Hondelatte Raconte - Christophe Hondelatte: Le cannibale de Rothenburg - Le débrief

Europe 1 Europe 1 10/31/23 - 13m - PDF Transcript

Pour commenter son histoire du jour, Christophe Ondelat reçoit un invité, acteur direct de son récit.

Voilà pour cette hallucinante histoire que nous allons débriffer maintenant avec un écrivain et journaliste qui s'est passionné pour ce sujet,

Éric Remès, vous avez écrit Cannibal, journal d'un anthropophage aux éditions blanches.

Et dans ce livre alors votre démarche est tout à fait particulière, c'est-à-dire que vous vous mettez à la place de Maïveuse et que vous racontez cette histoire au jeu.

Pardon pour cette première question, mais est-ce que ça trahi une forme d'attirance ?

Alors, c'est l'attirance pour la folie, l'attirance pour la violence dans laquelle j'ai été plongé à ce moment-là et qui m'a fasciné,

c'est une histoire d'amour entre deux personnes totalement folles, c'est deux homosexuels, donc ça me concerne que je suis moi l'amour sexuel,

et je trouvais cette histoire totalement délirante et dignes d'un bon roman.

Donc la part au fond, enfin votre livre est une démarche assez romanesque parce que, est-ce que ça a été facile d'entrer dans la tête de Maïveuse ?

Je viens d'habituer des auto-fiction, donc j'ai toujours travaillé avec le jeu et il m'a semblé logique de continuer avec le jeu pour l'histoire de ce cannibal.

Que vous avez nourri aussi de votre savoir personnel, j'ai noté que vous êtes au-delà du métier de journaliste et d'écrivain, vous êtes initialement un psychologue clinicien ?

Oui, j'ai une maîtrise de psycho et une maîtrise de philo, effectivement.

Ça vous a aidé ?

J'ai toujours été fasciné par la folie des hommes, et en fait l'amour, quel qu'il soit, correspond à la fusion entre deux folies,

mais deux folies qui sont moins radicales que dans ce cas-là.

Vous avez pris soin, et c'est intéressant, on peut commencer par ça, de dire qu'il y a une minute que c'était une amour, un amour homosexuel.

Qu'est-ce que c'est à faire fondamentalement, à avoir avec l'homosexualité ?

C'est-à-dire que l'Homme Armin était tellement libre vis-à-vis de lui-même, et vis-à-vis de sa sexualité déviante, qu'il a voulu la vivre avec quelqu'un dont il était proche et dont il pouvait se sentir proche,

c'est-à-dire un homme sous les femmes, ça ne convenait pas pour lui. Les femmes c'était de la science fiction pour lui.

Vous dites sexualité déviante, pour vous, il ne s'agit que de sexualité déviante ?

Dans ce cas-là, mais l'homosexualité, quelque chose de tout à fait normal, au même titre, que l'homosexualité.

Alors, il y a deux indices. Il y a un moment où il y a ce type au tribunal qui vient dire qu'il ne m'a pas choisi parce que j'étais gros.

Il y a donc, comment dire, un rapport physique, il y a quelque chose du côté du flash, du...

Esthétique.

Esthétique, oui.

Fusionnel.

Oui.

Il parle de chair bandante.

Chair bandante, effectivement, il consomme le phallus triomphant découpé, qu'il fait frire à la poêle, qu'il fait revenir, qu'il fait brûler,

finalement, qu'il est inconsommable.

Effectivement, c'est la symbolique du phallus qui est là à valer et la puissance de l'homme à gérer.

C'est pour ça qu'il dit à la fin, cet homme étant moi, il a ingéré complètement. C'est une fusion totale.

Alors, il dit aussi, et c'est d'ailleurs comme ça que débute votre bouquin, qu'il se masturber en regardant les images qu'il avait tournées

au moment où il a tué sa victime.

C'est un vicieux, c'est un pervers, un pervers social.

Oui.

Et qui a besoin de vivre son fantasme, mais qui, ayant vécu une fois, le reproduit alaçablement et veut le reproduire ensuite, quoi.

C'est pour ça qu'il est heureux qu'il était mis en prison, parce qu'il aurait continué à trouver d'autres victimes.

Le fait qu'il se soit filmé, justement, est mieux encore qu'il dise de lui-même, au policier, où sont cachés les cassettes.

Ça décoise.

Alors, c'est un geek, il était fan d'informatique, sa maison était remplie d'ordinateurs.

