Hondelatte Raconte - Christophe Hondelatte: L’affaire Mestorino - Le récit
Europe 1 8/17/23 - 35m - PDF Transcript
...
Le 28 février 1928, à 9h du matin,
un charotier conduit une voiture à cheval sur la route qui reline l'Agnée,
à Melin, en bordure de la forêt d'Armin-Villiers.
Quand, soudain, dans le fossé, il aperçoit de la fumée.
Alors il arrête sa cariol, il s'approche et il voit une grande couverture
qui achève de se consumer et a bien y regardé.
Soudain, sous la couverture, il y a un corps, un homme qui brûle.
...
Le charotier immédiatement se met en travers de la route pour arrêter une voiture.
En voilà une, justement, une voiture de livraison de l'Union commerciale de Mo.
Arrêtez ! Arrêtez, il y a un homme qui brûle là !
Les gens dans la voiture ont un géricando.
Ils étaient le feu et dégagent la couverture.
L'homme a les deux mains tournées vers le ciel.
On dirait qu'il prit.
La voiture tout de suite file vers Tournant prévenir les gendarmes,
qui rapidement refilent le bébé à la police,
en l'occurrence la première brigade mobile de Versailles du commissaire Paul Gabrielet.
Les premières constatations indiquent qu'il s'agit d'un homme d'environ 25 ans, 30 ans maximum.
Il porte un costume marron de bonne coupe.
Il a une plaie à la tête et il n'a aucun papier sur lui.
Mais voilà qu'un homme s'approche.
Monsieur le commissaire, mon nom est Gaston Hollard.
Je suis garçon boucher.
J'allais où travailler ce matin avec l'eau et à peu près, je dirais, à 300 mètres d'ici.
J'ai vu une voiture qui s'arrêtait, un type est descendu.
Il a jeté dans le fossé des bidons d'essence.
Puis il a fait demi tour et il est reparti.
Vous avez le signalement de l'homme ?
Le type de la voiture, son immatriculation ?
Bah, j'ai pas bien vu.
Mais j'ai récupéré les bidons, ils étaient vides.
Mais en bon état, je les ai mis à l'abri.
Ça fait toujours une pièce à conviction, les bidons.
Mais ça ne dit pas qui est le mort.
Le cadavre est emmené à l'Institut Médicaux légal.
Et il est déshabillé à la recherche d'un indice.
Et il faut une loupe pour trouver un indice.
Les boutons, les boutons de la veste de costume.
Il y a une adresse inscrite en tout petit dessus.
Mais vraiment tout petit.
Saint-Germain-des-Prés, 62 rubans d'un part.
C'est l'adresse d'un tailleur.
Et ça, ça laisse un espoir.
Le tailleur doit savoir à qui il a fait ce costume.
Les inspecteurs vont le voir.
Il a fabriqué 17 costumes avec ce tissu.
Don six à Paris.
Et c'est sur ces six-là qu'il faut se concentrer.
On verra la banlieue plus tard.
Les policiers les contactent un par un.
Et il y en a un qui ne répond pas.
Un certain Gaston Trufem, courtier en bijoux.
Et s'il ne répond pas, c'est qu'il a une raison.
Une bonne raison.
Il a disparu.
Sa patronne a signalé sa disparition le jour
où on a retrouvé le corps dans le fossé.
L'affaire devient parisienne.
Et il est décidé de mêler la crime du 36er des Orphèvres
à cette enquête en la personne du commissaire Guillaume.
C'est un cadeau.
Et il va signer, avec cette enquête,
une de ses plus belles affaires.
Les parents de Gaston Trufem expliquent
qu'ils n'ont pas de nouvelles de leur fils depuis deux jours.
Et sa patronne, qui est aussi salogeuse, tout pareil.
Un homme rangé, comme Monsieur Trufem,
ça ne découche pas.
Les parents et la patronne doivent maintenant affronter
la douloureuse réalité.
Ils doivent identifier le cadavre
et dire si c'est Gaston.
...
