Hondelatte Raconte - Christophe Hondelatte: La disparition des Virey - Le débrief

Europe 1 Europe 1 9/26/23 - 14m - PDF Transcript

Je vous ai raconté l'enquête sur le meurtre en 1996 dans l'un de Patricia et Jean-François Firé,

tué par un ex de Patricia Pascal Spiterri qui a été condamné à 30 ans de réclusion criminelle,

alors qu'il vous était quatre dans le boxe de la corde assise et que les trois autres ont été

acquittés. Et je débriefe cette histoire avec vous, Georges Fénec, vous étiez avocat général au

procès et depuis, je le précie, vous avez quitté la magistrature pour la politique puisque vous

avez été député UMP du Rhone pendant deux mandats. Si vous voulez bien Georges, on va faire un peu

de pédagogie. Quand on s'ouvre le procès, vous êtes le seul avec le président et avec les

avocats à avoir lu le dossier. C'est exact. Et à la lecture du dossier, Georges, j'en ai d'accord,

vous pensez que les quatre sont coupables ? La lecture du dossier et à la relecture et

relecture, je m'étais appréhendé de tout ce volumineux dossier. J'avais pour tout vous dire,

en toute franchise, j'avais préparé des réquisitions pour demander quatre condamnations très

lourdes. Pour moi, le dossier était fiscelé et bétené. Je ne m'attendais absolument pas à ce

qu'il allait se passer à l'audience. C'est-à-dire, vous avez préparé votre réquisitoire à l'avance ?

J'avais évidemment préparé tout mon réquisitoire à l'avance. C'est comme ça qu'on fait ?

Oui, dans une affaire de cette gravité, évidemment, on prépare un réquisitoire charpenté avec tous

les éléments à charge, toutes les contradictions, on requiert des peines. Je me souviens cette salle

de Bourg-en-Bresse qui était bondée. Il y avait une tension incroyable. Il y avait beaucoup de presse

qui était là. C'était un grand moment. C'était vraiment un grand procès qui s'est tenu à Bourg-en-Bresse.

Et aujourd'hui encore, on en parle, et moi, c'est resté dans ma mémoire. Et donc pour vous, avant le procès,

ça se passe comme ça. C'est-à-dire que c'est Spiteri qui tue Patricien et les autres alors.

Comment vous êtes ? Si vous avez un souvenir, je vous en voudrais pas plus de 20 ans après.

Oui, dans le dossier, il apparaissait. La manière dont le juin instruction avait mené ses arrestigations

et avait rédigé son ordonnance de renvoi avec la chambre d'instruction. C'était Spiteri avec l'aide

de Pribani qui est la complicité de la présence de Marot et de Félix. Donc pour moi, il n'y avait pas de doute.

J'y suis allé, mais vraiment, je m'en étais entretenu avec mon superarchique, le procureur général.

J'avais fait part de ma volonté et ma intention de requérir quatre condamnations dont au moins deux a perpétuité.

Alors, continuons dans la pédagogie. Il faut que vous nous situiez le contexte quand même.

Le juge qui préside la cour d'assises, il a un profil un peu particulier. Expliquez.

Alors effectivement, le président de la cour d'assises est M. Dominique Fournier.

Or, M. Dominique Fournier, j'ai dit, entre guillemets et sans vous guérir de péjoratifs,

il traînait une réputation derrière lui depuis le procès qui s'était tenu sept ans auparavant, en 1992, à Grenoble.

C'était une affaire très grave également. Peut-être qu'on s'en souvient, l'affaire Romand, gentil.

Et il avait acquitté Romand.

Et il avait acquitté Romand. Ce qui avait provoqué un émoi dans la population, parmi les victimes.

Il avait acquitté celui qu'on surnommait l'indien.

Et donc, il traînait cette réputation d'un président qui pouvait acquitter, on va dire jusqu'au bout, peut-être un coupable.

Oui, j'étais un peu sur mes gardes. Je ne le connaissais pas, M. Fournier, j'ai fait sa connaissance le jour du procès, je dois dire.

Et donc, j'étais au siège du ministère public, avocat général, et il ouvre l'audience.

En théorie, pardon, Georges Fénac, mais c'est pas le président qui décide du verdict, c'est des jurés.

Oui, enfin, le président mène les débats.

Et donc, les jurés vont se forger une conviction après des débats.

Vous avez des présidents qui se fit totalement au travail des instructions, qui a été menée pendant plusieurs années.

Trois ans, on est là sur un dossier où il y a trois ans de détention provisoire.

Ça n'est pas rien.

Imaginez, un acquittement, c'est un échec quand même de la justice qui aurait gardé injustement pendant trois années des individus.

Donc, le président s'appuie, évidemment, sur un dossier écrit un dossier du juinruction.

Et vous avez d'autres présidents, et c'est le cas de Dominique Fournier, qui évidemment va reprendre le dossier,

mais il va réinstruire à l'audience.

Il va pas se contenter de lire tel ou tel pv, il va lui-même faire des interrogatoires.

