La source: Le populisme 3/4 : Le populisme : de droite, de gauche ou les deux ?

Radio France Radio France 9/1/23 - Episode Page - 50m - PDF Transcript

France Inter.

Citoyens et citoyennes.

Camarades.

Comfagno.

Travailleuses.

Travailleurs.

Française.

Français.

Suivez-moi en quête de politique pour compléter notre collection de ismes et tenter de mieux comprendre les idées et les mots de la politique.

Leurs significations et leurs histoires.

Enquête de politique.

Thomas Legrand sur France Inter.

Populisme troisième épisode.

Le populisme est-il de droite, forcément, de gauche, possiblement ou ailleurs ?

On pense parfois que les parasites, ce sont les mendiant dans les rues ou les prostitués sur les trottoirs.

Et bien non, ce qu'il faut vraiment dégager, ce sont nos parlementaires.

Je suis un gaulois et, comme les gaulois, je ne crains rien d'autre que le ciel ne me tombe sur la tête.

Je suis candidat pour parler du quotidien des Français, pas pour être le représentant d'une petite élite pour qui tout va bien.

Le peuple a-t-il toujours raison ? Si c'est pas lui, qui a toujours raison ?

Le vrai mot fourre-tout, c'est élite. Qui est une élite ?

On n'a pas besoin d'un grand représentant qui parle à un peuple muet.

Non, le peuple n'est pas muet et il n'a pas besoin de tribun.

Qui est le peuple ? Qui est l'élite ?

Puisque dans les définitions du populisme, on l'a vu, ce qui compte, c'est le rapport élite-peuple.

Il s'agit de savoir ce que l'on entend par peuple et par élite afin de déterminer si telle ou telle proposition

d'accès de populisme emprunte à la gauche ou à la droite.

A moins que justement, le populisme naisse et prospère du refus de ce clivage

qui structure encore nos débats malgré ses imperfections et ses incessantes redéfinitions.

Le populisme est-il une forme outrée de la gauche ou de la droite,

une proposition qui vient quand l'on constate la désaffiliation du peuple d'une gauche

et d'une droite qui, au pouvoir, ne se différencie plus noyée dans le libéralisme triomphant ?

Le populisme est-il une réponse veine à l'impuissance de ces deux camps ressentis comme tel en tout cas ?

Depuis le début de cette série et de quatre épisodes sur le populisme, nous en sommes au troisième,

j'ai bien conscience que nous posons plus de questions que nous avec nos invités offrons de réponses limpides.

Et vous allez voir que sur le sujet d'aujourd'hui, les historiens, les philosophes, les sociologues que nous allons entendre

vont livrer des analyses divergentes. C'est ce qui est intéressant et qui permet de ne pas fermer la réflexion.

On va dire ça comme ça, ce sont les charmes de la politique et de la démocratie.

Ouvrez vos écoutilles, ouvrez vos chacras politiques.

Le populisme de droite ou de gauche, écoutons la vie de l'historienne, perine Simon Naou.

On peut les qualifier de droite ou de gauche.

Si tous deux mobilisent une politique, ce qu'on pourrait appeler une politique des affectes,

ils ont des ressorts idéologiques et historiques différents.

C'est-à-dire que le populisme de droite a une histoire qui remonte à la fin du XIXe siècle en France

et établit des frontières qui sont des frontières très tranchées

entre le national et ce qui n'en relève pas, utilise une idéologie raciste.

Alors que pour le populisme de gauche, c'est quelque chose de beaucoup plus compliqué,

même si le boulangisme, on sait que le boulangisme est à la fois de droite et de gauche,

ce mouvement de la fin du XIXe siècle, il y avait des communards et des blancistes qui étaient boulangistes.

Mais le populisme de gauche, lui maintenant doit en quelque sorte combattre tout ce qu'il appelle les hegemonies.

Et on retrouve ça chez des théoriciens comme Chantal Mouff ou Ernesto Laclos,

qui est le théoricien du mouvement espagnol Podemos,

à savoir qu'il construit des chaînes d'équivalence de manière à montrer

que chaque fois qu'on est laissé pour compte dans tel ou tel domaine, ce sont des choses qui s'additionnent.

Et du coup, si vous voulez, le populisme de gauche, illustré aussi en France par Jean-Luc Mélenchon,

me paraît d'une certaine façon encore plus dangereux que le populisme de droite

dans la mesure où on ne sait pas où va passer la frontière.

C'est-à-dire que ceux qui sont exclus les eux, comme vous disiez, pour constituer ce bloc des nous,

deviennent finalement une masse de plus en plus importante.

Et dans le mouvement révolutionnaire que vise le populisme de gauche, évidemment cette masse doit être éradiquée.

Olivier Da, vous êtes un spécialiste de la droite, des conservateurs, des réactionnaires, vous avez consacré des tas de livres à ce sujet.

Est-ce qu'il y a un populisme de gauche ?

Oui, je pense, et d'ailleurs incarné par Jean-Luc Mélenchon.

Alors un populisme de gauche qui a sa propre histoire, mais qui n'est pas seulement non plus une histoire française,

puisque Jean-Luc Mélenchon, disons, pour faire simple, a beaucoup puisé chez un personnage qui s'appelle Laclos.

Ernesto Laclos et sa femme Chantal Mouff, deux chercheurs sur la question.

Deux chercheurs, oui, même si Chantal Mouff refuse de donner une définition, mais Ernesto Laclos surtout argentin.

Ce qui est intéressant d'ailleurs, c'est que ce peuple, tel qu'il est défini dans cette approche,

est un peuple qui est au fond censé se construire.

On le construit, on le construit par la lutte, on le construit par des combats, etc.

Alors que si on reprend le peuple dans la version d'un Jean-Marie Le Pen, le peuple il est donné. C'est un héritage.

Alors avec, effectivement, dans ce populisme entre guillemets de gauche, un problème qui se pose

et qui est la question de finalement savoir qui incarne ce peuple.

Et là, dans d'autres exemples étrangers ou dans des travaux qui existent sur ce populisme de gauche,

comme ce taragonie, fédéricultaragonie, etc., on explique que ce populisme de gauche, au fond,

ne serait pas incarné justement par un leader, mais par toute une série.

