La source: Le révisionnisme d’État en direct des 26ème Rendez-Vous de l’Histoire de Blois
Radio France 10/7/23 - Episode Page - 43m - PDF Transcript
Et tous les autres, et vous ici à Blois pour ce numéro spécial d'enquête de politique,
nous sommes en direct de la salle Samuel Patti, en direct et en public à l'occasion des rendez-vous
de l'histoire jusqu'à 19 heures, mais en quête de politique c'est d'abord une émission politique
et aujourd'hui, nous n'explaurons pas, comme on le fait chaque samedi, un isme, l'histoire d'une
idée politique en particulier, mais nous nous intéresserons à la façon dont les régimes autoritaires
ou les partis autoritaires au sein des démocraties utilisent l'histoire, parfois la triture, la révise
à leur profit. L'histoire est une matière que les dirigeants autoritaires aiment façonner afin
d'établir un récit, un roman ou même une fable au service de leur dessin politique, cette tentative
d'utiliser l'histoire, de la trafiquer ou de l'éclairer d'une lumière particulière a toujours
existé à des degrés divers selon des époques et les régimes, mais il semblait que dans nos
démocraties et depuis les années 60, les historiens, l'université avaient repris le contrôle du récit
de l'histoire, les gouvernants, après laissés cités volontaires, les embellissements post secondes
guerres mondiales avaient finalement laissé la société, les chercheurs et ceux dont c'est le
métier, définir aux yeux de tous une forme de vérité factuelle, historique, toujours provisoire,
bien sûr, mais établi, selon des critères universitaires, plus ou moins partagés. Cette époque
est-elle révolue ? Et bien c'est ce que nous allons nous demander avec deux historiens, nos deux
invités, Nicolas Ofenstad, maître de conférences à la Sorbonne, auteur de l'histoire, un combat
au présent aux éditions textuelles et puis Urbex RDA, l'Allemagne de l'Est racontée par ses lieux
abandonnés chez Albin Michel, vous avez beaucoup travaillé sur la mémoire et sur l'usage
politique de l'histoire, c'est aussi vos centres d'intérêt et d'études, pierce allemand, bonjour,
pierce allemand, maître de conférences en histoire, contemporaine à l'école supérieure,
un normal supérieur donc spécialiste entre autres, de l'histoire de l'Espagne,
l'actualité brûlante, c'est bien sûr, ce qui se passe en ce moment en Israël, on est au coeur
de notre sujet de façon parfaitement exacerbée, deux peuples sur une même terre qui partagent
la même histoire mais qui l'écrivent bien différemment et fabriquent du passé et des romans
antagonistes, on retrouvera la rédaction à 19h pour une édition spéciale sur le retour de la
guerre en Israël donc entre 19h et 20h avec Éric Delvaux, mais d'abord Nicolas Ofenstad,
il faut vous faire une petite mise au point, parce que vous m'avez dit que vous n'aimiez pas le
titre que j'avais choisi pour cette émission, oui je l'avais gardé comme même parce que c'est
quand même moi le chef, le révisionnisme d'État, pourquoi vous n'aimez pas ? Oui en fait disons
que c'est un titre qu'on peut discuter parce qu'il faut distinguer deux termes,
révisionnisme et négationnisme, le révisionnisme dans le fond c'est le travail des historiens au
quotidien, c'est à dire que des historiens qui sont des chercheurs, qui travaillent sur le
passé, révisent en permanence les connaissances qu'on avait jusque là, les connaissances qui étaient
là où ils ont commencé leur recherche, donc cette idée de réviser l'histoire dans le fond c'est
assez sain, on va découvrir de nouveaux documents, on va poser de nouvelles questions, on va avoir de
nouvelles interprétations et même sur des périodes anciennes, vous savez les spécialistes du au
Moyen-Âge continuent encore à discuter de la date du baptême de Clovis, c'est exactement de ce qui
s'était passé et pourtant on a combien de fois déjà écrit sur ce thème donc réviser l'histoire,
c'est faire son boulot d'une certaine manière, l'acception globale, l'acception générale du
révisionnisme avait changé mais voilà et par contre et du coup en revanche donc ça on peut y
a donc pour ce qui est d'une manière de, de, en quelque sorte de tordre l'histoire pour des
intérêts présents, pour des intérêts politiques, c'est autre chose, alors ça peut prendre plusieurs
formes, le terme qu'on emploie quand c'est véritablement une négation notamment d'un
génocide ou d'un événement passé ou qu'on est du corps c'est le négationnisme, donc ceux qui
révisent l'histoire, peuvent être des historiens de métier qui font bien leur travail, par contre
de nier le passé pour des intérêts présents c'est autre chose, c'est pour ça que ce terme de
révisionnisme est ambigu et donc il veut dire deux choses, il fait effectivement la manipulation du
passé, ce sera le thème de notre émission mais aussi finalement le travail ordinaire de l'historien
c'est cette ambiguïté là jusque j'ai souligné. Eh ben merci de cette précision et pour lancer
notre discussion s'agissant d'un autre conflit brûlant l'Ukraine à Nicolas Funstat et Pierre
Salomon je voudrais vous faire écouter et à vous tous bien sûr je voudrais vous faire écouter ce
petit dialogue entre Valérie Zorkin qui est président de la cour constitutionnelle russe et
Vladimir Poutine alors Zorkin présente une carte de l'Europe, c'était le 25 mai 2023, il présente
une carte de l'Europe et de la Russie à Poutine et voilà ce qu'il dit. Nous avons trouvé dans
notre cour constitutionnelle une copie d'une carte du XVIIe siècle dressée sous Louis XIV,
cette carte montre le milieu voire la seconde moitié du XVIIe siècle compilé par les français
eux-mêmes. Pourquoi déjà porter monsieur le président ? Il n'y a pas d'Ukraine là-bas.
