La source: Le populisme 1/4 : Populisme, la notion caoutchouc
Radio France 9/1/23 - Episode Page - 49m - PDF Transcript
France Inter.
Citoyens et citoyennes.
Camarades.
Comfagno.
Travailleuses.
Travailleurs.
Française.
Français.
Bienvenue et ravi de vous retrouver pour ce premier épisode de la nouvelle saison d'enquête de politique tous les samedis.
Près journal de 18h et tous les dimanches à 23h et en podcast bien sûr quand vous voulez nous allons encore enrichir notre collection de ismes cette année.
Tanté de mieux comprendre les idées et les mots de la politique, leurs significations et leur histoire.
Enquête de politique.
Thomas Legrand sur France Inter.
Le populisme.
Mais qu'est-ce que ça veut dire le populisme premier épisode ?
On pense parfois que les parasites, ce sont les mendians dans les rues ou les prostitués sur les trottoirs.
Eh bien non, ce qu'il faut vraiment dégager, ce sont nos parlementaires.
Je suis candidat pour parler du quotidien des Français, pas pour être le représentant d'une petite élite pour qui tout va bien.
Je suis un gaulois et comme les gaulois, je ne crains rien d'autre que le ciel ne me tombe sur la tête.
Le peuple a-t-il toujours raison ? Si c'est pas lui, qui a toujours raison ?
Le vrai mot fourre-tout, c'est élite. Qui est une élite ?
On n'a pas besoin d'un grand représentant qui parle à un peuple muet.
Non, le peuple n'est pas muet et il n'a pas besoin de tribun.
Le populisme nous menace de populisme et la plaie de la démocratie.
Les populistes sont au porte du pouvoir.
Le populisme, c'est la démagogie, le culte du chef, la simplification généralisée, l'extrémisme.
Le populisme en réalité, dans le débat public, c'est surtout un anathème, une insulte,
un argument invocable qui recouvre trop de notions bien partagées dans tous les camps.
Ce terme, comme le dit Pierre Reusenvalon, est caoutchouc.
Les historiens et les politologues s'en méfient, peinent à le définir ou s'y refusent,
mais le problème, c'est qu'il est utilisé et surutilisé.
Et quand un terme semble impropre, quand un qualificatif politique,
censé définir une tendance, n'est revendiqué par personne ou presque,
alors il faut se plonger dans l'histoire de ce mot,
revoir l'ensemble des circonstances dans lesquelles il a été utilisé
à travers les temps et sur l'ensemble des continents.
Nous allons donc tenter de faire le tour de la question
et il nous faudra bien pour cela 4 épisodes d'enquête de politique, d'enquête de populisme.
Au départ, la science politique utilisait le terme populiste
pour deux expériences au XIXe siècle, aux États-Unis avec le People's Party
et en Russie avec les Narodniki, deux populismes qui n'ont pas grand chose à voir
avec l'autre si ce n'est peut-être une forme d'agrarisme,
mais surtout qui n'ont rien à voir avec l'acception,
même très vaste, du populisme tel qu'on l'entend aujourd'hui chez nous.
Si à l'issue de cette série d'émissions, je ne pense pas que nous ayons résolu la question
de la définition du mot, au moins nous aurons parlé de la crise démocratique,
de la crise de la représentation qui s'est vit dans nos sociétés.
Pour cette première émission, nous allons nous pencher
sur les expériences qualifiées souvent après coups de populistes
et entendre les définitions des historiens, des politologues
qui sont passés par nos studios ou que nous sommes allés voir
et puisqu'il s'agit de définir un mot,
eh bien on va commencer par un historien qui est aussi académicien,
Pascal Aury, auteur de, entre autres,
« Peuples Souverains » de la Révolution Populaire à la radicalité populiste
chez Gallimard et de ce côté obscur du peuple chez Bouquin.
Alors Pascal Aury, on va essayer de définir le populisme,
ça commence de façon compliquée dans votre livre
parce que vous dites que quiconque prétend analyser le populisme
et confronter à une objection préjudicielle,
celle qui met en avant l'incertitude de l'idéologie en cause.
Le populisme serait une notion floue,
avant de tomber dans le piège de la définition,
attention on y va tout droit,
avant de tomber dans le piège de la définition, dites-vous,
il importe donc de questionner la question
et d'abord de définir le flou.
Alors définissons d'abord Pascal Aury le flou du populisme.
Le flou du populisme, il est typique
de la deuxième moitié du XXe siècle
et du début du XXIe dans lequel nous sommes
parce que désormais la formule devient une formule magique
qu'on peut appliquer à quantité de situations
qui ne ressortissent peut-être pas toujours
à la définition que je propose.
Quand je dis je, c'est par part prétention,
c'est pour m'exposer à la critique.
Je pense qu'on peut définir populisme
à condition de choisir les expériences dont on parle.
La France peut se flatter d'avoir inventé le populisme
dans un autre sens moderne,
comme aussi la démocratie autoritaire au sens moderne.
Avec le général Boulanger, qui est un général
qui a une image de gauche, pour simplifier.
Un général républicain, il n'y en a pas tellement
au début de la IIIe République,
se cristallise une coalition très intéressante à analyser
puisque c'est une convergence des extrêmes.
Je traduirai même de façon plus théorique
une convergence des radicalités.
Une radicalité de droite,
une radicalité de gauche
pour faire un bout de chemin avec un apprenti dictateur.
Et ça, c'est très intéressant.
Justement, nous allons entendre un extrait
pour illustrer votre propos
et pour que vous puissiez nous définir le populisme
juste après la nuit du général Boulanger,
un téléfilm passé sur la télévision française
donc en 1982.
Amis, vous connaissez mon cœur.
Depuis le premier jour, il bat pour l'espérance ouvrière.
Nous sommes en 1889.
Il y a cent ans à la Bastille.
Nos pères ouvraient le chemin.