Oui, et là, Jean-Luc Mélenchon est au coeur de cette contradiction,

puisqu'il se présente quand même comme le leader un peu charismatique qui veut se faire élire président,

justement pour supprimer la fonction de président de la République

et l'idée qu'un homme providentiel puisse exister.

C'est un petit peu le nœud de la contradiction mélanchéonienne.

Est-ce que, tel qu'on discute du populisme, en ce moment,

on a l'impression que finalement, ce sont des moments populistes.

Il n'y a pas une idéologie populiste ?

Non, il n'y a pas d'idéologie populiste au structurer.

Et d'ailleurs, ce n'est pas un grand livre du populisme.

Le populisme est à la mode parce que c'est aussi le moyen qu'on trouvait ses adversaires de les anatomiser.

Mais quand on regarde, et c'est ce qu'on a quand même regardé assez près dans le dictionnaire,

bon, on a quand même des situations très très différentes.

Et je pense que c'est ce qui permet aussi de comprendre l'échec de ces mouvements populistes

à se fédérer à l'échelle européenne.

Olivier d'Art, comme Perrine Simon-Naoune,

pense qu'il y a donc un populisme de droite et un populisme de gauche.

Et ce n'est pas le cas de tous les chercheurs.

Vous le verrez.

Mais pour l'instant, je vous propose d'écouter une interview

que j'avais réalisée de Chantal Mouff.

C'était en 2018 pour l'émission à l'Aussard, sur France Inter.

Chantal Mouff est une philosophe belge qui revendique ses rares

le populisme et le théorisme, le populisme de gauche.

Chantal Mouff a travaillé avec le penseur argentin Ernesto Laclau.

Ce sont des post-Marxistes.

Et Jean-Luc Mélenchon s'est inspiré de leurs travaux.

Et vous comprendrez, en écoutant Chantal Mouff,

ce que le leader de la France Insoumise a retenu,

notamment avec l'idée de la nécessaire conflictualité, par exemple.

Chantal Mouff a écrit pour un populisme de gauche

et la révolution démocratique verte, ses deux livres, chez Albert Michel.

...

Bonjour, Chantal Mouff.

Bonjour.

Alors, nous sommes très heureux de vous avoir avec nous,

parce qu'on peut vous présenter, comme la théoricienne,

justement, du populisme de gauche.

Vous êtes philosophe belge, vous enseignez à l'université de Westminster,

et vous avez publié en 2018 une sorte de manifeste,

titrée pour un populisme de gauche, c'est chez Albert Michel.

Populisme de gauche, c'est la notion qui a structuré l'intuition

qu'avait eu Jean-Luc Mélenchon à la fin des années 2000.

Jean-Luc Mélenchon, vous allu, Chantal Mouff,

vous vous êtes rencontré à plusieurs reprises.

Depuis l'expérience toniblaire et la conversion des sociodémocrates au libéralisme,

le clivage gauche-droite, c'était dilué

dans ce que vous appeliez l'illusion du consensus

pour bien comprendre votre pensée, Chantal Mouff,

qu'est-ce que l'illusion du consensus ?

Mon argument principal, c'est de dire

l'objectif de la démocratie,

ce n'est pas d'établir un consensus absolument complet, inclusif,

parce que c'est nier la dimension du politique.

Quand on pense qu'est-ce que c'est le politique, en fait, il y a deux positions.

Il y a la position complète, la position associative,

c'est-à-dire le politique, c'est l'espace de l'agir en commun, de la liberté,

et l'objectif, c'est d'établir justement un consensus.

C'est la conception qui domine en fait.

C'est la démocratie libérale ?

Oui, oui, oui, c'est la démocratie libérale.

Depuis Tocqueville ?

Oui, oui, oui.

Il y a une autre conception qu'on appelle la conception dissociative,

c'est-à-dire ça, c'est la conception qui dit que

non, s'il y a du politique, c'est parce qu'il y a du conflit.

Et c'est un conflit qui est inéradicable.

Il n'y a pas moyen.

C'est pas pour régler les conflits.

Il faut partir du fait que,

vu qu'il y aura toujours des conflits,

parce qu'essayer d'arriver à un consensus

qui soit complètement inclusif,

donc l'illusion du consensus,

ça veut dire qu'on pourrait avoir une société

dont l'élément politique a été éradiqué.

Parce que si on dit le politique savoir avec le conflit,

et un conflit qu'on ne peut pas dépasser de manière dialectique.

Parce que, par exemple, dans le marxisme,

on trouve aussi cette idée qu'il y a du conflit,

mais c'est un conflit qui est uniquement en pensée en termes de classe.

Et donc on peut imaginer une société au communiste

où il n'y aura plus de classe, donc plus de conflit,

mais ça veut dire qu'il n'y aura plus de politique non plus.

On ne dit pas le conflit de classe,

mais on dit qu'il n'y a pas uniquement des antagonismes de classe.

Voilà, vous voulez le dépasser.

Le dépasser, ça veut dire qu'il n'y a pas que ça.

Il y a d'autres conflits, par exemple.

Il y a des antagonismes au niveau d'autres rapports sociaux.

Le féminisme, par exemple.

Exactement.

Voilà, c'est une chorale très joyeuse avec des femmes de tous âges.

C'est une grève générale des femmes en Espagne.

Pourquoi vous avez choisi cette chanson Chantal Mouff ?

Mes travaux, en fait, depuis le début de l'hygémonie

et stratégie socialiste qu'on a écrite,

qu'elle est sur la clôte.

En fait, nous avons insisté,

sur l'importance, pour un projet de gauche,

d'articuler les demandes de la classe ouvrière

avec les demandes qu'on appelle les nouveaux moments sociaux.

C'est un projet de gauche,

d'articuler les demandes de la classe ouvrière

avec les demandes qu'on appelle les nouveaux moments sociaux.

Le féminisme et le projet d'émancipation de la société

doivent inclure.

On ne peut pas se baser uniquement sur les demandes de la classe ouvrière.

Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas en tenir compte.

On n'oppose souvent les deux.

Est-ce que vous incluez là-dedans le féminisme ?

Est-ce que vous incluez, par exemple,

la lutte pour la reconnaissance des droits LGBT ?

Oui, absolument.

Alors justement, souvent on dit, bon alors,

il y a la gauche sociétale qui s'oppose à la gauche sociale.