On les amène à l'hôpital
et le légiste, le docteur Charles Paul,
soulève le drap qui recouvre le corps.
Et il dévoile le visage noirci et boursouflé du mort.
Mon Dieu, c'est lui !
C'est affreux, mon pauvre Gaston.
Il chapeait à 44 mois de guerre et le voir là brûlé, tué.
Mon Dieu !
La patronne de son côté reconnaît plusieurs objets
retrouvés dans les poches, notamment deux carnets de notes
et un étui à cigarette.
Le mort s'appelle donc Gaston Trufem.
Mais ça ne dit pas comment il a été tué.
Ni surtout pourquoi.
Vous devez savoir que le docteur Charles Paul,
qui va pratiquer l'autopsie dans un instant,
est une célébrité à l'époque.
Sa tête de bon vivre en moustachu s'étale régulièrement
dans les journaux.
Il a été de toutes les grandes infères criminelles,
dont la plus célèbre de toutes l'affaire Landry.
En France en 1928, c'est le meilleur et de loin.
Et voilà ce qu'il écrit dans son rapport.
La mort a été convoquée par asphyxie ou suffocation.
En raison des brûlures de la face et du coup,
il a été impossible de retrouver des traces de strangulation,
des traces de coups subsistes sur le thorax et sur le haut du crâne.
Donc il est mort, étranglé, ou étouffé.
Après avoir été tabassé.
...
Mais alors qui était ce gaston truffem ?
Il avait 35 ans, et d'après ce qu'on dit,
ce teutonome rangé,
au net courtier en bijoux,
ancien combattant qui a survécu à quatre années dans l'étranger,
employé sans histoire, sans ennemi,
qui mangeait dans des restaurants populaires
et s'habillait simplement.
Une fantaisie, une seule.
Il jouait du saxophone et même du jazz,
et se produisait parfois du ton dans les caves de Saint-Germain-des-Prés.
Pour l'instant donc, rien dans sa vie qui éclaire le crime.
En revanche, ce qui éclaire le crime,
c'est la révélation par la patronne que le jour de son assassinat.
Il avait au moins pour 600 000 francs de bijoux et de pierres précieuses sur lui.
On ne payera pas à chercher que loin.
Au moins 600 000 francs, mais peut-être bien un million.
La valeur des bijoux et des pierres, vous savez.
Ça va, ça vient.
...
À ça, ça c'est un mobile sérieux.
Alors qui ? Qui l'a tué ?
La réponse est peut-être dans l'emploi du temps de Gaston.
Il disparaît le 27 février.
On retrouve son corps en train de brûler le 28.
Qu'est-ce qui se passe au milieu ?
...
Grâce à son carnet de rendez-vous retrouvé dans sa poche,
on sait que le matin du 27, il passe d'abord à la bourse des diamantères.
Ensuite, à 10h, il va voir un client, Charles Mestorino,
qui est joyeux en gros, au 29 rue Saint-Augustin.
Après quoi, il va voir un détaillant dans le quartier de la bourse.
À 11h, il téléphone à sa patronne.
Allô, madame ?
Oui, ne m'attendez pas avant 13h.
J'ai une affaire à régler.
Et après, plus rien.
Son affaire à régler a mal tourné.
Mais quelle affaire ?
...
...
En février 1928, dans un fossé des environs de Paris,
on retrouve le corps d'un homme en train de se consumer.
Il est identifié comme étant Gaston Truffem, courtier en bijoux,
et il semble qu'on lui ai volé 600 000 francs de pierres précieuses qu'il avait sur lui.
Si on l'en croit, son carnet de rendez-vous.
Juste avant de disparaître, Gaston Truffem avait donc un dernier rendez-vous avec un client.
Un bijoutier près de la bourse, à 11h du matin.
Les policiers vont voir ce bijoutier.
Et ils confirment que le courtier est venu et qu'il est reparti à 11h30.
Il faut que je vous dise qu'il semblait contrarier.
Il disait qu'il devait régler une affaire.