Pour cet anniversaire historique,
le général Boulanger vous montrera bientôt
quel nouvel Bastille il faudra renverser.
Ça te s'allait un peu fort.
Voyez-vous.
Les gens prendraient le tambour, je t'aime de plus, c'est tout.
Pour maintenant, vous avez vu les socialistes,
je voudrais saluer les bonapartistes.
Je crois, messieurs, que nous sommes en train de passer
du 17 au 18 Brumet.
Dans cette veillée d'armes,
mes pensées rejoignent les vôtres.
Ensemble, nous tournons du côté des Invalides.
Nous saluons la glorieuse mémoire
de celui sans lequel rien ne serait.
À mon tour de temps mené.
Où ça ?
Chez la luchesse.
Vous voyez.
Parce qu'alors le boulangisme,
est-ce que c'est autre chose que de la démagogiste ?
C'est-à-dire dire à chacun ce qu'il veut entendre.
En tant qu'historien, je ne peux pas utiliser
le concept de démagogie,
qui est un jugement de valeur absolument inutile,
parce qu'on va se jeter au visage
dans une polémique politicienne.
C'est vrai que si on commence à aborder
la question du populisme par le côté anathème,
on n'en finit pas.
Allez-y, défilicinez-nous le populisme, à partir de ça.
Ce qui est très intéressant dans le boulangisme,
c'est que deux radicalités se rejoignent.
D'abord celles des monarchistes populaires.
Vous avez, à la fin du XIXe siècle,
un mouvement monarchiste qui s'épuise
et qui a une idée de génie
de rejoindre le suffrage universel,
en considérant qu'après tout,
ce sont les élites dégénérées,
voltériennes, maçonniques,
juifs, etc., qui pourrissent la France,
mais que le peuple, lui, est sain.
Donc vive le suffrage universel
pour restaurer la monarchie.
C'est pas du tout paradoxal, ça se tient.
Et puis vous avez, de l'autre côté,
une partie de l'extrême-gauche,
et en particulier, ce qui se dit très rarement,
c'est que dans l'état-major du général Boulanger,
et ce sont souvent des personnalités importantes,
il y a d'anciens communards.
Et pourquoi donc ?
Parce qu'une bonne partie
de la culture politique des communards
repousse fondamentalement le système parlementaire,
qui apparaît comme mystificateur,
produisant de la corruption,
étant corrompue dans son principe.
Et ce qu'on appelle les Blanquistes,
héritiers donc d'Auguste Blanqui,
dont une bonne moitié choisissent le général Boulanger,
c'est le chénon manquant
entre les Jacobins et les Bolsheviks.
C'est du socialisme autoritaire.
Clairement, ils ne veulent plus
de ce système parlementaire libéral,
mais ils viennent de la gauche.
Et ça, c'est prodigieux,
parce que cette aile gauche du Boulanger
est très active auprès du général,
et qu'est-ce qu'elle va devenir
après l'échec du général ?
Elle va réinvestir dans l'antisémitisme.
Pourquoi ? Parce que l'Ori ne fait
de vous pas remonter le populisme
au bonapartisme.
Il est évident que le boulangisme
n'apparaît pas ex-abrupto,
il y a eu
des précédents.
Là, il s'agit avec Naponion Bonaparte,
dont Madame Dostal a dit génialement
que c'était Robespierre Acheval,
c'est-à-dire 50% héritier
de la radicalité révolutionnaire,
y compris dans la modernisation
de la société un peu à marche forcée,
et moitié cheval, parce qu'évidemment
il reste dans la monarchie.
Et ça, c'est génial, parce qu'il est empereur des Français,
il se ressource régulièrement
sous forme de plébiscite traduisée
de référendum.
Et le sommet du génie, c'est son neveu.
Le futur Naponion III, Louis Naponion Bonaparte,
est le premier président
de la République en France,
élu au suffrage universel.
C'est incroyable de penser que la France
vient juste d'instaurer
début 1848, le suffrage universel,
et elle l'applique
à l'élection du président de la République
dès la fin de l'année.
Il est donc élu triomphalement et que fait-il
au bout de trois ans un coup d'État.
Et vous comprenez tout de la démocratie autoritaire
et derrière du populisme
dans le texte du coup d'État.
Ces deux phrases.
Article 1, l'Assemblée nationale
y dissoute. Ça, c'est le coup d'État.
Jamais Victor Hugo, les républicains, ne lui pardonneront
d'avoir été parjure.
Article 2, du coup d'État,
le suffrage universel est rétabli.
Pourquoi rétabli ?
Parce que depuis 3 ans
qu'il est président de la République,
il s'est plutôt allié à la droite
qui supporte mal le suffrage universel
et qui a passé son temps depuis 3 ans
à détricoter le suffrage universel.
Ce qui fait qu'au moment du coup d'État,
un tiers des électeurs
ont été rayés des listes électorales.
Donc, le futur dictateur,
le futur tyran au sens grec,
le futur Napoléon III
évidemment justifie
l'accaparment du pouvoir
par
cette sorte de dons suprême
qui est que plus je suis le maître,
plus je restitue
le suffrage au peuple.
Et ça, c'est le génie du populisme
y compris au XXIe siècle.
Monsieur, la France a répondu
à l'appel loyal que je lui avais fait.
Elle a compris que je n'étais sorti
de la légalité que pour entrer
dans le droit.
Plus de 7 millions de suffrages
viennent de m'absoudre.
Louis Napoléon Bonaparte
fait accepter son coup d'État
avec
cette acte qu'on pourrait juger
de progressiste, c'est-à-dire rétablir,
comme vous l'avez dit,
parce qu'à l'heure, le suffrage universel
et on aboutit à une sorte d'abération.
Je ne suis sorti de la légalité
que pour entrer dans le droit.
C'est une drôle de phrase, non ?
Mais c'est une phrase qui résume bien
la démarche du leader
de la démocratie autoritaire
depuis les grecs de l'Antiquité
et en arrivant
à un certain nombre de...