En France, il y a ce combat,

et à l'intérieur, d'ailleurs, aussi, de la France insoumise.

C'est un peu compliqué.

Est-ce qu'on peut vraiment allier

cette convergence des luttes sociétales et sociales ?

Écoutez, là-bas, je n'aime pas trop le terme de convergence des luttes,

parce que je crois que les luttes, justement,

le problème, c'est qu'elles ne convergent pas naturellement.

Mais il faut créer une espèce de synergie,

il faut créer une solidarité entre ces luttes.

Le projet du populisme de gauche,

tel que l'on le définit, c'est précisément ça.

C'est l'articulation entre les demandes

plus hauts économiques de la classe ouvrière

et les demandes de nouveaux moments sociaux.

Par exemple, François Ruffin, lorsqu'il disait,

c'était impliqué dans les vies,

les jaunes, a dit, il a su tout à coup avec lui,

ce qu'il faudrait faire, c'est mettre ensemble

la nuit debout et les gilets jaunes.

Alors là, on a vraiment nuit debout,

c'était beaucoup plus toutes les questions sociétales

et les gilets jaunes.

Mais qu'on venait que c'est assez théorique.

Et en tout cas, en France, je ne parle pas pour le jeu de pays,

parce que justement, cette grève en Espagne,

des femmes en mars 2018,

c'était très populaire et très féministe.

Là, effectivement, il y avait cette alliance,

et d'ailleurs, ça continue.

Mais en France, c'est compliqué de régner ces gilets jaunes.

Je sais, c'est très compliqué,

mais je crois que c'est absolument central,

parce que je ne pense pas qu'on puisse penser.

C'est-à-dire, si on veut penser un projet

que j'appelle radicalisation la démocratie,

et lutter pour que les idées au démocratique

s'appliquent dans une multiplicité de rapports sociaux,

on ne peut pas uniquement s'intéresser

aux demandes de la classe ouvrière ou des classes populaires,

ou les demandes sociétales.

Il faut vraiment pouvoir articuler les deux.

Ce que vous appelez le moment populiste,

est-ce que vous dites qu'aujourd'hui,

on est dans un moment populiste.

Alors, nous, quand on pense à un moment populiste,

on pense plutôt à la droite.

Mais ce que vous appelez le moment populiste de gauche,

c'est cette alliance entre les luttes sociétales

et les luttes sociales.

Oui, je crois qu'aujourd'hui,

dans la conjoncture actuelle,

nous nous trouvons face à une crise

de légémonie néolibérale.

Qu'est-ce que ça veut dire ?

Ça veut dire qu'il y a une série de demandes

qui mettent en question la post-démocratie

qui a été la conséquence

de 30 années de néolibéralisme.

Alors cette post-démocratie,

elle a deux aspects.

Il y a d'un côté l'idée qui a plus de différence

fondamentale entre droite et gauche,

qu'on peut établir un consensus au centre.

C'est l'idée de Blair.

La troisième voie.

Et l'idée de Macron maintenant aujourd'hui ?

Macron, le stade suprême de la post politique.

Il faut voir que cette post politique,

elle vient du fait que

les partis sociodémocrates

ont accepté l'idée qu'il n'y a pas d'alternatives

à la globalisation néolibérale.

Que finalement, quand

les citoyens vont voter,

ils n'ont pas de véritable choix.

Parce que si le centre-droit et le centre-gauche

croient qu'il n'y a pas d'alternatives,

et qu'en fait, un parti social-démocrate,

la seule chose qui peut faire c'est

gérer de façon un petit peu plus

humaine, disons, la globalisation

néolibérale un peu plus de redistribution,

il n'y a pas de choix. C'est ça que j'appelle la post politique.

Donc, l'illusion du consensus,

parce qu'on nous présentait ça comme étant

quelque chose de très positif,

quelque chose qui était un progrès

pour la démocratie. Et comme ça bute sur la réalité,

une réalité sociale, nous entrons

dans un moment populiste. Alors,

il y a un autre élément du moment populiste

qui vient au fait de ce que j'appelle le phénomène

d'oligarchisation de la société.

Avec le développement du néolibéralisme,

on a eu la création

d'un gouffre de plus en plus grand

entre un petit groupe

de gens qui deviennent plus en plus riches

la majorité de la population,

les classes populaires, mais aussi, par exemple,

on a un phénomène de

paupérisation de la classe moyenne,

de précarisation de la classe moyenne, c'est-à-dire

une explosion exponentielle

d'inégalité. C'est ça que j'appelle

l'oligarchisation. Alors, ça,

maintenant, c'est entré en crise, parce que

nous voyons une série de

résistances contre

cette post-démocratie. Les gilets jaunes

sont l'exemple. Les gilets jaunes, c'est

exactement ça. Parce qu'en fait,

quand vous regardez le demand des gilets jaunes,

il y en a qui vont avoir plutôt justement

avec la question des inégalités.

Et l'autre, avec la question

le référendum des citoyens,

on veut avoir une voix. On veut que nous écoutes.

Attention, je ne dirais pas que le mouvement

des gilets jaunes est un mouvement populiste.

Mais je crois qu'il y a en France

une situation populiste. Dans la mesure où

il y a une série de demandes sociales

qui ne parviennent pas à être canalisés

à travers des partis. Alors, on va y venir.

Et puisque vous parliez de François Ruffin,

vous pouvez écouter ça.

Ma compte d'émission, c'est le mot d'ordre

entonné partout. Ma compte d'émission,

c'est proclamé en cœur sur tous les ronds-points.

Ma compte d'émission, c'est inscrit au feutre

sur des milliers de gilets. Ma compte d'émission,

c'est réclamé par des pétitions.

Cette exigence de notre peuple,

c'est mon mandat, c'est ma mission.

Je viens la relayer ici devant l'Elysée.

Nous sommes toujours avec la philosophe

théoricienne du populisme de gauche,

Chantal Mouff.

Alors, c'est intéressant parce que François Ruffin,

député de la France Insoumise,

a été devant l'Elysée. C'était en plein cœur

de la crise des gilets jaunes.