Son rendez-vous d'avant, vers 10h, c'était avec un bijoutier joyeux en gros,
au 29 russe Saint Augusta, un certain Charles Mestorino.
Le commissaire Guillaume lui envoie l'inspecteur Mugell, l'un de ses meilleurs.
Il dit de lui qu'il a le nez fin.
Et quand Mugell débarque à la bijouterie, il tombe sur un homme qui en fait des caisses.
Il a appris la mort de son ami, Gaston Truffem,
et il porte ostensiblement un brassard de deuil.
Pauvre ami, quelle malheur, messieurs, pauvre ami.
Et sa femme à côté de lui est habillée tout en noir.
Vous dites que je suis l'un des derniers à l'avoir vu, monsieur l'inspecteur ?
Mais c'est avreux.
Oh, ce pauvre Gaston, je le revois encore.
Il était là, juste là, là où vous êtes.
Il était si discret, si gentil.
Et le voilà qui se met à pleurer, comme une Madeleine.
Et pourquoi est-il venu vous voir ?
Il devait venir récupérer une traite de 30 000 francs que je lui devais.
Et vous l'avez réglé ?
Mais bien sûr, tenez la voilà.
Et il sort de son tiroir, une traite avec la mention,
acquittée, datée du 27 février.
L'inspecteur prend congé et s'en retourne au 36.
Avec l'impression que ce type, ce type n'est pas net.
C'est difficile à expliquer, mais il en fait trop.
Trop de larmes, trop d'affectations.
Ça sonne faux, voilà.
Ça sonne faux.
Et il le dit en rentrant au commissaire Guillaume.
Vous dites que j'ai le neuf un patron ?
Eh bien voyez-vous ce type.
Je le sens pas du tout.
Il m'a fait un numéro de veuve éplorée.
Tenez-vous bien, il s'est collé un brassard de deuil.
Et sa femme en l'aurait dit qu'elle avait perdu son père.
Incroyable.
Un numéro de cirque.
Et en plus, il lui devait 30 000 francs.
Du coup, la crime pousse les investigations sur ce mestorino.
Charles Mestorino.
Joyeux en gros.
Et riche.
Qui a fait fortune après la Grande Guerre.
Il a épousé Alice.
Qu'on dit haute haine et follement dépensière.
Ces bureaux occupent tout le 6e étage du 29 rue Saint-Augustin.
Et il habite une belle villa, l'Oasis,
à Lavarene-Saint-Hilaire, au bord de la Marne.
Il passe sa vie dans les restaurants les plus chers.
Et dans les cabarets, il possède un cheval de course.
Et une belle voiture, couleur café au lait.
Le jour des obsèques de Gaston Truffem, le 5 mars 1928,
il est là bien sûr.
Et il pleure bruyamment.
Et il se tord les mains.
Et à la sortie du cimetière, il se met à hurler dans un sanglot.
Gaston, nous te vengerons, Gaston.
Planqué derrière une tombe,
le commissaire Guillaume et l'inspecteur Mugelle
n'en perdent pas une miette.
Auquel comédien celui-là ?
C'est du théâtre qu'il devrait faire.
...
En rentrant des obsèques,
les policiers du 36 prennent connaissance d'un nouveau témoignage.
Le garçon qui a vu un homme
jeter des bidons d'essence dans un fossé après le meurtre.
Vous vous souvenez ?
Des détails lui sont revenus.
Ma la voiture, elle avait la conduite à droite comme les anglais.
Et une route secours sur la malle arrière.
Et la couleur ?
Est-ce que vous vous souviens de riller de la couleur ?
Je dirais marron clair.
Café au lait, quoi.
Tiens donc.
Café au lait.
Comme la voiture de Charles Mestorino.
Ça mérite une petite visite, ça.
Le soir même des obsèques,
l'inspecteur Mugelle et son collègue février
retournent aux 29 rue Saint-Augustin.
Et il lui colle un petit coup de pression.
...
Bonjour Monsieur Mestorino.
Vous pouvez nous suivre 36 qui est des orphèvres.
Nous avons des questions à vous poser.
Ah bon ?