Alors faut-il les appeler dictateurs ?
C'est un terme un peu réducteur
de fortes personnalités qui
n'arrêtent pas de se ressourcer
dans ce peuple dont elles définissent
les contours, évidemment,
du pouvoir d'un seul homme.
Il y a une sorte de dialectique, plus je suis un seul homme,
plus je m'adresse au peuple, évidemment.
Donc c'est absolument génial.
Le voyage historique à travers
les moments dits populistes,
le Poujadisme entre 1953 et 1958,
Pierre Poujad, ce papier
de s'insérer dans le lot,
illustre le populisme
sous la Quatrième République,
il ne s'agit pas là d'un homme providentiel,
mais d'un homme qui se dit
du peuple, le français moyen,
dressé contre l'État vorace
et injuste.
Périne Simon-Naoune, historienne
et philosophe, autrice de
les déraisons modernes
et de l'unique devenir des démocraties,
ces deux livres sont édités chez
l'Observatoire.
Périne Simon-Naoune, je voudrais vous faire écouter
la voix de Pierre Poujad, qui prétend,
évidemment, comme tout bon populiste,
représenter le peuple.
C'est un extrait d'un discours
de Pierre Poujad de 1955.
C'est donc en français moyen
que je te parle.
Un homme parmi ces millions
qui travaillent chaque jour
et qui, au soir d'une rue de journée,
mettent la main sur l'épaule de leurs femmes
pour regarder des enfants qui grandissent
en s'interrogeant excieusement
sur leur avenir.
Hélas, lorsque l'État
livré aux factions et aux puissances
d'argent
ne remplit pas son rôle d'arbitre impartial
que devient d'angle la liberté
pour les petits que nous sommes,
peut-on parler d'égalité à des français
qui voient chaque jour des aventuriers
sans patrie, sans graisser
du fruit de leurs efforts.
Ce que je sais, ce que je sens,
c'est que le peuple s'éveille
dans la conscience du péril.
Je ne suis pas ici pour te parler politique,
mais comme toi, je crois que
tous les partis sont coupables,
puisqu'ils ont menti
ou qu'ils ne nous ont pas efficacement défendus.
Voilà, le Poujadisme,
au cours des années 50,
un mouvement contre les élites
typiquement populistes.
Alors, Périne Simon-Naoune,
je ne sais pas si vous avez remarqué,
Pierre Poujad s'adresse au peuple
en le tutoyant, comme si c'était une personne.
Il nie la spécificité multiple du peuple.
Oui, je dirais qu'il incarne
parfaitement ce trait du leader populiste,
un charisme, mais un charisme
très particulier.
Le leader populiste est en fait
celui qui se montre capable
d'interpréter la volonté
du peuple. Là, je crois
qu'il ne faut pas se tromper
et j'espère que nos concitoyens
en seront fortement avertis
avant les élections présidentielles
de 2027.
C'est qu'en réalité, le leader populiste
n'arrive pas du tout au pouvoir
pour réaliser la volonté du peuple.
Le leader populiste
est celui qui, comme Pérone,
ayant le contact direct
avec le peuple, est capable
d'en comprendre la volonté,
mais après, il mène
son action politique
sans en référer au peuple
et en fait, les leaders populistes
fonctionnent avec
une idée d'un peuple
relativement passif
et en tout cas moins actif
que dans les régimes
de démocratie représentative.
Ce qui peut sembler un paradoxe,
mais si vous regardez les discours
de ces différents leaders,
vous vous rendez compte qu'elle est le type
de charisme auquel ils font appel.
Oui, parce que c'est quelque chose
d'assez contradictoire. Je voudrais vous interroger
sur cette contradiction. Le peuple
et le leader dans le système populiste
finalement, c'est une déligation totale.
Donc, le peuple a l'impression
d'avoir plus
sa voix au chapitre alors
qu'il délègue complètement.
Mais comme le lien est direct et comme
le leader populiste s'identifie
au peuple, il vient du peuple
voilà, je reste n'est pas un leader populiste
je reste un normalien
et on peut pas dire qu'il ne comprenait pas
qu'il n'agissait pas pour le peuple. Ici
Poujad lui dit, je viens du peuple, je suis comme vous.
Comment vous expliquez cette contradiction
entre la vox populi
et finalement la déligation totale ?
