La source: Le combat des prostituées de Lyon
Radio France 4/3/23 - Episode Page - 55m - PDF Transcript
François Sainte-Aire
Aujourd'hui dans Affaires Sensible, le combat des prostitués de Lyon à l'Église Saint-Nisier.
En juin 1975, elles sont 70, puis 150, puis 200, à occuper avec le soutien du clergé local, l'Église Saint-Nisier, en plein cœur de la ville.
Pendant huit jours, elles dénoncent la répression policière qu'elles subissent et s'attellent à démonter les a priori de la société française à leur encontre.
Nous ne sommes pas des femmes de mauvaise vie ou de petites vertus, affirme-t-elles publiquement.
Nous sommes des femmes tout court et nous avons le droit d'exister en tant que telle.
En France, mais aussi à l'étranger, la presse relait très largement cette mobilisation inédite qui trouve un écho inattendu auprès de l'opinion publique.
Mais les autorités, elles, font la sourde oreille.
Pourtant, le mouvement SM est rapidement des centaines de prostitués occupent des Églises dans toute la France pour revendiquer leur droit au effort.
Retour sur une semaine de lutte sans précédent, huit jours de solidarité et d'engagement collectifs,
durant lesquels les femmes prostituées de France, pour la première fois, font entendre leur voix.
Notre invité est aujourd'hui l'Union Mathieu, sociologue, directeur de recherche au CNRS, au Centre Max Weber et à l'ENS de Lyon, spécialiste de l'étude de la prostitution et des mouvements sociaux.
Affaire sensible, une mission de France Inter, diffusé en direct, récit documentaire Jean Maillard, coordination Franconnière,
chargé de programme à Rébecca Donante, réalisation Frédéric Milano.
Fabrice de Rouel, affaire sensible, sur France Inter.
Lyon, la bourgeoisie austère et sourcieuse, Lyon, la sérieuse, n'en revient pas.
Que sa police n'est pas réussie à empêcher le développement de la prostitution qui envahit petit à petit le cœur de la ville entre Rhônes et Sônes, pas sans corps.
Mais qu'elle l'organise et qu'elle en profite, alors on ne comprend plus.
Le Babi Hotel, au cœur de la ville, une société à responsabilité limitée d'apparence anodine.
Sources de revenus, la prostitution, propriétaire, un agent immobilier, Antoine Colombani et deux policiers.
Le dossier de l'affaire du Babi Hotel semble si simple qu'on peut se demander si les policiers n'étaient pas un peu naïfs, naïfs ou bien très bien protégés.
C'est en tout cas ce qu'ils ont dit avec une certaine arrogance aux juges d'instruction Monsieur Hanotto.
C'est aussi ce qui fait penser ici à Lyon qu'il y aura bientôt d'autres inculpations.
Nous sommes en 1972.
Des policiers de la Brigade des Meurs sont arrêtés puis condamnés à Lyon pour proxénétisme.
Et le scandale ne s'arrête pas à la mondaine, comme on appelle la Brigade de répression du proxénétisme.
Non, certaines personnalités politiques de droite, issus de la bourgeoisie locale, sont suspectées d'entretenir elles aussi des liens avec le milieu du proxénétisme lyonnais, ce qui est évidemment du plus mauvais effet.
Quelques 400 prostitués, des femmes à l'époque majoritairement françaises, travaillent alors dans des hôtels de passe depuis que les maisons-closes ont été interdites par la loi Martrichard en 1946.
Mais pour mettre fin au scandale, ces hôtels sont fermés et les prostitués lyonnaises sont désormais contraintes de travailler dans la rue ou chez elles, donc isolés et à la merci des clients les plus violents.
À l'été 72, une trentaine d'entre elles décident de tenter une action collective et c'est une première pour ces femmes très marginalisées.
Le 25 août, elles se regroupent, placent des Jacobins, avec l'idée de défiler jusqu'à l'hôtel de police d'Oliant.
Il y avait du rifi-fi aujourd'hui sur les trottoirs de Lyon.
En effet, beaucoup attendaient, placent des Jacobins, les dames de petites vertus qui, excédés par les descentes de police dans les hôtels, avaient décidé de manifester dans les rues de la ville.
La police était aussi au rendez-vous et ces dames, pour chasser, n'ont pu mener à bonne fin leur marche de protestation.
Toutefois, certaines d'entre elles, à qui bien sûr nous avons promis l'anonymat, nous ont confié leurs revendications, les voici.
Alors, madame, qu'est-ce qui se passe, qu'est-ce que sont nos problèmes?
On veut la réouverture pour nos amis, parce qu'il y a deux ou trois hôtels qui sont ouverts et les autres ne peuvent pas travailler.
Alors nous, on voudrait bien tout travailler, on a le droit de manifester comme tout le monde.
Et on a des enfants à élever, on voudrait bien quand même travailler pour gagner notre vie.
Les femmes de petites vertus, dit ce journaliste, au premier degré apparemment.
Les prostitueux lionaises, dont la presse a relayé la mobilisation avec un regard amusé, sont placés en garde à vue par des policiers qui sont aussi parfois leurs clients.
Les passants, eux, observent la scène comme au spectacle.
Cette première tentative de mobilisation, ratée, marque les prostitueux lionaises au fer rouge.
Et pourtant, au fil des ans, leur condition de travail ne cesse de se dégrader.
Au début de l'année 1975, la police lionaises se met à appliquer avec elles deux articles oubliés du code pénal,
afin de rassurer la population sur la fermeté face à la prostitution.
Et surtout, après le scandale généré par l'affaire des policiers proxèdentes.
Toute attitude, je cite, de nature à provoquer la débauche,
vaut désormais amendes et peines de prison lionaises, quand, rappelons-le,
elles ont été contraintes par la fermeture des hôtels de travailler dans la rue.
En France, la prostitution n'est pourtant pas interdite,
et au regard du droit, les prostitués sont considérés comme des victimes.
Amandes abusives et arbitrairement distribuées jusqu'à 5 PV par jour.
Brimades, agressions, ponctuent le quotidien de ces femmes que personne ne protège.
L'année précédente, trois d'entre elles ont été assassinées,
sans que la police ne cherche sérieusement les coupables.
Mais au printemps 1975, c'en est trop.
Trois ans après l'échec de la manifestation des Jacobins,
les prostitués lionaises aspirent de nouveau à affirmer leur droit,
et cette fois, elles vont se faire entendre.
Au printemps de cette année-là, on compte une trentaine de prostitués lionaises
en prisonnée depuis le début de l'année, et trois sont dans l'attente d'un jugement.
Attitude, de nature, à provoquer la débauche.
