancienne critique gastronomique pour GQ, Le Monde ou encore Le Fouding.
Elle est l'autrice de l'ouvrage Les bouffeurs anonymes paru l'année dernière, cher Percolines.
Afer sensible de l'émission de France Inter, diffusée en direct, récit documentaire Juliette Proutot, rédaction chef franco-gnard,
chargé de programme Rebeca Donante, réalisation LN Visio.
Fabrice de Rouelle, affaire sensible, sur France Inter.
C'est lundi 24 février 2003, un jour, comme les autres, à la Côte d'Or,
le célèbre restaurant triplement étoilé de Saoulieu,
une petite commune des départements du même nom dans le parc naturel du Morvan.
Il est à peine 9 heures et, comme tous les jours, le chef du restaurant entre dans son établissement,
en passant par la réception, le sourire au lèvre et la faucette à musée.
Ça va faire presque 30 ans qu'il tient son affaire.
L'homme, des bonheurs, généreux, tempéteux aussi.
Vérifie, comme à la seconde habitude, les réservations du jour se servent à café et filent dans sa cuisine
où il passe la matinée en jouet et de bonne humeur.
À la fin du service, comme d'habitude, il plie son tablier avant de quitter les cuisines.
Enfin, comme d'habitude encore, il salue Stéphanie, son assistante,
l'ancien Adamin avec le sourire et se dirige chez lui, Rue Gambetta,
à lui son maître de la pour sa sieste quotidienne.
Il est 15 heures environ.
Ses enfants sont à la maison.
Les vacances scolaires ne se terminent pas avant le début de la semaine suivante.
Bastien regarde un match de foot, mais la météo est clémentée et il y a du soleil.
Alors, le père envoie le petit jouet dehors dans le jardin.
Et lui, monte dans sa chambre et ferme la porte.
Il est autour de 17 heures.
Bernard Loiseau prend son fusil de chasse et se tire une balle dans la tête.
Personne n'entend la détonation.
Sa femme, qui travaillait dans les bureaux au-dessus du restaurant,
arrive dans la maison à la recherche d'un papier administratif et découvre le corps.
Dominique Loiseau vient le perdre son mari, le père de ses trois enfants.
Et dès le lendemain matin, c'est la France tout entière
qui se réveille sous le choc de l'annonce du décès
de l'un des cuisiniers les plus talentueux, les plus audacieux et les plus respectés de la gastronomie française.
Bonjour à tous.
La gastronomie française est en deuil.
Il y a le père l'un de ses plus grands chefs.
Bernard Loiseau a été retrouvé mort hier après-midi chez lui, à Saulieu.
Il se serait suicidé avec un fusil de chasse, une autopsy aura lieu aujourd'hui.
Le chef cuisinier exercait son talent, notamment dans son hôtel restaurant La Côte d'Or,
classée trois étoiles au Michelin.
Mais dernièrement, l'action de son groupe côté en bourse ne décollait pas.
Et le guide gastronomique, Gomio, l'avait rétrogradé de deux points.
Ce que n'aurait pas supporté le célèbre cuisinier.
Immédiatement, la responsabilité des guides gastronomiques dans la mort du chef est engagée.
Et les médias n'en démordent pas.
Mais Bernard Loiseau, c'est-il vraiment suicidé à cause de deux points perdus dans le Gomio,
à cause d'une si légère décote dans sa réputation ?
Au fond, c'est-on vraiment qui il était ?
Et puis, qui peut nier que tout suicide renferme sa part de mystère ?
Bernard Loiseau est né le 13 janvier 1951 à Chamalière,
une petite ville du Puy-de-Dôme,
connu depuis que l'un de ses habitants est devenu président de la République, Giscard.
Cet environnement, Verna,
les espaces naturelles qui composent la région auront d'ailleurs
une grande influence sur le futur chef,
sur son tempérament, autant que dans sa cuisine.
Mais il n'était pas destiné à devenir un grand chef gastronomique,
ni même cuisinier d'ailleurs.
Il vient d'une famille modeste,
son père est représentant de commerce en bonneterie et sa mère est charcutière.
La famille vit dans un petit appartement avec toilette sur le balier,
et une fois par semaine,
tout ce petit monde file en direction des douches municipales.
Le gamin est vif, dynamique, curieux,
le petit Bernard ne tient pas en place.
C'est peut dire que l'école, c'est compliqué,
rester assis sur une chaise et écouter quelqu'un parler très peu pour lui.
Sa scolarité chez les curés à Clermont-Fierrand est plus que chaotique.
Bernard est un concre intelligent, mais dissipé.
Il barre ses devoirs en mettant lui-même des zéro.
Et quand il rate le certificat d'études,
son père commence à sérieusement s'inquiéter.
Pragmatique, il interroge son fils,
lui demande ce qu'il doit faire dans la vie.
L'adolescent n'en a aucune idée.
Bah, je ne sais pas.
Cuisinier, ça te dirait ?
Pourquoi pas ?
Très bien, va pour cuisiner.
Et, se faisant et sans le savoir,
le père vient de bouleverser le destin de son fils.
Bernard Loiseau le raconte,
avec sa verbe habituelle sur le plateau de France 3.
Mon père était voyageur de commerce,
il allait sous un roi,
et à cette époque-là, il y avait les tables d'hôtes.
Tous les VRPs se réunissaient de la France en tir.
C'est eux qui faisaient la pub d'un grand restaurant à l'époque.
Il n'y avait pas les médias comme aujourd'hui.
Il y avait une bonne torteur,
comme d'ailleurs mon ami Pierre Pérez.
Et puis, à partir de là, ils sont venus copains,
ils jouaient aux cartes ensemble le soir.
Ce n'était pas la renommée des trois gros qu'il y avait aujourd'hui,
c'était dans les années 60.
Puis ils leur ont demandé de prendre,
est-ce qu'ils voulaient prendre Bernard en apprentissage ?