C'est comme vous voudrez, messieurs, mais
je ne vois pas en quoi mon témoignage pourra vous être utile.
Et au 36, il le refile au patron en personne.
Le commissaire Guillaume.
Et l'autre se contente de répéter ce qu'il a dit.
Il ajoute juste une précision.
Ça lui est revenu.
Gaston m'a dit qu'il avait rendez-vous
vers midi avec des gens.
Il ne semble pas très rassuré, hein.
Moi je me dis que c'était un guet à pot.
Ils l'ont dévalisé et puis ils l'ont tué.
Le commissaire décide de le laisser filer.
Fidèle à sa devise,
la patience et la meilleure arme du policier.
Le lendemain, le commissaire convoque madame Mestorino.
La belle Alice qui se présente au 36 en fourrure
et laisse dans son sillage l'odeur entêtante
d'un parfum embré.
Dites-moi madame,
est-ce que monsieur Trufemme
ne vous aurait pas fait quelque confidence
sur sa vie privée ?
Non.
Jamais.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Salvatrice rentrait d'argent.
Ce n'est pas miraculeux, ça.
Entre-temps, on a retrouvé le garagiste qui a vendu les 3 bidons d'essence.
Monsieur le commissaire, si vous le mettez devant moi, je suis sûr de leur connaître.
Et vous avez vu sa voiture ?
Ah, ça, pas très bien.
J'avais garé assez loin, mais je dirais que c'était une berline, couleur café ou lait.
Le commissaire fait revenir Mestorino dans son bureau.
Et d'entrée, il prend la main.
Monsieur Mestorino, vous avez eu des problèmes d'argent ?
Ce sont les affaires, ça va, ça vient.
Nous avons constaté que votre situation s'est améliorée récemment.
Oui, effectivement, j'ai emprunté de l'argent.
Dites-moi, où était votre voiture le jour de crime ?
Ma voiture ?
Elle était chez mon garagiste.
Je l'allu avais confié la veille pour réviser les freins.
Le commissaire se tourne vers son adjoint.
Faites appeler le garagiste de monsieur et vérifiez, je vous prie.
Et le garagiste confirme.
Ah, ça, j'en suis sûr.
Monsieur Mestorino m'a amené sa voiture le 26 au soir.
On était à dîner avec des amis.
On mangeait des saucisses à l'étouffé avec des lentilles, c'est dire.
Le commissaire à bas, alors, sa carte maîtresse.
Brigadier, amenez-nous les témoins, s'il vous plaît.
Les témoins, soit le garagiste de Bricon-Tromer
qui a vendu les trois bidons d'essence et sont commis.
On leur présente, Mestorino.
Est-ce que c'est ce monsieur ? Est-ce que vous le reconnaissez ?
Le garagiste l'a soulné.
Bah, non.
Ah non, c'est pas le monsieur que j'ai vu, hein.
C'est peu dire qu'à ce moment-là, les policiers font Grismine.
Et Charles Mestorino qui se lève et qui lance.
Nous en avons fini.
Je peux rentrer chez moi ?
Ouais, mais...
Adieu, messieurs !
Et est taché d'être plus heureux la prochaine fois.
Il met son chapeau et tourne les talons.
Européen, Ondelat raconte.
Le 28 février 1928,
le corps d'un courtier en bijoux, Gaston Trufem,
est découvert dans un fossé de Seine et Marne.
L'enquête de la brigade criminelle s'oriente vers un suspect,
un certain Charles Mestorino,
qui est bijoutier en gros,
et malin comme un singe.
Le patron de la crime Marcel Guillaume
et celui de la brigade mobile Paul Gabrielli
se retrouvent un midi
autour d'un petit salé au lentille
pour faire le point.
On est d'accord tous les deux, hein ?
C'est lui !
Il nous enfume et c'est lui !
Ah ouais, ouais...
On est complètement d'accord.
Ils sont d'autant plus d'accord
que d'autres témoignages recueillis,
depuis, par le tous, sur les lieux du crime,
d'une voiture café au lait
conduite par un homme d'environ 35 ans
élégant avec une petite moustache.