C'est ce que s'ensionne ces peines de prison, alors que la prostitution rablonle est autorisée dans ce pays.
Pour mener à bien leur combat contre l'arbitraire d'une répression policière incessante,
les prostitués de lion vont solliciter l'aide d'une association qu'elles connaissent bien,
le NI, et pas question, cette fois, comme en 72, de se livrer au moquerie du bourgeois de la ville.
Excepté pour certaines, quelques expériences lycéennes, en mai 68, ces femmes ne sont ni politisées, ni militantes,
donc il leur faut des appuis, qui eux, connaissent le tenant et les aboutissants d'une mobilisation réussie.
Le NI est une association abolitionniste, issue de la jeunesse ouvrière chrétienne,
qui accompagne les prostitués au quotidien et les aide à se réinsérer.
Abolitionniste, c'est-à-dire que l'œuvre a la disparition de la prostitution,
une mission contradictoire avec le rebondigation des prostitués lionins
qui demandent elles à pouvoir travailler dans de meilleures conditions.
Mais le NI met de côté l'abolition.
Il s'agit maintenant de permettre aux prostitués de s'emparer de leur existence via l'auto-organisation.
Et la première étape, c'est la médiatisation de leur cas,
rendue possible par les contacts que l'association entretient avec des journalistes,
donc l'eau de la guée de libération.
C'est ainsi que le 29 avril 1975, la France découvre une parole rare à la télé,
celle d'une prostituée pseudonyme ULA, ou ULA.
Mère de famille olionnaise, diplômée en droit, la trentaine, le visage dissimulé dans l'ombre,
elle intervient dans les dossiers de l'écran, sur antenne 2.
Et elle y raconte comment la faillite de son dancing l'a menée à la prostitution,
et sa volonté d'être reconnue comme une femme, à part, à part entière et fréquentable.
C'est pas la profession qui menaçait, de toute façon, elle a toujours été.
Je pense que selon l'évolution des temps, elle sera qu'encore pas mal de temps dans le courant des mœurs.
C'est nous-même, c'est nous en tant que femmes qui sommes menacées.
Nous ne revendiquons rien, nous ne sommes pas nés à la réélégie de Renault,
on est chez Berlie, nous en nommons encore pas au stade des syndicats des revendications.
Nous voulons simplement que l'ensemble de l'opinion publique comprenne
qu'on voudrait un tout petit peu notre dignité de bonne femme, entre guillemets toujours,
parce que nous sommes des femmes, comme toutes les femmes qui se promènent dans la rue,
et socialement parlant actuellement, personne, personne ne s'attache à notre problème.
Après les médias, c'est vers le préfet de police que les prostitués lyonnais se tournent
sur les conseils de leurs amis d'Uni.
Mais celui-ci, le préfet, contacté par l'être, refuse de les rencontrer.
D'accord pour discuter avec l'Uni, mais pas avec les intéresser elle-même.
Alors, pour qu'on les écoute, il va falloir qu'elle crie plus fort.
Et c'est l'occupation d'une église qui est décidée conjointement
avec l'association d'Uni d'inspiration chrétienne, justement.
Un choix à la fois symbolique et stratégique,
puisque les églises sont traditionnellement perçues comme des lieux d'asile
que la police ne peut évacuer sans l'accord des prêtres.
Reste à trouver la paroisse qui acceptera d'accueillir les quelques soixante-dix femmes
qui constituent le cœur de la mobilisation à venir.
Et bien, ce sera Saint-Misier, l'une des plus vieilles églises de Lyon,
dans le quartier des Cordeliers.
Son curé, le Père Béal,
connaît quelques prostituées ferventes qui assistent à ses messes.
Quant à l'archevêque de Lyon, mon Seigneur Renard,
il ne s'oppose pas à l'occupation et se déclare publiquement, et je le cite,
conscient des situations douloureuses et regrettables
dans lesquelles se trouvent ces personnes.
80 respectueuses lyonnaises protestant contre la répression
dont elles estiment être l'objet de la part de tous les services de police,
occupent depuis ce matin l'église Saint-Misier au cœur même de la cité.
Le mouvement de révolte lancée sous la conduite du lac
qui participe à l'émission des dossiers de l'écran
ne se limite pas à cette manifestation.
Un mot d'ordre de grève a été lancé et des tractes sont distribués aux passants.
Le 2 juin 1975, à 9h du matin,
elles sont 78 à s'installer dans l'église Saint-Misier
avec bagages, couvertures et thermos de café.
Sur les tractes que l'association d'unis distribue sur le parvis de l'église,
la vie et la population commencent par ces mots.
Ce sont des mères qui vous parlent.
Car si elles récalent la fin des peines de prison à leur rencontre,
c'est parce que l'immense majorité d'entre elles ont des enfants
dont la garde risque de leur être retirée à chaque fois qu'elles sont incarcérées.
Les femmes qui acceptent de répondre à la télévision locale,
toujours cachées derrière des foulards et des lunettes,
expliquent aussi vouloir changer l'image des prostituées auprès de l'opinion.
Elles ne sont pas des corps qui se vendent,
elles sont des femmes et des mères.
On lutte actuellement pour trouver le respect d'être femme.
On ne demande pas la liberté des femmes,
parce qu'on ne fait pas partie du groupe féministe.
On demande simplement le droit d'être accepté comme des femmes,
seulement rien que ça.
C'est très peu ce qu'on demande.
Être des femmes à avoir le droit à la paroi et donc qu'on n'en crache pas dessus toujours.
Parce que si la police agissait de notre façon avec nous,
la population agirait aussi une façon tout à fait différente.
Ce n'est pas le métier que vous faites,
qui vous fait penser que vous n'êtes ou que vous n'êtes pas une dame bien,
c'est le ghetto dans lequel vous maintiens la société.
C'est la société qui fait qu'on ne respecte pas,
c'est la société actuelle qui accepte la pornographie,
qui accepte l'échec-shop, mais qui n'accepte pas les prostituées.
Cette femme qu'on entend sur Antenne 2 se fait appeler Barbara.
Avec Hula, qui c'est la première exprimée dans les dossiers de l'écran,
elle est la porte-parole du mouvement de Sanisier.
Ancienne institutrice, mère de deux enfants,
c'est l'une des seuls à parler à visage découvert.
Le matamen, Hula et Barbara ont déposé avec leur consort des recours en grâce
auprès du président de la République, Valérie Scardesta.
Sans réponse pour le moment.
Elles ont également sollicité publiquement François Giroud,
la secrétaire à la condition féminine du gouvernement de Jacques Chirac.
L'année 1975 a été déclarée par l'ONU,
année internationale de la femme,
et les prostituées lyôneses entendent bien obtenir une entrevue
avec celle qui est officiellement chargée en France,
et je cite encore, d'améliorer la condition féminine
et d'éliminer les discriminations dont les femmes peuvent faire l'objet.