Merci. Pourquoi je décidais de vous la montrer ? Parce qu'il y avait beaucoup de spéculations
sur ses origines ou comment tout cela s'est formé ? Eh bien nous savons que ces terres faisaient
simplement partie du même état à Polono-Lituania puis ils ont demandé à faire partie du Royaume de
Moscou et c'est plus tard après la révolution d'Octobre que des formations quasi-étatiques ont
commencé à se former et le pouvoir soviétique a créé l'Ukraine. C'est bien connu,
avance là l'Ukraine n'existait pas dans l'histoire de l'humanité. Voilà Zorkin et Poutine avec les
voix françaises de Franck-Olivar et Christophe Imbert, une opération de justification de la guerre.
Pierre Salement, qu'est-ce que ça vous inspire ce reportage ? Petite anecdote pour commencer sur
cette fameuse carte. Il faut le soumettre la carte parce qu'il y a des images là. Il y a un dessous
sous cette carte parce que cette carte justement mentionne l'Ukraine qu'on regarde de près donc
ça va donner lieu à des détourdemans de récupération sur internet qui était assez intéressante. Après
bon c'est plutôt anecdotique, il faut revenir plutôt sur l'usage de l'histoire de l'état russe
actuellement. C'est un état qui utilise, qui mobilise beaucoup et depuis longtemps son propre
histoire a des fins politiques et en l'occurrence ça fait longtemps que sur le terrain ukrainien je crois
que le régime avait justement travaillé sur cette pro, cette pro impérial d'une grande réussite,
une réussite qui s'était étendue, une réussite on pourrait dire naturelle et c'est pas un hasard si
peu de temps avant l'attaque justement de l'Ukraine, plusieurs associations de mémoire,
politique et historique ont été largement réprimées en Russie.
Nicolas Von Schatt.
Oui et ce qu'il faut bien avoir en tête c'est que cet extrait est très intéressant parce qu'il nous
montre combien l'histoire en fait est crucial dans le conflit contemporain parce qu'on peut dire
parfois il y a des usages de l'histoire qui peuvent être marginaux ou secondaires. Là c'est
fondamental dans la justification de la guerre de poutine et dans son pouvoir. Vous citez cet
extrait mais moi il y a un texte qui m'a beaucoup plus frappé, qui date de juillet 2021, qui est
accessible en ligne en différentes langues, qui est un texte très très dense, très très compact,
qui raconte l'histoire de l'Ukraine et de ses relations avec la Russie depuis le 9e siècle et
c'est signé de Vladimir Poutine lui-même. C'est pas du coup historien et d'ailleurs il y a
sûrement de très bons historiens qui l'ont aidé parce que c'est très précis, c'est très malin,
c'est très fin, c'est-à-dire qu'ils tirent toujours les arguments qui vont essayer de nier
une identité autonome de l'Ukraine et qui en font une unité naturelle avec la Russie. Donc là on est
dans un cas assez fascinant où Poutine met l'histoire au centre de sa politique et au centre même
d'une politique militaire. Est-ce que c'est du négationnisme, pour ne pas prendre le terme
révisionnisme, est-ce que c'est du négationnisme ou c'est simplement un éclairage différent et
spécieux ? C'est ni du révisionnisme au sens où on l'a défini tout à l'heure, ni du négationnisme,
c'est une manière d'instrumentaliser l'histoire et donc de la tordre dans ses interprétations pour
qu'elle aille toujours dans le sens qui est celui de l'unité naturelle de l'Ukraine et de la Russie
et donc finalement de l'absence totale d'autonomie et d'indépendance de l'Ukraine, ce qui est faux,
peu importe, mais ce qui est très intéressant, c'est qu'au lieu de se contenter de grande déclaration
politique, ce texte il est extrêmement dense, c'est-à-dire que je pense que beaucoup de gens qui ne
s'intéresseraient pas à l'histoire abandonneraient au bout de quelques lignes, c'est-à-dire qu'il a
mobilisé des historiens, manifestement c'est pas lui qui l'a écrit, pour trouver tous les arguments
historiques qui permettent de légitimer depuis le 9e siècle l'idée que finalement dans le fond
l'Ukraine n'a jamais existé, que c'est pas très grave en quelque sorte de ce point de vue-là si on
l'envalie. Donc cette politique de l'histoire est fondamentale, est fondatrice.
Est-ce que les historiens, de l'académie, les vrais historiens spécialistes de la Russie estiment
que ce texte dont vous nous parlez, Nicolas Fenstatt, est un texte totalement mensongé ou c'est
simplement des orientations un peu biaisées ? Il y a les deux, il y a du proprement mensongé des
orientations biaisées et d'ailleurs les historiens en Russie aujourd'hui ne sont pas dans la liberté
qu'on a nous pour le juger puisque beaucoup des historiens critiquent d'ailleurs soit ce thèse
parce qu'ils ont des risques, soit ils sont partis, moi j'ai rencontré des collègues, des
excellence historiens russes qui enseignent en Finlande aux États-Unis parce qu'il n'y a plus de
liberté de travail pour les historiens en Russie actuellement. Et donc du coup oui c'est une torsion
permanente, d'ailleurs c'est ce qu'il y a dit et faux, c'est pas vrai que l'Ukraine est le produit
à la fin de la seconde guerre mondiale du pouvoir soviétique. L'indépendance de l'Ukraine est liée
aussi aux relations avec l'Allemagne et liée aussi à un mouvement ukrainien, il faut lire le beau
roman de Bulgakov à la guerre de blanche, on dit l'Ukraine est libre, enfin l'Ukraine. Donc il
y a toute une voie ukrainienne aussi qui porte cette indépendance. Donc rien que ce terme-là de dire
que le pouvoir soviétique a créé l'Ukraine, c'est déjà une interprétation qui est extrêmement
tendentieuse et instrumentale et donc c'est central. Et vous voyez que ce qui est intéressant
avec Poutine c'est que c'est tout un dispositif, on n'a pas affaire à une discussion marginale,
c'est un discours, celui que je viens de vous dire, donc l'idée de l'absence d'autonomie de