C'est mieux.

Rechercher, mais c'est beaucoup mieux.

Je dois vous dire, Dominique Fournier, pour moi, ça a été un des plus grands magistrats que j'ai croisé dans ma carrière.

Il a vraiment pris un soin, mais même quelquefois, n'en pouvait plus tellement il rentrait dans les détails,

tellement il mettait en doute tel ou tel déclaration et qu'il arrivait à démontrer

qu'une déclaration qui avait été faite devant le jugement ne pouvait pas tenir,

parce qu'elle rentrait en contradiction avec un élément du dossier.

Alors moi, je veux dire, le premier jour, j'avais mes réquisitions prêtes,

le deuxième jour, j'étais agacé.

Je vous le dis franchement, je dis, mais où est-ce que le président va nous mener ?

Oui, mais c'est la logique, Georges Fénec, c'est la logique du procédat 6,

puisque les jurés n'ont pas lu le dossier d'instruction.

Si on ne rejoue pas l'instruction devant eux, ils sont courants de rien.

Mais moi, je vous parle honnêtement.

Je vous dis, je me suis dit un moment, mais qu'est-ce que vous voulez aller le président ?

Mais qu'est-ce qu'il est en train de nous faire ? Vous voyez ?

Il est en train de nous faire douter, et le deuxième jour, figurez-vous,

j'ai commencé moi-même à me dire, mais il n'y a peut-être pas tort le président.

Qu'est-ce qui fait basculer l'avocat général que vous êtes,

dans l'idée que sur les quatre, il y a un accord qui est coupable de meurtre ?

Mais à l'évidence, on parle de la magie de l'oralité des débats.

C'était un terme qui avait été employé par le procurat à l'occasion d'affaire doutreau, d'ailleurs.

La magie, à l'oral des débats, on comprend qui est sincère, qui ne l'est pas,

et on se rend compte que les charges qui avaient été retenues contre Marot et Félix,

parce que pour moi, Primani, qui était quand même dans le coup,

il n'y avait pas de charges. Il y avait des déclarations et des mises en accusation de se piquer,

mais qui ne tenaient sur rien. On a bien compris que les autres n'y étaient pas.

C'était évident, et donc moi, j'ai me retrouvé dans une situation

où j'ai dû mettre de côté tout mon requisitoire qui était préparé,

et le troisième ou peut-être quatrième jour de l'audience, j'avais acquis non pas un doute,

mais la certitude de leur innocence, assez de là, en tout cas.

Et je restais sur Spiteri et Primani. Et donc, chose rare, vous avez raison de souligner,

j'ai terminé à requérir l'acquittement de deux désaccusés,

ce qui a évidemment provoqué, vous imaginez, une réaction inattendue,

et en même temps, je vous assure, j'ai requis l'acquittement en conscience.

Il n'était plus question après avoir constaté que le dossier d'instruction

avait été mal fisslé, finalement, qu'on puisse se reposer sur cette instruction

pour condamner avec un risque grave d'erreur judiciaire.

Et je vous rappelle, à cette époque-là, il n'y avait pas d'appel de cour d'assistance.

Et oui, ça se jouait, il ne fallait pas prendre le moindre risque.

Mais là, pour moi, je n'avais plus de doute, ils étaient innocents.

Et j'ai requit donc la perpétuité avec perdre de sûreté pour Spiteri,

qui, je vous rappelle, vous l'avez rappelé,

dans l'historique de cette affaire, avait passé des aveux au début.

Et puis, pour moi, Primani était présent, même si c'était un personnage calo,

simple d'esprit, je dirais, il n'a pas surezisté, il leur a accompagné.

Pour moi, il était dans le cou, j'avais requit 15 à 18 ans, mais en face,

en face de moi, la défense, par un grand avocat pénaliste lyonnais,

maître Richard Zelmati, a démonté, pièce par pièce,

tout ce qu'il pouvait mettre en cause, Pribanik.

Et j'avoue que là aussi, j'ai eu un doute.

Il l'a emporté, puisque, effectivement, Pribanik a aussi été acquitté.

Oui, mais là, il y a quand même un petit problème, parce que Pribanik, il est là.

Il donne un coup de main pour immerger la voiture, pour mettre les corps dans la voiture.

De là, l'acquitté, en général, comme ça, j'essaye de fouiller dans mon expérience,

mais transporter un cadavre, donner un coup de main, ça vaut 3 ans.

Et là, il est acquitté, ça peut choquer, quand même.

Écoutez, moi, je ne voudrais pas faire de commentaires là-dessus,

parce que, comme j'ai été magistrat dans cette affaire, je ne veux pas me remettre en cause

l'acquittement d'une cour d'assises.

J'ai ma conviction, qui est toujours la mienne, mais je ne veux pas non plus

jeter encore une fois le doute sur un individu qui a été acquitté,

parce que ça, l'acquittement est définitif.

Donc chacun partira à 100 opinions.