Mais François Giroud refuse de les rencontrer
et les renvoie vers le ministre de l'Intérieur.
Pour Barbara, elle a été déclarée par l'ONU,
par le ministre de l'Intérieur.
Pour Barbara, la porte-parole du mouvement,
le message est limpide.
On ne nous considère pas comme des femmes,
mais comme des délinquantes.
Que toutes les femmes de France qui se sont concernées,
même si ce ne sont pas des prostituées,
mais toutes les femmes viennent nous aider
dans toutes les églises où il y a des prostituées,
qu'elles viennent nous aider parce que nous avons besoin d'elles,
parce que maintenant c'est plus le fait que ce soit des prostituées,
c'est le fait que nous sommes des femmes.
François Giroud refuse de s'occuper de nous
parce qu'elle ne nous considère pas comme des femmes,
elle nous considère comme des prostituées,
donc des putains, donc rien du tout.
Et on nous dit que c'est Monsieur Ponatozki
qui doit s'occuper de nous.
Monsieur Ponatozki pour l'instant ne veut pas s'occuper de nous
parce que ce n'est pas non plus son problème.
Alors c'est le problème de personne.
Alors on veut que quelqu'un prenne la parole
et nous mette au courant, en nous disant,
qui ça regarde.
Au soir du lundi 2 juin 1975,
elles sont 80 se coucher en randonnions sur l'état-puis.
Il y a aussi le père Louis Blanc,
l'aumogne du nid, qui les accompagne.
Mais passer le fori des premières heures
passe à l'angoisse.
Combien de temps dormiront-elles là,
à même le sol de l'Église et loin de leurs enfants?
Après une mauvaise nuit,
les nouvelles s'enchaînent au petit matin.
Les bonnes d'abord,
les femmes du quartier leur ont apporté un petit déjeuner.
Puis les mauvaises,
seuls le journal Libération leur consacre sa première page
et le monde a même arrangé l'affaire
dans sa rubrique fait d'hiver.
Et puis toujours aucune réponse
aux demandes de recours en grâce
pour les prostituées menacées d'incarceration.
Dans l'Église Sanisier,
cette deuxième journée d'occupation
s'écoule dans le calme.
On organise des tours pour la vaisselle,
on écoute la radio, on discute, on fume.
Sur le parvis, les curieuses et les curieuses,
ça masse.
Plutôt encourageant d'ailleurs,
pour la plupart, remarquant avec surprise
l'Église, même si certaines réprouvent leur choix
d'occuper un bâtiment religieux.
On pense qu'il faut des femmes comme ça.
Mais il faut comprendre les hommes.
Les hommes qui n'ont pas de femmes,
il faut comprendre.
C'est tous les hommes mariés qui viennent.
Je suis témoin.
Mercredi 4 juin, 3ème jour de mobilisation
est toujours aucune réaction des autorités sollicite.
Des représentants de l'Association d'Uni
ont bien été reçus par la déléguée régionale
à la condition féminine,
mais les prostitués mobilisées n'ont pas été conviées.
Le maire de Lyon, Louis Pradel,
n'entend pas le moins du monde leur rendre visite.
Mais il s'amuse à commenter publiquement la situation.
Bien sûr, il a déjà eu rôle court
et une prostituère raconte-t-il Gognar à la télé.
Après avoir expliqué que,
si l'on veut supprimer la prostitution en France,
il faut couper le zizi à tous les Français.
L'expression est reprise par tous les journaux.
Aujourd'hui, on appellerait ça à buzz.
A la différence du gouvernement,
les journalistes sont de plus en plus nombreux
à s'intéresser à l'occupation de Sanisier.
Les porte-paroles se sont répartis la tâche,
à Barbara, les médias étrangers, anglais et italiens,
notamment à Hulal et Grands Journaux.
Les revendications des Lyonnaises,
ainsi relayées partout en France et jusqu'en Australie,
trouvent un écho tout particulier auprès de celles qui ailleurs
souffrent également d'être sans cesse stigmatisées,
sanctionnées, violentées.
Ce sont d'abord 50 prostituées marseillaises
qui rejoignent Sanisier,
bientôt suivies d'autres femmes venus de Montpellier,
Toulouse, Nîmes ou Paris.
Elles étaient 70 au premier jour,
elles sont désormais 200 à occuper l'Église.
Rose, rose, bien trop belle,
déjà meurtrie ma presque velle
qui voudrait c'est malgré le froid.
Et contre toute vraie semblance,
croyez que le prêtant commence,
Rose, vous ressemblez à moi,
Rose, vous ressemblez à moi.
En plein décembre,
j'ai trouvé la rose
qui me ressemblait
au pétal de givre.
Non, pas la rose d'un été,
non, pas la rose de bouquets
et de la joie de vivre.
Mais Rose, Rose, pas très belle,
Rose à l'espérance fidèle
au risque d'y perdre le cœur.
Vous qui refusez la tempête
et redressant toujours la tête
comme moi nier le malheur,
comme moi nier le malheur.
En plein décembre,
je vous ai cueillis
comme je le pouvais
déplacer dans un verre.
Une larme bien oubliée
du temps où je savais pleurer
attacher ma paupière.
Rose, Rose, de courage,
un peu fri, un peu sauvage,
les jardinières iront de nous.
Tempée, si le froid me démembre,
je fleurirai même en décembre
et que me comprennent les fous,
et que me comprennent les fous.
En plein décembre,
ce matin et sous la neige du jardin,
j'ai trouvé une Rose,
une Rose.
Aujourd'hui, le mouvement des prostitués à Lyon.
France inter à faire son cible.
Jeudi 5 juin 1975,
au quatrième jour de l'occupation,
les prostitués sont très exactement 204
dans l'église sanisie de Lyon,
venus réclamer la fin des amendes,
des peines de prison et des violences arbitraires
dont elles font les frais à Lyon,
mais aussi un peu partout en France.
Car au fil des jours,
il apparaît évident qu'il s'agit
d'une réalité nationale,
et pas seulement lyonnaise.
Au quatrième jour,
alors que des dizaines de femmes
ont rejoint l'église depuis tout le pays,
l'ambiance est à la fêter au partage.
Une association de jeunes cinéphiles
de la Croix-Rousse
projette des films dans l'église,
et dans la journée,
ce sont des musiciens
qui viennent distraire
avec leurs instruments
les femmes de sanisier.
Des liens secrets
ont danse,
et surtout on chante ensemble,
et pour se donner de la force,
les textes que les prostitués diffusent
sont écrits collectivement.