l'Ukraine et en quelque sorte sa fraternité naturelle avec la Russie, bien sûr sous domination
russe. Donc c'est un discours, c'est la mise au pas comme on l'a dit tout à l'heure des institutions
historiques de toutes les institutions dissidentes, c'est aussi la création ou le soutien d'un
discours officiel, il y a une société d'histoire de la Russie qui est aux mains de Poutine et qui
a l'afflure sur les manuels scolaires, donc on le voit c'est tout un ensemble. Donc là on a une
vraie instrumentalisation de l'histoire en service d'une cause et là en plus d'une cause
extrêmement agressive. Juste pour compléter, c'est même presque un peu plus qu'un discours et même
un programme politique, Nicolas Verte le mentait très bien dans son tract, Gali Mar, Poutine,
historien, chef, c'est que derrière la négation de l'identité ukrainienne et de toute l'histoire
de l'Ukraine, on pourrait dire, et plus que ça, il y a aussi un programme qui pourrait être qualifié de
génocide, avec des documents qui sont disponibles, qui étaient disponibles pendant longtemps sur le site
de l'ambassade russe en France, où on explique tout un programme de, on parle, enlever cette
identité, d'aller à la racine historique pour ensuite, grâce à cette racine historique, avoir un
programme de négation de l'identité forte ukrainienne. Je vous propose d'écouter deux cours
extraits de deux reportages parce qu'il n'y a pas que dans les pays autoritaires, on sait qu'en
Turquie, bien sûr, en Inde, de Maudit, il y a aussi une grande opération de nettoyage, des livres
scolaires et de revisitation de l'histoire officielle, mais dans nos pays et en Allemagne,
particulièrement en Allemagne, mais aussi on va le voir en Italie, il y a aussi, alors ça vient pas
des États forcément, mais il y a aussi des mouvements qui veulent éclairer l'histoire de façon
différente. Alors deux extraits de reportage. D'abord, en Allemagne, un militant de l'AFD,
c'est le Parti de l'Extrême droite, qui est maintenant un peu dominant dans l'est du pays.
Je suis né en 41, je n'y suis pour rien, mes parents ne pouvaient pas voter pour éclairer.
A titre personnel, donc pour moi et ma famille et mes ancêtres, je ne ressent pas de oub.
Et puis cet extrait d'un reportage qui date de 1996, alors c'est la toute jeune militante
Giorgia Meloni, 25 ans avant de présider au destiné de l'Italie, écoutez ce qu'elle dit,
sans aucune précaution, bien sûr, elle sait pas qu'elle sera un jour à la tête de l'Italie,
ce qu'elle dit de Benito Mussolini. Giorgia a 19 ans, elle milite depuis 2 ans. D'abord dans son
lycée, où elle rejoint une coordination d'étudiants de droite, elle distribue des tracts et
manifeste contre la gauche. Aujourd'hui, ses références politiques sont celles de l'Italie
fasciste, Giorgia ne s'en cache pas. Moi je crois que Mussolini, c'était un bon politian, c'est-à-dire
que tout ce qu'il a fait, il a fait pour l'Italie et on ne le trouve pas ça dans les politiciens
qu'on a eu dans le dernier 50 ans. Un point de vue partagé par 61% des électeurs de l'Alliance
nationale. France Inter, en pietre de politique. Thomas Le Grand. Pierre Salomon, Nicolas Ofenstadt,
alors Pierre Salomon, là on est dans un autre exercice. On a l'impression qu'on assiste à la fin
d'une parenthèse, peut-être la parenthèse de la pré-guerre, une parenthèse antifasciste. L'antifascisme
était évident et c'est plus le cas. Oui, sortir de la seconde guerre mondiale, il y a des bourreaux dans la
plupart des pays, pas tous les pays, il y a des bourreaux, des victimes et ces bourreaux sont souvent
les fascistes, en Espagne c'est un peu différent et ça a créé un consensus, tout le monde est
d'accord pour dire qu'il y a cette tâche d'huile qui a longtemps suivi et qui continue à suivre les
partis d'extrême droite. Ce qui se passe c'est depuis quelques années, dizaines d'années même, ça fait
longtemps quand même que c'est entrepris, certains partis politiques, mouvements qui sont associés à ces
fascisme, essaient de s'en distancier. C'est ce qu'on a entendu avec l'AFD, ce mouvement assez fréquent, je n'ai
rien à voir avec ça, il y a du pot, du compte, c'est loin, je m'en distancier parce que dans certains cas
il est difficile de vraiment nier certains cris. Avec un petit paradoxe, ce sont généralement des
nationalistes qui là n'assument pas l'histoire de leur nation, donc c'est compliqué. Oui, pour certains cas
c'est trop compliqué, pour le nazisme encore, ça reste encore assez intouchable pour certains milieux,
c'est plus facile, on y va de front quand justement il y a un travail qui a été fait dans certains cas et on le
voit peut-être plus avec Mélonie, avec ce qu'est italien que je connais moins, mais on peut voir sur le cas
français où c'est similaire, il y a tout un travail qui a été fait autour de la figure de Franco, autour
de par exemple je pense jusqu'à récemment des livres qui ont été publiés, il y a eu des recensions
sur l'Espagne, à propos de l'image de Franco et même dans les récits académiques. On va parler de l'Espagne tout à l'heure,
mais Nicolas Finchats, ce qu'on vient d'entendre en Italie et en Allemagne existe aussi en France, on l'a vu pendant la
dernière élection présidentielle avec Éric Zemmour, les historiens ont dû, les historiens de l'académie, les vrais
historiens ont dû rétablir quelques vérités. Oui, tout à fait, d'ailleurs, cette fin de la parenthèse. Ce qui
est intéressant, il y a beaucoup de choses dans votre question. Premier élément d'abord, le cas allemand et le cas
italien sont un peu différents, d'ailleurs Pierre l'a évoqué, c'est qu'en Allemagne on ne peut pas évidemment valoriser
le nazisme de manière frontale. Donc qu'est-ce qu'on fait ? Personne ne peut faire l'apologie, d'abord c'est illégal, donc personne