Il avait travaillé avec Internet depuis le départ, donc ce connaissait bien tout ça.

Et regardez maintenant, 15 ans après, tous les délits, le moindre délit est filmé et diffusé sur YouTube.

Vous voyez, il était la vengarde en fait, quoi.

Est-ce qu'Internet peut expliquer les sorts éventuels, s'il y en a un, on va en parler, du cannibalisme ?

Parce que c'est vrai que tant que ça reste dans votre tête un fantasme, c'est une chose.

Mais quand vous pouvez commencer à échanger avec des volontaires et avec des gens comme vous, alors ça élargit le champ

et ça peut amener à ça ?

Internet, c'est une bibliothèque mondiale des perversions dans lesquelles on peut se plonger

et trouver chacun à sa sauce, chacun à son propre désir, chacun à son propre fantasme

et on trouve des gens qui se correspondent.

Un peu comme pour les réseaux sociaux.

En fait, on ne les change qu'avec des gens qui nous ressemblent.

Et on élimine sous qui ne nous ressemblent pas.

Donc Internet peut...

Facebook avant l'heure.

Donc Internet peut avoir donné un certain essor à ce goût pour le cannibalisme ?

Pas plus qu'à d'autres goûts, comme Internet permet des choses tout à fait catholiques

comme la rencontre entre homosexuels, entre heterosexuels et entre particularités physiques et psychologiques.

Donc non, c'est un moyen de liberté.

Mais le problème, c'est que cette liberté, on peut en faire une déviance.

Alors, ce qui est intéressant, c'est qu'on cherche évidemment à comprendre

comment et pourquoi Maïve s'est devenue cannibal

et on nous offre une première explication

qui est cet isolement qui vit avec sa mère dans ce château luguban.

C'est pas une raison non plus pour le chacun.

Le chacun devient un cannibal.

Mais effectivement, le rapport castrateur de sa mère, le rapport inquisiteur, infestueux de sa mère

fait qu'il a eu des déviances qui l'ont tarodée très tôt, très jeune.

Pourquoi dites-vous incestueux ?

Parce qu'un amour plus passionnel comme avait sa mère envers son fils

à l'enfermer, à l'infantiliser, à le sausifier, à le réhifier

faisait que c'était une forme de domination incestueuse

même si l'inceste n'était pas matériel et physique.

Donc il grandit dans quelque chose de mal-cinq ?

Oui, mais là encore, je sais pas tout.

Le fait qu'il ait vu tuer le cochon, ça m'a beaucoup inquiété

parce que moi j'ai vu ça toute mon enfance

et je ne crois pas être devenu un cannibal.

C'est-à-dire que c'est pas un déclencheur, on est d'accord ?

Non, non, non.

C'est des images qu'il a marquées

et qu'il a fantasmé, qu'il a élaboré un processus,

un scénario très sophistiqué

et qu'il a réussi à mettre en oeuvre un jour ou l'autre.

Alors puisque vous êtes psychologue-clinicien de formation

est-ce que c'est un psychopathe comme les autres ?

Oui c'est un psychopathe qui s'est construit

puisque la psychopathe se construit en général pendant l'enfance

et qui s'est construit sur ce rapport avec sa mère.

Tout à fait.

Alors le consentement de la victime,

qui est l'autre sujet passionnant de ces affaires

qui pose une question pénale mais pas que

j'ai noté que la victime mange son propre pénis à table

avec Maïveuse.

Donc il est cannibale lui aussi ou pas ?

C'est du sadomasochisme en fait,

jusqu'à l'extrême, donc du masochisme quant à la victime

qui se sent détruite et en même temps construite

par le fait d'être mangé quoi.

Parce que vous situez leur relation dans un cadre sadomaso ?

Oui.

Oui c'est du sadomasochisme,

parce que la victime était un masochisme de première

qui désirait sanilier quoi, sanilier.

Alors il est homosexuel mais homosexuel,

refouller dit l'enquête,

ça peut expliquer quelque chose ça ?

Tout le refoulement mène pas au crime

mais les refoulements mènent à bien des problèmes psychologiques,

bien des somatisations

et c'est vrai qu'il vaut mieux assumer ces penchants

qui soient homosexuels et térosexuels

que de leur refouler.

Et c'est plus dur d'assumer ces pensants homosexuels

et effectivement dans ce cas là,

ça peut amener à des problèmes psychologiques,

physiologiques, à des pathologies,

à des cancers, des choses comme ça.