En ce quatrième jour,
d'autres militantes vont rejoindre
la mobilisation et notamment
les féministes du MLF,
le mouvement de libération des femmes.
Pour elles, pourtant,
la prostitution n'est pas une thématique
dont elles débattent vraiment.
Elles connaissent même
très mal ce milieu.
Mais alors que l'Assemblée nationale
vient d'adopter le texte sur l'IVG,
le moment se prête à une nouvelle mobilisation.
La réalisatrice féministe Carole Rousseau-Poulos,
qui a notamment filmé un avortement
par aspiration en 73
dans le film YAKA PA BEZE,
va mettre en place
un sanisier dispositif étonnant.
Elles filment l'intérieur de l'Église
avant de faire participer les femmes au montage
et de diffuser les bandes
sur des postes à l'extérieur
pour que les passants et les passantes
qui voudraient assister aux discussions
qui se tiennent à l'abri des regards
puissent le faire.
Il y a le même éclant d'exploitation pareil
parce que l'ouvrier qui est en bas,
il est exploité par 150 personnes
avant d'arriver en haut.
L'exploitation n'est pas exclusive à la prostitution.
L'exploitation, c'est une exploitation de la société,
c'est pas une exploitation de la prostitution.
Moi, de toute manière,
je dénonce complètement
ce matraquage de la fille
sous prétexte que c'est pour atteindre la prostitueuse.
L'État se donne bonne conscience
pour matraquer les prostitués
et dire que c'est pour avoir les prostitues.
L'analyse des militants du MLF
qui viennent soutenir les prostitués de Sanisier
est la suivante.
Qui a avec son patron,
qui a avec son mari?
Pour garder son emploi
et sa sécurité matérielle,
il n'y a pas que sur le trottoir
que les femmes sont amenées à se prostituer.
Pour elles,
la prostitution n'est qu'une des formes
de l'oppression des femmes par les hommes
et en particulier par les hommes au pouvoir,
c'est-à-dire l'État.
Les enjeux très locaux
qui ont amené les prostituélionnaises
à occuper Sanisier
se part d'universel
au contact des militants féministes.
Au cinquième jour de mobilisation,
des femmes prostituées de Saint-Etienne
décident d'occuper une église
dans leur propre ville.
Elles sont rapidement suivies par d'autres,
à Montpellier, Nice, Cannes, Toulouse,
Grenoble et Marseille.
Au total, la mobilisation s'étend
à 25 villes françaises.
Reportage à Montpellier.
Nous voudrions pouvoir travailler
parce qu'à l'heure actuelle,
nous ne pouvons plus travailler.
En fait, quand nous mettons un pied dehors,
nous sommes emballés et nous avons des PV.
Donc, nous pouvons en avoir un,
deux, trois par jour.
Bon, ça fait des sommes quand même considérables.
En plus, on nous a signalés,
nous avons tout reçu des feuilles d'impôt
et nous sommes imposables
sur quatre années en arrière,
pour qui 3, 4 millions,
pour qui 7 millions,
cet argent, personne ne l'a
et personne ne le payera.
Parce qu'il est inadmissible
qu'on nous fasse payer des impôts
et qu'on nous fasse payer des amendes.
Où nous payons des impôts
ou nous payons des amendes.
Où on reconnaît la prostitution
ou on ne la reconnaît pas.
Si on la reconnaît, on paye des impôts.
Si on ne la reconnaît pas, nous payons des PV.
Saturday, 7 juin 1975,
6ème jour de la lutte de prostitué de Lyon
contre la répression policière
et fiscale qu'il est harcèle.
Et c'est autour des Parisiens
de rejoindre le mouvement
avec l'occupation par plusieurs dizaines d'entre elles
de la chapelle Saint-Bernard,
près de la Gare Montparnasse.
À Paris comme ailleurs,
les revendications rejoignent
celles des pionnières Lyonnaises.
Les prostitués de la capitale
réclament également
la suppression des arrêtés
qui prévoient des amendes
et des peines de prison
pour attitude de nature
à provoquer la débauche.
Elles demandent
à être reconnues
comme des femmes et comme des mères
et dénoncent les agressions
qu'elles subissent impunément
dans les bois de Boulogne
et de Vincennes.
Elles s'opposent également
à la réouverture des maisons closes
que les prostitués rejettent
unanimement partout en France
pour protéger leur indépendance.
Mais petit à petit,
de nouvelles revendications
éclosent, ça est là.
En particulier la reconnaissance
par l'Etat de la prostitution
comme une profession,
ce qui permettrait à celles
qu'il exerce de bénéficier
d'une fiscalité plus juste,
de la sécurité sociale
et de la retraite.
C'est en tout cas
ce que demande cette femme, anonyme.
Le tapin de maintenant,
c'est plus valable là.
On est censé s'emmerder d'abord,
on n'a pas de sécurité ni rien.
Il faut faire toute intention
de ne pas se faire attaquer
ou quoi que ce soit.
C'est plus possible de tapiner
comme ça.
On parle en vulgarement.
D'abord, on veut que
la police nous emmette
beaucoup moins
ou alors elle nous fasse payer
des impôts aux parents
et qu'on ait la sécurité sociale.
Et si vous n'obtenez pas satisfaction,
qu'est-ce que vous allez faire?
On contestera,
jusqu'à ce qu'on nous entend.
Hula et Barbara,
les porte-paroles yonaise
de la contestation
ne se reconnaissent pas
dans cette volonté
d'organiser la prostitution
et d'en faire officiellement un métier.
En revanche,
et c'est une certitude,
outre la question des amourdes,
il faut changer la loi
sur le proxénétisme.
Car en regard de la législation
française de 1975,
quiconque vit avec une prostituée,
compagnon, camarade, parent,
est considérée comme proxénète
par cohabitation
et donc hors la loi.
C'est ce qu'explique Barbara Hula
devant la caméra de Carole Rousseau-Poulos
dans le film Les prostituées de Lyon
Parle, tourné dans l'église de Sanicien.
Le vrai proxénète,
affirmula au média qu'il interroge,
ce n'est pas son mari
qui joue pourtant à l'occasion
de rôle de souteneur, non.
Le vrai proxénète,
c'est l'État
qui gagnerait,
selon les chiffres
qui circultent à l'époque,
l'équivalent de 230 millions d'euros
chaque année
sur le dos des prostituées
sans qu'elle n'aide
aucun droit en retour.
Pour les militants féministes
qui ont attrapé le train
de la mobilisation en marche,
la question du proxénétisme
reste compliquée à appréhender,
insoluble même.
Comment comprendre
sa femme qui se déclare libre
tout en vendant leur corps,
parfois pour le compte
de ce qu'elles appellent leurs amis?