Et il a fait ce texte

où il explique, comme vous venez de l'entendre,

qu'il veut relayer

la colère du peuple. Vous disiez tout à

l'heure que le mouvement des gilets jaunes

n'est pas vraiment

un mouvement populiste. Ne s'inscrit pas

dans votre théorie.

Ce n'est pas un mouvement populiste.

C'est un symptôme d'une situation populiste.

Parce que pour moi, un mouvement populiste,

c'est un mouvement qui a une structuration.

Les gilets jaunes

n'acceptent aucune forme

de structuration.

Ils n'acceptent pas d'issues politiques

dans l'impression ? Exactement. Ils ne veulent pas.

Pour moi, c'est un mouvement que je m'appellerais

peut-être proto-populiste. Parce qu'un mouvement populiste,

nécessairement, ça ne peut pas être

uniquement ce qu'on pourrait appeler la dimension

horizontale. Il faut une dimension

verticale. Pour moi, ça, c'est absolument

fondamental dans ma conception du peuple

des gilets jaunes. Pourquoi la France insoumise

qui s'intéresse à vos travaux,

Jean-Luc Mélenchon a eu cette intuition

de populisme de gauche ?

Pourquoi la France insoumise, selon vous,

n'a pas réussi à devenir

la traduction

politique ? Ça, c'est la grande question.

Mais je crois que ça a

à voir avec la situation aujourd'hui en France

le fait que ce mouvement

des gilets jaunes a une aversion

pour étendir total envers ce qu'ils voient

comme étant la politique traditionnelle.

Donc, la gauche incluse.

Le mot gauche pour les gilets jaunes

ne veut rien dire de particulier.

C'est pas un mouvement qui a été récupéré

par le rassemblement national non plus.

Ils refusaient d'avoir un débauché politique.

Non, mais à l'issue de ce mouvement,

le rassemblement national a fait un meilleur score

dans ce contexte-là que la France

insoumise qui a beaucoup baissé

dans ce contexte-là.

Honnêtement, c'est quelque chose que je ne comprends pas

mais on regarde qu'elles étaient

la plus papa tout à l'heure.

Des revendications des gilets jaunes,

on les trouve dans le programme

l'avenir en commun de la France insoumise.

Notamment sur la démocratie directe.

Oui, il aurait dû y avoir la convergence.

Je ne pense pas que ça soit la faute

de la France insoumise.

C'est simplement le résultat

si vous voulez. De plusieurs années

ici en France,

les gens vous parliez

des affidations populaires.

Mais c'est ça exactement.

Et je crois par exemple que les indignés

en Espagne, Occupy Wall Street,

ces mouvements,

dans la mesure où ils refusent

aussi tout déboucher politique,

à un moment donné,

ils perdent de leur puissance

et ils n'ont pas un véritable impact.

C'est ce qui s'est passé avec Occupy Wall Street,

c'est ce qui s'est passé avec l'indignado.

Vous dites proto, est-ce que c'est une étape

et dans un deuxième temps,

ils vont peut-être intégrer les appareils politiques.

C'est une possibilité,

mais ce n'est pas du tout la solution possible,

parce qu'il est aussi très possible

que le mouvement des Gilets jaunes

finalement, après un certain temps,

disparaisse

en tant que mobilisation importante.

Alors ça va avoir,

ça a déjà eu des conséquences importantes,

je veux dire, mais

parce qu'en fait, Occupy Wall Street

ou les indignés, alors ce qui est intéressant

dans le cas des indignés, par exemple,

ça nous ramène la question

de la gauche, c'est qu'il y avait

aussi une situation

populiste, dans la mesure où

ces indignés, c'était

aussi intéressant de voir, ils ne se réclamaient pas

du tout de la gauche. En les indignés,

ils voulaient la démocratie réelle,

la démocratie réelle maintenant.

Le problème, c'est que comme ils ne voulaient

avoir aucun rapport avec des partis

syndicaniens, ça a perdu

si vous voulez.

C'est noyé dans le sable, voilà.

Et lorsqu'il y a eu des élections

législatives en Espagne, c'est

le parti populaire

qui a gagné avec majorité absolue

à droite. Et à ce moment-là,

c'est à ce moment-là qu'il y en ait

Podemos, parce qu'il y a tout un groupe

de jeunes politologues

de l'université Complutense

qui se sont dit non mais on ne peut pas les...

Il faut structurer et il faut faire de l'améritage.

On ne peut pas laisser ça comme ça.

Et à ce moment-là, ils ont créé Podemos

et Podemos, alors

j'ai fait un livre avec Inigo

de Régonde qui était à ce moment-là

le numéro 2 de Podemos

où il dit très clairement

nous ne sommes pas le parti des Indignés

mais nous n'aurions pas pu

exister et naître s'ils n'avaient pas eu

les Indignés, vous voyez ?

j'arrive à te cacher marrage

je veux t'épargner

mes nonfrages

si tu savais la haine

qui coule dans mes veines

tu aurais peur

si tu savais la chienne

que je cache à l'intérieur

tu aurais peur

si tu savais la haine

qui coule dans mes veines

tu aurais peur

si tu savais la chienne

que je cache à l'intérieur

tu parles de ma résilience

mais tu ignores combien je pense

que la colère et l'arrogance

ne soignent autant que le silence

toi qui crois que je maîtrise

ma vie je l'en déréalise

et quand la peur me paralyse

je chante et j'éloigne la crise

si tu savais la haine

qui coule dans mes veines

tu aurais peur

si tu savais la chienne

que je cache à l'intérieur

tu aurais peur

si tu savais la haine

qui coule dans mes veines

tu aurais peur

si tu savais la chienne

que je cache à l'intérieur

Si tu savais l'aine qui coule dans mes veines, tu aurais peur, tu aurais peur.

Si tu savais la chienne que je cache à l'intérieur, tu se l'attendrais, c'est mon guide,

mais elle opère en terrorite, ceux qui m'aiment le cœur solide, et l'amour des choses condites.

Si la mesure nous fatigue à se sauver, on est rapide, nos chevaux ont les débris, et on s'élance dans le vide.

Si tu savais l'aine qui coule dans mes veines, tu aurais peur, tu aurais peur.

C'est la chanteuse clarisée, douce sur France Inter.