C'est le grand paradoxe du populisme
et finalement
un certain nombre d'opinions publiques
ont porté au pouvoir des leaders populistes
ont payé cher ce paradoxe
c'est-à-dire en se rendant compte
qu'une fois au pouvoir
celle-ci
faisait fille de leur avis
et de leur intervention
le principe du populisme
ce serait ce lien direct
avec le peuple
entre un leader
et un peuple
et c'est forcément une mystification
pour vous. Bien sûr
Le populisme
objet caoutchou avec Olivier Dard
historien à la Sorbonne spécialiste
des droites, nous l'avions déjà interrogé
pour notre série sur les réacs et l'agrarisme
et nous le retrouvons aujourd'hui
parce qu'il est d'auteur avec Christophe Goutin
et Frédéric Rouvillois du dictionnaire
des populismes aux éditions du SERF
Ne nous résignons pas tant on
a encore de définir le populisme
et on arrive inévitablement
à Jean-Marie Le Pen avec donc Olivier Dard
Olivier Dard, tous nos invités
tous les historiens que nous recevons
commencent toujours par nous parler
du flou, du caractère
caoutchouteux
ou élastique du populisme
et vous-même vous ouvrez le dictionnaire
sur le populisme
en disant que
Peter Wiles
un politologue anglais
pour définir le populisme avait établi
24 critères, autant dire que c'est impossible
Oui et c'est d'ailleurs pour ça
que nous avons intitulé ce dictionnaire
non pas le dictionnaire du populisme
mais justement le dictionnaire des populismes
Alors, cela étant
cette élasticité
ne saurait nous conduire
évidemment à considérer qu'aucune définition
ne serait possible
Ce mot-là il est utilisé tout le temps
Olivier Dard
on va continuer à égrainer
les personnages dont on a qualifié
l'action de populiste
bien sûr Jean-Marie Le Pen
on a commencé à en parler
Jean-Marie Le Pen qui était un député
pujadiste mais qui apparaît sous une autre forme
et qui représente une autre
espèce de populiste
quand il arrive en 1972 et surtout quand il émerge
dans les années 80
il est tout à fait raison de rappeler
l'ancrage pujadiste
de Jean-Marie Le Pen
dans l'histoire du populisme
il nous permet de faire le lien
avec une autre forme d'organisation
qui a quelque chose à voir
avec l'héritage populiste
ou plus exactement l'héritage boulangiste
c'est-à-dire la forme ligueuse
évidemment Jean-Marie Le Pen
né à la fin des années 20
et démarrant sa carrière politique
dans les années 50
comparable à ce qu'il y avait été
oui on est après la guerre
il est jeunesse patriote avec ça
mais Jean-Marie Le Pen a sa façon
héritier des jeunesses patriotes
alors avec un discours beaucoup plus national
que celui de Poujad qui était très catégoriel
mais on retrouve chez Jean-Marie Le Pen
un certain nombre de critères
liés au populisme
c'est-à-dire la défense d'un peuple
mais alors là qui le définit
comme un peuple enraciné
il y a dans cette définition
un caractère identitaire
voilà une dimension si vous voulez
qu'est-ce qu'on appelle le peuple
est-ce que c'est le démo
justement chaque populiste définit un peuple
en temps prétend représenter un certain peuple
ça commence pas à définir le peuple
et le populisme marche quand
le peuple se reconnaît dans la définition
du leader
comment ça marche alors vous avez raison
parce que le peuple de Poujad n'est pas forcément
le peuple des électeurs d'aujourd'hui
de Marie Le Pen ou de Jean-Marie Le Pen
plus citadien et parisien
de Boulanger et c'est pas non plus
le peuple de fils du peuple de Maurice Thorez
qui est lui aussi voilà
parce que dans la sourire
alors avant même d'arriver à la question du peuple
il y a à avoir à l'esprit
que le populisme prospère
de toute façon de l'instant où la démocratie représentative
ne fonctionne pas
alors on va écouter un extrait
d'une conférence de presse
de Jean-Marie Le Pen c'est peut-être
à la fin des années 90
c'est un gaulois et comme les gaulois
je ne crains rien d'autre que le ciel
ne me tombe sur la tête
la France est
un décor démocratique derrière
lequel
se cachent des méthodes
sourdes de dictature
ce qu'on peut appeler selon un néologisme
la démocrature
alors donc c'était en 1990
Olivier Dars son
cet extrait est intéressant
à deux points de vue et je voudrais vous entendre
Pierre-André Taghiev considère
qu'il y a deux sortes de populistes
les populistes protestataires
et les populistes identitaires
identitaires au sens où
le populiste, le leader populiste
prétend être le miroir du peuple
être le peuple, l'homme peuple
et Jean-Marie Le Pen ici
dit bah moi je suis gaulois, je suis comme ça
c'est dans mon caractère et donc il est
le populiste identitaire et puis il est le
protestataires puisque il désingue
la démocratie qui lui permet de parler
là pourtant il la désingue en disant
voilà c'est une démocrature
d'ailleurs il utilise un terme
qu'on utilisera aussi pour désigner
des populistes est-ce que vous vous êtes
d'accord avec cette distinction
de Taghiev populiste
identitaire, protestataires
chez Jean-Marie Le Pen
les deux sont liés avec d'ailleurs
cette particularité chez lui
c'est que Jean-Marie Le Pen
a toujours été soucieux
de se présenter aux élections
d'être un élu et de ce point de vue
il arrive effectivement à mêler
cette dimension
protestataires, cette dimension
effectivement d'identitaire
où il reprend tout l'idée d'une France
éternelle mais de ce point de vue
et ça renvoie au tout début de notre
entretien est-ce que finalement
il y a forcément à prendre en compte le
populisme ici ou
dans son cas finalement
tout un héritage qui est celui de l'héritage
d'une droite nationaliste qui est
j'allais dire
l'identité même si vous me permettez
l'expression de Jean-Marie Le Pen
et qui court
dans tout son itinéraire
depuis les années Poujadiste
jusqu'à aujourd'hui alors
simplement Jean-Marie Le Pen
qui ne parlait pas de populisme dans les années
60-70
c'est même un petit peu après
va reprendre le thème à son compte
et d'ailleurs mettre régulièrement
sur des affiches
le lien
le peuple
le peuple
l'incarnation
dans cette élection présidentielle
je m'exprime
comme porte-drapeau
et candidat du peuple français
il y avait
dans ce front national de Jean-Marie Le Pen
toute une construction
autour de la figure du chef
avec un certain nombre de surnoms bien connu
le ménire et autres
rapport de Jean-Marie Le Pen
au chef
c'est pas du tout la configuration de 1970
ou d'ailleurs c'est bien son problème
il est un porte-parole
d'un nouveau mouvement qui s'appelle le Front National
et ça ça lui suffit pas du tout
et il va profiter de la conjoncture
pour construire un parti à son image
cette semaine 1ère épisode de la série
des 4 émissions sur le populisme
avec Pascal Oury, Perrin Simonaoum
Olivier Dar
on a déjà passé en revue
des personnages de l'histoire politique
que l'on peut qualifier de populiste
et vous verrez par la suite que tout le monde
n'est pas d'accord mais n'allons pas trop vite
c'est déjà assez compliqué comme ça
d'autant que personne ou presque
ne se réclame du populisme
j'ai été voir Jean-Pierre Rioux historien
spécialiste de la France contemporaine
chez lui à Versailles
il est l'auteur de Les Populismes
chez Perrin et plus récemment de nos villages
au coeur de l'histoire des Français
chez Tallandier comment définir
qu'un théoricien
ni adeptes revendiqués Jean-Pierre Rioux
vous ne trouvez personne qui vous dit
je suis populiste
il y a des gens qui font des appels au peuple
mais qu'on puisse aller à l'isme
populisme
en tant que je dirais légitimité politique
comme socialisme, communisme,
fascisme, tout ce qu'on veut
non
le populisme est un mot
de commentateur
parfaitement élastique
mais au tréfond
il y a quelque chose que l'on pourra
appeler populisme
ou attitude populiste
et qui part je dirais d'un ressentiment
moi ce qui m'avait beaucoup frappé
c'est le mot du camionneur de Rangis
2005
au moment où on avait dit non par référendum
etc etc
son mot exact
en disant qu'on en a marre
ça ira peut-être mieux
le réflexe, l'attitude
populiste
à l'état chimiquement pur
on va dire que ça va mal
qu'on en a marre
l'idée de fond c'est que
c'est le peuple à l'inconditionnel
le peuple est un mot
oui
qu'on ne discute pas
c'est un mot qui permet de tout maîtriser
qui est le peuple ?
