Hondelatte Raconte - Christophe Hondelatte: L’affaire de Bruay-en-Artois - Le récit

Europe 1 Europe 1 9/28/23 - 28m - PDF Transcript

Je vais vous raconter aujourd'hui l'une des affaires criminelles les plus célèbres du 20e siècle.

Une affaire de 1972, l'affaire de Brué en Artois, le meurtre d'une adolescente de 15 ans Brigitte de Verve, fille de mineure.

Cette histoire, je l'ai écrite avec Emmanuel Deniz, la réalisation est signée Céline Le Bras.

Europain, Christophe Andelat.

Cette affaire se déroule dans un décor particulier, à une époque particulière.

Si vous faites abstraction de tout ça, vous allez passer complètement à côté de cette histoire.

On est à Brué en Artois, dans le Pas de Calais, en 1972.

Autrement dit, dans un monde mythique fantasmé, la mine, germinale, les gueules noires, les coups de grisou, les terries, c'est ça Brué.

En 1972, une petite ville minière, mais en train de s'éteindre, de dépérir.

Avant, il y avait jusqu'à 18 puits de mine dans le coin.

En 1972, il n'en reste qu'un en activité.

Et bientôt, dans les courants, ces petites maisons de briques rouges collaient les unes aux autres.

Il n'y aura plus que des retraités et des chômeurs.

Et cette tasse, ce moment si particulier de l'histoire de Brué en Artois,

qu'en après-midi d'avril 1972, le 6, vers 5h, on découvre le cadavre d'une adolescente,

une fille de mineure, Brigitte de Verve.

Il faut que je vous dise où on l'a trouvé.

Ça aussi, c'est important. On l'a retrouvé sur un terrain vague.

Un terrain vague qui, en quelque sorte, sépare les mineurs des bourgeois de Brué.

D'un côté, le courant et de l'autre, les belles maisons.

Et la première d'entre elles, la maison de Mme Mayer, marchande de meubles,

qui a réussi une grande ville à blanche que les gens d'ici appellent le château.

Le terrain vague est pile entre le courant et le château, pile au milieu.

Et donc, vers 5h, des gamins jouent au football, ils envoient le ballon un peu trop loin

et ils tombent sur un cadavre, vaguement dissimulé sous un pneu.

Lâche-en, Pierre ! Piavoire, là ! Il y a un truc, là !

C'est quoi ça ? On dirait que c'est quelqu'un ?

Faut prévenir les parents ?

Les parents préviennent le commissariat et quand les policiers arrivent,

il y a déjà tout un attroupement sur place.

La nouvelle a fait le tour du courant voisin.

Et donc, quand les flics soulèvent le pneu, il y a toute une foule pour regarder par-dessus leur épaule.

C'est une jeune fille. A moitié nue, il ne reste que son chemisier.

Son soutien gorge a été arraché, elle a le corps tout griffé, tout sale.

Elle porte des marques autour du cou comme si on l'avait étranglé

et des entailles sur la tête, profondes.

Et là, a lieu une scène terrible.

Un homme sort de la foule, timide.

Tout le monde le connaît, c'est un mineur, Léon de Vèvre.

Et il dit aux gendarmes.

Je ne sais pas, les gars !

C'est ma fille, là ! C'est ma fille !

Elle s'appelait Brigitte. Elle avait 15 ans.

Et l'enquête sur sa mort va bouleverser bruer en artoie pendant des mois

et des années.

Les policiers, tout de suite, interroge les parents.

Ils ne l'ont pas vu depuis la veille au soir et c'est normal.

Vers 5h30, Brigitte est allée dormir chez sa grand-mère pour lui tenir compagnie.

La grand-mère habite juste de l'autre côté du terrain vague.

Elle avait quoi ? 700 mètres à faire.

On l'a tué à ce moment-là, après, oui. Quand elle a traversé le terrain.

Les policiers de la police judiciaire de Lille prennent le relais du commissariat local.

Et quand ils arrivent sur les lieux, ils tombent sur une petite foule,

des dizaines de curieux venus voir où ça s'est passé.

Et piétinant allègrement au passage la scène de crime.

En 72, on ne prenait pas toutes les précautions d'aujourd'hui.

Ils fouillent malgré tout en randonnions, ils ratissent tout le terrain,

ils cherchent l'arme du crime qui, d'après le médecin légiste,

pourrait être une hache, un hachoir ou une serpe.