Voilà, écoute.
Et je suis rentré à 17 ans,
l'apprentissage chez les trois gros.
Et là, j'ai eu feu sacré tout de suite.
C'est donc par heure et hasard
que Loiseau se découvre le feu sacré,
et deux semaines après ses débuts dans les cuisines des trois gros,
le restaurant obtient sa troisième étoile.
Ce qui va changer la vie du jeune apprenti,
parce qu'il comprend tout de suite
que ce qu'il veut, c'est ça, le gras.
Ce sera son obsession,
toute sa vie, l'impétrant,
à déjà la tête dans les étoiles.
Pour autant, son apprentissage
qu'il effectue aux côtés d'un certain Guy Savoy
n'est pas un long fleuve tranquille.
Le jeune homme confesse qu'il ne sait pas
quoi ressemble à un homard ou une truffe.
Et puis, il sort tout juste du cadre strict
d'un pensionnat catholique.
Alors, il a envie de profiter de la vie,
de s'amuser.
C'est dans son tempérament.
C'est comme ça, il y a une énergie
pas très sérieuse, mais confiante et lumineuse
qui émane de Bernard Loiseau.
Alors, il sort le soir, il fait la fête.
Il raconte qu'il aurait souvent eu besoin
de bâton d'allumette pour lui maintenir les yeux
vers le matin quand il prenait son service.
C'est que les nuits sont agités,
mais les tâches sont rudes
Mais si Loiseau est un épicurien,
c'est aussi un bosseur.
Ce qui n'est rien incompatible.
Le travail ne lui fait pas peur.
Régulièrement, il est chargé de préparer les fourneaux.
Alors, aux horreurs,
il apporte le charbon et, pendant le service
entre deux préparations, il relance le brasier.
Une fois, par enthousiasme et maladresse,
il balance la pêle-tête de charbon
dans une poêle qui contient le fameux saumon
à l'oseille des trois gros.
Sacrélège.
Le confrère de France Bleu pour l'émission
L'État Gourmand
Guy Savoie se souvient de ce jeune homme
à la bouille expressive, plein d'alents, plein d'appelons.
Lorsque je viens d'arriver,
Bernard était son titre.
D'ailleurs, il était premier apprenti chez trois gros
s'il n'était pas rien, parce qu'on était neuf apprentis.
Donc, moi, j'étais impressionné
par cette aînée déjà qu'il n'avait plus
un physique d'apprentis, en fait.
Bernard, d'ailleurs, il l'annonçait toujours.
Il annonçait son petit gré.
Il disait Bernard Loiseau.
80 kilos, premier apprenti chez trois gros.
En tant que premier apprenti, il connaissait
toute la maison. Il reconnaissait même les voitures
des très bons clients Rouenet qui rentraient dans la cour.
Il annonçait toujours au chef.
M. Intellarie, M. Intellarie.
Il vivait la maison
en fait, comme si c'était la sienne.
Moi, c'est ce qui me fascinait.
Et cet enthousiasme, bien sûr, était contagieux.
Je crois qu'il avait vite compris
que la passion
dans nos métiers, ça doit être la maladie la plus contagieuse.
Et lui, il était très contagieux
en fait, parce qu'il avait
cette propension.
Le part son physique, il avait déjà un air d'adulte
et puis il maîtrisait
toutes les choses de la maison.
En fait, c'était le...
Il y avait Jean-Ypire, trois gros, numéro un et deux.
Il y avait Bernard, numéro trois, voilà.
Après trois ans d'apprentissage,
chez les trois gros, Bernard Loiseau
obtient sensé à Pet Cuisineau en 1971.
Il a tout juste 20 ans.
Puis, c'est le service militaire.
Puis, il monte à Paris.
Et faisait gamme dans les cuisines de la Barrière de Clichy.
Puis, à la Barrière Poc-là.
Mais le tournant,
c'est en 1975.
Claude Vergé, le restaurateur parisien,
lui confie les clés de la Côte d'Or.
Un relais de poste un peu perdu
à ce lieu dans le Morvant,
au bord de la Nationale 6.
L'établissement, triplement étoilé,
avait été rendu célèbre
dans les années 50.
La cuisine d'Alexandre Dumen,
un chef très connu à l'époque.
Mais quand Loiseau débarque,
c'est peut-être que la Côte d'Or est sur le déclin.
Les étoiles obtenues par Dumen
ont tout été perdues
et les clients se font rares.
Mais le jeune cuisinier de 24 ans
se lance un défi,
rendre à cette table
ses honneurs d'antan.
Et personne n'y croit.
Sauf lui.
Alors, il apprend.
Une cuisine épurée,
laissée des crèmes-sauces fonds de bouillon,
pourtant incontrôlable à l'époque.
En 77,
deux ans après son arrivée, il obtient sa première étoile.
La deuxième arrive
trois ans plus tard.
En 82, après cette angérence,
Loiseau rachète le restaurant.
Il s'enlête, se donne
Corseum et sa paix
en 1991.
En 11, la Côte d'Or
obtient sa troisième étoile.
Et Loiseau est désigné meilleur cuisinier de l'année.
Écoutez-les sur France Inter.
Ça me fait énormément plaisir.
C'est fabuleux.
J'ai 40 ans, tout commence pour moi, c'est merveilleux.
Qu'est-ce qui vous fait courir ?
Moi, qu'est-ce qui me fait courir ?
Mais c'est parce que j'ai une romance sur la vie.
Quand j'étais gamin, j'étais nul à l'école, on savait pas quoi faire de moi.
On m'a mis dans la cuisine et j'ai dit un jour, j'irais jusqu'au bout.
Et là, j'ai mis tout sacrifié pour
et j'ai maintenant, aujourd'hui, obtenu trois étoiles.
Mes spécialités, c'est les escargots aux orties.
Des jambonnettes de grenouille à la purée d'ail au jus de Persille,
le cendre à la fond du château vin rouge
et la poularde alexande d'humaine dans son pot en terre.