Le portrait de Charles Mestorino.
Alors il décide ensemble
de mettre la pression sur l'entourage
du bijoutier.
Et il convoque la sœur
d'Alice Mestorino,
qui est aussi la secrétaire de Charles.
Une rumeur dite en plus
que Gaston Truffet m'a pincée pour elle.
Suzanne Charmaud.
Ravissante.
Quand elle arrive au 36,
elle tremble comme une feuille.
Elle a tellement la trouille
qu'elle est venue avec sa sœur.
Et quand on l'interroge,
elle balbucie,
elle répondent travers
et elle tourne en permanence
sa tête faire Alice,
comme pour vérifier
qu'elle ne dit pas de bêtises.
Mais mon Dieu,
mais c'est pas possible
d'être aussi impressionnant,
ma petite chérie.
Mais répondons qu'au commissaire,
Suzanne,
c'est dans l'intérêt de l'affaire.
Il faut venger ce bon monsieur Truffet
me quitter mes temps.
Quel comédienne c'est Alice.
Laissez-nous seuls, madame.
Je vous en prie.
Je désire interroger
votre sœur sans votre présence.
Oh, mais elle a si peur.
Je n'ai jamais dévoré
les jeunes femmes, madame.
Je vous en prie.
Sortez.
Et Alice Mestorino
sort furibarde.
Et sans doute un peu inquiète.
Mademoiselle,
vous étiez là
quand Gaston Truffet
me s'est présenté
dans les bureaux
de votre beau-frère ?
Elle se tortille sur la chaise.
Mais elle ne répond pas.
Je précise ma question.
Est-ce que vous avez vu
votre beau-frère
remettre l'argent
à monsieur Truffet ?
Elle hausse les épaules
et elle regarde le plafond
et elle ne répond toujours pas.
Le commissaire se lève,
se plante devant elle,
massif et d'une voix calme,
lui dit.
Vous avez la vie devant vous.
À votre âge,
tous les espoirs sont permis,
même si vous avez vu
faire le mal
sans pouvoir l'empêcher.
Il n'a pas fini sa phrase.
Que Suzanne Charmeau
tombe à genoux
et se met à pleurer
et implore le commissaire.
Ne me demandez rien.
Je vous en supplie.
Ne me demandez rien.
Ça ressemble
à un début d'aveu.
Ça.
Mais vu l'état
dans lequel elle est
au bord de la crise de nerfs,
le commissaire
la laisse repartir.
La patience
est la meilleure arme
d'un policier.
Le commissaire enchaîne
avec les sept employés
de Charles Mestorino.
Et là,
encore chou blanc
sur toute la ligne.
Il ne sait rien
passer de spécial
la journée du 27 février.
Le patron a une journée
normale.
Blablabla.
Ils ont l'air d'avoir
appris leurs leçons.
Ils récitent comme
de bons élèves.
L'enquête révèle
une bizarrerie.
Charles Mestorino
devait 30 000 francs
à Gaston Truffem,
en paiement d'un diamant
de cinq carats.
Et quand on regarde
les comptes de Mestorino,
ce diamant,
il l'a revendu
quatre jours après
à un tailleur
de la rue Louis-Blan
pour 10 000 francs.
Il a perdu 20 000 francs.
Ça tient pas de beau ?
Autre chose.
Quand il est allé
dégager
les bijoux
qu'il avait mis au clou,
il dit que c'est grâce
à un prêt que des amis
lui ont consenti
le 26 février.
Et c'est vrai,
il a fait un emprunt
à deux confrères.
Mais c'était pas
le 26 février.
C'était le 5 mars.
Et avec quel argent
est-ce qu'il a donc
pu payer le 27 février
la traite de 30 000 francs
présentés par Gaston Truffem ?
À moins,
à moins qu'il ne l'ait
jamais payé.
Le commissaire Guillaume
convoque à nouveau
Mestorino.