Un objet tranchant, en tout cas, est lourd.

Il ne trouve rien.

Et pas non plus d'ailleurs les lunettes de Brigitte.

Et ça, c'est bizarre parce qu'elles les avaient toujours sur le nez.

Ensuite, ils essayent de reconstituer son parcours.

À 5h30, elles partent de chez elles.

Ces parents disent qu'au passage, dans la cuisine, elles prennent une orange.

Ça a l'air d'un détail, mais le légiste a retrouvé, évidemment,

cette orange dans son estomac.

Et le niveau de digestion permet de situer l'heure de sa mort.

Aux alentours de 20h30.

Donc, elle sort de chez elles avec son orange.

Et là, elle croise une copine Micheline.

Et est plus loin un garçon, Jean-Pierre.

D'après ce qu'ils disent tous les deux,

ils restent ensemble à discuter jusqu'à 7h30.

Et là, Brigitte repart en direction de la maison de sa grand-mère.

Une habitante de la rue de Ronchicourt dit qu'elle la croise vers 8h-20.

Son témoignage était en ciel parce qu'elle dit qu'elle n'était pas seule.

Il y avait un gars grand avec un pull à col roulé.

Il était d'eau.

J'ai pas pu le reconnaître, mais bon, elle avait l'air normal.

À mon avis, c'est quelqu'un qu'elle connaissait.

Après, plus personne ne la croise jusqu'à sa mort.

Mais une dame de la rue de Ronchicourt,

une infirmière qui rentrait du travail,

apporte un témoignage très intéressant.

Elle est rentrée chez elle vers 8h10.

Et elle n'a pas pu se garer, comme d'habitude, devant chez elle.

Je sais qu'il y avait une voiture garée.

Une Peugeot 504 blanche.

Ça m'a contrarié, alors je l'ai remarqué, quoi.

Elle a surtout remarqué qu'il y avait quelqu'un dedans.

Une silhouette, elle n'a rien vu d'autre.

Vers 10h30, elle a regardé par la fenêtre.

La voiture était toujours là, mais vide.

Alors elle est allée voir, avec sa petite lampe de poche.

Elle a remarqué qu'il y avait une raquette de tennis à l'arrière.

Et surtout, la bonne dame a noté le numéro de matriculation.

4163 JQ62.

Les policiers appellent la préfecture.

Allô ?

Oui, la police judiciaire de l'île, elle apparaît.

Ça serait pour avoir le propriétaire de la plaque 4163 JQ62.

Oui, j'attends.

Pierre le roi vous dites.

L-E-R-O-Y.

D'accord, je vous remercie.

Et là, stupéfaction.

Pierre le roi.

Mais Pierre le roi, c'est le notaire de Brué.

Qu'est-ce qu'il faisait là, à cette heure-là ?

Son étude est de l'autre côté du terrain vague, rue de la République.

Alors tout notaire qu'il est, Pierre le roi est convoqué par la PG.

Pour un interrogatoire de routine,

il s'agit de fermer une porte, comme on dit en langage policier.

Il n'y a pas de suspicion particulière à son endroit.

Alors pourquoi est-ce qu'il se montre si nerveux devant les policiers ?

Monsieur le roi,

vous pouvez nous dire ce que vous faisiez le 5 avril vers 20 heures ?

Vers 20 heures ?

Je sais pas trop.

J'étais sûrement chez moi, pourquoi ?

Pourquoi ?

Parce que nous enquêtons sur la mort de la petite Brigitte de Vèvres.

Vous avez dû en entendre parler, non ?

Quoi ?

Ah non, non, non.

J'en ai pas entendu parler.

On sait que votre voiture était dans la rue de Ranchicourt le 5 avril vers 20 heures.

Qu'est-ce que vous faisiez là ?

Votre étude n'est pas là ?

Oh ça, c'est parce que j'étais pressé.

J'avais un rendez-vous, j'étais très en retard.

Alors j'ai regardé ma montre, il était 8h30,

je me suis garé au plus proche sans faire attention, quoi.

Un rendez-vous, à 8h30.

Bah, c'est que c'est un peu délicat.

Je préfère pas en dire plus, si vous voulez bien.

Ah mais il faut tout nous dire, monsieur le roi.

On parle d'un meurtre, là.

Avec qui aviez-vous rendez-vous ?