le peuple c'est l'unité
je dirais organique
c'est celui qui exprime le mieux
au fond la démocratie
dans son état
brut
et la démocratie vous le savez comme moi
c'est à trois rayons
c'est la souveraineté populaire
c'est le peuple souverain
c'est l'état de droit
en ce sens que cette souveraineté
s'exerce dans un cadre étatique
où on est à bord des lois
on les applique on les respecte etc
et enfin la démocratie c'est le droit
de l'individu
les populistes le populisme
disent que nous sommes les démocrates
parce que nous représentons
constamment le peuple dans son unité
inné
générique face à l'autre
qui lui est par définition
dissolvant
qui attaque cette unité organique
du peuple et qui est l'autre
alors voilà
prenons la France l'autre
ça a été tout ce qui
dessous autant de l'affaire Dreyfus
ce qu'on a appelé à l'époque
les intellectuels
il y a une pensée critique
des elaborations néfastes
de la pensée, de l'idée
qui font que
on va détruire l'armée, l'état, la nation
etc etc
l'intellectuel fait partie de l'autre
dissolvant
alors ensuite l'autre
dissolvant
dans les années 30 aussi
le juif
et donc vous pouvez avoir
dans cette mouvance qu'on peut
appeler de l'extérieur populiste
un premier
je dirais foyer de 10 solutions
de
je dirais de l'unité et de la vocation
première du peuple
le juif des structureurs
à la technique aujourd'hui Alexandre
Chéné et Christophe Imbert bien sûr est à la réalisation
et Franck Oliver déniche
toutes les archives sonores Thierry Dupin est
à la programmation musicale et pour
toute la série sur le populisme Lila de Saint
notre stagiaire nous a bien aidé
alors le populisme et le fascisme
quelle différence, quelle similitude
c'est ce que j'ai demandé
à Marianne Matarbonucci
professeur d'histoire politique à Paris 8
spécialiste de l'Italie
l'italitaire de fascisme et de populisme
Marianne Matarbonucci a entre autres écrit
totalitarisme et fasciste aux éditions
du CNRS
le populisme est une
composante du fascisme
présent dans la rhétorique
présent dans les discours
et présent dans l'idéologie
mais le projet fasciste
qui est un projet
fondé sur des valeurs hyper
nationalistes
est bien plus consistent
qu'un simple discours populiste
en sciences sociales on se demande
si le populisme est une idéologie
certains diront
que c'est une idéologie
peu substantielle
moi je ne pense même pas
que c'est une idéologie
mais c'est une méthode
rhétorique un discours
et donc c'est présent
dans le fascisme qui en revanche
est une idéologie effectivement
infiniment plus consistante
fondée sur le nationalisme
avec la volonté de mettre en place
une forme de révolution culturelle
pour créer un homme nouveau
à l'image des valeurs de cet hyper nationalisme
et puis c'est la négation
de la démocratie
c'est même un projet anti-démocratique
alors que le populisme
n'est pas anti-démocratique
il est une forme de démocratie
peut-être caricaturée et non libérale
absolument ça c'est en effet
un point tout à fait important
oui c'est que le populisme
prétend avoir donc ce rapport essentiel
au peuple mais un peuple qui n'est pas le démosse
un peuple constitué en corps citoyen
mais un peuple constitué
comme une entité
fantasmée
qu'on invoque pour l'opposé
alors tantôt aux élites
tantôt au gros
le peuple et les gros
cela a été étudié par Pierre Bienbaume
tantôt même à
d'autres parties du peuple
il y a le vrai peuple
et le peuple dévoyé
les gouvernements populistes
les régimes populistes prétendent agir
au nom du peuple effectivement
on retrouvera Marianne Matarbonucci
plus longuement la semaine prochaine
pour parler de l'Italie le showroom du populisme
alors quand on parle du populisme
on parle du rapport élite-pople
et l'élite c'est le sujet de
nombreux livres de Pierre Bienbaume
sociologue et historien
Marianne Matarbonucci faisait référence
à l'instant la dernière publication
de Pierre Bienbaume c'est
la tentation nationaliste
conversation pour demain avec Régis Méran
chez Textuel
je pense que le populisme
est une forme de
renvoi à une forme de mobilisation
d'un ensemble social
composé d'individus
relativement atomisés les uns des autres
qui se mobilise
à partir de valeurs
d'idéologies
de croyances
de fantasmes
de visions complotistes
contre un ennemi
supposé externe
au peuple lui-même
pour massifier
son conscience de classe
dépourvue de toute structuration sociale
et supposé se lever
à partir d'émotions
à partir de fantasmes
contre un ennemi qui lui serait
externe
et qui lui serait hostile
en fait vous nous décrivez une mécanique
et ce qui est compliqué c'est qu'on ne peut pas
c'est-à-dire une mécanique qui opposerait un peuple
qu'on a du mal à définir
face à un ennemi
qu'on a aussi du mal à définir
et c'est peut-être dans la définition
de l'ennemi de l'autre
du e et du nous souvent
quand on veut définir le populisme
c'est dans la définition et du e
et du nous qu'on peut distinguer
populisme de gauche ou populisme
de droite
je ne vous suivrai pas non plus là-dessus
parce que malheureusement souvent
les e et les cast
et le petit groupe
supposé dominer