Comment les défendre
contre la police,
contre le gouvernement
de Valérie Giscardestin,
sans favoriser en creux
le proxénétisme qui existe de fait?
Au septième jour de mobilisation,
la rubeur enfle dans les médias,
portée par le ministre
de l'Intérieur,
Michel Poignetowski lui-même,
mais démenti par les principales
intéressés
et par l'association du NIC
qui les accompagne,
l'occupation de l'Église
Sanisier aurait été orchestrée.
Cette affaire de prostitution
qui est de tous les temps
pose deux problèmes graves.
Le premier qui est celui
du racolage public
et le second celui
du proxénétisme.
Le proxénétisme représente
des intérêts considérables.
Par exemple,
en la seule région parisienne,
6 milliards et demi.
C'est-à-dire,
cela représente le chiffre
d'affaires du Tiersée
en une année,
en France.
Et ce sont
ces organisations de proxénète
qui ont poussé
à ces manifestations
dans les Églises.
Samedi-sept-juin 1975,
Hula, Barbara,
mais aussi Minouche,
Carole, Martin, Mireille,
Christine
et les autres prostitués
mobilisés pour leurs droits,
attendent avec impatience
des réponses officielles.
L'aveuille,
elles ont contacté
Michel Pognatovski
que vous venez d'entendre
et qui les accuse
d'être manipulés
par leurs souteneurs.
Mais le week-end passe,
sans messes
dans les paroisses occupées
et sans réponses
de qui que ce soit
de la part du gouvernement.
Le 9 juin,
rapportent le monde,
il y a bien une rencontre
place Beauvau
entre Maître Jurami
par Marseille,
mandaté par les manifestantes
et le directeur
de la réglementation
du ministère.
Un coup d'épédant
en l'eau.
Pour les prostitués
de Lyon et d'ailleurs
qui dorment à l'Église
dans des sacs de couchage
depuis plusieurs jours,
déjà,
le silence des autorités
devient lourd,
trop lourd.
Les troupes
sont fatiguées,
démoralisées.
Mais il est décidé
collectivement
de rester
une nuit encore,
un jour de plus.
Ce sera le mardi,
10 juin,
le jour de trop.
Toutes les églises
occupées ces derniers jours
par des prostitués
sont maintenant évacuées.
Si Monsieur Poniatowski
dit-elle nous considère
comme du bétail,
nous croyons que les hommes
et les femmes de ce pays
sont capables
d'autres sentiments.
Bien sûr,
elles n'ont pas compris
pourquoi les forces
de police
sont intervenues,
alors que l'opinion publique
semblait avoir
quelque sympathie
pour leur cause.
Il est très tôt
en ce mardi 10 juin 1975,
quand la police
fait évacuer
sur ordre
du ministère de l'Intérieur,
toutes les églises
occupées en France.
Une réponse musclée
au lieu du dialogue
que les femmes mobilisées
ont tenté
huit jours durant
d'instaurer
avec les autorités.
Aucune d'entre elles
n'a pu s'entretenir
avec l'un des représentants
de l'État,
que ce soit
le Président,
le Ministre de l'Intérieur,
le Ministre de la Santé,
la Secrétaire d'État,
la Condition Féminine,
ou le Préfète Police de Lyon.
À Saint-Nisier,
ce sont cent officiers de police
qui entrent de force
dans l'Église
avec chien,
matraque et bombe
lacrymogène,
pour déloger celles
que Michel Pognetowski
considère comme des
fauteuses de troubles.
Quand elles ne sont pas
placées en garde à vue,
c'est à l'hôpital
que sont envoyées
la lyonnaise,
comme Hula,
évacuer,
après avoir été blessée
à la tête.
Barbara,
l'autre porte-parole
du mouvement,
annonce la suite
des événements
sur France 3.
Hula apparaît-il disparu?
Hula n'a pas apparaît-il
disparu,
il a disparu.
C'est à dire qu'Hula
était à l'hôpital.
Il n'y en a absolument
aucune nouvelle d'elle.
Elle est en robe de chambre,
sans argent,
sans clé,
sans rien.
Il n'y en a plus du tout
à l'hôpital.
Qu'est-ce que vous allez faire
maintenant?
Nous allons nous réunir,
et je pense que toutes
les femmes de France,
enfin toutes les prostituées
de France sont d'accord
pour que nous revoyons
dans toutes les villes,
par quartier,
par rue,
et que nous groupions
afin que nos revendications
soient toutes les mêmes,
parce qu'on espère fortement
arriver quand même à
quelque chose de raisonnable.
Vous allez prostituer un syndicat?
Un syndicat, mais pas politique,
parce que nous n'apportions
aucun groupe politique.
Un syndicat de prostituer.
À peine sont-elles sorties
de garde à vue,
que les prostituées lyonnais
se réunissent au cinéma
le quennu à la Croix-Rousse
pour déterminer
comment faire durer
le mouvement,
malgré l'évacuation
de l'église.
Elle décide notamment
de l'élection de délégués
de quartiers
et de l'organisation
d'états généraux
de la prostitution
au niveau national.
Pendant ces huit jours
de lutte,
beaucoup ont appris
à s'organiser collectivement
à prendre la parole
devant une assemblée,
bref, à faire front.
Alors pas question pour elle
d'abandonner le combat,
d'autant que Giscard
a nommé un magistrat,
Guipino,
pour mener une mission
d'information
sur la prostitution,
un monsieur prostitution,
comme l'appelle la presse,
qui doit rendre un rapport
à la fin de l'année 75.
À première vue,
et malgré l'évacuation
brutale de l'église,
c'est donc plutôt
une victoire
pour les femmes de Sanisier.
Le retentissement
de leur mouvement
inattendu
leur a permis
de s'offrir entendre
au-delà des frontières
de la ville
et de changer le regard
que les Françaises et les Français
portaient sur leur activité.
Oui,
on a découvert
l'opinion publique.
Les prostitués
sont comme tout le monde
pour cette opinion publique.
Elles peuvent avoir
des émotions,
des enfants,
des revendications.
Le 27 juin 1975,
moins d'un mois
après le début du mouvement,
un jugement de la Cour de Lyon
exemple de prison
les prévenus
qui étaient à l'origine
de la mobilisation.
Une autre victoire,
judiciaire cette fois,
mais qui ne suffira pas
à pérenniser le mouvement,
faute d'intérêt
des dirigeants politiques.
En décembre
de cette fameuse année 75,
le rapport Pinot,
pourtant réveillé,
a été réveillé
par le gouvernement
de l'Ontario.
En décembre
de cette fameuse année 75,
le rapport Pinot,
pourtant réveillé,
a été réveillé
par le gouvernement de l'Ontario.