On retire le couvercle, où il y a toute la vapeur de truffes
qui sortent du pot, où les gens sont là
en train de s'aliver et tout.
C'est une belle histoire.
C'est chez Bocus que Bernard Loisour
mène son équipe fêter la troisième étoile.
Pour l'occasion, le chef Lyonnais
a fait venir deux éléphants du cirque pain d'air.
Si bien que c'est un dos de Pachy d'hermes,
bouteilles de champagne à la main,
que les deux chefs accueillent les invités,
ambiance.
Bernard Loisour est alors sommé de sa carrière.
Avant cette consécration,
il a déjà étul
élu meilleur cuisinier du monde
des moins de 40 ans par le guide-achète.
Et, selon Ascendant Gypsos,
il est désormais la toque la plus connue des Français.
Oui, devant Joël Robichon
ou Paul Bocuse, s'il vous plaît.
Il fait même la Une du New York Times
quelques semaines plus tard.
Il est vrai que
la magie de la cuisine oiseau
c'est l'authenticité,
une simplicité délicate et intense.
On retrouve tous
ce qu'il est lancé plat, un élan,
un enthousiasme, une finesse,
une précision incomparable.
Une gourmandise aussi,
qui se goûte et qui s'entend
quand l'homme parle de sa cuisine.
Par exemple, de sa recette de beurre d'ortie
pour un reportage l'antenne 2.
Je me suis dit, mais le persil en purée,
ça doit être certainement très très bon.
Et alors là, mais on retrouve une 100h
de persil et quelque chose d'estandinaire.
Si le cuisinier est aussi doué,
c'est parce qu'il aime manger,
avec un rapport très physique,
sensuel même, à la nourriture.
Sa femme ne reconnaît d'ailleurs,
ce qui fait vibrer son mari,
c'est moins de préparer des plaques de les déguster.
Mais c'est grâce à sa femme
que son talent réside dans la qualité de son palais.
Et d'une certaine façon, c'est le cas.
Mais c'est grâce à sa femme
en vérité que Bernard Loiseau parvient
à l'exploiter ce talent.
C'est elle la clé de son équilibre.
Cette diplômée de biochimie et microbiologie
rencontre le cuisinier en 1988.
Elle est alors priviste
pour un journal professionnel
intitulé L'Hôtellerie.
Et elle déclare,
son sourire, sa voix chaude,
il était à la fois plein de projets,
mais aussi de doutes,
fragiles et sensibles.
Un an plus tard, elle déménage
à Saulieu, démissionne de son journal
et épouse le chef.
Elle s'occupe de leurs 3 enfants,
de l'administration, elle est chargée
de l'accueil des clients, de la décoration,
des travaux d'obélissement.
C'est elle qui lui permet d'être ce qu'il est,
d'exprimer son talent.
Et il en est parfaitement conscient,
comme il en témoigne chez le confrère de France 2.
Mais derrière moi, il y a quelqu'un de caché
dont on parle pas, qui s'appelle Dominique Loiseau,
qui est mon épouse. Mais sans elle, je serais rien,
vous voyez, si j'ai cette enthousiasse, cette joie de vivre,
c'est parce que je suis heureux dans la vie privée.
On dit toujours derrière un personnage,
je se casse toujours une femme. Et bien moi, c'est Dominique.
C'est donc Dominique Loiseau
qui ancre Bernard Loiseau.
Elle ne le connaît mieux que personne.
Elle sait la lumière et, pardon,
qui forge sa personnalité.
Elle sait que ce chef passionné,
exigeant et rongé par l'angoisse,
c'est le doute. Elle sait
que la troisième étoile n'apaisera pas
son mari bien longtemps.
Il vient à peine d'atteindre le somme
qu'il a déjà peur d'en redescendre.
Chaque année, le guide sortait,
puis je voyais jamais arriver
cet étoile et tout. Et en définitive,
quand je l'ai eu, bon, ben, il s'est très bien.
Il m'ont téléphoné à un joyeux, il m'ont téléphoné.
Et puis, on dit voilà, M. Loiseau,
le guide Michelin vous descende votre troisième étoile
pour ce que vous avez fait, mais pas pour ce que vous allez faire,
et là, j'ai fait un grand ouf.
Alors, il me dit pourquoi vous faites tout,
parce que je pensais l'avoir bien avant,
bien plus tôt, j'étais un garçon assez pressé.
Puis, il m'ont dit non, non, non, vous étiez un peu
mûri trop tôt par la presse maintenant.
C'est aujourd'hui que pour nous, c'est parfait.
Mais le plus dur commence. C'est très dur.
C'est pour ça qu'aujourd'hui, je suis toujours le même angoissé qu'avant.
Parce que je me dis, est-ce que je vais encore la garder ?
C'est très, très dur. C'est très, très dur quand on est au sommet.
C'est très dur, on ne peut que baisser.
Dans cette fragilité
et devant elle, et plus
que jamais, Dominique soutient
son mari, elle l'épaule dans
tout ce que cet obsessionnel a besoin d'entreprendre.
Et c'est peut-être
que dans les années qui suivent,
l'oiseau entreprend.
L'enfant de Véran, nommé chevalier
de la Légion d'honneur en 1994,
sort un livre de cuisine intitulé
L'Envolée des saveurs.
Il lance un restaurant en Japon, à Kobe,
développe une gamme de produits dérivés sous son nom,
élabore des plats préparés
pour la grande distribution, fait des travaux
pour redonner la cote d'or, y installer
un espace bien-être, un spa,
et il assume cette diversification.
Il dira,
je fais comme Yves Saint-Laurent dans la mode,
je garde la haute couture à son lieu
et je décline mon nom et mon savoir-faire
dans d'autres activités qui sont
mon prêt à porter, en quelque sorte.
