Hondelatte Raconte - Christophe Hondelatte: L’affaire de Bruay-en-Artois - Le débrief

Europe 1 Europe 1 9/28/23 - 12m - PDF Transcript

Et je peux même ajouter que Brué en Artois ne s'appelle plus Brué en Artois, il y a eu un fusionnement de communes et maintenant cette commune s'appelle Brué l'Abuissière.

Alors pour débriffer cette histoire absolument passionnante, je suis avec un ancien policier qui s'appelle Daniel Bourdon. Daniel Bourdon on dit les choses tout de suite, vous êtes un ancien policier mais vous n'avez pas du tout travaillé sur cette affaire.

Tout à fait.

Vous n'êtes même pas un spécialiste de la criminelle. Tout à fait.

Mais vous êtes né à Brué en Artois. Et vous y avez grandi, vous y étiez à l'époque des défaits ?

Oui, oui, oui, bien sûr, j'avais 13 ans, j'ai resté le escalage de 18 ans sur Brué, je connaissais cet endroit parfaitement, je connais tous les protagonistes, on se croisait dans le collège, école, enfin tout ce qui a fait mon enfance.

Et puis surtout, mon père est aussi un ouvrier des mines, donc je vis la même vie que Brigier de Vie dans les corons.

Vous avez grandi dans le même genre de corons ?

Le même milieu.

Le même milieu.

Ça, vous avez laissé un goût amer, cette histoire inachelée ?

Au fur et à mesure du temps, à 13 ans non moins, mais en vieillissant et en regardant l'affaire de nouveau.

Oui, ça a laissé un goût amer parce qu'on se demande qui a fait vraiment quoi et quelle est la vérité ?

Ou je dirais la vraie vérité parce qu'on a souvent entendu dire la vérité.

Alors comme les policiers partent en général un peu jeune à la retraite, pour une raison sème, d'ailleurs on peut le dire au passage,

c'est parce qu'ils collent toutes leurs récupérations et toutes leurs heures supplémentaires.

Il y a tout un système qui fait qu'il n'a plus lieu aujourd'hui d'ailleurs.

Mais votre génération est partie jeune et donc vous vous êtes dit, je vais tout reprendre à zéro.

Oui, je me suis mis à l'écriture pour d'autres livres et puis finalement je suis retombé sur l'affaire de Brué.

Alors ce qui vous est arrivé à vous, c'est important de le dire, c'est que vous n'avez pas fait vraiment ce qu'on appelle une contre-enquête.

D'abord vous n'en avez pas les moyens, sans carte de police et sans moyen on ne peut pas y arriver.

Mais au fond vous avez profité de quelque chose qui est très intéressant, c'est que le temps passant, les langues se délient.

Voilà, je connais bien les lieux, je connais les gens.

Surtout les gens.

Les gens vont me faire, je suis un enfant du pays, je me suis dit après avoir rencontré une personne disons importante de cette affaire,

je me suis dit il y a quelque chose à faire et peut-être que je peux le faire parce que justement je suis un ancien bourrézien

et en même temps un ancien policier qui peut quand même savoir réunir des preuves et les corroborer.

Alors la conclusion de votre premier livre, si j'ai bien compris, vous avez retrouvé deux hommes qui ont aujourd'hui,

qui étaient des gamins à l'époque, qui avaient quel âge ?

Alors un...

Je vais t'insiter les noms puisque si j'ai bien compris c'est pas les vrais noms.

Non c'est pas les vrais noms mais tout ceux qui connaissent sa affaire savent très bien.

Il y en a un qui disparut, qui a disparu dès un an après l'affaire et l'autre que j'ai retrouvé dans la banlieue de Lille

qui lui, d'une façon improbable, a raconté l'histoire du déplacement du cadavre de Brigitte.

Donc ils ont déplacé le corps pour quelques-uns ces uns, le lendemain ?

C'est là où encore, il y a encore du travail, oui normalement ils ont déplacé pour quelqu'un.

C'est ce qu'ils disent ?

Oui mais c'est ce qu'il dit, lui en tout cas, celui qui reste.

Voilà, c'est ce qu'il dit, il dit qu'il m'a donné des raisons mais en même temps il faut vérifier encore parce que l'enquête n'est pas terminée.

Parce que si vous voulez, l'affaire de Brouet, à l'issue de la sortie de mon premier livre, on est tombé sur deux volets quoi.

On a deux volets sur l'affaire de Brouet-Cachin.

Et à la fois ça ouvre des pistes.

Oui c'est une eugine à gaz, c'est un peu ça quand même.

C'est une eugine à gaz.

Donc au départ, vous tombez sur un bonhomme qui dit, avec un copain à l'époque, on a déplacé le corps pour quelqu'un et donc pour de l'argent.

Pour de l'argent.

C'est-à-dire qu'ils ont été les hommes de main de quelqu'un.