Le rapport Pinot,
pourtant réclamé
par Valérie Giscardestin
est enterré
avant d'avoir été
examiné
en Conseil des ministres.
Quant aux états généreux
d'approstitution,
bien qu'ils renforcent
un conscience collective
de celles qui y participent,
ils ne mèneront pas
à l'organisation espérée.
Hula et Barbara,
les portes paroles médiatiques,
quittent bientôt
à la prostitution,
tandis que les féministes
se tournent vers d'autres causes.
Et peu à peu,
les prostitués,
leurs revendications
tombent de nouveau
dans l'oubli.
Un succès en demi-teinte,
donc,
pour ce combat inédit,
qui marquera malgré tout
l'histoire des luttes sociales.
Aujourd'hui encore,
et dans le monde entier,
le 2 juin,
reste la journée internationale
des luttes des travailleuses
et de travailleurs du sexe.
Faire les sympas,
le long des rues,
c'est fatigant pour les guibole,
parole,
parole,
c'est fatigant pour les guibole,
oh le.
Non seulement,
elles ont des corps,
non seulement,
elles ont des corps,
des oeufs de pèdres,
ils maisent encore,
des oeufs de pèdres,
ils maisent encore,
c'est fou ce qu'elles usent
de grotte,
parole,
parole,
c'est fou ce qu'elles usent
de grotte,
oh le.
Il y a des clients,
il y a des salauds,
il y a des clients,
il y a des salauds,
qui se trompent,
jamais dans l'eau,
qui se trompent,
jamais dans l'eau,
faut pourtant qu'elles les cagellent,
parole,
parole,
faut pourtant qu'elles les cagellent,
oh le.
Quel leur face,
la courte échelle,
quel leur face,
la courte échelle,
pour mon terreau,
septième ciel,
pour mon terreau,
septième ciel,
les sous croyais pas qu'elle les vole,
parole,
parole,
les sous croyais pas qu'elle les vole,
oh le.
Elles sont méprisées du public,
elles sont méprisées du public,
elles sont bousculées par les flics,
elles sont bousculées par les flics,
et menacées de la verre,
oh le.
Parole,
parole,
et menacées de la verre,
oh le.
Bien toute la vie,
elle fasse l'amour,
bien toute la vie,
elle fasse l'amour,
qu'elle se marie,
20 fois par jour,
qu'elle se marie,
20 fois par jour,
la nance n'est jamais pour leur fiole,
parole,
parole,
la nance n'est jamais pour leur fiole,
oh le.
Fils de Pécor et de Minus,
fils de Pécor et de Minus,
rie pas de la pauvre Vénus,
rie pas de la pauvre Vénus,
la pauvre vieille casserole,
parole,
parole,
la pauvre vieille casserole,
oh le.
Il s'en fallait de peu mon cher,
il s'en fallait de peu mon cher,
que cette putain ne fut ta mère,
que cette putain ne fut ta mère,
cette putain dont tu rigoles,
parole,
parole,
cette putain dont tu rigoles,
oh le.
France Inter,
affaire sensible,
affaire sensible,
Fabrice Droëlle.
Aujourd'hui, le mouvement des prostituels
en 1975,
dont nous parlons avec notre invité,
Liliens Mathieu.
Bonjour.
Bonjour.
Sociologue,
directeur de recherche au CNRS,
au Centre de Max Weber
et à l'ONS de Lyon,
vous êtes spécialiste de l'étude
de la prostitution
et des mouvements sociaux,
vous avez entendu Georges Brassens,
bien que c'est vache de bourgeois,
les appels levé fidot joie,
c'est pas tous les jours qu'elle rigole,
tout est dit ou presque.
C'est ça les génie.
Qui sont les personnes qui se prostituent
à l'époque,
quel est leur profil,
est-il vraiment différent
de celui des autres époques?
Ne parlons pas du plus vieux métier du monde.
Alors,
si on veut comparer
avec la situation française,
ce qui marque la principale différence
c'est que la plupart des femmes prostituées
qui vont se retrouver
dans un église anisier
ou dans d'autres églises
sont françaises.
Ce qu'on peut repérer dans leur parcours,
parce qu'un bon nombre d'entre elles
vont par la suite raconter leur histoire,
porter leur témoignage,
c'est que ce sont souvent des filles-mères
pour reprendre une catégorie de l'époque,
c'est-à-dire des jeunes femmes
qui ont eu des enfants
sans être mariés
et qui ont,
puisque c'est considéré comme une faute
dans les meurs de l'époque,
été ostracisés, stigmatisés violemment
pour cela,
qui ont perdu leur emploi,
qui ont été éventuellement placés
dans des foyers du Bon Pasteur,
qui étaient des institutions religieuses
de type semi-carcérale
extrêmement brutales
et où leur travail était exploité,
qui ont été rechassés de leur famille.
Et voilà,
ça c'est aussi un élément peut-être
significatif de différence
par rapport à l'époque cotemporaine
où ce qu'on appelle aujourd'hui
les familles monoparentales,
les mères célibataires
ne suscitent plus
et c'est heureux,
la même au propre social.
Alors,
par rapport aujourd'hui maintenant,
donc le profil a changé,
le profil des prostitués
et de la prostitution aujourd'hui.
Absolument.
Autre élément qui intervient de différence
c'est qu'il y a une prostitution masculine
et notamment travestie
qui coexiste à la prostitution féminine
dans les années 70,
mais sans véritablement lien entre elles.
Alors, il y a des travesties
qui vont essayer de se joindre
au mouvement,
après l'occupation des églises,
mais les prostitués femmes
vont être plutôt embarrassés
et vont refuser cette coalition
parce que ça leur ferait perdre
aussi des arguments
de légitimation de leur lutte
qui est d'être des mères.
Vous l'avez dit,
les premiers tracts
commencent par
ce sont des mères qui vous parlent
et évidemment,
la figure du travesti
dans un contexte là aussi,
il faut replacer
l'homophobie et omniprésente,
la figure du travesti,
du prostitué masculin,
ne s'ajuste pas
au paysage,
la façade que le mouvement
essaie de se construire.
Alors, c'est-à-dire,
pourquoi à l'époque,
les prostitués ne revendiquent-elles
pas un statut professionnel?
Autrement dit,
qu'on reconnaisse leur activité
comme un métier.
Ça semblait pas être
une priorité pour elles.
Alors, la priorité,
c'est échapper à la prison
et ne plus être exposé
à une répression policière
extrêmement brutale,
constante.
Donc, c'est sa l'urgence.
Lorsque les prostitués de Lyon
se mobilisent
à partir du début de l'année 1975,
c'est pour ne plus être exposé
à ce harcèlement,
à cette répression.