Entre 98 et 99,
il ouvre également de restaurants
à Paris, Tante Louise et Tante Marguerite,
entre Musée Grévin
et fonds d'une société qui l'introduit en bourse.
Ce qui est une première dans le monde de la gastronomie.
Entre les années 90 et 2000,
l'oiseau est en sa présence dans les médias
qui s'arrache le personnage.
Il passe chez Drucker, on le voit rivièrement
chez Ardisson, il a même une chronique
sur RTL les dimanches matin.
Faire les choses bien
et le faire savoir,
tel est là de ses mantras.
Mais s'il construit une marque,
s'il travaille le marketing du groupe l'oiseau
avec acharnement, c'est que, en vérité,
il n'a pas vraiment le choix.
Parce comme le disait Bocuse à l'époque,
la cuisine au final,
ça ne compte que pour 50% le reste.
Le nerf de la guerre même,
c'est l'argent.
Et le chef a tout donné.
Je suis qu'à m'arriver en sacrifiant
beaucoup de choses. Je suis qu'à m'arriver à l'âge de 24 ans,
j'en ai aujourd'hui 36 et croyais moi
que je n'ai encore pas sorti de l'eau avec les investissements que j'ai fait.
Et je suis là, je suis accroché au rideau, je m'accroche
et puis je dis on va s'en sortir et croyais moi
j'ai des dettes énormes sur le dos
mais toute façon on va s'en sortir, on va y arriver
et puis on serre les boulons tous les côtés
et puis j'ai aucun train de vie et rien du tout
j'ai sacrifié tout, toute ma vie privée et tout, je ne vis que pour ça.
Actuellement, si vous préférez, j'attends
que la poule chie a un œuf pour payer,
j'ai rien d'avance, je suis au jour le jour.
Donc il faut serrer les boulons tous les côtés,
j'ai tout sacrifié, tout.
Au caviar au cierre
petite quenelle au caviar pressé
galette de blénoir au navet blanc
mille feuilles croustillantes
château climace
1995
pressé de choux
coeur de bœuf
et chair de tucto
assaisonné d'un beurre fondu
et miel d'arbousier
une déclinaison d'asperges
vertes et blanches
le chevro
pièce de chevro roti
feu d'enfer
abat grillé, jeune fenouille
et radis glacé en aigre doux
caillette aux olives noires
de luxe
cannelé à la pincronnelle
et fromage de chèvre frais
adrémenté d'une pâte
de piment n'aura
l'agneau
aléto
de la véron
sel poilé
à l'oregano
carré frotté d'un cahier de grovis
en tandoori
et un bal de riz
à l'oseille pourpre
escargot petit gris sauvage
lié d'un festo de serre-feuille
feuilles, cigarettes
ou de choux changagne
panisse
le perso
bruit
aujourd'hui le suicide du chef-cuisinier
de bernard l'oiseau
france inter
affaire sensible
de son ami
disait de bernard l'oiseau
il avait un confort auquel il n'était pas habitué
il aimait la lutte
et là il avait tout
un peu comme un homme politique qui aime conquérir le pouvoir
mais qui ne sait plus trop quoi en faire
lorsqu'il l'obtient
et cette situation angoisse bernard l'oiseau
un bagalame
qui s'accroît d'année en année
les hivers en particulier se font du dur
d'abord parce que c'est vrai
même si la région du Morvan est assurément
l'une des plus belles campagnes de france
on a vu plus joyeux qu'un hiver
à saulieu où le brouillard peut s'installer pendant
des jours tellement dense
qu'on ne voit pas le trottoir de l'autre côté de la rue
et puis c'est aussi une période creuse d'hiver
et c'est logique pour un restaurant
or la diminution
momentanée de la clientèle
panique le chef
si les hauts de bernard l'oiseau sont de plus en plus
hauts ces bas sont de plus en plus bas
d'autant plus qu'il est incapable
de s'arrêter enchaînant interview et service
malgré sa notoriété
ses obligations administratives
financières les impératifs
de son statut de chef d'entreprise
l'oiseau ne s'éloigne jamais de la Côte d'Or
et son rythme vertigine
je me lève à 8h le matin
donc je descends le matin je vais déjà saluer
tout mon personnel on met en place la journée
on voit notre carré de réservation des clients
de ce qui se passe et puis après bah voilà
donc comme je vous dis chaché d'entreprise
je me retrouve le cul assis sur un bureau
en train de développer le courrier
de voir la comptable qui m'amène des chèques assignés
donc c'est à notre métier là déjà
ça c'est pas le grand truc qui me plaît énormément
de ça et puis après arrive 11h
on mange ensemble avec le personnel
c'est l'heure de la soupe
et puis après à midi les clients arrivent
donc moi je suis là je suis tout le temps ici
je me donne à mes clients je dis que la gueule
du chef est compris dans l'addition
et donc tout ça ça fait le servi
après l'après midi alors moi je suis un homme de la nature
puisque je vous ai dit que j'étais de l'auvergne
alors moi quand c'est l'époque des champignons je prends mes bottes
je me tire dans la campagne aux champignons
je m'évite de la tête quand même
parce qu'on est quand même très pris, très sollicités
et puis là c'est le soir de la soupe avec le personnel
et puis on rattaque le service du soir
et puis le soir ça peut durer très tard
ça y est on fait beaucoup d'heures
moi je suis jamais couché avant minuit et demi
une heure du matin
bon si la gueule du chef est comprise dans l'addition
que demande le peuple d'autant