En quête de politique 3ème épisode de la série sur le populisme,

déjà entièrement disponible en podcast et réalisé et mis en onde par Christophe Inbert,

Archive sonore Franco Livar, programmation musicale Thierry Dupin,

et à la technique, aujourd'hui, Alexandre Chéné, vous pouvez nous écrire un message, vos commentaires,

ou vos idées de hystme à traiter durant cette saison.

On les lit avec plaisir et ça nous inspire, n'hésitez pas.

Chantal Mouff est avec nous, philosophe théoricienne du populisme de gauche.

Alors il faut qu'on parle du mot populisme, parce qu'en France, le populisme,

pour nous, c'est un peu l'autoritarisme, ça nous rappelle à la fin du 19e siècle

l'aventure boulanger, ou le pougadisme, ou le pénisme version Jean-Marie,

et puis il y a eu cette définition de Pierre-André Taguiève.

Le populisme, c'est la relation directe entre un homme, un homme providentiel

et le peuple sans passer par les corps intermédiaires.

C'est tout à fait autre chose dans votre esprit.

Le populisme peut être de gauche, c'est pas un oxymor.

Pour moi, le populisme, ce n'est pas une idéologie, ce n'est pas un régime,

ce n'est pas de contenu programmatique spécifique.

C'est une stratégie de construction de la frontière politique.

Alors c'est pour ça qu'au début de notre conversation,

je faisais référence à la conception dissociative,

dans la mesure où on accepte que la politique s'avore avec le conflit.

Il y a quelque chose que je veux introduire,

parce qu'on en discute beaucoup en France,

la politique c'est toujours partisan et c'est toujours la création d'un nous par rapport à eux.

Ça c'est fondamental, c'est ça la politique, c'est partisan.

Il faut trouver une ligne de fracture entre le nous et le eux.

Oui, justement, cette ligne de fracture, c'est ce que j'appelle une frontière politique,

elle peut être construite de façon différente.

Par exemple, le marxisme construit une frontière politique,

mais entre le capital et le travail.

La façon populiste de construire la frontière politique,

c'est différent, c'est de construire sur la base ce d'en bas et ce d'en haut.

Et ce qui est important ici, et alors ça,

ça a à voir avec la possibilité d'un peuple imme de droite et d'un peuple imme de gauche,

c'est que cette distinction entre le peuple et le peuple,

ce n'est pas un référent pyrique, c'est une construction politique.

Nous sommes le cri du peuple.

Discours de Jean-Luc Mélenchon pendant la présidentielle de 2012, Place de la Bastille, apparaît.

Des ouvrières et des ouvriers précarisés, méprisés, humiliés, abandonnés.

Nous sommes le cri du peuple, celui de la femme qui met au monde un enfant dans un camp de rétention.

Nous sommes le cri du peuple, celui de l'enfant qui n'a pas de toi

et qui n'a pas d'instituteur quand il va à l'école.

Je vous appelle à commencer ce printemps des peuples.

La façon du peuple imme de droite, c'est une faire référence au peuple

qu'on construit de façon ethnonationnaliste, pour étendir un.

Mais la façon du peuple imme de gauche, c'est construire.

Alors on parlait avant d'articulation de différentes luttes.

Par exemple, c'est ça, le femmé de thème de Tienne d'équivalence.

La chaîne d'équivalence, c'est articuler toute une série de demandes démocratiques.

Donc l'aidement de la classe ouvrière, l'aidement de la classe moyenne précarisée,

l'aidement du féminisme.

Le peuple du populisme de gauche, écoutez, un peuple, en fait, c'est une volonté collective.

C'est un nous, ça implique la définition d'un E.

Et le E, écoutez, par exemple, le E, pour le peuple imme de droite, ce sont les émigrés.

Tandis que, par exemple, pour le populisme de gauche, le E, c'est le capitalisme financier.

C'est ce qui est au centre de l'hégémonie néolibérale.

C'est-à-dire, ce sont les fonds de pension, les êtres fonds, tout ça.

C'est ça.

Voilà, c'était Chantal Mouff enregistré en 2018 pour l'émission à l'Aussarde.

Vous venez d'entendre la théoricienne du populisme de gauche, Chantal Mouff.

Alors, je ne sais pas si elle vous a convaincu, mais voici maintenant l'historien Pascal Oury,

grand spécialiste de l'histoire contemporaine.

Et écoutez bien, le populisme de gauche, pour lui, c'est une hérésie.

Dans ma définition, il ne peut pas y avoir un populisme de gauche.

Alors, le populisme de gauche, ça a été lancé pour simplifier par des intellectuels marxistes en déroute.

Ernesto Laclau et Chantal Mouff.

Pour citer les principaux.

Mais j'y vois surtout un renoncement à ce qui fait la spécificité du populisme

et qui permettait de faire la distinction entre une gauche radicale.

Moi, je parle de gauche radicale.

Et le populisme, c'est que, dans ma définition, le populisme est une droite radicale

dans un style de gauche radicale.

En particulier, l'appel au peuple, la critique des élites.

La critique des élites, elle est là dès le début, dans tous les mouvements populistes.

Il faut dire qu'il y a une manière d'interpréter la souventé populaire

dans un sens autoritaire, ce que j'appelle le populisme.

Il y a par ailleurs une tradition de la gauche radicale.

Et je répète, chez Boulanger, ce qui est intéressant,

c'est qu'il y a une partie de la gauche radicale qui fait un bout de chemin,

mais l'autre partie de la gauche radicale dit « ah non, quand même ».

Non, quand même pas, aller jusqu'à soutenir ce militaire qui fricote avec les monarchistes.

Donc, il y a toujours une alternative.

Le point commun, bien sûr, c'est la radicalité.

Mais moi, je mets pas toutes les radicalités dans le même sac.

Enquête de politique sur le populisme, y a-t-il un populisme de gauche ?

On continue notre exploration contradictoire

avec le sociologue Gérald Bronner,

l'inventeur du terme « démagogie cognitive ».

S'agissant des ressorts numériques du populisme,

les réseaux sociaux favorisent-ils le populisme ?

Ce sera l'un des thèmes du dernier numéro de cette série d'enquête de politique,

samedi prochain.

On y retrouvera donc plus longuement Gérald Bronner.

Mais déjà, qu'en est-il du populisme de gauche ou de droite

pour ce sociologue auteur de apocalypses cognitifs

au presse universitaire de France ?