cette masse populaire de petit
ce sont souvent les mêmes
c'est-à-dire l'aristocratie
le temps, la caste de nos jours
les 200 familles
de 1934
je pense que malheureusement il faut
n'en pas mettre un équivalent entre les deux
il peut y avoir des
d'oligarchie
ce vocabulaire on le trouve
au coeur même du parti communiste français
depuis les années 20
jusque dans les années 80
moins de nos jours
et on peut trouver des textes mais inimaginables
l'oligarchie on le trouve maintenant
dans le vocabulaire de
d'extrême droite aussi
d'extrême droite et de Jean-Luc Mélenchon
on peut venir à Jean-Luc Mélenchon
malheureusement mais il se revendique lui-même
du populisme il l'a dit lui-même j'en suis fier
je fais mien ce terme
j'adhère à ce terme il le revendique lui-même
je suis un populiste
le peuple a-t-il toujours raison
alors je vais presque relancer la question
si c'est pas lui qui a toujours raison
Jean-Luc Mélenchon sur France Culture en 2010
la question pour moi n'est pas de savoir
ou qui que ce soit a toujours raison
c'est pas le sujet pour moi le sujet c'est
qui exerce le pouvoir c'est tout
pour moi la réponse c'est le peuple
alors je comprends bien qu'au citeau
ce qu'on appelle les élites
mot four tout parce que le vrai mot four tout
c'est pas le peuple le vrai mot four tout c'est
élite qui est une élite
il en utilise un vocabulaire
qui va dans ce sens c'est à dire
il oppose le peuple
dont il est le représentant
au gros, au bouffi
au gorgé
à tous ceux qui s'en mettent plein les pognes
à ceux qui sont plein de fric
c'est à dire qu'il y a un vocabulaire de dénonciation
des dirigeants
ce ne sont pas des hauts fonctionnaires
qui assument leur emploi
ça n'est pas un état plus ou moins méritocratique
et légitime qui dirige la société française
cette année disons le scandale
qu'est-ce qui se passe en ce moment dans le pays
François Ruffin pour Blast
juin 2023
en haut ils se gavent
comme jamais ils se sont gavés
et en bas on rationne les gens sur tout
tout est rationné en bas pendant qu'ils se gavent en haut
ce sont directement
des valets du capital
de l'oligarchie, de la caste
il a cette formule
il faut les balayer
c'est exactement la mythologie de la révolution française
qui était déjà à l'œuvre du temps de CIA
c'est à dire on a un tiers état
et tous les autres n'en font pas partie
c'est à dire la noblesse, la aristocratie, la bourgeoisie
alors restons là
revenons-y
Pierre-Bérabonne, la révolution française
est populiste
elle n'est pas populiste en elle-même
mais la manière dont certains envisagent
l'opposition
entre
la noblesse
impure, perverse
et la bourgeoisie qui lui est liée
impure, perverse, liée à l'argent
exploitant le bon peuple
et le peuple a une dimension populiste
et ce qui est frappant
c'est qu'on a fait en dehors d'un rapport de classe
comment peut-on imaginer que les marxistes
que la longue tradition marxiste
utilise un ouvrier populiste
on la trouve tout au long
de la fin du XIXe et du XXe siècle
tous les congrès des partis communistes
reprennent ce terme
opposant le peuple
à une toute petite minorité infime
d'oligarchie
il y a par exemple
une extraordinaire de l'humanité
où l'on voit 10 pantalons noirs
descendre et dominer
avec des chapeaux de haute forme
dominer un peuple massif
où tout le monde se promène tranquillement
avec son tutu, ses amoureux
dans la paix absolue
il n'y a aucun conflit de classe
il n'y a plus de classe sociale entre
prolétariat et bourgeoisie
les bourgeois ne font pas partie
de l'oligarchie en réalité
sauf les très gros bourgeois
qui est le peuple
est-ce que c'est le peuple qui a voté aux élections
des fesses dans les rues
qui est le peuple et qui représente le peuple
chacun prétend représenter le peuple
être l'expression du peuple
il faut casser le mythe du peuple
en tout cas il faut aborder ce terme
avec beaucoup de précautions
puisqu'il a un multiplicé de sens
chacun se réclame du peuple
il y a effectivement des citoyens
je préfère les termes de citoyens
de nation à celui de peuple
qui est lourdement chargé
de visions fantasmatiques
c'est un peu la majorité silencieuse
on peut lui faire dire ce qu'on veut
d'autant qu'elle est silencieuse
le peuple est silencieux mais surtout
il est supposé être composé de
petits français
on retrouve vraiment toujours cette opposition
entre ceux qui sont totalement innocents
prenez même François Ruffin
c'est le petit gars
le ch'tigar, prenez Poujad
c'est le petit, le petit toujours
prenez Pinet, qu'est-ce que c'est que Pinet
Pinet c'était effectivement le petit
mais Antoine Pinet, le petit chapeau
le petit corps, le petit
bah chose
celui qui accumule un tout petit capital
et au fond la légitimité du peuple
serait dans cette espèce de
manière d'échapper à la perversité
et les pervers, ce sont les riches
ce sont les nobles
ce sont ceux qui sont externes au peuple
et bien souvent malheureusement
ce sont les juifs, parce qu'ils sont par définition
externes au peuple
Pierre Bernbaume, je voudrais vous faire égouter
quand Victor Hugo parle du peuple
est-ce qu'il est populiste ?