Par contre,
et ça aussi,
votre documentaire le souligne,
de manière jacente,
il y a une situation paradoxale
de femmes qui sont soumises
à des impôts,
qui sont soumises à des amendes
auquel l'État demande beaucoup d'argent,
sur lesquels l'État prélève de l'argent,
mais sans rien donner en retour
et notamment sans protection sociale.
Et surtout,
surtout sur aucune base,
puisque les échanges
se font en argent liquide.
En plus.
Il n'y a pas de...
Vous voyez,
il n'y a pas de déclaration
qui soit vérifiable.
Oui, mais alors,
ça, je dirais,
c'est dans nos sociétés,
l'impôt,
personne n'est susceptible
d'échapper à l'impôt
à partir du moment où on dépasse
le minimum imposable,
et c'est au prostitué
de faire une déclaration de revenus.
Si elle ne relevait pas
d'une économie informelle,
très largement.
Donc,
c'est pas en soi le fait
d'être soumis à l'impôt,
si on gagne suffisamment d'argent
pour dépasser le minimum imposable,
n'est pas en soi scandaleux.
Par contre,
mais le problème,
c'est que la protection sociale
en France n'est pas...
ne dépend pas de l'État,
mais elle n'est pas financée
par l'impôt,
mais par les cotisations sociales.
Si votre activité n'est pas reconnue,
vous n'avez nulle part
aucune caisse de prévoyance,
d'assurance maladie,
de caisse retraite,
ou qu'elle versait les cotisations.
Et une nouvelle fois,
lorsqu'on exerce une activité informelle,
la question ne se pose pas,
alors tout-qu'elle se pose pas
dans ces termes-là
pour les personnes
qui exercent cette activité.
Je remarque que,
dans les années 70,
on accepte la pornographie.
Les villes sont
remplies de cinémas pornos,
mais pas la prostitution.
Pourquoi?
On accepte la pornographie
depuis très peu de temps.
C'est-à-dire que c'est en 1975
qu'il y a un lieu
qui a été instauré une loi
qui rend légal la diffusion
dans des salles spécifiques
de films pornographiques.
On va que la CX.
Donc c'est quelque chose
d'assez récent,
et puis c'est une économie
qu'il s'agit aussi
d'assainir, entre guillemets,
de contrôler
de prélever des taxes.
Le cinéma pornographique
est beaucoup plus taxé
que le cinéma, entre guillemets,
normal.
La prostitution,
elle fait partie
du paysage urbain.
Il y a beaucoup plus de tolérance
à sa visibilité que aujourd'hui.
Ça, c'est aussi une des
grandes différences
par rapport à la période
contemporaine.
Pour autant,
il y a une réputation
d'illégalité.
Dans ce que dit
Michel Poniatowski
dans votre documentaire,
on voit bien comment
il associe immédiatement
cette activité à la criminalité.
Donc c'est ce qui contribue
à la rendre, on va dire,
illégitime.
Par contre, elle est
beaucoup plus intégrée,
on va dire, à la vie sociale,
au paysage urbain,
et je dirais, à la sexualité
masculine.
Ligand Mathieu, on va faire
un saut dans le temps
et arriver en 2016.
Parce qu'en 2017,
il s'est passé quelque chose
d'important.
L'Assemblée nationale a voté
une loi qui pénalise
les clients de la prostitution.
Je me dis, les clients.
Ecoutez, ce qu'en pense
Marie Bonnet, de l'association
d'Anthèses Paloma,
qui soutient les prostituées,
elle est interrogée par
Franconiard.
Alors, l'objectif
à la base du législateur
était de se dire,
l'idée, c'est d'abolir
la prostitution.
Donc, si on veut abolir
la prostitution,
on va pénaliser les clients.
Et donc, il n'y aura plus
de clients, donc, il n'y aura
plus de personnes
qui proposent des services
sexuels paraichés.
Dans l'effet, ça ne s'est pas
vraiment passé comme ça.
On a surtout vu
à Paloma,
avec notre expérience
de terrain,
une inversion du rapport
de force, en fait.
Il y a vraiment
cet argument,
de la part des clients,
de négocier des tarifs,
de négocier des pratiques,
parce qu'ils prennent le risque
de se faire contrôler
par la police.
Je précise quand même
qu'on fait une différence
entre des clients
qui respecteraient le contrat
et qui ne chercheraient pas
à négocier quoi que ce soit.
Des agresseurs qui, eux,
vont négocier les tarifs,
vont demander à expérer
l'argent après la PAS,
vont demander à avoir
un rapport sexuel
sans préservatifs
pour quelques euros de plus.
Vous avez employé tout à l'heure
le verbe abolir.
Pour dire, il y a ceux
qui souhaitent abolir
la prostitution.
Il y a tout un vocabulaire
dans ce milieu,
abolition, prohibition,
réglementation.
Quels sont les grandes
différences, si on doit
être pédagogique?
Alors si on veut essayer
d'être pédagogique,
on est sur un modèle
abolitionniste en France.
L'idée de ce modèle abolitionniste
c'est effectivement
d'abolir la prostitution
parce qu'on part du principe
que c'est un mal en soi
et qu'il faudrait abolir
la prostitution
et donc pénaliser
les clients
et les tiers, ce personne,
mais pas les travailleurs
et les travailleurs du sexe
parce qu'on part du principe
que ce sont des victimes.
Ça se différencie
avec le prohibitionnisme,
pardon, qui, pour le coup,
part du principe
qu'effectivement la prostitution
est un mal aussi en soi,
un fléau moral,
et que donc on pénalise
absolument toutes les parties.
Dans le cadre du prohibitionnisme,
les travailleurs et travailleurs
du sexe ne sont pas
considérés comme victimes,
mais plutôt comme étant
les personnes qui sont à
l'initiative de ce mal.
Donc là toutes les parties,
je dirais, sont pénalisées
d'une manière ou d'une autre.
Ça c'est un modèle
qu'on peut retrouver par exemple
en Russie ou dans beaucoup
de pays aux États-Unis.
Et après on a plutôt
le modèle réglementariste
qui lui organise la prostitution.
Le but, c'est de contenir
un peu les, alors avec des guillemets,
les nuisances associées au phénomène
et le danger que ça peut représenter
pour l'ensemble de la société.
Et du coup, il y a un peu cette idée
d'encadrer, de réglementer,
mais aussi d'avoir un espèce
de contrôle hygiéniste
pour empêcher la propagation
des maladies sexuellement transmissibles.
Et donc à Paloma,
on se retrouve dans aucun
des trois modèles
que je viens de citer.