Quand il s'agit de populisme donc de démagogie,

le brin l'emporte toujours sur le rouge Gérald Bronner.

La démagogie cognitive d'extrême-droite, Gallop,

quand la démagogie cognitive d'extrême-gauche ne marquera pas en quelque sorte.

Et on le voit par exemple aux États-Unis,

c'est un grand mouvement de retrait des livres,

c'est pas des bibliothèques, etc.

Et ce mouvement s'est développé notamment l'occasion de la pandémie

parce que les mamans ont commencé à regarder les bibliographies

en quelque sorte de leurs enfants.

Et ils sont aperçus qu'il y avait des livres qu'ils ne leur plaisaient pas.

Et il y a un taux de retrait qui devient véritablement hallucinant

aux États-Unis d'année en année.

Donc là on a des chiffres pour mesurer ce mouvement,

sauf que, contrairement à ce qu'on pourrait imaginer,

c'est pas le wokeism en fait qui retire des livres,

il en retire aussi, mais il en retire beaucoup moins

que l'extrême-droite et que les demandes réactionnaires.

Bien, même si les choses commencent d'ailleurs

avec en quelque sorte les demandes woke,

bien, par réaction à ces demandes,

on a tout à coup une partie de l'extrême-droite,

de la pensée réactionnaire, je sais pas comment l'appeler,

qui va demander aussi à retirer des livres.

Donc en quelque sorte, on pourrait dire que

l'extrême-gauche drague et que l'extrême-droite couche.

Belle expression.

Et finalement, ce que vous venez nous expliquer,

c'est un effet de la polarisation.

Parce que la polarisation des débats

conduit à la mécanique que vous venez de décrire,

et la polarisation des débats est accentuée

et mécaniquement promue par les réseaux sociaux.

Oui, tout à fait, et c'est aussi un autre effet

des supers spreaders, des supers users,

c'est-à-dire de l'influence de certaines minorités

et puis de notre passivité.

Vous vous rappelez ce que disait John Swartman,

que le mal n'a pas besoin d'autre chose pour s'imposer

que de l'apathie des gens de bien et de raison.

Et la plupart d'entre nous, on baisse la tête en quelque sorte

face à certaines extravagances

et c'est souvent l'autre forme de radicalité

qui répond à ces extravagances.

En l'occurrence, on va dire le woke-ism et l'extrême-droite.

La plupart d'entre nous, on baisse la tête,

on n'ose rien dire de peur d'être taxés

d'extrême-droite ou d'extrême-gauche

en l'occurrence, de formes de radicalité de part et d'autre.

Et le drame, c'est que certaines propositions démagogiques

qui viennent en particulier de l'extrême-droite

commencent à grignoter l'espace public

parce que ceux qui ne disent rien,

certains d'entre eux, en tout cas,

ont parfois la tentation de se dire

mais dans le fond, le bon sens,

il est défendu ici ou là, n'est-ce pas ?

Donc, c'est encore une confusion,

encore une fois, entre la visibilité

de certains arguments et leur représentativité.

Le bon sens est complexe

et les réseaux sociaux

n'aident pas la complexité ?

Certainement pas. Oui, les réseaux sociaux

aident des interprétations monocosalises,

donc le réel social est souvent multi-factoriel.

Il est rare de trouver une variable

qui explique l'intégralité de la variation d'un phénomène.

Alors là, vous commencez peut-être, j'espère,

à y voir un peu plus clair.

Eh bien, écoutez ce qui suit.

Je suis allé rencontrer Antoine Chollet, historien des idées politiques

à Lausanne, pays de la démocratie directe.

Ce qui intéresse Antoine Chollet, son objet d'étude,

c'est surtout le discours anti-populiste.

Quand on parle des leaders d'extrême droite

qui ont le vent, poupent en ce moment,

dans le monde, bien le terme populiste

est, pour lui, impropre.

Nous voilà bien.

Moi, je n'utilise pas le terme de populisme

pour les qualifier,

qui est une forme de simplification, sans doute,

mais ça c'est le propre aussi de tout discours politique.

Et je ne pense pas que ce soit la caractéristique principale

des mouvements d'extrême droite.

Ce sont des mouvements qui attisent la haine,

qui manquent des partis de la population contre d'autres,

qui désignent des boucs émisseurs,

qui désignent des responsables à la situation,

qui remplacent, comme le dit un de mes collègues,

la question du quoi par la question du qui.

C'est-à-dire qu'il s'agit de désigner des personnes.

Et ça, c'est l'histoire des mouvements d'extrême droite

ou des mouvements fascistes.

Si vous reprenez les textes qui ont été écrits

sur le fascisme italien ou sur le nazisme,

vous trouvez exactement le même type de construction rhétorique,

de transformation du discours, etc.

Donc là, je pense qu'on fait comme s'il y a eu une nouveauté

depuis 30 ans dans les systèmes politiques européens

ou nord-américains, ce qui ne me semble pas être le cas.

Et en assimilant en plus ces partis d'extrême droite

à toute une série d'autres mouvements

qui ne sont pas issus de l'extrême droite,

que ce soit Podemos en Espagne, Syriza en Grèce,

même Jean-Luc Mélenchon en France,

eh bien on mélange véritablement

des choses qui ne doivent pas être mélangées,

qui doivent être tenues clairement séparées

dans le vocabulaire et dans l'analyse politique.

Est-ce que les populistes ou populisme

euphémisent l'extrême droite ?

Complètement, ça c'est quelque chose

que Nico Leval d'avait montré déjà

il y a à peu près 20 ans,

donc il y a une forme de fémisation en disant

attendez, on n'est pas en face de mouvements fascistes,

on est en face de mouvements moins dangereux

qui vont s'effondrer finalement,

ce sera un feu de paille comme le Poujadisme

dans les années 50, comme le Boulangisme

au XIXe siècle, donc ne nous inquiétons pas trop.

Et d'ailleurs, les succès absolument stupéfiants

du discours anti-populistes

cultés contre l'extrême droite,

c'est à dire je le dis de manière totalement ironique,

puisque toute une série de leaders d'extrême droite

se sont retrouvés au pouvoir,

montrent en réalité que cette stratégie n'est pas la bonne.