on l'écoute, c'est Eli Semoun
qui lit ce texte tiré de l'homme
qui rit en 1869
et c'est tiré de l'émission
les chemins de la philosophie
qui est passé sur France Culture
en 2018
le peuple
est un silence
je serai l'immense avocat
de ce silence, je parlerai pour
les muets, je parlerai des petits
aux grands et des faibles aux puissants
je serai le lord des pauvres
je parlerai pour tous les taciturnes
désespérées
je tradurais les beigéments
je tradurais les grondements, les hurlements
les murmures, la rumeur des foules
les plaintes mal prononcées
les voix inintelligibles
et tous ces cris de bête, qu'à force d'ignorance
et de souffrance, on fait pousser aux hommes
le bruit des hommes
est inarticulé, comme le bruit du vent
il crie, mais on ne les comprend pas
moi, je serai la dénonciation
je serai le verbe du peuple
grâce à moi, on comprendra
je serai la bouche sanglante
dont le baillon est arraché
je dirais tout
ce sera grand
cette semaine, nous sommes enquêtes de populisme
et nous sommes toujours avec Pierre Berenbaum
qu'est-ce que le peuple
qu'est-ce que l'élite
Pierre Berenbaum
Pierre Berenbaum
est-ce que Victor Hugo est populiste ?
c'est un texte admirable
les bouleversants, on est troublés
on a envie d'adhérer
on a envie de dire oui, la raison surtout
essayons quand même de résister un tout petit peu
d'abord, l'époque n'est plus la même
le peuple n'est pas silencieux
le peuple peut parler
les citoyens peuvent parler
ils peuvent s'exprimer, il y a des parties légitimes
il y a des scrutins
il y a des formes d'organisation
les citoyens
je remplace toujours le peuple par citoyen
les citoyens, dans leur grande diversité sociale
territorial
géographique, religieuse
les citoyens, dans leur grande diversité
peuvent prendre la parole
et s'exprimer, ils sont pas idiot, ils sont pas apathiques
ils sont pas totalement dominés
comme de la Boécy
à Victor Hugo, on peut l'imaginer
ils n'ont pas besoin d'un tel représentant
un tel porte-parole
bien sûr, ce texte est bouleversant
bien sûr, parce qu'ils montrent
à quel point le peuple
pour parler comme Victor Hugo
on est dans le gerbais
on est dans une sorte de misérabilisme
quand même, on n'en est pas là
on pourrait dire
on pourrait dire que Victor Hugo
là parle du peuple, mais
il veut se faire le porte-voix du peuple
il veut pas prendre le pouvoir, donc il veut être le médiateur
et on peut dire que
la médiation, c'est contre le populisme
justement, il veut transformer une colère
en quelque chose
d'intelligible, peut-être
de négociable, donc finalement
on pourrait dire que c'est du populisme
parce qu'on parle du peuple
comme s'il avait une voix unique
une chose unique à dire
et en même temps, c'est le contraire du populisme
puisque
c'est la prétention d'être le médiateur
mais
de nos jours, les médiateurs
existent, ils sont légitimes, ils sont légaux
il y a des syndicats
il y a des partis politiques
il y a des formes d'organisation
il y a des groupes de pression
il y a un populisme renaissant
ce qui s'oppose
qu'il est tient pour nul et non-avenu
ou qu'il est considéré comme inéficace
ou trompeuse
c'est à eux de le dire et de l'avancer
essayons de résister à cela
essayons de renaître
la légitimité, la France est l'un des pays du monde
ou le taux de membre
d'appartenance des partis politiques
le plus faible du monde occidental
et le plus faible du monde occidental
l'adhésion aux syndicats
8 ou 10% de français sont syndiqués
et alors vous êtes
spécialiste aussi du nationalisme
en tout cas vous venez d'écrire
la tentation nationaliste
chez Textuel en 2022
c'est un recueil de conversation
avec Régis Meyrant
le nationalisme
est souvent utilisé par les populistes
de droite mais aussi
d'une forme plus économique
par les populistes de gauche
là encore il faut être très précis
que des formes d'engagement
nationalistes puissent avoir
une dimension populiste
mais en tant que telle
le populisme n'est pas nationaliste
le populisme est une forme de
révolte des petits
contre ceux qui sont supposés les opprimer
de l'extérieur
le nationalisme
on en distingue
deux grandes formes
un nationalisme de type ethnique
qui n'a pas besoin de la dimension irrationnelle
qu'est le populisme pour se mobiliser
le nationalisme ethnique
c'est une mobilisation
basée sur le sang
la race, la religion
en France c'est Barrès
c'est cullé dans Barrès du populisme
aussi bien sûr
mais l'essentiel de cette forme d'action
est de la revendication
de construire un peuple, une nation
sur une race, sur une religion
sur un sang
en tant que telle
il y a une dimension populiste qui s'ajout
et en effet il va aller voir
deux roulettes, il va aller voir
toute la forme populiste à travers la fiert d'Réfus
dont Barrès va être l'un des grands ports paroles
la mobilisation collective dans les rues de Paris
ou dans les rues de France
mais le nationalisme ethnique
tel qu'il est défini par Barrès
de Maï, RDR et tout ça
en tant que telle ne charie pas le populisme
il revendique une appartenance identitaire
ethnique, raciale
ou sanguine
le nationalisme civique de l'autre côté
normalement
donc le nationalisme républicain
il n'a rien à voir avec la race
qui est défini par Renan
défini par Renan si vous le 19ème siècle
c'est à dire il montre comment
l'engagement dans le nationalisme repose
sur le référendum de tous les jours
la participation délibérée
de chacun des citoyens
à la construction d'une nation
mais ce nationalisme républicain ne vaccine pas
contre le populisme
alors là vous avez raison
normalement oui il vaccine contre le populisme
normalement
tel qu'il est défini
c'est une forme de rejet de toutes les émotions
et de toutes les mythologies
et de toutes les constructions de complotistes
puisqu'il repose sur la raison des citoyens
normalement il est hostile
à ce que vous êtes en train de dire