peut faire l'apologie du nazisme. Donc qu'est-ce qu'on fait ? On va banaliser, on va relativiser. Et donc ce travail de
relativisation, c'est un moyen progressivement, en quelque sorte, d'un moindre rire, d'émietter. Et je vais vous donner
un exemple à des leaders de l'AFD, donc Gaolant, à dire il y a quelques temps, en disant finalement, mais à l'échelle de l'histoire
allemande, le nazisme, c'est une chiante de pigeon, c'est rien. C'est le terme qui l'a employé. 143, 1945. Et donc du coup,
vous voyez, il n'est pas attaquable, il n'a pas dit que c'était un régime positif, il dit à l'échelle de l'histoire allemande,
ça n'a pas d'importance. Autre élément qui était assez faim, toujours du même Gaolant, mais c'est pas le seul, je prends cet
exemple là pour ne pas être trop long, il a dit, finalement, on peut être fier de ce qu'on fait les soldats allemands pendant les deux guerres
mondiales. Là aussi, c'est habile, puisque déjà, ça rabat la verre-marte sur la première guerre mondiale. Donc vous voyez, c'est
toujours des jeux de banalisation, de relativisation, sans évidemment valoriser le nazisme. Donc ça, c'est une opération qui
marche de plus en plus, parce qu'évidemment, on se dit, oui, c'est une histoire, il y a des méchants, il y a des gentils. Et donc il y a
tout un discours qui se développe et qui prend une autre forme aussi dans l'extrême droite, qui va être aussi de transformer
les Allemands en victimes aussi. Ça, ça fait longtemps que c'est opérationnel, mais ça devient de plus en plus frappant de dire,
finalement, dans le fond, dans cette horreur de la seconde guerre mondiale, on est des victimes. Regardez, on a été bombardés. Regardez
les bombardements de Dresden. Nos femmes ont été violées. Regardez ce qu'on fait les Russes en 1945. Donc dans le fond, tout ça n'est pas
faux. La question n'est pas là, mais vous voyez comment ? Et d'ailleurs, les Allemands, dans l'extrême droite, ont même forgé le terme
de génocide par les bombes, qui répond évidemment à celui des génocides déjubes.
Vous avez raison, l'Italie, c'est différent, puisque l'Italie, on peut dire, et les Italiens qui sont d'extrême droite et qui sont au pouvoir
aujourd'hui expliquent peu ou prou qu'il y a eu des choses positives. Oui, mais c'est possible, parce que, regardez ce qu'ils font, ils vont dire.
Comme on dit, Napoléon, à créer le Côte Civil. Exactement. Et surtout, comme on l'a dit, on édule corps par comparaison en Italie.
On va dire, Mussolini, ce n'est pas Hitler. Donc, distancions, soyons sereins, effectivement, Hitler, c'est quelque chose de terrible, tout le monde est d'accord.
Mais Mussolini, ce n'est pas si terrible que ça. Et d'ailleurs, c'est des choses qui ont commencé dans les années 80 et que Berlusconi
ensuite a participé à ancrer. C'est une forme de relativisation par comparaison. Dans le fond, il ne faut pas mélanger le fascisme
et le nazisme, ce sont deux régimes. Et vous voyez, comment c'est toujours des stratégies assez subtiles. C'est rarement frontal, en disant.
C'était des discours qui étaient inaudibles et imprenonsables, sauf dans des sénacles très restreints et radicaux et extrêmes. Dans les années 60, 70, c'était pas possible, Pierre Salomon.
Non, non, c'était pas possible. Il faut savoir que pour cette raison, les extrêmes droites sont passées par des biais détournés. Il était difficile d'attaquer
de fronts sur le front historique avec justement des fausses oeuvres, des essais historiques. Donc on a utilisé la littérature, je pense, en France, à l'œuvre de Jean Mabir.
C'était d'abord romancier.
Voilà, romancier, mais des romans toujours sur les Vaphanessesses.
Il mettait des Vaphanessesses en scène.
Tout à fait. Ou alors, récemment, le développement d'un pèlerinage, justement, à Dresde, où il y a un pèlerinage qui devient un vrai lieu de rencontre, de mémoire, d'extrême droite.
Toutes les plusieurs extrêmes droites européennes s'y rassemblent pour se présenter en victime de ces bombardements alliés.
Et petit à petit, ça a infusé.
Je voudrais faire un petit détour par la France et par un débat, Nicolas Funstadt, qu'on a souvent.
Est-ce qu'on peut faire une différence entre le récit national et le roman national ?
Le récit national, on a l'impression, c'est l'histoire telle que les historiens l'établissent petit à petit, patiemment.
Et le roman national, c'est l'histoire telle que les politiques peut-être voudraient le mettre en avant, en mettant au devant de la scène des figures valorisantes, des exemples.
Comment vous appréhendez, vous deux, historiens universitaires, ce débat entre récit et roman national, Nicolas Funstadt ?
Peut-être qu'au préalable, pour bien comprendre le débat, il faut rappeler une chose, c'est que comme historiens, nous n'avons rien à dire, je pense, Pierre me contradira si il n'est pas d'accord,
au fait que les États dans une démocratie aient un discours sur l'histoire, un discours commémoratif, c'est leur rôle, puisque un gouvernement doit assurer la continuité de l'État, c'est constitutionnel,
donc il est normal que les Présidents de la République, les premiers ministres, les autorités locales aient un discours sur le passé.
Par exemple, il vous consulte quand même ?
Oui, à mon avis, tous les États par l'histoire, c'est leur rôle, personne ne peut se projeter que dans le présent et donc il faut assurer la continuité de l'État, la continuité de la nation.
En France, c'est constitutionnel.
La question, c'est qu'il y a deux critères.
Le premier critère, c'est pour quelle valeur ? Qu'est-ce qu'on va défendre quand on met l'histoire en avant ?
Donc ça, c'est déjà un premier enjeu, comme citoyen, avec peut-être l'aide de l'histoire, mais parfois sans se demander quelle valeur on va mettre en jeu quand on saisit un élément du passé.