De quelqu'un qui leur a demandé de déplacer le corps.

Quand ça donc, parce qu'il le tue le 6, on le découvre le 7.

Alors il le tue le 5.

Il le tue le 5, on le découvre le 6.

Et pendant 24 heures, le corps est donc sur le terrain vague.

Alors le corps est, disons, si on prend l'heure dite par l'autopsie, c'est entre 20h, le 5 au soir, pour être déplacé le lendemain entre midi et 14h.

D'accord.

Exactement.

Eux, ils confirment que c'est à 7h là qu'il est à voir.

Oui, de toute façon, dans mon livre, j'explique bien pourquoi c'est à 7h là que le corps a pu être déplacé.

Pour quelle raison ?

Pas dans la nuit.

Pour quelle raison ?

Parce que dans la nuit, c'était pas encore prévu qu'il faille déplacer le corps.

Peut-être Brigitte n'avait pas encore été découverte.

D'accord.

Puisque dans mon deuxième livre, je découvre que l'assassin n'est absolument pas le notaire, bien sûr.

Alors, le contexte quand même de cette histoire, parce que c'est deux gamins là qui déplacent le corps pour le compte de quelqu'un d'autre.

Vous situez ça dans son contexte qui serait quoi ? Des histoires de fesses.

Exactement.

Partie fine, un peu de prostitution sans doute, autour de ce qui avait lieu d'ailleurs dans cette région à ce moment-là.

Pour preuve, 20 jours avant, je retrouve un crime qui a été 20 jours avant, Mériamouyam, qui est tué à Cauchy et Latour et dans des conditions où,

en prenant le dossier police que j'ai pu avoir, on se rend compte qu'autour de cela, une affaire qui n'a absolument rien à voir avec l'affaire de Bourré,

mais on se rend compte qu'il y a effectivement de la prostitution autour de ça.

Donc il y avait vraiment ça de cela, vous êtes certains, à l'époque, dans la région de Bruyère-en-Artois, des gens qui quoi, faisaient des partouzes ?

Oui, un peu ça.

Mais avec des filles qu'on payait plus ou moins ?

Oui, dans ce bois, il se passait surtout quelque chose.

Et ça, c'est les derniers témoignages qui arrivent dans ce bois où Brigitte a été trouvée.

Il devait se passer certaines choses.

Sur place ?

Sur place.

Tout à fait.

C'est un témoignage qui est arrivé à la fin de l'enquête de mon deuxième livre.

Pardonne-moi, il y a quelque chose que j'ai quand même du mal à croire.

On a tous en tête, enfin en tout cas les plus vieux, la photo de Brigitte de Vèvres.

C'est une fille, pardon de le dire, qui a l'air un peu coincée, un peu réservée, un peu boutonneuse, vous voyez ce que je veux dire.

Exactement.

Est-ce que vous êtes en train de me dire que Brigitte de Vèvres, hypothétiquement, participait à ces partis-fils ?

Non, justement non.

C'est là où il y a le problème, c'est que Brigitte a dû être soit confondue à cette heure-là avec quelqu'un d'autre.

Mais c'est là où j'en suis aujourd'hui, où on a cru que Brigitte participait.

Mais Brigitte n'a effectivement jamais participé à ce genre de choses.

Mais l'ancien gamin devenu vieux aujourd'hui, qui vous met sur cette piste-là, c'est lui ce qui se passait là ?

Pas vraiment.

Ou il est nœud.

C'est un homme qui te dure toujours perturbé, même malgré ses 62 ans aujourd'hui, toujours perturbé, et qui ne sait pas vraiment lui.

On va le chercher parce que c'est un homme qui pique des autoradiots, qui gagne un peu de l'argent comme ça.

Et on lui dit, voilà, il y a une fille qui s'est fait blesser hier, c'est un accident, il faudrait simplement dépasser le corps pour éviter des ennuis à certaines personnes.

Voilà, c'est exactement ça qu'on lui dit.

C'est lui qui vous donne le nom du donneur d'ordre, du commanditaire ?

Oui, mais je l'avais déjà trouvé avant, mais il me le confirme.

Alors, une femme, une femme vient vous dire, c'est mon ancien mari qui a tué Brigitte de Vèvre.

Vous l'a trouvée comment celle-là ?

A la sortie de mon premier livre, je comptais bien pour avoir d'autres témoignages, pour que les gens puissent voir que finalement j'apporte des choses nouvelles dans l'affaire.

Et surtout que ces gens puissent venir me raconter ce qu'ils savaient et qui n'ont peut-être pas voulu le dire pour beaucoup de raisons en 72, 73 et dans les années qui ont suivi.

Et j'ai un monsieur qui se présente, qui fait le relais de sa tente et qui me dit, voilà, j'ai lu votre livre, le premier livre, donc il y a des choses qui sont intéressantes.