Autre son cloche, démonstration à l'appui

avec Martial Foucault, professeur de science politique

au sévi-pof et coauteur

des origines du populisme,

au seuil avec Yann Algan,

Elisabeth Besslet et l'économiste Daniel Cohen.

Ils se sont posés la même question

que nous aujourd'hui, le populisme,

gauche, droite, les deux, aucun des deux.

Pour répondre à cette question,

les auteurs se sont intéressés

à un indice assez convaincant

le niveau de confiance des citoyens

les uns vers les autres.

On a eu beaucoup de difficultés de longs débats

pour mettre sur un pied d'égalité

de famille politique,

la gauche radicale

et la droite extrême.

Ce qui nous a immédiatement empêchés

de parler d'un populisme de gauche

et d'un populisme de droite.

Nous, ce que l'on met en évidence,

c'est qu'on aurait tort de simplement

caractériser le populisme par l'opposition

peuple contre les élites.

Pourquoi ? Parce que c'est tout le travail

qu'on a entrepris, c'est de comprendre

de quoi et comment se nourrissent

l'opposition aux élites.

Et là, on a découvert de grandes différences

entre ce qu'on pourrait qualifier

trop rapidement et imparfaitement

un populisme de gauche et un populisme de droite.

Alors c'est vrai que dans l'ouvrage,

on a décidé de prendre

l'expression d'une gauche radicale

et d'une droite populiste.

Pourquoi ? Parce que

en France et partout en Europe,

je dirais que le populisme

de gauche et le populisme de droite

ont en commun

un rejet des institutions.

Et vous avez raison de dire que

oui, il y a une partition qui se joue

et d'opposé. C'est vrai que c'est un peu court

comme définition, parce qu'on peut

être très modéré et constater

que les institutions sont en bout de souffle.

Il faut dire qu'en France, on a quand même

une singularité dans le paysage européen.

La défiance à l'endroit des institutions

est très sévère. On a l'habitude

de dire que dans les pays du Nord, il y a une tradition

presque protestante

et de soutien aux institutions.

Quand on voit

la scène politique se dérouler

en Suède, très récemment,

mais aussi en Finlande,

on observe des niveaux

de confiance dans les institutions

qui s'érodent au fil du temps.

Pour nous, c'est un critère

et c'est un signal de condition

favorable à l'émergence

de mouvements populistes.

Maintenant, il faut distinguer la différence

gauche et droite. Nous, on a essayé

de faire en évidence un phénomène

peu étudié jusqu'alors

qui est de regarder

parmi les citoyens

qu'est-ce qui active chez eux

une opposition au système.

On a tiré ce fil en mettant en évidence

de grands phénomènes.

Pas simplement la confiance que j'appellerai

la confiance politique

vis-à-vis des institutions ou des représentants élus,

mais davantage la confiance

vis-à-vis des autres membres

d'une société. Donc la confiance

sociale ou confiance

interpersonnelle, est-ce que j'ai confiance

dans l'autre ? Et parler

de cela, c'est introduire cette question

de l'altérité. Dans des sociétés

qui se transforment, le rapport

à l'autre, il n'est pas toujours

assuré par des institutions

parfois un petit peu vieillissantes.

Alors là, il faut se référer à votre livre

parce qu'il y a des tableaux très explicites

dont un, à la page 68

qui est particulièrement parlant

où vous avez fait une sorte de taux de confiance

il y a le taux zéro, c'est la moyenne

pour les Français, leur confiance

d'abord dans votre famille, vos voisins

vos connaissances, nouvelles rencontres

confiance

envers les personnes d'une autre région

ou d'une autre nationalité.

Tous ceux qui ont voté

alors on parle du vote de 2017

Mélenchon, Macron

ou Fillon ont un peu plus confiance

que la moyenne nationale. On rappelle que la moyenne nationale

n'est pas très bonne, mais en tout cas

ont un peu plus confiance que la moyenne nationale

dans leur famille, dans leur connaissance

même dans les nouvelles rencontres

sauf les électeurs de Fillon

qui ont un petit peu moins confiance

que la moyenne nationale dans les personnes

d'une autre nationalité

et alors ceux qui ont voté

Marine Le Pen sont dans la défiance

totale, même envers

leur propre famille

et les électeurs de Jean-Luc Mélenchon

ont plus confiance aussi.

Donc là, il y a une vraie différence

fondamentale.

Il y a une vraie différence qui nous a conduit

à ne pas employer le terme

de populisme de gauche.

C'est vraiment ce critère-là

qui est la confiance vis-à-vis des autres.

Les électeurs de Jean-Luc Mélenchon ne sont pas

dans la défiance, ou en tout cas sont moins

dans la défiance que la moyenne nationale

des Français.

Tous les populismes dans le monde

ont un niveau très élevé de défiance

vis-à-vis des institutions.

Donc ça c'est le trait commun.

Il y a un deuxième trait commun, le vote

de nourrie de personnes insatisfaites

de la vie qu'elles mènent.

Et donc, les partis politiques

en place, cette fameuse oligarchie

dont on parlait tout à l'heure, n'a pas permis

de répondre

à leurs demandes sociales et finalement

c'est parti

d'envisager même plus des promesses

d'un lendemain meilleur. Donc ces gens

ne sont pas satisfaits de la vie menée.

Et quand on construit une opposition

élite contre le peuple, être insatisfait

de sa propre vie,

c'est un argument assez

simple à manipuler.

Donc on s'est dit, mais est-ce que dans le monde

et on a beaucoup travaillé

sur une quinzaine de pays européens, on retrouve

ces deux traits. Et oui, effectivement

défiance vis-à-vis des institutions, insatisfaction

de la vie, ça produit

du populisme.

Pour nous, c'était pas totalement satisfaisant

parce qu'on ne voyait des différences dans le vote

dans la sociologie des electorats. Je reprends

votre exemple de 2017 pour Jean-Luc Mélenchon

et Marine Le Pen. Donc on a introduit

une troisième dimension

la confiance vis-à-vis des autres.

On fait une distinction entre ce qu'on appelle

le sociotropisme et l'égotropisme.

L'égotropisme

c'est-à-dire, au fond, votre vote

va dépendre

d'intérêts personnels satisfaits

parce que vous considérez que

ce candidat, ce parti politique

va vous assurer

une satisfaction d'intérêt personnel.