Alors évidemment, quand on va chercher Mussolini ou les Waffen-SS, on peut aussi interroger les valeurs qui sont en jeu.
Et le deuxième élément, et c'est là évidemment que notre débat fait tout son sens, c'est aussi une certaine justesse par rapport au savoir historique.
C'est-à-dire qu'effectivement, les Présidents de la République nous consultent, et en France, c'est très courant.
Tous les historiens qui ont été amenés à des thèmes qui ont été sujets à des commémorations, sont consultés à ceux de la République où les autorités locales ou nationales font ce qu'elles veulent, mais elles consultent et elles essaient d'en tenir compte.
Donc il y a quand même deux critères.
Vous avez vous-même participé à toutes les opérations de mémoire de la guerre 14-18 ?
Oui, moi j'ai discuté avec le président de la République actuelle de la mémoire de 14-18 quand c'était le Santère.
Je l'ai fait avec le précédent aussi, ensuite ils en ont fait ce qu'ils en ont voulu, mais effectivement, il y a quand même un sentiment qu'il faut mesurer la justesse que les historiens.
Donc il y a deux critères, et donc du coup là-dessus, on n'a rien à dire.
Ensuite, une fois qu'ils ont les éléments historiques et qu'ils ont choisi les valeurs qui sont celles pour lesquelles ils ont été élus, c'est le rôle de l'État.
Maintenant, là, effectivement, où il y a une déformation, où l'historien peut commencer à être inquiet, c'est quand on a envie de bâtir un récit qui devient en quelque sorte un récit obligatoire.
C'est ça, en fait, le problème.
Dans le roman national ou le récit national, on nous dit souvent que c'est quelque chose qu'on doit partager.
Vous faites les récits historiques que vous voulez, mais le problème, c'est l'imposition.
Et quand vous dites un roman national ou un récit national, il y a souvent l'idée qu'il doit être partagé par tous.
Et alors ces récits et ces romans nationaux, on pose un certain nombre de problèmes.
Généralement, ils vont souligner avant tout les heures de gloire, les grands moments, ils vont mettre sous le boisseau les périodes les plus difficiles,
ou en tous les cas, les présenter d'une manière et du Corée.
Et puis, troisième problème, après ces aspects page rose, page noire, c'est souvent aussi des récits qui viennent d'en haut, donc qui ne donnent pas toute la place à une histoire sociale,
à une histoire du genre, à une histoire des différentes composantes de la population.
Et le problème souvent, dans les démocraties, d'ailleurs, on l'a souvent, moi j'étais frappé par le nombre, surtout à droite,
mais pas forcément du nombre de leaders politiques de la droite qui disent, il nous faut un roman national, il faut que nous nous partageons.
C'est-à-dire qu'il y a cette idée en quelque sorte, et c'est ça qui pour moi comme historien est dangereux, l'idée qu'on devrait y adhérer.
On ne le fait pas seulement pour parler, ils ne sont pas des historiens, ils ne sont pas des conteurs, les hommes politiques.
Donc quand ils proposent la revalorisation du récit ou du roman national, il y a toujours l'idée en quelque sorte...
Des histoires comme liens entre tous les Français, pierce allemand.
Oui, juste pour ajouter une petite précision, je suis tout à fait d'accord avec ce que disait Nicolas,
c'est aussi une question de méthode, du point de vue des chercheurs et des chercheuses,
une méthode pour adapter aussi l'objet de recherche à son contexte.
Et je ne connais pas de chercheurs et de chercheuses qui disent, non, on ne peut pas faire de national, c'est interdit, non, ça n'existe pas.
Par contre, est-ce qu'on peut étudier, par exemple, la France des années 50, comme on l'a vu, la cérémonie d'ouverture,
cette France des années 50 sans...
L'ouverture de la Coupe du monde de rugby.
Tout à fait, cette France des années 50, est-ce que c'est seulement Jean-Mich, ou est-ce qu'il n'y a pas aussi une histoire,
par exemple une guerre coloniale, des migrations, étudier un cadre national,
ce ne peut pas se faire sans prendre en compte les circulations de personnes d'idées entre les pays, entre les régions, entre les empires.
Donc la question est plutôt méthodologique et de replacer l'état dans son contexte.
...
Assez à l'arrière, le moteur s'embanne, je flippe parfois, où c'est, où c'est qu'on s'en va,
j'ai pas de doute sur deux, sens de la route, mais comme je ne compte pas,
quand c'est qu'on sait qu'on a déconné, où c'est la sortie, si tu sais, dis-moi.
Pourtant je la connais bien, la machine, c'est moi qui ai mis de l'eau, c'est moi qui ai mis de l'huile,
mais il y a les enfants qui ont pris le volant, savent pas ce que c'est qu'un tournant,
faut rester lucide, quand c'est qu'on sait qu'on a déconné, où c'est la sortie, faut pas l'arrêter,
mais tu dis qu'il n'y a pas d'essu, qu'on sera pas d'essu, en tout cas pas au début,
ou tu dis qu'il n'y a pas d'essu, qu'on sera pas d'essu, moi je t'écoute et je continue,
mais quand c'est qu'on sait qu'on a déconné, où c'est la sortie, si tu sais qu'on a déconné, où c'est la sortie,
pour ce pipi, laisse la porte irgante ouverte, je me suis déjà trop attaché,
fin de la pause, c'est reparti, moi je flippe jusqu'on s'oublie sur l'air fatigué,
quand c'est qu'on sait qu'on a déconné, où c'est la sortie, faut pas l'arrêter,
mais tu dis qu'il n'y a pas d'essu, qu'on sera pas d'essu, en tout cas pas au début,
où tu dis qu'il n'y a pas d'essu, qu'on sera pas d'essu, moi je t'écoute et je continue,
mais quand c'est qu'on sait qu'on a déconné, mais tu dis qu'il n'y a pas d'essu, on sera fatigué,
que c'est sûr, où tu dis qu'il n'y a pas d'essu, qu'on sera pas d'essu, moi je te crois et je continue,
mais quand c'est qu'on sait qu'on a déconné, où c'est la sortie, faut pas l'arrêter,
où...