Bon, et bien, enfin, j'avais rendez-vous avec Monique Maillard.

Ah, le notaire et l'amant de Madame Maillard,

la propriétaire du château, comme ils disent, la marchande de meubles.

Et le problème, c'est que Madame est en instance de divorce,

ça n'est pas encore fait, donc ils sont discret.

Bon, et après, il explique que la nuit du meurtre,

ayant garé sa voiture loin de chez son amoureuse,

pour passer inaperçu, il a traversé le terrain vague,

vers 8h30.

Au bout du terrain, il a sauté par-dessus la haie

pour arriver par la porte de derrière du château.

Puisque vous êtes passé par le terrain, monsieur le roi,

vous avez vu le corps de la petite Brigitte ?

Bon non, bon non, je n'ai rien vu du tout.

Le problème, c'est qu'il dit qu'il est arrivé à 8h30.

Et là, il ment, puisque l'infirmière l'a vu dans sa voiture vers 8h10.

Vous allez me dire, c'est chipoté,

mais comme c'est au cours de cette demi-heure-là que Brigitte a été tuée,

il faudrait mieux pour lui que les horaires concordent,

et il ne concorde pas.

Et puis, il a dit qu'avant ça, il était passé chez lui pour se changer.

Alors on va interroger sa mère ?

Elle ne l'a pas vu.

Du coup, il change de version.

Finalement, il est arrivé un peu en avance,

il se souvient maintenant, il est resté dans sa voiture

à écouter de la musique classique.

Et puis, quand il a dit tout à l'heure

qu'il n'était pas au courant du meurtre de la petite Brigitte,

c'était pas vrai, il a menti.

Qu'est-ce qui se dégage de tout ça ?

D'après vous.

De tous ces petits mensonges inutiles.

Ça le rend suspect ?

Non ?

Pour le juge, en tout cas.

Oui, ça le rend suspect.

Il pense que c'était peut-être lui,

l'homme au col roulé qui discutait avec Brigitte,

juste avant qu'elle ne soit assassinée.

Et donc, il l'inculpe pour le meurtre de Brigitte de Vèvre.

Il l'inculpe et il l'envoie en prison.

Oui, monsieur, le Notaire, membre du Rotary Club,

il l'envoie en prison pour le meurtre monstrueux d'une fille de mineur.

En 1972, ça va faire un sacré foin.

Un Notaire qui étrend une fille de mineur.

Quatre ans après 1968,

dans une France nourrie à la lutte des classes,

laissez-moi vous dire que ça ne passe pas inaperçu.

Les journalistes déboulent de partout.

Et où vont-ils quand ils arrivent ?

Eh bien droit chez les ronds de Vèvre,

chez le père de la petite Brigitte et chez sa femme,

et qu'attendent les journalistes,

que tous les deux leur parlent du Notaire.

Pour moi, c'est vraiment pas croire,

ben, monsieur, si il faut placer.

Est-ce que votre fille connaissait monsieur le roi ?

Je ne crois pas, monsieur.

Parce que c'était pas une fille que...

Une fille de rue, quoi.

Ce qui est arrivé, c'est quand elle sortait de chez sa grand-mère.

Oui, elle allait toujours le même chemin qu'elle prenait quoi.

Sûrement qu'elle a été surpris,

parce que c'était une fille qui ne s'était pas approchée comme ça.

D'après vous, est-ce que monsieur le roi serait capable de faire une chose comme ça ?

On peut toujours nier, monsieur.

Qu'est-ce qu'il faisait là ?

Et là, commence à apparaître de manière assez diffuse,

comme ça, dans les corons,

l'idée qu'il va s'en sortir.

Parce que c'est un bourgeois,

parce qu'il a des amis au placé.

Il paraît que quand il est arrivé au palais de justice,

le procureur lui a serré la main, figurez-vous.

Oui, serré la main, et, longuement, avec ça.

Il se connaisse du grand tarif club, à ce qu'il paraît.

Ces gens-là, ça se protège.

Je ne vous ai pas encore parlé du juge qui instruit cette affaire.

Il faut, pourtant, parce que c'est un personnage essentiel de l'histoire.

Le juge Henri Pascal, de Bethune.

Tout petit, la figure toute ronde, avec des lunettes.

Dans cette affaire, tout le monde va l'appeler le petit juge.