que la code d'or est ouverte 365 jours
sur 365
le cuisinier ne s'arrête jamais
il ne prend pas de jour de congé
ne part pas en vacances
ses enfants ils les voient entre les services
les anniversaires sont fêtés en fonction
des horreurs de la cuisine
non ils ne veulent pas s'arrêter
parce qu'ils ne peuvent pas
alors Bernard Loiseau s'épuise
à gérer ses angoisses
lors d'une interview il dira
j'ai tellement d'amour pour les autres
j'ai toujours besoin de donner
de remonter le moral au connu et aux inconnus
à la limite si j'étais bourré aux as
je ne ferais payer personne
vous savez on croit que je fais un show
mais non je suis tout le temps comme ça
oh il a autant besoin
de donner d'amour que d'en recevoir
et la peur de ne plus être aimé
devient peut-être plus importante
au fil des années le fragilisant
dis sa voix raconte une fois
alors qu'il est avec Loiseau en chemin
pour découvrir la cuisine à restaurant
triplement étoilé en Alsace
son ami s'inquiète
tu crois que ça va faire plaisir qu'on vienne
tu crois qu'ils seront contents
sa voix répond qu'évidemment
l'échelle du restaurant sont heureux de cette visite
une fois dans l'établissement en question
l'une des clientes reconnaît Loiseau
lui explique qu'elle a acheté
ses livres de cuisine, qu'elle adore ses recettes
et là
une espèce de bonheur de ferveur
de folie travers le cuisinier
qui se retourne vers Guy Savoy
et qui lui dit les yeux écarquillés
ils sont contents que je sois là
et d'un coup Bernard Loiseau comprend qu'on l'aime
qu'il compte
alors c'est reparti pour un moment de fourrie
si le Michelin crée une quatrième étoile
j'irai la chercher ces clantines
au parfois le moral est plus difficile à remonter
des crises d'orgue à se provoquer
par la peur de mal faire, l'absence d'inspiration
le paralyse
comme en 1992 alors qu'il est au Japon
pour ouvrir un restaurant
en rentrant il consulte un spécialiste
et suit un traitement qui dépresseur pendant quelques mois
alors ça va mieux
donc il arrête et puis ça va moins mieux
et puis mieux et moins mieux
aujourd'hui sa femme Dominique
sait qu'il était malade
elle le raconte dans un livre
elle explique en 2021 une conçure de vertel
beaucoup dit que c'est la crainte de perdre
sa troisième étoile qu'il avait tuée
parce qu'il travaillait comme un archarné
dans ce livre vous expliquez avoir
découvert qu'il était bipolaire
oui disons que je l'ai su
après
notamment par Philippe Labreau qui a un peu étudié
ce sujet-là
au moment où Bernard est décédé
on ne parlait pas
de la bipolarité
on n'en parlait pas et c'est après coup
qu'un jour Philippe est venu
quelques temps après en me disant
bah écoute je pense que Bernard était bipolaire
et là j'ai essayé de comprendre
ce que c'était et ça correspondait tout à fait
à ce qu'était Bernard
il avait des moments de déprime un jour
il est même venu en vous disant je vais me suicider
oui quelques jours avant le soir
en rentrant en enlevant sa veste
il disait ça
et puis je l'ai un peu
on dit souvent quand les gens le disent
ils le font pas
exactement et puis tout allait bien
on avait une des plus belles maisons de France
tout allait bien
c'est dans l'antiquité
qu'on retrouve les premières descriptions du trouble bipolaire
mais jusqu'en 1980
on parlait de maladies magnaco-dépressives
manie
saignant du grec ancien mania
qui décrit un état de fureur
poly
les troubles bipolaire eux se caractérisent
par une fluctuation de l'humeur
c'est-à-dire une alternance entre des périodes
de foris puis de dépression
et des périodes d'humeur stables
et ce n'est pas une maladie aussi rare
qu'on voudrait le penser
entre 1 à 2% de la population européenne
et concernée
mais surtout cette pathologie
réduit d'environ 10 ans
l'espérance de vie des personnes touchées
notamment en raison des risques de conduite
d'économie
Madame monsieur bonsoir
avant de dérouler l'essentiel de l'actualité
ouvrons ce journal par l'hommage
des plus grands de la gastronomie
qui sont venus d'accompagner Bernard Loiseau
l'un des leurs souvent un ami
dans la basique de ce lieu tout un village
entourait la famille du chef de la côte d'or
qui s'est suicidée en début de semaine
une cérémonie est retransmise sur un écran géant
permettant à tous de faire ses adios restaurateurs
dont le cercle a été recouvert
de son tablier blanc
l'un des leurs est parti
frère de cuisine de Bernard Loiseau
les plus grands noms de la gastronomie française
sont venus pour lui et pour eux
une femme et trois enfants
d'une incommensurable dignité
dira le maire du village
aujourd'hui Bernard Loiseau est parti
accompagné de ses deux familles
après l'annonce du décès de Bernard Loiseau
ce ne sont pas des questions liées à la santé mentale du chef
ou au tabou qui entoure
encore les troubles psychologiques et psychiatriques
qui prédominent dans les médias
non
c'est sur les guides gastronomiques
et la pression constante qu'ils exercent
ce que l'on concentre
et deux éléments principaux l'expliquent
une rumeur et une note
la note c'est le 17 sur 20
accordé par l'édition V-03 de Gohémio