C'est Vrin sur France Inter, c'est la playlist, et ce titre, c'est « C'est où la sortiste ? »,
un choix de notre programmateur musical, Thierry Dupain.
France Inter, en quête de politique, Thomas Legrand.
Alors, on va s'arrêter plus spécifiquement sur le cas de l'Espagne, avec vous, Pierre
Salomon, maître de conférence en Histoire contemporaine à l'école normale supérieure.
Et je vous propose pour lancer notre discussion d'écouter cet échange en 2020 entre Santiago
Abascal, c'est le patron de Vox, Vox est le parti de droite radicale en Espagne en
ce moment, et au moins, oui, Pedro Sánchez, le premier ministre et espagnol socialiste
été en 2020.
Franco est parti de l'histoire espagnole avec ses ombres et ses réussites, nous n'avons
aucun a priori par rapport à tout cela.
Nous ne sommes ni anti-franquistes ni franquistes, nous sommes pour l'unité espagnole, pour
la défense des espagnols.
M. Sánchez, votre gouvernement est le pire que l'Espagne ait eu depuis 80 ans.
M. Abascal, dans un lapsus typique de votre part, vous avez assimilé les gouvernements
démocratiques au gouvernement de la dictature de Franco, 80 ans avec vous.
Je comprends que, logiquement, vous n'aimez pas la loi sur la mémoire démocratique, que
ce gouvernement de coalition va proposer, entre autres choses, parce que nous allons
effectivement interdire et mettre hors la loi les fondations qui défendent la dictature
de Franco, comme la fondation Francesco Franco, je comprends votre préoccupation.
Pierre Salomon, est-ce que l'Espagne anti-franquiste n'est plus une évidence, et d'ailleurs
est-ce que ça l'a déjà été depuis 1976, date où l'Espagne devient une démocratie ?
Alors, il faudrait plusieurs heures pour répondre, mais je vais s'interprimer.
Non, mais là, vous n'avez pas plusieurs heures, mais vous allez être très bons, vous allez voir.
Alors, d'abord, 76, c'est une date intéressante, parce que 76, c'est pas tout à fait ce qu'on appelle
la transition à mis plus de temps.
Et en 76, il y a une date qui est intéressante, c'est la Fondation Francesco Franco qui est
fondée pour défendre la mémoire du général Franco et du dictateur.
Donc là, on est dans l'Espagne Franquiste.
Nous, ça nous paraît, il faut quand même préciser ça.
Nous, ça nous paraît étonnant, parce que nous, on passe du régime de Vichy à la libération.
Il y a une rupture, il y a une épuration, il ne fait pas bon être ancien collabaux,
il fait bon être ancien résistant, on en rajoute un petit peu.
Là, ce n'est pas du tout le cas.
Alors oui, en France, il y a quand même une association pour la défense du maire-échelle-pétain.
Oui, mais bon, elle est marginalisée et on ne peut avoir aucun poste.
Pour être élu, il faut être résistant officiellement, même si on n'a pas été.
Alors le fait est qu'en Espagne, effectivement, cette transition, il y a des débats maintenant,
les chercheurs s'accordent pour dire que cette transition, c'est-à-dire l'émanation du régime franquiste
qui, déjà des années avant, avait tenté de se normaliser, d'apparaître comme un régime
bureaucrat, modernisateur, et qui avait appuyé sur cette image en se distanciant
de cette tâche d'huile historique, la guerre civile et les premières années de la dictature.
Donc on insiste beaucoup sur cette image et c'est eux qui ont mis en place cette transition.
En tout cas, certains cadres, il faut savoir que le Parti populaire a été fondé par Fraga
qui, à l'origine, fonde ce Parti populaire pour défendre le franquisme en démocratie,
pour faire passer ce franquisme en démocratie.
Alors ensuite, il y a eu des débats dans le Parti populaire.
Il y a des personnes qui se sont écartées de cette ligne, d'autres qui sont revenus sur cette ligne.
Mais le franquisme est aussi arrivé par cette voie.
Donc il y a cette normalisation politique et il y a aussi tous les groupes,
tout un espèce d'écosystème, une quarantaine environ d'organisations franquistes
qui existent, pro-franquistes, d'inspiration fasciste en Espagne.
Et qui avait voie au chapitre dans le débat, dans les médias.
Alors oui, dans certains grands médias, c'est le cas.
En tout cas, il y avait une normalisation sur leur existence et puis il y avait un grand problème.
C'est que cette association a des moyens, des médias, c'est ce qu'elle fait.
Mais surtout, elle a des archives aussi.
Elle a des archives de la répression franquiste.
Donc là, il y a même une obliteration de la mémoire par la captation des archives,
par la propre fondation qui défend la mémoire du dictateur.
Alors parlez-nous, pierre Salomon, de la polémique Piomoa.
Alors la polémique Piomoa, à plusieurs temps, il y a eu d'abord un temps en Espagne.
Piomoa, pour le restituer, c'est un essayiste.
Il comparait grossièrement Zemmour Espagnol.
Il est arrivé avant, à la fin des années 90, au début des années 2000.
Et Piomoa, pour faire vite, il a un peu agrégé toutes les formes de récits,
d'abord de la dictature, de la guerre civile même, et le récit de la transition.
Donc il a mis tout ça ensemble et il a proposé un récit historique totalement réactionnaire,
mais avec des ressorts un peu difficiles à discerner pour les néophytes.
Et Piomoa, il est arrivé à un moment où il y avait des grands débats en Espagne
pour ouvrir les fausses communes, pour revenir justement sur ce pacte de la transition,
et des personnes se sont senties en danger, les héritiers de la dictature.
Et Piomoa, il a permis de défendre sur cet aspect culturel ce récit franquiste.
Ça, c'est pour le versant espagnol.
Très rapidement, il a été contredi par les historiens.