Il a une conception très personnelle de son rôle.

Il est convaincu que le notaire est coupable,

alors il le répète à qui mieux, mieux,

aux journalistes qui défilent dans son bureau.

Il adore les journalistes.

Et tous les jours, il leur distille des informations.

À charge, bien sûr, contre le notaire.

Il faut dire qu'en face, le notaire se défend très mal.

Il sert à chaque fois une version différente de sa soirée du 5 avril.

Il dit qu'il est passé par le terrain vague

pour rentrer discrètement dans la villa de sa maîtresse,

sans qu'on le voit.

Mais les gens disent qu'avant ça, il rentrait par la grande porte,

sans se gêner.

Il dit aussi qu'il a attendu 8h30 dans sa voiture

pour laisser le temps au mari de Mme Mayer de s'en aller.

Mais le mari ne vient plus chez sa femme depuis Bellurette.

Elle vit seule.

Alors pourquoi est-ce qu'il ment ?

Si ce n'est parce qu'il est coupable,

4 jours après avoir inculpé Maître le Roi,

le juce Pascal donne une conférence de presse.

Et 3 semaines après le crime,

le juge organise une reconstitution

qui attire des milliers de curieux.

Comme au spectacle.

Et quand on sort le notaire du fourgon de police,

les gens se mettent à hu et on l'emmène là où un témoin,

une voisine, avance.

Le juge s'occupe,

le juge s'occupe,

le juge s'occupe,

le juge s'occupe,

le juge s'occupe,

le juge s'occupe,

une voisine a vu Brigitte parler avec un homme en col roulé.

Vous vous souvenez de ça ?

On lui fait enfiler un pull à col roulé

et le juge se tourne vers la voisine.

Ça correspond comme ça ?

Est-ce que c'est ce que vous avez vu ?

Ah non.

Non, c'est pas lui.

M. le Roi est beaucoup plus corpulent que le gars que j'ai vu.

Non, c'est pas lui.

Ah bon.

Le juge est un peu décontenancé.

À ce moment-là, comme le dossier manque de preuves

et que la reconstitution, il faut le reconnaître,

a été peu conclurante,

le procureur demande la libération d'une notaire.

Eh bien voilà, c'est la preuve qu'il est protégé.

Voilà ce que disent les gens.

Les bourgeois se serrent les coudes.

À partir de ce moment-là,

l'affaire de Brué en Artois

devient une affaire politique,

incroyablement politique.

Et pour comprendre, il faut se placer

dans le contexte de 1972,

quatre ans après 68.

Les gauchistes, tendances maouistes,

sont à la fête.

Et cette histoire de notaires qui tue une fille de mineur

est une excellente occasion de réveiller

la lutte des classes.

Les maos s'empartent donc de l'histoire de Brué.

Avec à leur tête,

il montre conscience de l'époque

le philosophe Jean-Paul Sartre

et son journal La cause du peuple.

Le 1er mai, le journal titre,

et maintenant, il massacre nos enfants.

Avec un sous-titre,

il n'y a qu'un bourgeois pour avoir fait ça.

Et voilà donc les maos

qui débarquent à Brué,

avec une camionnette et des piles de tractes,

et qui s'installent où ça ?

Eh bien sur le terrain vague,

où il crée un comité pour la vérité

et la justice.

Devant la camionnette, ils sont installés

une petite table et posés dessus

des cahiers d'expression libres.

Et toute la journée,

les gens viennent écrire dessus

toute leur haine du notaire.

Faut le pendre par les couilles,

faut le découper au rasoir,

page après page,

coupable parce que notaire,

coupable parce que riche,

coupable parce que bourgeois.

Et tous les soirs,

les membres du comité

vont apporter les cahiers à leur héros,

le juge Pascal.

Quelle époque, quelle époque de fou.

Et comment on est loin

de la justice ?

Alors la justice justement.

Vous vous souvenez que le procureur lui-même

constatant que le dossier

contre le notaire est assez mince,

sans preuve, a demandé sa libération.

Le juge avait 5 jours

pour répondre.

Il fait traîner le suspense jusqu'au bout

pour finir par annoncer avec un petit sourire.

J'ai décidé de le maintenir

en détention.

Le procureur fait immédiatement appel.

La dessus,

le 4 mai,

les médecins légistes

livrent un nouveau rapport.