à la côte d'or quelques semaines avant le suicide de Loiseau
ces deux points de moins
de moins par rapport à la dernière notation de l'établissement
la rumeur, elle
c'est celle relayée par le Figaro
selon laquelle le chef risquait de perdre
l'une de ses trois étoiles en 2004
François Simon
chroniqueur journal
écrivait ainsi à l'automne 2002
que le chef de ce lieu serait légitimement menacé
au sein de l'institution d'Hydro Rouge
mais une note peut-elle tuer
c'est clairement la vie
d'André Daga
président de l'union des métiers
des industries de l'hôtellerie qui lance sur LCI
j'espère que ceux qui ont fait cela
ne vont pas dormir pendant longtemps
et on y vaillera
ces propos sont repris par libération
ainsi que ceux de la chef Ellen Darrow
ce qui admettent très en colère
quand une certaine presse qui cherche
à se mettre en valeur je reprends ces mots
Jacques Lamoise
cuisinier d'un trois étoiles en son éloir
site Loiseau
Bernard m'a dit si je perds une étoile
qui me suicide
et on en est tous là
il s'amuse avec nous à nous faire monter
à nous faire descendre
je pense que c'est ce qui l'a fait craquer
mais le plus virulent c'est Paul Bocuse
le pape de la Cuisine Française
dont France 2 recueille les propos pour le 20h
Bernard était pour moi un exemple de la profession
dimanche je l'ai eu encore au téléphone
il m'a dit tout seul c'est compliqué
avec la guerre du Gove on a moins d'américains
il avait déjà un peu de soucis
et je le voyais déjà très perturbé
je ne pense pas qu'il avait des problèmes financiers
je ne pense pas
il a dit si si un jour je perds quelque chose
je me suicide donc il était très fragile
vous savez ces guides
même moi si vous voulez à 30 ans on attend les guides
à 80 ans on attend encore les guides
donc on est toujours sous pression
parce que perdre une étoile
perdre Goymillo pour moi c'est moins important
parce que Goymillo pour moi c'est des gens qui ont voulu faire un coup de pub
qui ont voulu faire un coup de matin
un coup je te mets 19,15
un coup je te mets 13,16
c'est pas sérieux
pourtant la femme de Bernard Loiseau
dément ses accusations
elle le dira elle-même
personne ne la tuait
il souffrait du mal du siècle
elle sait que l'aspirale infernale de la course à la gloire
ne suffit pas expliquer la mort d'un homme
à l'image des journalistes pericoladas
qui écrit dans Marianne
honte à celui qui prétend être dans le secret
d'un père de 3 enfants
qui décharchent son fusil de chasse dans sa bouche
en réalité
au delà de l'émotion suscité par la perte de cet homme
tant aimé
la mort de Bernard Loiseau permet à certains de crier
tout haut ce que beaucoup pensent tout bas
d'un milieu impitoyable nourri de rivalité
les guides jaunes
et rouges les emblèmes
d'un système opaque qui essouffle
et qui étouffe les cuisiniers
le suicide de l'un de leurs
délile les langues des chefs
et révèle la violente réalité des cuisines
en particulier gastronomique
entre les apprentis qui doivent tenir un rythme fou
en faisant les trois huit
le tout pour un salaire à peine plus élevée que le SMIC
et qui ont l'impression de jouer leur vie
sur un quart de tomate
et les grands chefs contraints et d'excellence
une créativité, une délicatesse
toujours plus haute sans aucune marge d'erreur
et c'est en assumant
une charge administrative, financière
et médiatique écrasante
ça fait beaucoup
il commence donc à être nombreux
ceux qui au sein de l'élite gastronomique
du pays choisissent d'abandonner cette course
aux étoiles
Anna Sanderens en 2005
Antoine Westerman d'année suivante
Olivier Rolinger
qui en 2008 ferme son 3 étoiles
à Cancal
Sébastien Avra en 2018
qui annonce vouloir les rendre
ses étoiles
ou encore Marc Vera
qui en juillet 2019, après avoir été déclassé
il demande pour faire sortir son restaurant
d'admission
mais pour Gwennal Poulénac, directeur international
du guide rouge depuis 2018
la réponse est claire
les étoiles du guide
n'appartiennent pas au chef
il ne leur appartient donc
pas de les rendre
toujours se dit-il que Bernard Loiseau
comme tout seul et tout ceux qui ont mis fin
à leur jour a emporté avec lui ça
une petite, celle de l'intime
que personne ne peut prétendre connaître
son ami Pierre Pérel a bien compris
Antoine s'est reprise en forme d'hommage
aux cuisiniers pour France Culture
dans l'émission toute une vie
c'était en août 2021
France Inter
à faire sensibles
Fabrice Drouel
aujourd'hui le destin de Bernard Loiseau
dont nous parlons avec notre invité Marie Aline
bonjour
vous êtes ancienne critique gastronomique
pour GQ Le Monde
ou encore Le Fouding
et vous êtes l'autrice du livre
intitulé des bouffeurs anonymes paru
l'an dernier chez Harper Collins
avec quelque chose de mystérieux dans ce livre
un angle très original on va en parler
mais évidemment
de Loiseau
vous ne l'avez pas rencontré
vous êtes trop jeune pour ça d'ailleurs
j'aurais pu le rencontrer
mais à l'époque
je n'allais pas dans les restaurants gastronomiques
je n'allais pas dans les restaurants étoilés
vous alliez le restaurer non ?