Et débute
l'un des interrogatoires
les plus célèbres
de l'histoire
de la police judiciaire,
longtemps enseignée
dans les écoles de police.
Il va durer 17 heures.
Et il commence
par une ruse,
une bonne vieille
ruse de policier
qui fait toujours
son petit effet.
Le commissaire
déboule dans le bureau
et fait semblant
de tomber des nus.
Monsieur Mestorino,
mais qu'est-ce que
vous faites ici ?
Son adjoint
Jean-Jean Massu
intervient alors.
Ah, patron !
On l'a convoqué
rapport à l'erreur
de l'inspecteur Mugell.
Ah oui !
Celui-là,
il va m'entendre.
Vraiment toutes mes excuses
de vous avoir déranger,
Monsieur Mestorino.
Mais figurez-vous
que cet idiot
d'inspecteur Mugell
a oublié de vous demander
leur exacte de votre
rendez-vous avec la victime,
le 27 février.
Mais c'était à 10 heures
du matin.
Ah, voilà.
10 heures du matin,
merci.
Eh bien,
on va mettre ça
noir sur blanc.
Et puis vous signez.
Et puis c'est bon.
Massu,
vous vous occupez de ça ?
Moi, je vais voir
le directeur
pour une affaire urgente.
À tout à l'heure.
George Massu
introduit alors
dans sa machine
à écrire
trois feuilles de papier
et deux carbones
lentement.
Sans presser.
Et après,
il se met
à chercher son tabac
et il rallume sa pipe.
Tranquillement.
Alors.
État civil,
nom,
prénom,
date et lieu de naissance,
profession, adresse
et situation maritale.
Charles Mestorino
a déjà répondu
à toutes ces questions,
bien sûr.
Au moins dix fois.
Mais il se plie
à l'exercice.
Et quand il a fini,
allez savoir
pourquoi
l'inspecteur
s'est emmêlé
dans les carbones,
il en manque des morceaux.
Il faut tout recommencer.
Ah, désolé.
L'administration
nous octroie un matériel
un peu capricieux.
Donc, nous disions.
Nom,
prénom,
date et lieu de naissance,
profession,
adresse et situation maritale.
Je vous écoute.
Mais,
je viens de vous répondre.
Mais oui,
mais vous savez,
si tôt tapé.
Si tôt oublié.
Donc,
nom, prénom,
date et lieu de naissance,
profession,
adresse,
situation maritale.
Et les collègues
qui rentrent et qui sortent.
Il est là le patron ?
Non,
il est chez le directeur.
Et maintenant,
voilà que l'inspecteur Mugell
vient relayer,
genre je m'as su.
M'as su.
On t'appelle à l'étage.
L'état majeur.
Ok, ok.
Bon,
mais tu prends monsieur,
je reviens.
Et Mugell,
ça soit.
Bon,
alors,
où en étions-nous ?
Nom,
prénom,
date et lieu de naissance,
profession,
et ça.
Pendant 3 heures,
et à midi,
quand le commissaire
Guillaume revient dans le bureau
et lit la déposition,
Mesterino croite
en avoir enfin fini.
Mhmm.
Bon,
bon,
écoutez,
tout cela me paraît parfait.
Vous relisez,
et vous signez.
Mesterino,
relisez,
et signe.
Et bien
au revoir,
monsieur,
un instant,
un instant,
monsieur Mesterino.
Vous avez payé
la traite de M. Truffenn
Or nous savons que vous étiez aux Abois, vous avez même vendu des pierres à perte.
Comment on va vous faire ?
Je vous ai dit, j'ai emprunté à ma mère et à des collègues la veille de la visite de Gaston.
Ah oui, oh mais c'est idiot, on n'a même pas vérifié.
Le commissaire prend alors un air ennuyé.
Écoutez, ça serait trop bête de vous faire revenir pour ça.
J'ai une idée, tiens, je vous garde à déjeuner et mes hommes vont vérifier pendant ce temps.
Notez le nom de vos collègues et leurs adresses sur ce bout de papier.
Le commissaire prend son manteau et entraîne Mestorino dans l'escalier du 36.