Sur le corps de Brigitte,

ils ont noté des traces de doigts

sur les chevilles et sur les poignées.

Ils suggèrent donc

que le corps a été déplacé

par deux personnes.

Une qui lui tenait les bras

et l'autre les chevilles.

Et vu par les maoïstes aux idées courtes,

qu'est-ce que ça donne d'après vous ?

Eh bien, la deuxième.

C'est Monique Maillard.

C'est la maîtresse, c'est la marchande de meubles.

C'est-elle l'accomplice ?

Les gens sont d'ailleurs allés écrire

sur le mur de sa maison, arrêter

l'accomplice.

Et là va se produire

un petit miracle.

Un témoin de dernière minute.

Un certain Clément Leblanc.

Il est électricien, il raconte que le soir

il était en train de pisser

dans un coin de la rue de Ranchicot.

Et il a vu passer un homme

chauve et corpulant

avec une fille de 15 ou 16 ans

à son bras. Incroyable, hein ?

Pourquoi est-ce qu'il ne le dit que maintenant ?

On est presque deux mois

après le meurtre.

Mieux que ça. Un peu plus loin,

il est tombé sur une Peugeot 504 blanche.

Et qui était au volant d'après vous ?

Une femme

avec les cheveux courts, costauds,

madame Meilleur.

Forcément madame Meilleur.

Le petit juge se frotte les mains.

Alors il fait venir madame Meilleur

et il la met au volant de la 504.

Et il demande au témoin providentiel

vous la reconnaissez ?

Le témoin hésite un peu.

Ouais.

Je sais peut-être elle. Je sais pas trop.

J'ai un peu qu'on va se prendre.

Qu'importe. Le juge Pascal

inculpe madame Meilleur

de complicité.

Et il l'envoie en prison.

Là-dessus, le lendemain,

la cour d'appel d'Amiens décide

qu'il n'y a pas assez de charge contre le notaire.

Et elle le libère.

Est-ce que vous n'avez pas ressenti ce matin

de la commune des aveux ?

Pas du tout. Je ne le montre pas.

J'ai une opinion. D'autres personnes ont une autre opinion.

Non. Je ne le montre pas.

Il y a une situation bizarre d'ailleurs.

Monique Meilleur est en prison.

Alors, c'est la complice.

Et lui, l'auteur est en liberté.

Alors, ça pose évidemment un problème

auquel je ne me suis pas insensible.

Je réfléchis à tout ça. Je ne sais pas.

Noter le vocabulaire du juge.

La complice.

L'auteur. Le juge Pascal

ne s'embarasse pas avec la présomption

d'innocence. Peu importe en vérité,

cette impartialité du juge

est devenue tellement criante

que la cour de cassation

décide de le décésir.

Elle lui retire

le dossier de Bruére en artoie.

Et lui, il voit une décision

politique.

Lorsque

j'ai eu cette affaire en main

et que j'ai mis le notaire en prison

j'ai immédiatement compris

que tous les moyens

seraient employés

les moyens les plus inacutumés, les plus inhabituels

pour que le notaire soit

blanchi

pour que

son rôle

soit le moindre possible.

J'ai tout de suite compris

que je risquais même d'être décési.

Et

c'est pourquoi

je me suis efforcé

d'aller le plus vite possible.

J'ai agi

en toute sérénité, en toute impartialité,

dans mes consciences.

Mais enfin, un jour j'ai entendu tout de même

le roi qui disait

aux journalistes

qui interviewaient un certainement le cabinet

je sortirais de gré ou de force.

Il l'a dit,

ça s'est réalisé.

Dans la foulée, Monique Meyer, elle aussi

est libérée. Et étant qu'à faire

on change aussi de service de police.

Bye bye la PG de Lille,

c'est la PG de Paris, le 36 qui est

des orphèvres qui reprend le dossier

et il faut attendre de très longs mois

jusqu'au prochain rebondissement.

Le 18 avril

1973.

Mesdames et messieurs, bonjour.

Les habitants de Bruit en Artois ont peine à y croire.

Hier soir, un jeune homme de 17 ans et demi

s'est accusé du meurtre de Brigitte de Vèvre.

Jean-Pierre, Jean-Pierre Flau.

Vous vous souvenez,

c'est avec lui que Brigitte a parlé

longuement le soir du crime, pendant qu'elle

mangeait son orange en sortant de chez elle.