même pas parce que je n'ai pas fait d'études
vous avez longtemps travaillé en tant que critique gastronomique
donc comment peut-on décrire
la cuisine de Bernard Loiseau
même si vous ne l'avez pas goûté
si vous ne l'avez pas augmenté
oui j'ai pu
regarder des archives de l'Ina
et puis aussi comparer ce que faisait Bernard Loiseau
avec ce que faisait Paul Bocuse
juste les menus
et la conclusion que j'en tire
à Posteriori
c'est que c'était un homme très audacieux
qui célébrait la tradition
mais avec beaucoup
d'inventivité et d'innovation
qui a léger aussi
la cuisine traditionnelle
comme un précurseur
il déglacait à l'eau
à l'époque tout le monde déglacait plutôt au vin
ou au verju mais déglacé à l'eau
c'était une hérésie
Paul Bocuse se moquait lui
quand on fait cuire une viande
par exemple
on peut mettre un petit trait de vin
ou d'eau du coup
pour faire remonter
les sucs de cuisson et pouvoir les servir
mais il faisait aussi quelque chose
il y a un plat que j'ai vu sur un de ces menus
qui est assez intéressant
il servait le homard avec du chou farci
et le chou farci c'est quand même un plat
très paysan qui est très travaillé
qui demande beaucoup de patience
alors que le homard c'est un mec qui symbolise le luxe
et qui peut être uniquement grillé
qui demande pas tant de préparation que ça
et je trouve que c'était
ça symbolise bien l'état d'esprit
dans lequel était ce gars qu'on a entendu parler
qui a une extraction paysanne
en fait et qui travaille pour les
ça peut
être une tradition et une modernité
pour reprendre une formule un peu éculée
mais c'est un peu ça quand même
la tradition du chou il est au vernis
et puis cette façon d'alléger la cuisine
de ces matières un peu trop grâces
finalement
c'est un précurseur
si on l'a entendu parler du beurre d'ortie
pour les escargots
et moi ça m'a fait penser
que 20 ans plus tard
donc en
oui 2010-2012
René Redzipi
qui est le chef de Noma qui a été
longtemps le premier restaurant
enfin qui a été premier sur la liste des meilleurs restaurants du monde
servait un pavé de biche
avec les herbes que broutait la biche
et 20 ans plus tôt
on a Bernard Loiseau qui sert l'escargot
avec les orties parce que son argument
qui est très avant-garde c'est bah
il mange des orties donc on mange des orties avec
c'est une forme de circuit court
un circuit très très court
alors est-ce que cette cuisine a influencé
dans les organisations qui ont suivi
celle de Bernard Loiseau
oui bah comme on vient de le dire
déjà il déglacé à l'eau et puis il avait
cette phrase assez révolutionnaire qui était
moins de beurre
encore moins de beurre toujours moins de beurre
à une époque où tout le monde cuisinait au beurre
à la crème etc. et aujourd'hui
peu dans la génération actuelle
et cuisine
avec du beurre
alors cette affaire
qui est son suicide
quelques années après est-ce que vous pensez vous que
sa mort reste un
traumatisme pour la profession
et c'est oui pourquoi
je pense pas
que ce soit un traumatisme pour la profession
aujourd'hui
en revanche sa mort
soulève une question qui est encore actuelle
on l'a bien entendu
dans le récit que vous venez de faire
les chefs sont
des gens de peu
qui tenaient pas des enfants qui tenaient pas
sur les bancs de l'école
qui ont un fond artistique qui avait un peu du mal
à s'exprimer
et puis ils sont jetés
dans la profession
de cuisinier
un peu par
hasard
en tous les cas à l'époque. Aujourd'hui
ça se passe comme ça pas toujours
il y a plus de vocation maintenant parce que la télé
les médias sont passés par là mais il y a
toujours ce truc
d'une sensibilité
qui va chercher à s'exprimer
dans un univers
qui est tout le temps mis sous pression
une cuisine, on a chaud
il faut aller vite, on est sous pression
et donc comment est-ce qu'on fait
et c'est ça la question
qui se posait au moment de Bernard Loiseau
et qui se pose encore aujourd'hui
c'est comment est-ce qu'on fait pour combiner
cette sensibilité qui est le coeur
de l'identité culinaire qu'on va donner
au travail qu'on va donner à manger
ensuite dans son restaurant
il y a un besoin de reconnaissance
on l'entend bien dans les propos de Bernard Loiseau
il a besoin d'être aimé
autant que d'aimer
et la dureté du métier, cette pression
comment est-ce qu'on fait pour combiner tout ça
et ça c'est une question qui est toujours actuelle
et qui
qui trouve quelques réponses
il y a les écoles ateliers aussi quand même
qui pourraient
enseigner justement
cette façon de gérer ces deux contradictions
on n'y est pas encore tout à fait
il y a toujours
les étoiles Michelin
évidemment
on a vu qu'il y avait des cuisiniers contemporains
qui
va dire
cette institution des étoiles
allez nous on en veut plus
on sort du système
est-ce que c'est une tendance lourde
chez les cuisiniers nouveaux
de dire à ce système là
vous ne ferez plus la loi
alors je dirais qu'aujourd'hui
le Michelin il y a aussi beaucoup d'autres
acteurs
il y a beaucoup d'autres guides
il y a le fooding
il y a les réseaux sociaux
il y a ce fameux classement
des worlds 50 best
qui met pas mal la pression
et les chefs
vont choisir un petit peu leur école
donc le Michelin évidemment c'est toujours
très important et je pense que quand un chef
gagne une étoile Michelin il est aux anges
mais
ça colle peut-être pas autant de pression
que ça pouvait le faire il y a une vingtaine d'années
c'est à dire que maintenant c'est un peu
plus éparpillé c'est un peu plus dispersé
et puis aussi
je crois que la nouvelle génération
de cuisiniers a clairement
réussi
à déplacer le problème
c'est à dire qu'ils ont conscience que déjà
leur métier l'aimait sous pression
à quoi ça sert de se coller une pression supplémentaire
et je pense notamment à Sébastien Bra
qui explique très bien en fait
en 2018 dans une vidéo
qu'il veut pas de cette pression
il veut pouvoir avoir
un rapport direct avec
les gens qui viennent manger dans son restaurant
et ça
alors Sébastien Bra se met plein d'autres
en fait font cette démarche de ne pas
ajouter cette pression sur leurs épaules
et d'avoir
vraiment du coup carte blanche
pour exprimer cette sensibilité dont on parlait tout à l'heure
qui sont les stars des cuisiniers aujourd'hui
ceux qui tiennent le pavé