Nous avons une excellente brasserie à deux pas d'ici, place d'offin, les trois marches.
Bien entendu, c'est la pégie qui régale, vous verrez, vous ne serez pas déçus.
Ça, pour ne pas être déçus, il ne va pas être déçus.
En 1928, on retrouve le cadavre calciné d'un courtier en bijoux, Gaston Trufem, dans un fossé de Sénémarne.
Les soupçons se portent rapidement sur un bijoutier parisien, Charles Mestorino.
Interroger à plusieurs reprises par le commissaire Guillaume du 36 et des Orphèvres, il n'a pas craqué.
Le commissaire tente une ultime manœuvre pour le coincer.
Et pour l'instant, la stratégie du commissaire, c'est de l'amadouer, de le mettre en confiance.
C'est pour ça qu'il l'a invité à déjeuner dans une brasserie de la place d'offin.
Et après un bon déjeuner, les voilà qui reviennent au 36, Guillaume, son adjoint Massu et Charles Mestorino.
De loin, on dirait trois copains qui devisent.
Chère monsieur Mestorino, puis je vous offre un cigare.
J'aime bien prendre un cigare après un bon déjeuner.
Eh bien écoutez, c'est pas de refus volontiers.
Le commissaire tend la boîte et tranche le bout du cigare avec un coupe-cigare de très bon goût.
Une guillotine.
Amusant, n'est-ce pas ?
Charles Mestorino est livide.
Et il a bien raison, car pendant le déjeuner, les inspecteurs se sont renseignés sur ce bré
que Mestorino était censé avoir contracté pour payer sa dette à Caston Trufemme.
J'ai un petit problème, monsieur Mestorino.
Selon mes inspecteurs, vos amis vous ont bien prêté de l'argent.
Mais c'était le 5 mars, c'était pas le 26 février.
Et on revient toujours à la même question.
Dans ce cas, comment avez-vous pu régler votre dette auprès de Caston Trufemme ?
C'est un malentendu. Ils font erreur.
Eh bien on va les faire venir.
On va bien voir.
Et le commissaire laisse passer une heure, puis deux.
Et il fait finalement entrer dans le bureau ceux qui ont prêté l'argent au joaillet.
Bah, nous vous confirmons que nous l'y avons bien prêté de l'argent.
Mais c'était le 5 mars.
Mais non, dit Mestorino, rappelez-vous, vous vous trompez.
Les deux prêteurs maintiennent leur déclaration.
Nous avons un problème, monsieur Mestorino.
Nous avons un gros problème.
Mestorino transpire comme un bœuf.
Et soudain il dit...
J'ai menti.
Eh ben voilà.
On y est.
Enfin, pas tout à fait.
J'ai menti car j'avais peur.
Je n'ai pas tué mon ami Gaston.
Assis derrière son bureau, le commissaire Marcel Guillaume joue ostensiblement avec sa guillotine miniature.
À 20h, toute l'équipe va dîner.
Et Charles Mestorino reste sous la surveillance d'un inspecteur en tête-à-tête avec un jambon beurre.
À table, Guillaume et Massu organisent la suite.
Patron, je crois que je peux le faire craquer.
Eh ben allez-y, Massu, nous reprendrons des certes et peut-être bien digestifs.
Et Georges Massu rentre seul au quai des Orphèves.
Ecoutez, monsieur Mestorino, vous êtes un brave homme.
Je sais que vous êtes incapable de tuer.
Vous avez juste profité de la mort de Trufemme.
Vous nous avez menti parce que vous n'avez pas payé la dette et puis voilà tout.
Ça n'est qu'une faiblesse.
Une banale escroquerie dictée par des circonstances.
Regardez le code pénal, vous risquez six mois, allez six mois au maximum avec un juge très sévère.
On tiendra compte de vos avis.
Ben oui, c'est vrai, je m'en tiens.
Je pouvais pas payer.
Je lui ai dit de revenir le soir et quand il a disparu, ben j'en ai profité.
Je sais, c'est mal.