Jean-Pierre, tout le monde le connait,

a brué. C'est un orphelin

élevé par son frère.

Et donc il a avoué.

Mais dans quelles conditions ?

Les policiers parisiens lui ont entendu

un piège en vérité.

Ils ont fabriqué un faux procès verbal,

un témoin bidon qui prétend l'avoir

vu sur les lieux du crime.

Regarde Jean-Pierre,

il y a un témoin qui, à 20h05,

dit qu'il t'a vu

sur le terrain avec Brigitte.

Oh, mon chien proverain,

c'est un menteur ?

Allez Jean-Pierre,

il y a un autre témoin qui dit que c'est bien toi,

il t'a reconnu.

Alors, sous pression,

Jean-Pierre craque.

Oui, c'est vrai.

Chez Benmoin qui a tué Brigitte,

chez moi,

l'homme avec le pull à col roulé

que vous cherchez chez moi.

Mieux que ça,

c'est lui qui possède

les lunettes de Brigitte.

Il va cacher dans un fauteuil chez sa mère.

Les policiers vont vérifier.

Elles y sont.

Et là, autant vous dire que les parents

de Brigitte n'y croient pas

une seconde.

Pour eux, c'est toujours le notaire

qui est coupable.

Et si Jean-Pierre,

vous dit en face,

c'est moi qui commis le crime ?

J'aurais été payé pour le dire, monsieur.

Les lunettes, vous l'avez compris,

sont une preuve

accablante pour Jean-Pierre.

Le problème, c'est que

ni la mère, ni la grand-mère

de Brigitte

ne les reconnaissent, ces lunettes.

Et puis, ces aveux ne tiennent pas de bout.

Jean-Pierre a dit aux policiers

qu'il avait rendez-vous avec Brigitte

sur le terrain, un rendez-vous galant.

Qu'ils se sont chamaillés, qu'elle est tombée,

qu'elle ne respirait plus, qu'il a eu peur

et qu'il a décidé de maquiller

l'accident en crime sadique.

Le problème, c'est qu'à aucun moment

il n'a dit qu'il l'avait étranglé.

Or, elle a été étranglé.

Et on le lui fait remarquer.

Alors, il corrige.

Ah ouais, où est-ce vrai ?

Elle respira encore, elle m'a dit des choses méchantes.

Alors, je l'ai étranglé avec mes mains.

Avec ses mains ?

Mais Brigitte n'a pas été étranglé

à mains nues.

Elle a été étranglé avec un foulard, a priori.

Ah ouais, où est-ce vrai ?

En fait, il y avait un foulard par terre.

Alors, j'avais chagé étranglé.

Les aveux de Jean-Pierre

sont totalement bancales.

Et le juge Pascal, qui a été décési,

mais qui n'en est pas pour autant,

muet sans régal.

C'est une chose qu'il n'a pas surpris.

Il n'a pas surpris parce qu'il a tout à fait

le caractère de quelqu'un qui doit avouer

quelque chose même qu'il n'a pas fait.

Et ça, c'est son caractère.

C'est un garçon qui aime briller,

qui aime faire de l'épate,

qui se pavane comme un coq

au milieu des filles,

qui est tout heureux et ravi

d'être medé à cette affaire.

Reconstitution, un an plus tard.

Les gestes de Jean-Pierre ne collent pas

du tout avec les constatations

des médecins légistes.

Et d'ailleurs quelques mois plus tard,

il revient sur ses aveux, il la mentit.

Ça n'est pas lui qui a tué Brigitte de Vèvre.

Non, parce qu'on va quand même le juger

pour le meurtre, à Huit-Clos,

puisqu'il était mineur.

Et il est acquitté.

Ça n'est pas lui.

Et depuis ?

Et bien depuis, il ne sait rien passer.

L'affaire a été classée

en 1981.

Le juge Pascal est mort en 1989.

Le Notaire est mort

en 1997.

Et depuis 2005, l'affaire

est définitivement prescrite.

Le crime de Brué

restera une affaire

sans coupable.

Quoi qu'il arrive.

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Sous-titrage ST' 501

Machine-generated transcript that may contain inaccuracies.

En 1972 à Bruay-en-Artois, le corps sans vie de Brigitte Dewèvre est découvert dans un terrain vague, à la frontière d'un quartier bourgeois et des corons. Rapidement, le meurtre devient le symbole de la lutte des classes.