Mais là, on n'est pas d'accord, c'est que pour moi, le fameux Enoch, que je nomme Enoch, n'est pas l'assassin.

Alors je lui dis, j'ai pas dit que Enoch a été l'assassin, j'ai dit qu'il pourrait être potentiellement un assassin, mais il me dit parce que moi je le connais.

L'assassin ?

L'assassin. Donc là, à partir de là, évidemment, on prend ou non au sérieux ce monsieur, mais très vite je m'apercevoire qu'il est un homme qui est tout à fait sérieux, qui travaille pour la police, qui n'est pas policier mais qui travaille.

Et puis il va m'apporter des éléments importants et il va me faire rentrer en relation avec sa tente qui vit dans le sud de la France. Je vais l'enregistrer et elle va, par quatre fois, me donner les mêmes témoignages.

Donc elle, elle vous dit que son mari lui a avoué avoir tué Brigitte. À quelle époque ?

Alors, elle le confondait le lendemain, c'est-à-dire dès le lendemain parce que ce jour-là, il rentre très tard, il rentre jamais tard, il rentre avec les feux tout éteint dans la voiture, dans la rue.

Le confond, elle va lui dire, il va bien sûr botter en touche, puis entre temps, le notaire va être mis en cause, donc elle va un petit peu douter quand même, mais elle va quand même me trouver des preuves que c'est lui.

Elle va garder ce secret-là pendant une année, ils vont déménager, ils sont toujours avec son mari, ils vont partir dans le sud.

Et en 1975, lors d'une dispute où elle sera d'ailleurs sérieusement blessée par son mari, lui va lui avouer parce qu'elle va lui remettre en scène cette histoire.

Et il va avouer qu'il a tué Brigitte Doweib, il va lui dire, aimer, il lui dit, tu te terras, car c'est notre fils qui prendra donc, elle aura toujours peur qu'il puisse faire du mal à son fils.

Donc elle se débrouffe au fond jusqu'à la prescription, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de marche arrière possible, parce qu'aujourd'hui, même si vous nous donnez dans 5 minutes ou dans un an, le nom de l'assassin de Brigitte Doweib, il lui arrivera strictement rien.

Absolument rien, même cet homme pourrait même porter plainte contre moi, pour l'infamation.

Mais elle, sur le contexte, ses histoires de parties fines, de partout, de fils, terrain vague, tout ça, elle sait des choses ?

Non, elle sait surtout, lui, c'est l'assassin improbable, c'est-à-dire que c'est là où on voit que dans ce bois, il se passait quelque chose.

Il venait là pour justement avoir, moi je vous appelle ça sa collation, mais sa gratification, voilà.

Et si vous voulez, je pense que Brigitte est passé là au mauvais moment, il a confondu avec peut-être une autre fille qui pouvait pratiquer ce genre de trucs.

Je pense qu'aujourd'hui, on en est là.

Ce monsieur, il est toujours vivant ?

Tout à fait.

Vous l'avez identifié ?

Ah oui, oui, oui.

Vous l'avez localisé ?

Localisé, identifié.

Mais dans votre livre, vous l'avez pas rencontré ?

Non, c'est ce que je crois.

C'est pas vraiment le tome 3, parce que ce qui compte surtout maintenant, c'est de porter les conclusions.

Parce que tout ce qui m'a été dit par cette dame rentre dans les cases, rentre dans l'enquête, rentre dans la façon où il est habillé, le col roulé du soir, etc.

Enfin, tout ce qu'il y a été dit, et puis surtout, j'ai une photo qui correspond physiquement à ce que Dominique Roger, la dernière personne à avoir vu Brigitte avec cet homme,

et voilà, ça correspond à beaucoup de choses, il y a les éléments qui correspondent.

Donc, prochaine étape, allez le voir.

Ma prochaine étape, allez voir cette dame réellement les yeux dans les yeux, mais je sais qu'on a déjà fait écouter son témoignage par des gens plutôt spécialisés

pour pouvoir s'y attaider la route et après voir ce monsieur.

Ok, bah écoutez, merci à vous.

Vous reviendrez donc, je vous raconterai l'histoire de Bruyant-Lartois et vous viendrez nous donner le point final de votre enquête.

Je renvoie à vos deux livres, qui sont des petites mine d'or pour tous ceux qui s'intéressent.

Alors là, au tout petit détail de cette histoire, Brigitte, histoire d'une contre-enquête chez Ravé Anso, et chez le même éditeur, Brigitte, acte 2.

Signez donc Daniel Bourdon.

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En 1972 à Bruay-en-Artois, le corps sans vie de Brigitte Dewèvre est découvert dans un terrain vague, à la frontière d'un quartier bourgeois et des corons. Rapidement, le meurtre devient le symbole de la lutte des classes.