mais si on prend
certaines périodes
il y avait un très beau livre comme le soldat Chauvin par exemple
au monde Napoléon un très beau livre d'un collègue
Gérard de Pimien il y a bien longtemps
il montrait comment
à travers en tout cas ce nationalisme
civique il y avait néanmoins
une forme de radicalité
d'engagement émotif qui se surajoutait
à la vision du civique
les choses sont incertaines
elles se recoupent néanmoins
il faut les distinguer
il faut distinguer le nationalisme
les populismes peuvent ne pas être nationalistes
tout simplement
et les nationalismes peuvent être populistes
ou ne pas l'être
alors nous avons fini
par trouver un homme
sur sa définition du populisme
Gérald Bronner sociologue
professeur à l'université Parisite
membre de l'académie des technologies
et auteur de déchéance
de rationalité chez Grasset
et de apocalypse cognitive au puce
il existe des échelles de mesures du populisme
grâce auxquelles on fait des mesures statistiques
de présence de ces items
et ces items ont été identifiés au nombre de 3
tout simplement
premièrement c'est l'idée d'un peuple homogène
ce qu'on appelle une hypostase du peuple
deuxièmement c'est la volonté
et qu'il exerce son droit
sans médiation directement
et le troisième point qui est essentiel
les trois sont nécessaires
pour qu'on puisse parler de populisme
c'est par symétrie la malfaisance consubstantielle
des élites
quand vous avez ces trois items
dans une narration politique
vous pouvez parler donc de populisme
mais là où les collègues ont tout à fait raison
c'est que c'est une matrice narrative
c'est pas un programme très strict
c'est pour cette raison qu'à cette matrice
peuvent puiser des propositions
qui relèvent de la droite généralement
ou aussi de l'extrême gauche
on en trouve différentes nuances
et on voit bien que ces trois éléments
sont prédictifs d'une certaine attitude politique
donc c'est pas du tout un concept
abstrait et c'est très empirique
en réalité et c'est très fonctionnel
c'est pour ça que la science politique
internationale utilise cette échelle de mesure
Gérald Brenner d'où elle vient
et qui a fabriqué cette échelle de mesure
cette échelle de mesure à ma connaissance
elle existe depuis 2014 elle était publiée
dans une revue de science politique
par le droit chercheur à Carman, Mudd et Zalsloff
qui sur la base d'un certain nombre d'observations
et de tests statistiques ont montré la cohérence
de cette mesure
et donc on peut trouver du populisme un peu partout
à l'extrême droite, à l'extrême gauche
on peut en trouver aussi une certaine dose
dans tous les discours politiques
la façon de faire de la politique
oui alors ces items peuvent se retrouver séparément
alors encore une fois on parape populisme
quand ces trois items se retrouvent
parce qu'une certaine façon la désintermédiation
le droit du peuple de parler sans médiation
de Macron en 2017
quand il essaye de mettre
à bas en quelque sorte tous les corps intermédiaires
il l'a regretté d'ailleurs par la suite
mais on ne peut pas parler de populisme
dans la mesure où il n'y a pas les trois items en même temps
donc voilà ces trois items sont nécessaires et suffisants
pour qu'on puisse parler de populisme
par exemple quand le général de Gaulle en 1962
fait adopter par le peuple
une mesure que l'ensemble
de la classe politique syndicale et juriste
la plupart des journalistes
estime dangereuse
ou suffrage universel
est-ce qu'il s'agit là d'un moment populiste
et peut-être à l'usage
d'un moment populiste qui a été nécessaire
je ne dirais pas qu'il s'agit encore une fois
d'un moment populiste puisqu'il n'y a qu'un seul
des items qui se manifestent ici
c'est évidemment une des expressions de la démocratie
par exemple le référendum mais encore une fois
j'insiste sur le fait qu'il faut que les trois items
se retrouvent en même temps et on les retrouve facilement
c'est pas comme si c'était un objet rare
il suffit d'observer le monde contemporain
que ce soit du Brésil en Italie aux Etats-Unis
ou même en France bien sûr des expressions
tout à fait solides
On retrouvera Gérald Bonheur
dans les trois et quatrième épisodes d'enquête de populisme
avec la question passionnante
du populisme numérique
la semaine prochaine nous allons en Italie
et en Amérique du Sud
le populisme en action au pouvoir
le populisme presque institutionnel
d'ici là n'oubliez pas
si vous ne vous intéressez pas la politique
c'est la politique qui s'intéressera à vous
...
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durée :00:48:57 - En quête de politique - par : Thomas Legrand - Le populisme mais qu’est-ce que ça veut dire populiste ? Le populisme, dans le débat public, c’est surtout un anathème, une insulte, un argument, un vocable qui recouvre trop de notions bien partagées dans tous les camps. Ce terme est qualifié par l'historien Pierre Rosanvallon de « caoutchouc ». - invités : Pascal Ory, Perrine SIMON NAHUM, Olivier DARD, Jean-Pierre Rioux, Marie Anne MATARD BONUCCI, Pierre Birnbaum, Gérald Bronner - Pascal Ory : Historien, spécialiste d'histoire culturelle, membre de l'Académie française, Perrine Simon-Nahum : Docteure en histoire, directrice de recherches au CNRS et professeure attachée au département de philosophie de l'Ecole normale supérieure, Olivier Dard : Professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Paris-Sorbonne, spécialiste d'histoire politique du XXème siècle, Jean-Pierre Rioux : Historien et responsable de l'Université Populaire du Mouvement Démocrate, Marie-Anne Matard-Bonucci : Professeure d'histoire contemporaine à l'université Paris 8, Pierre Birnbaum : Professeur émérite à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Gérald Bronner : Professeur de sociologie à l'Université Paris Diderot - Paris VII - réalisé par : Christophe IMBERT