Il y a un consensus, c'est-à-dire qu'il allait face au consensus le plus simple.
Piomoa, le consensus historique, il y avait des faits recoupés.
Et il allait contre, il y a eu quand même un petit succès éditorial,
mais c'est passé.
Et en France, on a été plusieurs collègues hispanistes,
à être surpris l'été dernier,
où Le Figaro a fait une grande promotion pour la traduction d'un ouvrage discrédité,
celui de Piomoa, en français,
avec vraiment un grand travail pour mettre en avance,
je dis, avec les guillemets, un travail innovateur,
qui contredit de la vulgaté historique, académique.
Un peu anti-système, avec ce discours un peu anti-système,
anti-politiquement correct.
Tout à fait.
Et avec du contenu de l'ouvrage qui pourrait être assimilé,
même si le négationnisme, s'il y a une question de savoir
sur quel régime et quel fait historique dont on parle,
mais il y a la négation, en tout cas, de certains crimes,
comme à Guernica, à Bad Arroz, ou ailleurs.
Donc, cet ouvrage posait vraiment problème,
et sa promotion, encore plus.
Il y a une guerre culturelle en Espagne,
avec, dans des municipalités de Vox, proche de Vox,
même une politique pour renommer les rues,
pour la politique de mémoire, comme ça.
Oui, tout à fait.
Ça passe par cette politique locale,
où certaines municipalités
est souvent une alliance avec le PP et Vox,
le Parti Populaire et Vox.
La droite classique.
On fait l'alliance.
Souvent, c'est Vox qui porte ce projet
et le Parti Populaire qui le vote.
Et on demande de débattiser les rues au nom
des Républicains Espagnols.
Pourquoi ?
Parce qu'il y avait une mouloie de mémoire historique
qui disait en 2004, et puis ensuite qui a été révisée en 2022,
qui disait qu'il ne fallait pas faire l'apologie
des crimes de la guerre.
Donc, on pouvait retirer dans l'espace public
sous certaines conditions.
Je ne m'étends pas ce qui était rapporté
à des crimes de guerre.
En fait, la plupart du temps, ça ne passe pas
sa réclamation, mais ça montre que
tout ce qu'on appelle cette guerre culturelle,
je vais laisser Nicolas et la police,
arrive un peu dans tous les domaines,
dans le domaine judiciaire, le domaine culturel.
Oui.
C'est le cadre...
C'est vraiment le cadre de la guerre culturelle
pour prendre un terme grand chien.
Le terme grand chien, c'est plutôt
légémonie culturelle, guerre culturelle,
c'est plutôt l'auteur hauteur américain,
mais c'est un peu la mode
à l'extrême droite et à droite
de se réclamer de grand chien
et de mener cette guerre culturelle.
Nicolas, je t'attends.
Oui, je pense que...
Alors, c'est lié à tout un ensemble de contextes.
On pourrait dire, je dirais,
que les choses se développent dans les années 90-2000.
C'est surtout la droite et même l'extrême droite,
effectivement, qui a décidé
de se battre beaucoup plus
que sur le terrain social ou politique,
sur l'histoire, le passé
et la culture en général, où l'histoire
occupe une grande place.
Alors pourquoi, comment...
On le voit bien, quelqu'un qui a été le porteur
en France, c'est assez intéressant,
parce que beaucoup de ses conseillers,
n'étaient pas uniquement des gens de droite,
mais aussi des téros d'extrêmement,
avec un certain nombre de...
Et c'est pas lui forcément, vous vous rappelez,
qu'on l'a appelé Sarkozy l'Américain,
parce qu'il avait, au contraire,
la dimension très présentiste, très libérale.
Ces conseillers ont complètement changé l'orientation,
disant, si vous les gagnez, il faut jouer sur la culture,
sur le terrain de l'histoire et sur les terrains des valeurs,
d'où une mise en scène colossale de l'histoire française,
puis ensuite, tout un ensemble de projets.
Peu importe Sarkozy ici,
mais s'il vous plaît, il m'intéresse comme symptôme
d'un moment où la droite va mettre
cette guerre culturelle au coeur de sa stratégie.
Avec l'idée Nicole Ofenstadt,
que tout le récit,
toute l'historiographie
en cours
et universitaire
étaient finalement
colonisés par la gauche.
Oui, tout à fait.
Vous disiez tout à l'heure, ce qui est assez fascinant,
il y a plein d'éléments qui expliquent ça.
Un des éléments aussi, je pense,
c'est qu'il y a beaucoup de grands récits
qui se sont affaiblis dans ces années,
c'est la chute du Bloc de l'Est,
il y a un ensemble de récits de gauche.
Il y a aussi un boulevard historique
qui s'est ouvert pour la droite.
Ce n'est pas simplement une invention.
Il y a beaucoup de choses qui s'effondrent avec le Bloc de l'Est.
Dans les récits, dans la manière de concevoir les choses.
La durée de la crise économique,
l'affaiblissement des églises,
il y a beaucoup de choses de récits qui s'affaiblissent
et qui ouvrent, en fait,
la place à un nouveau récit.
Ça, c'est un premier élément.
Le deuxième élément qui va jouer un rôle,
je pense, qui va accélérer cet élément,
avec la multiplicité des récits,
parce que ça, ça joue aussi un rôle.
Et du coup, quelque chose qu'on voit aujourd'hui
il y a faiblis les universités.
Et puis vous avez vu, ce qui me frappe aujourd'hui,
c'est souvent la défaite de la raison.
Il peut y avoir des débats historiques,
des débats d'interprétation,
mais certains éléments, historiens de gauche ou de droite,
ce n'est pas le problème.
Or, les réseaux sociaux...
Même les éléments factuels sont mis en cause.
Ils sont mis en cause, c'est qu'un récit parmi d'autres.
Je pense qu'aujourd'hui,
entre l'affaiblissement des grands récits,
il y a cette mise en cause de la notion de vérité.
Et là, je finis juste...
Allez-y, pardon.