Nous, on se retrouve plus
sur le modèle de la décriminalisation
qui viserait plus
l'annulation des lois
qui sont aujourd'hui faites
à l'encontre des personnes
et qui ont vraiment
des conséquences négatives
pour leur santé
et leur sécurité.
Qu'est-ce que ça vous inspire,
Lyon Mathieu, notamment
sur le dernier point abordé.
Et Lyon Mathieu, oui.
Oui, oui, je suis toujours là.
Le temps de réfléchir
à votre question.
Je dirais que cette distinction
entre les régimes abolitionnistes,
prohibitionnistes et réglementaristes
n'a pas forcément beaucoup de sens
aujourd'hui historiquement.
C'est un leg, mais on voit,
lorsque l'on compare les politiques
qui sont adoptées dans les différents pays
à l'échelle notamment européenne,
que les enjeux sont souvent les mêmes
et de faire disparaître
une activité dont la visibilité
dans l'espace urbain est dérangente
et de contrôler des flux migratoires
à une époque où la prostitution
est en grande partie exercée
par des personnes migrantes.
L'autre aspect, c'est effectivement
le paradoxe ou la difficulté
de confier une politique
qui se veut, qui se prétend,
en tout cas féministe
et de secours à des victimes
aux forces de police.
Et c'est là qu'on rejoint
un petit peu l'épisode de 1975,
c'est-à-dire que l'institution
de policière n'est pas forcément
celle qui est dans les meilleures dispositions
à l'égard des populations
marquées par une certaine marginalité
et qu'il faudrait éventuellement
plus se courir que réprimer.
Et l'application de la loi,
que ce soit la loi sur le racaulage
instauré en 2003 par Nicolas Sarkozy
ou la loi de pénalisation des clients,
donne quand même la priorité
à chaque fois à la pénalisation
et avec les mêmes conséquences
de dispersion et d'invisibilisation
et de clandestinité accrue
de l'activité prostitutionnelle,
ce qui rend le secours
aux personnes prostituées
ou de l'assistance
plus difficile.
Tendresse de temps en temps
et puis cette fois-ci
je pourrais le faire en l'insultant
puis tout est négociable
dans l'avis moyenne en paiement
en plus je suis sûrement son meilleur client.
Mais oh
laissez-donc ma maman
puis je sais
c'est vrai qu'elle n'est pas parfaite
c'est un héros
et ce sera toujours bien non
que j'en parlerais
que j'en parle
Je suis un fils de pute
comme ils disent
après tout ce qu'elle a fait pour eux
pardonne leur bêtise
aux chers maires
ils te déshumanisent
c'est plus facile
les mêmes te convertissent
et tout le monde ferme les yeux
Pourquoi tout le monde me déteste
alors que c'est moi qui les nourris
leur vie serait bien plus modeste
sans moi elle serait pourrie
le lit et la sécurité ont impris madame
ben oui dans la vie tout se paye
on te l'avait donc jamais appris
on m'accuses de faire de la traite
d'être humain
mais 50, 40, 30 ou 20% c'est déjà bien
faudrait pas qu'elle se prenne
un peu trop pour des mannequins
mais dames
où devrais-je dire putain
Mais oh
laissez-donc ma maman
puis je sais
c'est vrai qu'elle n'est pas parfaite
c'est un héros
et ce sera toujours fièrement
que j'en parlerais
que j'en parle
je suis un fils de pute
comme ils disent
après tout ce qu'elle a fait pour eux
pardonne-leur bêtise
aux chers maires
ils te déshumanisent
c'est plus facile
les mêmes te convertissent
et tout le monde ferme les yeux
France Inter
France Inter
Affaire sensible
aujourd'hui le combat des prostitués
à Lyon en 75
et d'ailleurs
on a parlé des militants du MLF
qui soutenaient les prostituers en 1975
en 2023
quelle est la position des mouvements féministes
par rapport à la prostitution
sachant que s'il faut aider ces femmes-là
qui sont les femmes, qui sont les mères
leur métier quand même a dossé
un rapport de domination de l'homme sur la femme
alors la prostitution
je dirais autant que le voile
un thème clivant à l'intérieur du mouvement féministe
en tout cas en France
avec toute une partie
je dirais majoritaire du féministe français
qui est ralliée à l'idée
au projet d'abolition de la prostitution
qui serait intrinsèquement un rapport d'exploitation
de violence sexuelle et sexiste
du patriarcat à l'encontre du corps des femmes
et une fraction de ce même mouvement féministe
qui
je dirais des fractions sans doute un peu plus jeunes
plus influencées par les théories queer par exemple
ce qu'on appelle le féminisme pro-sexe
qui prend jusqu'au dernier extrémité
l'idée de libre disposition de son corps
c'est-à-dire d'en faire également un usage commercial
donc de la même manière que sur le voile
même si les oppositions se recoupent pas totalement
c'est un thème extrêmement clivant à l'intérieur du féminisme
est-ce qu'il se dégage une majorité d'un côté ou de l'autre?
je dirais que la majorité de la plus grande partie
c'est difficile à quantifier évidemment
mais le féminisme le plus institutionnel
on va dire et très clairement abolitionniste
on entend souvent l'expression travailleure et travailleuse du sexe
qu'est-ce que ça signifie par rapport aux mots prostitués
est-ce que nous sommes dans le politiquement correct
ou au contraire, dans une façon de parler, plus juste?
c'est une catégorie militante à la base de travail du sexe
c'est une manière de repousser, de mettre à l'écart
la dimension stigmatisante et victimisante du terme prostitué
qui est un participe passé prostitué
donc ça induit une idée de passivité
travail du sexe c'est une manière de mettre en avant
c'est une activité qui permet aux personnes qui l'exercent de gagner leur vie
ça veut pas dire qu'elles adorent cette activité
ça veut pas dire qu'elles l'ont choisi
mais en tout cas c'est ce qui leur permet de gagner leur vie
et étant à travail, il devrait être du point de vue de ceux qui portent cette idée
ce projet être reconnu comme un métier comme un autre
et permettre d'accéder à la protection sociale
qui revient aux activités, aux métiers considérés comme légitimes dans notre société
donc c'est un objectif de normalisation
merci, merci infiniment
Julien Mathieu je rappelle que vous êtes sociologue spécialiste de l'étude
prostitution et des mouvements sociaux, merci pour vos éclairages
au revoir
c'était à faire sensible aujourd'hui le mouvement des prostitués en 1975
une émission que vous pouvez réécouter en podcast bien sûr
à la technique qu'aujourd'hui il y avait Philippe Duclos
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durée :00:54:27 - Affaires sensibles - par : Fabrice Drouelle - Aujourd’hui dans Affaires sensibles, le combat des femmes prostituées de Lyon à l’église Saint Nizier.