On peut détester la femme avec qui on est

parce qu'on a simplement envie d'être avec un garçon.

C'est terrible en fait tout ça.

C'est la honte,

c'est la culture hétérosexuelle qui la provoque.

Si un homosexuel n'est dans un milieu hostile

bien que ces choses aient particulièrement évolué

ces 30 dernières années,

il en reste pas moins que l'homophobie existe

et que le refoulement est la propre homophobie,

l'homophobie intérurisée des homosexuels

et là, quoi ?

Vous vous êtes intéressé dans votre carrière de journalisme

aux pratiques marginales, sexuelles.

Est-ce que vous avez pénétré des milieux

qui s'approchent de la relation entre

Maïveuse et sa victime ?

Ce sont les vampires,

les vampires américains.

Ils existent ?

Ils existent, oui, tout à fait.

Ils ont les dents coupées, ils ont les dents en pointe.

C'est Laurent Courot qui a beaucoup travaillé là-dessus,

qui a fait un livre là-dessus également

et qui a vraiment infiltré de manière positive

ce milieu, quoi.

Parce que pour vous, le monde des vampires,

il y a de la sexualité aussi dedans ?

Ce n'est que peu de la sexualité, même à la nuit, hein.

D'accord.

Et le sang, il a trait pour le sang, quoi.

C'est marrant ce que vous dites, parce que

en racontant ce château, ce manoir,

je m'étais dit qu'il ressemblait,

mais ça ne pouvait être que le hasard

ou château de Dracula.

Oui, oui, oui.

Et tout ça, en fait, ce livre, je l'ai écrit

parce que j'avais été mis en bond de la communauté

parce que j'avais écrit un bouquin sur le barbac,

sur le fait que les...

Sur le sexe homosexuel sans protection ?

Le sexe homosexuel sans protection, voilà.

Et le fait que j'ai été mis au ban,

que j'ai été agressé,

que j'ai reçu des menaces de mort, tout ça

m'a rendu très violent à ce moment-là.

Et c'est vrai que j'ai voulu plonger

dans cette violence et l'exprimer

par le biais de ce livre-là, quoi.

Alors, il dit, Mayvos,

qu'il y aurait 800 cannibales en Allemagne.

C'est vrai ou c'est faux ?

Alors ça, c'est les gens qui l'avaient rencontré

sur les réseaux.

Mais bon, c'est peut-être des gens

qui ne sont jamais passés à là et je l'espère, quoi.

Et en France ?

En France, il doit y en avoir aussi.

En France, il y a des histoires d'enlèvement,

de kidnapping, comme il y en a partout dans le monde.

Mais en tout cas, il n'y a jamais eu d'affaires

qui sont sortis là-dessus.

Alors, la question du verdict, qui est très intéressante.

La première fois, on ne sait pas comment qualifier

et donc, il s'en sort avec 8 ans et demi de prison.

Ce qui, pour l'opinion publique,

est inaudible.

Oui, 8 ans et demi, c'est vraiment un peu

pour un crime comme ça,

surtout qui envoie des pratiques

terribles et complètement taboues

de la société,

ce qu'on ne mange pas son prochain,

jusqu'à preuve du contraire.

Effectivement, il fallait qu'il soit publié

plus forcement, ce qui s'est passé

avec le deuxième procès.

Mais effectivement, cet homme

qui dit qu'il ne recommencera pas.

Vous voyez ?

C'est un psychopathe, donc un psychopathe

dès qu'il ne recommencera pas,

mais il n'est pas capable de nous garantir.

Oui, tout comme il dit qu'il est devenu végétarien

à un moment.

Est-ce qu'on sait comment il se comporte

en prison ?

Il était très poli jusqu'à présent,

donc je pense que ça a continué

et très poli, un détenu modèle.

Vous avez cherché à rentrer en contact avec lui ?

Après, après, non, non.

Non, pour le bouquin,

vous n'avez pas cherché à vérifier

que vous rentriez par le bon côté de sa tête.

C'est un roman, de toute façon.

C'est l'écrivain à tous les droits

de la vie de la réalité.

Ce livre est passionnant.

Cannibal, journal d'un anthropophage.

Aux éditions blanches.

Merci beaucoup.

Éric Remès.

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En décembre 2002, dans la région de Rothenburg en Allemagne, la police arrête Armin Meiwes, et découvre avec effroi, que dans son manoir lugubre, il a égorgé, dépecé, et dévoré un ingénieur de 42 ans, qui était volontaire pour se faire « manger ».