Voilà, c'est tout à fait...
On se voit.
Donc, en fait,
cet affaiblissement des grands récits,
il est lié, finalement, dans le fond à l'idée de dire
la vérité, elle nous est imposée.
Donc du coup, c'est-à-dire que les universitaires,
les historiens qui, quand même,
encore une fois, peu apportent leur obédience politique,
essayent de défendre une conception de la raison.
La vérité, parce qu'on a travaillé selon la raison,
on peut se tromper, bien sûr,
mais en tous les cas, on a un protocole de recherche,
une méthode, et on va faire gouverner notre raison.
Or, si vous, il n'y a plus le gouvernement de la raison,
dans le fond, les historiens n'ont pas une voie supérieure aux autres
en parlant d'histoire.
Si tout se vaut, si la raison n'est pas gouvernante,
dans le fond, tout est permis.
Et donc, il y a aussi ce nouveau contexte,
je dirais, cet affaiblissement même de la notion de vérité,
qui affaiblit l'historien face au pouvoir
et face à la circulation des récits.
La vérité factuelle, comme une opinion,
les journalistes aussi, le domaine de la presse
connaît et qui
attaque
cette notion de vérité factuelle,
pierce allemand,
les réseaux sociaux,
l'écosystème médiatique
avec peut-être des chaînes tout infos
qui favorisent la polarisation,
tout ça,
ce sont des vecteurs
d'un affaiblissement
de la vérité historique.
Alors, en tout cas,
ça pose certains problèmes.
Notamment, quant à la polarisation,
c'est le temps de l'histoire,
le temps de la recherche, en tout cas,
n'est pas celui du temps des polémiques.
On demande à des chercheurs, des chercheuses,
de s'insérer dans des polémiques très présentistes,
sur des temps très courts,
alors que leurs domaines de recherche
sont parfois très éloignés.
Par ailleurs, pour revenir
sur l'usage de ces réseaux sociaux,
ce qui se passait avec les réseaux sociaux,
ce qui était bien observé par certains collègues,
c'est la densification d'organisations
qui existaient depuis longtemps,
depuis les années 70, 80,
mais qui aujourd'hui, de façon très facile,
peuvent partager du contenu,
peuvent se rencontrer là où elle ne pouvait pas.
On a le rôle des blogueurs, des influenceurs,
maintenant, d'extrême droite.
On se lit, on se traduit, on se diffuse.
Et tout ça, ça donne un aspect sérieux.
Il y a quelque chose qui fonctionne
de manière à peu près cohérente d'extérieurs
qu'on connaît pas.
En tout cas, ça fait système.
Une grande relativisation
pour des personnes qui ne seraient pas forcément inverties
par rapport à certains sujets
et qui n'auraient pas le temps ou pas l'envie
de lire des recherches des parfois un peu plus compliquées,
même si, moi, je suis assez rassuré,
les gens veulent du contenu historique et sérieux.
Juste avant de conclure,
Nicole Afonstadt, je voudrais savoir
si Emmanuel Macron
utilise l'histoire à bon escient,
on voit que, par exemple,
sur la guerre d'Algérie,
il a ouvert des dossiers que ses prédécesseurs
n'étaient pas osés ouvrir
et puis ils utilisent aussi beaucoup
les commémorations rapidement.
Oui, je dirais en amont, il est un peu comme pour le reste,
c'est-à-dire qu'il n'y a pas une grosse consistance idéologique
derrière, c'est toujours dû en même temps.
Alors je m'explique.
Vous n'arrivez pas à définir le Macronisme à vous non plus.
Non plus.
C'est-à-dire que c'est intéressant,
parce qu'on voit manifestement, peut-être que c'est lié aussi
à la volonté de séduire un électorat d'extrême droite
qui est très puissant en France,
on l'a vu quand même dans les dernières élections,
donc il y a un côté Macron, les grands hommes,
Jeanne d'Arc, Napoléon,
où finalement, on se dit, c'est très régressif,
c'est-à-dire qu'ils retournent.
Et en même temps, il fait des choses extrêmement progressistes,
en reconnaissant les crimes de l'armée
pendant la guerre d'Algérie,
en les mettant le cas le plus célèbre,
étant Maurice Audin, ce mathématicien assassiné
par l'armée, tout le monde le savait,
mais il fallait que le pouvoir le dise.
Donc il a des actes à la fois très courageux et en rupture
et en même temps, il revient,
parfois, sur le roman.
Je ne fais pas une politique de mémoire.
Merci Nicolas Fenstead, merci Pierre Salomon.
On retrouvera la référence
de vos ouvrages
sur le site, sur la page
de l'émission, sur le site de France Inter.
C'est la fin de cette émission,
en direct et en public depuis
l'auditorium Samuel Patti de Blois,
dans le cadre des Rendez-vous de l'Histoire.
Merci à Franco-Livard,
notre recherchiste d'archives sonores.
C'est lui qui aime bien s'appeler recherchiste,
un joli mot, et à Christophe Inbert,
cette émission en cas de politique
a été réalisée aujourd'hui
par Maria Pascal, la technique Julien Dumont
à Paris, et ici à Blois, Julien,
Girard, Eric Audra et Martin Guénard.
La semaine prochaine, c'est un peu
la suite de notre thème d'aujourd'hui,
puisqu'il sera question du Gramchisme
et du concept d'hégémonie culturelle
qui redevient à la mode, notamment
l'extrême droite.
Et oui, l'extrême droite kiffe
le philosophe marxiste Gramchie
à samedi prochain, donc,
et d'ici là, n'oubliez pas,
si vous ne vous intéressez pas
la politique, c'est la politique
qui s'intéressera à vous.
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durée :00:42:03 - En quête de politique - par : Thomas Legrand - Thomas Legrand et ses invités examinent à l'occasion de ces 26ème Rendez-Vous de l’Histoire de Blois la façon dont s'élaborent et s'expriment les différents gouvernements ou dirigeants de partis politiques qui falsifient l'Histoire pour servir leurs aspirations à gouverner.