Ce qui est certain, c'est que les deux autres étaient innocents,

et que l'affaire et que les crimes ont été commis par Spittéry.

C'est la première fois que vous requérez des acquittements ?

Alors, c'est la première fois que j'ai été amené à requérir des acquittements.

J'avais prévenu ma hiérarchie d'aveil.

On m'a dit, ben...

Vous l'avez prévenu ou vous demandez l'autorisation ?

Vous savez, j'étais à l'hôtel, à Bourg-en-Bresse,

parce que moi, j'étais, au cas général, à Lyon.

On appelle ça une audience forelle.

On s'est déplacé à Bourg, parce que c'est là où a eu lieu, évidemment, le crime.

Et donc, j'étais à l'hôtel, très seul.

Je me sentais vraiment très, très seul, dans une affaire aussi lourde.

Et j'ai préféré appeler mon supérieur archi qui, je lui ai dit, voilà, c'est pas possible.

Je peux pas requérir.

Vous êtes sûrs, monsieur Fénac ?

Je suis sûrs, ils sont innocents, quoi.

Alors, ils m'ont dit, ma hiérarchie m'a dit,

faites comme vous le sentez, faites-le en conscience.

Ils m'ont donné le feu vert, quoi.

Mais vous n'avez pas la possibilité de décider tout seul ?

Faut quand même référer au procureur.

Si j'aurais pu, parce que c'est...

Il y a un adage dans la justice qui dit que si la plume est serve, la parole est libre.

À l'audience, le procureur est libre de sa parole.

Dans tous les cas de figure, j'étais libre de ma parole.

Mais, par loyauté vis-à-vis d'un parquet général avec une hiérarchie,

j'ai préféré les prévenir de ce que j'allais faire le lendemain.

Et ils m'ont, évidemment, laissé la liberté totale de requérir ces deux acquittements.

Ça vous est arrivé après de requérir des acquittements ?

Ou jamais, finalement ?

Non, jamais.

Et je dois dire, si vous permettez d'introduire un élément un peu plus personnel,

cette affaire a vraiment changé totalement ma vision de la justice pénale.

Je veux dire qu'il y a eu pour moi un avant et un après.

Et je me suis dit, mais combien notre système inquisitoire,

avec un juge d'instruction, dans un cabinet, à l'abri des regards,

des juges qui ne sont pas suffisamment expérimentés quelquefois,

mais comment peut-on continuer à avoir un système inquisitoire ?

Aujourd'hui, je suis un grand défenseur de système accusatoire,

où tout se fait au grand jour, face à un juge arbitre,

et non pas un juge qui mène l'enquête,

et qui soit à la fois juge, juridictionnelle.

À l'Américaine !

À l'Américaine !

À l'Américaine !

C'est-à-dire, on voit ce qui se passe à l'audience, vous voyez.

Et c'est un parquet qui fait l'enquête,

un parquet structuré, qu'il y a des moyens, qui sont nombreux,

ils sont hiérarchisés, mais non pas un juge tout seul,

avec son gréfi, dans son cabinet, chargé d'une affaire aussi lourde.

Et j'ai complètement changé mon regard,

pourtant j'avais été juge d'instruction, moi-même.

J'ai complètement changé mon regard sur notre système réprécie français.

Vous savez ce que j'entends, je range ?

J'entends que vous avez fait dix ans de politique,

et vous avez continué à en faire après.

Mais que ce métier vous manque ?

Mais c'est un métier, mais vous ne pouvez pas imaginer.

C'est un métier, j'en ai encore la chair de poube.

Parce que quand je vous ai entendu tout à l'heure,

j'ai revécu, moi j'ai vécu des moments,

tous les magistrats vous le diront instructeurs,

notamment comme je l'ai été, avec la crainte, le risque

de commettre une erreur judiciaire.

J'ai d'ailleurs, une fois député, j'ai modifié la loi

sur la révision criminelle.

Parce que je trouve qu'elle était trop hermétique, cette procédure.

Et Dieu sait s'il y a eu des erreurs,

vous vous rendez compte qu'on a simplement reconnu

huit erreurs criminelles depuis la Seconde Guerre mondiale.

Donc on a réformé cette procédure.

J'ai toujours été hanté par ce risque de l'évent judiciaire.

Voyez-vous, donc c'est des métiers passionnants, bien sûr.

Pour moi, c'est ma vie professionnelle, elle est avant tout là.

C'est plus intéressant que député ?

Je ne vous le fais pas dire.

Merci Georges Fénec d'avoir accepté de débriefer cette histoire,

très, très, très ancienne.

C'est difficile de trouver des acteurs directs d'une affaire qui date de 1996.

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Le 28 juin, le couple Virey disparaît après une soirée de bringue. Leurs enfants, âgés de 12 et 3 ans, les attendent toute une nuit et toute une journée, mais les parents ne rentrent pas. Patricia, la mère, a appelé son fils vers 22h30 pour dire qu’ils avaient un contretemps et qu’ils rentreraient plus tard