Mais non, monsieur Mestorino, ça n'est pas mal, c'est humain.
Du coup, quand le commandant Guillaume rentre de dîner,
il trouve Mestorino et l'inspecteur Massu en train de bavarder tranquillement.
Ah, patron !
Monsieur Mestorino m'a tout dit.
Il a avoué avoir tué Trufemme ?
Ah non, non, non, non, quel idée, patron !
Il a juste eu un moment de faiblesse, c'est un brave homme.
Il a juste profité de la situation.
Le commissaire relit lentement sa déposition.
Et il se tourne vers Mestorino.
Tout ça, c'est bien beau, mais...
Comment est-ce que vous l'avez tué ?
L'autre devient vert paume.
Il pensait sans sortir pour une escroquerie.
On lui reparle de meurtres.
Mieux, l'inspecteur Massu introduit trois feuilles de papier
et deux carbones dans sa machine.
Et l'interrogatoire reprend.
Et le commissaire tente un coup de bleu.
Massu, écrivez.
Moi, Charles Mestorino reconnaît être l'auteur du meurtre de Gaston Trufemme
le 27 février 1928.
Mestorino se décompose.
Il met sa tête entre ses mains et se met à s'englotter
sauf que cette fois, c'est plus du cinéma.
Oui, c'est moi qui l'ai tué.
Pitié, pitié, pitié.
Et il se met à raconter d'un trait comme une mitraillette.
Il est repassé vers midi trente.
Je lui ai dit que je pouvais pas le payer.
Il m'a traité de dégoûtant alors j'ai vu rouge.
Je lui ai mis un coup de triboulée.
C'est un instrument qui sert à mesurer les bagues.
Il est tombé.
Il a voulu crier alors je lui ai enfoncé un chiffon dans la bouche.
Il est mort.
Et ensuite ?
Ensuite, je l'ai enroulé dans une couverture.
Je l'ai mis dans un placard.
Et le lendemain, j'ai récupéré ma voiture au garage.
Et puis voilà.
Des aveux, complets, circonstanciers.
Y a pas mieux.
Le lendemain, la crime perquisitionne son bureau et sa villa.
Et elle retrouve le fameux triboulée.
Et dessus, y a encore des traces de sang.
Et dans la foulée, les femmes, sa femme Alice et sa belle-sœur Suzanne
avouent qu'elles l'ont aidé à se débarrasser du corps.
Et maintenant ?
L'enquête est bouclée.
Un interrogatoire, vous savez.
C'est un duel.
Écrira le commissaire Marcel Guillaume dans ses mémoires.
Le 8 juin 1928, devant la cour d'assises de Paris,
Charles Mestorino échappe à la guillotine.
Il est condamné aux travaux forcés à perpétuité.
Il ne supportera pas l'enfer de Bagne de Cayenne,
constitution trop faible.
Il y meurt trois ans plus tard, en 1931.
...
Il me reste quelque chose à vous dire
que peut-être vous avez perçu en écoutant cette histoire.
Le commissaire Guillaume, c'est le flic
qui a inspiré à Simonon le personnage du commissaire maigré.
Pour bâtir son maigré,
George Simonon a passé beaucoup de temps avec Guillaume à l'interviewer.
Écoutez ce qu'il en écrit.
Guillaume, c'est un maigré en chère et en os.
Sa façon de vous regarder au milieu du front,
comme si vous étiez transparent.
Sa façon de vous écouter avec l'air de penser à autre chose
et de concrétiser soudain sa pensée par un...
Merde !
Sonneur !
Que pouvez faire mon maigré à moi
si ce n'est le regarder et l'imiter ?
...
Les deux hommes sont restés amis jusqu'à la mort du commissaire
en 1964, à l'âge de 91 ans.
Et toute sa vie, Mme Guillaume a grogné.
Simonon, il a tout piqué à mon mari.
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En 1928, dans un fossé des environs de Paris, Gaston Truphème, courtier en bijoux, est retrouvé mort. Et 60.000 francs de pierres précieuses ont disparu…