En France, on est davantage

et globalement dans

le corps électoral proche du sociotropisme.

Ce qui compte pour les gens

c'est que la situation dans l'ensemble,

la situation de la société, s'améliore.

Ça c'est important, on est un peu plus politique

et ce qui est positif c'est qu'on considère

que son

égotropisme finalement

s'insère, c'est-à-dire que son bonheur privé

ne peut pas se réaliser s'il n'y a pas collectivement

un progrès ou un bonheur

collectif.

Absolument, c'est exact.

Oui, ce sont des animations, mais c'est pour ça que dans le populisme

il n'y a pas que des éléments négatifs

d'où la

grande difficulté à définir

de façon stable cette notion.

C'est-à-dire que le populisme ne veut pas dire

une surdimension de l'égotropisme

par rapport au sociotropisme. Absolument pas.

Effectivement, il n'y a pas de dimension

d'intérêt personnel, comme on aurait pu le voir

dans l'émergence de partis libéraux

anglo-saxons, où c'était la question

des intérêts personnels, c'est-à-dire

la satisfaction, comme disent parfois

les économistes, la maximisation

de son bonheur, l'emporte

sur toute dimension sociétale.

L'impôt, par exemple, n'est pas

le premier argument du vote Le Pen.

Absolument pas. En revanche,

quand on a intégré cette dimension

personnelle, ça veut pas dire

pour autant que les citoyens

ne peuvent pas ressentir

un sentiment de dégradation

d'une vie personnelle. Et c'est là

où ça devient très intéressant. Ça augure

une séparation entre la gauche radicale

et la droite populiste.

À gauche, pour l'électorat de Jean-Luc Mélenchon,

on peut dépasser cette situation

personnelle par précisément

le rapport à l'autre. Et donc

cette confiance sociale que vous évoquiez

tout à l'heure avec l'ensemble

des acteurs, les voisins, la famille,

les collègues de travail, des gens qu'on

rencontre pour la première fois, dans l'ouvrage

on démontre qu'effectivement

à partir du moment où vous avez

confiance dans les autres, alors

votre perspective politique

peut réenclencher

un rapport à l'État extrêmement

fécond. Alors qu'à droite

quand vous n'avez pas confiance dans les autres

comment peut-on imaginer

qu'un état

redistributif qui met en place des politiques

sociales pour sortir d'une condition

où les gens sont insatisfaits de leur vie personnelle

comment cet électorat peut considérer

que l'État va changer

leur futur. Et donc on a cette rhétorique

que vous évoquiez tout à l'heure

de l'opposition du eux et nous.

Si l'État intervient pour l'électorat de

Marine Le Pen, ce n'est pas pour nous

c'est pour eux. Le eux

étant les gens en qui on n'a pas confiance.

Là il y a une petite contradiction

parce qu'il faudrait peut-être expliquer

parce que par exemple le vote populiste

américain pour Donald Trump

c'est un vote de défiance envers l'État

c'est l'histoire des États-Unis

le petit blanc comme on dit

qui a voté Donald Trump n'aime pas Washington

n'aime pas ceux qui gouvernent

à Washington ni l'institution, n'aime pas l'État fédéral

c'est pas tout à fait la même chose

pour les électeurs de Marine Le Pen

qui veulent un État fort, qui veulent des services

publics puissants, ils ne remettent pas en cause

l'État.

Je ne mettrai pas sur un même plan

l'électeur de Donald Trump en 2016

et l'électorat de Marine Le Pen

en 2017 ou 2022 parce que le rapport

à l'État il est

profondément différent. La nation française

c'est une histoire

imbriquée dans l'État français.

Si on continue sur l'exemple américain

on va retrouver en relance une permanence

entre la France et les États-Unis

c'est que le fameux électeur

blanc du Midwest, le fameux Renneck

n'a pas confiance dans les autres

à partir du moment où on n'a pas confiance

dans les autres on ne peut pas avoir confiance

dans la capacité

d'un ensemble constitué qu'il y a l'État

dans finalement

l'élaboration de politique qui vise

précisément à sortir d'une condition

insatisfaisante. C'est là

le dilemme ou la contradiction

presque ontologique des droits

radicals. C'est

à la fois d'opposer les élites contre le peuple

mais les élites ont

la capacité par l'État

à transformer une société

et ces mêmes responsables politiques

ont un électorat

qui considère que l'État ne peut pas changer

leur sort individuel.

Alors on est armé maintenant

pour aborder le dernier épisode

de notre série sur le populisme

la pente populiste aujourd'hui, le populisme

qui vient, faut-il s'y résoudre

est-il inéluctable ? Soyez au rendez-vous

samedi prochain pour la suite

et la fin de cette série

et si vous êtes impatients il y a toujours

les podcasts, tout est disponible

D'ici là n'oubliez pas

si vous ne vous intéressez pas la politique

c'est la politique qui s'intéressera à vous

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durée :00:49:05 - En quête de politique - par : Thomas Legrand - "En quête de politique" et le populisme mais cette tendance politique qui semble opposer frontalement le peuple aux élites politiques, économiques ou médiatiques est elle plutôt de gauche, de droite ou les deux ? - invités : Perrine SIMON NAHUM, Olivier DARD, Pascal Ory, Gérald Bronner, Antoine Chollet, Martial Foucault, Chantal Mouffe, - Perrine Simon-Nahum : Docteure en histoire, directrice de recherches au CNRS et professeure attachée au département de philosophie de l'Ecole normale supérieure, Olivier Dard : Professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Paris-Sorbonne, spécialiste d'histoire politique du XXème siècle, Pascal Ory : Historien, spécialiste d'histoire culturelle, membre de l'Académie française, Gérald Bronner : Professeur de sociologie à l'Université Paris Diderot - Paris VII, Antoine Chollet : Enseignant-chercheur au Centre Walras Pareto de l'Université de Lausanne et à l'Université de Montpellier., Martial Foucault : Professeur de sciences politiques et directeur du Cevipof, le Centre de recherches politiques de Sciences Po, Chantal Mouffe : Philosophe, philosophe politique , professeure de sciences politiques et de relations internationales à l'Université de Westminster - réalisé par : Christophe IMBERT