si je puis dire
alors après c'est subjectif
les noms que vous allez citer sont peut-être pas ceux
que d'autres vous allez citer mais allez-y personnellement
moi je pense qu'il y a
un chef de fil
de la nouvelle génération
qui est Bertrand Grébeau le chef de Septime
qui est quelqu'un
d'une quarantaine d'années
mais il y a aussi une jeune femme
qui s'appelle Manon Fleury
qui elle a
une approche extrêmement nouvelle
justement de la façon de pratiquer son métier
de chef
et qui sera un modèle
je pense pour les générations et venir
qui va ouvrir un restaurant pour la première fois
d'ailleurs en fixe
à l'automne je crois ou dans quelques semaines
alors il y a chef et chef
avec deux F eux
des hommes et des femmes
il a parité au plus haut niveau
ou on touche la parité maintenant
je ne pense pas qu'on est
encore à telle imparité non
mais chef rappelons-le
peut s'écrire C-H-E-F-F-E
France Inter
Affaire sensible
Paris Aline a un dernier mot
sur le restaurant La Côte d'Or
le restaurant de Bernard Loiseau
c'est sur la nationale 6
il faut sortir de route
il faut sortir à ce mur en oxoie
belle endroit
c'est une très belle bâtisse
au centre de ce village
il y a des villes qui s'appellent
Solieux et donc ce restaurant est toujours rétoilé
deux étoiles
les femmes qui ont pris le pouvoir
parce que c'est des circonstances dramatiques
mais ce sont les femmes de la famille Loiseau
qui s'occupent du restaurant maintenant
oui je crois que sa femme Dominique Loiseau
il est toujours
et il me semble que ces filles également
ont pris les commandes
bon bah voilà ça fait des femmes
ça fait des femmes dans le restaurant
bien alors j'ai entre les mains le livre
que vous avez écrit Marie Aline
les bouffeurs anonymes
il y a quelque chose de mystérieux
déjà la couverture représente
un gros hamburger
et qui crève
le plafond
d'un d'une salle
où on peut se restaurer
mais qui ressemble plutôt à
une salle de cantine
vous avez voulu le faire figurer
mais qu'est-ce que ça nous dit déjà cette couverture
qu'est-ce que ça nous dit sur le livre
et sans le livre
une grande partie du livre
se passe en huit clos
dans un très mauvais fast food
d'un des boulevards maraîchaux
du 12e arrondissement
et
la bouffe il fait
irruption de façon assez violente
donc c'est un bouquin contre la malbouffe
non c'est pas du tout
c'est très mystérieux
je n'ai pas le temps de lire
parce que c'est parfois un livre
vous le direz plus tard
non je dirais que c'est un livre
qui va plutôt parler
de notre rapport à l'autorité
justement si on peut
tirer un lien entre
ce dont on vient de parler
la vie
si dure
des cuisiniers
les critiques gastronomies
qui sont en surplomb
je pense que
le livre ne parle pas de ça
parce qu'il parle plutôt
de la société d'aujourd'hui
mais cette relation
peut être une métaphore
qui est un peu tirée
dans le livre
oui ça parle
de notre rapport à l'autorité
de solidité sociale
pas ça reste mystérieux
ça reste encore mystérieux
mais peut-être qu'il faut me poser une autre question
on peut patiser plus que ça
scénario dites moi
c'est l'histoire de Clique de quoi
comment ça se passe
c'est un critique gastronomique
dans
une vingtaine d'années
c'est une dystopie
et c'est un critique gastronomique
qui travaille pour le gouvernement
puisque le gouvernement a décidé
les français ont voté
pour que le gouvernement leur impose
le bien-être
à tous les étages
et Thomas
le critique gastronomique
va aller
il est tiraillé
parce que bien sûr il veut être reconnu
donc il veut travailler bien pour le gouvernement
mais il veut aussi pratiquer son métier de journaliste
et il va trouver
des bouffeurs anonymes
qui se réunissent
dans un face-food
dans le fin fond du XIIe arrondissement
et il va vouloir écrire un reportage sur ces bouffeurs anonymes
le livre s'appelle
donc ça m'amène à la question que je voulais vous poser
on a vu la pression
des guides
est-ce que la pression des critiques
quel est le rapport entre les cuisiniers
les chefs cuisiniers
et les critiques
est-ce que c'est une pression supplémentaire
il y a deux écoles
de la critique gastronomique
l'école de
je m'annonce et je suis invité
et puis l'école de l'anonymat
la première
est
la plus commune
et la deuxième fait trembler
les chefs
la plus commune c'est-à-dire que
en plus aujourd'hui les chefs
ils ont souvent des attachés de presse
donc il y a carrément un budget
qui est prévu pour inviter les journalistes
une fois qu'on est invité
c'est difficile de désinguer derrière
enfin ou alors on peut le faire
mais fou
et puis après il y a l'école de l'anonymat
donc ça va être le footing
ça va être François Simon
ça va être le Figaro
moi j'ai été aux deux écoles
j'ai pratiqué
l'école de l'anonymat
quand j'étais au M
et
si j'ai bien compris
oui ça continue
à faire peur je sais pas si ça colle une pression
d'enfer mais ça continue à faire peur
après il y a les réseaux sociaux
et les réseaux sociaux
c'est une nouvelle donne
qui fait aussi peur au chef
il y a un question
quels sont les tendances
aujourd'hui de la cuisine
rassurément la cuisine française a toujours
la réputation d'être la première au monde
elle est dépassée
elle est largement dépassée
elle est remise en question
en tous les cas elle est remise en cause
c'est bien c'est la concurrence
il ne reste 30 secondes
la grande tendance de la cuisine aujourd'hui
vous diriez quoi
est-ce qu'il y en a une ?
la grande tendance aujourd'hui ça va être
changer la façon de travailler
dans les restaurants
ça va être alléger les horaires
le rythme araçant qu'on vient de voir
que l'histoire de la cuisine
ça se joue exactement
merci infiniment Marie Aline
c'est le titre de votre livre
les bouffeurs de l'anime chez Harper Collins
traversé, merci, au revoir
merci
c'était à faire sensile
aujourd'hui le suicide de Bernard Loiseau
une émission que vous pouvez réécouter en podcast
ou bien sûr, à la technique qu'aujourd'hui
il y avait Mathieu Bereni
Sous-titres réalisés par la communauté Amara.org
Machine-generated transcript that may contain inaccuracies.
durée :00:48:52 - Affaires sensibles - par : Fabrice Drouelle - Aujourd’hui dans Affaires Sensibles, le suicide chef cuisinier étoilé Bernard Loiseau le 24 février 2003, à l’âge de 53 ans