Hondelatte Raconte - Christophe Hondelatte: J’ai oublié 30 ans de ma vie - Le récit

Europe 1 Europe 1 9/17/23 - 26m - PDF Transcript

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On de l'Être à compte.

Christopher Delat.

Une histoire absolument extraordinaire aujourd'hui, l'histoire d'un homme qui s'appelle Jacques Michel Uré.

Cette histoire Jacques Michel vous l'avez raconté dans un livre paru il y a quelques années chez Michel Lafont.

J'ai oublié 30 ans de ma vie. Vous êtes amnésique des 30 premières années de votre vie.

Vous avez espéré pendant longtemps que ça revienne et ça n'est pas revenu.

Et donc à 30 ans vous avez dû reconstruire une nouvelle vie sans aucun souvenir de la première.

Et vous l'avez fait avec la même femme, avec vous, Martine.

Et si j'ai bien compris, vous n'êtes pas loin de penser Martine que il a été un meilleur mari dans sa deuxième vie que dans sa première vie.

Voici cette histoire qui commence le jour où vous vous retrouvez sans aucun souvenir du passé.

C'était en juin 1987, une histoire que j'ai écrite avec Simon Veil, réalisation Céline Le Bras.

J'ouvre les yeux. Je reconnais rien. Je suis sur un banc, sur une place pleine de monde.

Il y a eu une fontaine, un abribus, une cabine téléphonique. Qu'est-ce que je fais là ?

Rien, absolument rien ne me revient. Je tente de lancer ma mémoire en arrière. Je ne me rappelle ni de mon nom, ni de mon prénom.

Je ne sais pas quoi faire. Qui suis-je ? Je regarde un film. Je ne suis pas dedans.

Cette scène absolument hallucinante se déroule fin juin 1987, place de l'opéra à Paris.

Un homme est assis sur un banc. Il a oublié qui il est.

Tiens, il a une alliance. Une alliance, il sait ce que c'est. Il se dit, donc j'ai une femme. Qu'est-ce qui m'arrive ?

Et là, il lève la tête. Et tout d'un coup, il reconnaît l'opéra de Paris.

Il se souvient de l'opéra, mais pas de son propre nom.

Ensuite, il se regarde. Il porte un manteau rouge. Il fouille ses poches. Il y a 60 francs dans l'une des poches.

Il regarde ses pieds. Il porte des chaussons dans la rue. Et ça aussi, il sait que ça ne se fait pas porter des chaussons dehors comme ça.

Mais il ne sait pas comment il s'appelle. Et là, deux mots lui viennent spontanément à l'esprit.

Bobourg et la Seine. Il sait ce que c'est. Bobourg, c'est un bâtiment plein de tuyaux.

Et la Seine, c'est un fleuve qui traverse Paris. Il sait ça, mais il ne sait pas ce qu'il fait là.

Ni comment il s'appelle. Sur le banc, près de lui, il y a un sac plastique. Il l'ouvre.

D'autant, il y a une cordelette, un ticket de métro, un jeu de tarot, un crayon machouillé, un carnet et une carte de Paris.

Tiens, une carte de Paris. Donc je ne suis pas Parisien.

Il attend un peu. Cinq minutes peut-être. Il ouvre le carnet. Il sait lire.

Mais il ne reconnaît rien de ce qui est écrit. Et étrangement, ça parle de Bobourg et ça parle de la Seine.

Il se lève. Il déplie la carte. Il regarde où est Bobourg et il se met à marcher.

Et il va à Bobourg et il reconnaît l'endroit.

À un moment où il a faim, il a soixante francs dans la poche. Il ne fait pas le lien.

Il ne sait pas qu'avec cet argent, il peut s'acheter à manger.

Et il revient d'où il est parti. Il revient, place de l'opéra.

Il passe la nuit dans un parking au dernier sous-sol et il s'endort avec une peur. Terrible.

Et si demain, j'oublie tout, encore une fois.

Mais non, le lendemain, il se souvient de la veille. C'est déjà ça.

À un moment donné, il est dans la cabine téléphonique. Il dort.

Trois policiers frappent à la vitre.

Contrôle d'identité.

Il est paniqué. Il bandit hors de la cabine. Il bouscule le flic.

Il part en courant. Il court. Il court. Il slalom entre les voitures.

Et là, il se planque sous une voiture. Le policier le repère. Il l'attrape par les chevilles.

Il lui colle un flingue sur le front.

Viens là, toi. Tu nous as fait courir, Fumier.

La suite se passe au commissariat.

Qu'est-ce que tu faisais dans la cabine ?

Pourquoi t'as pris la fuite ? Pourquoi tu t'es planqué, connard ? T'es qui ?

Tu fais quoi ? Et tes papiers, ils sont où ?

Il ne sait pas quoi répondre.

Je sais pas qui je suis.

On lui tente un procès verbal, mécaniquement, il le signe.

Et là, il réalise que sa signature est sans doute un bout de son identité,

un bout qui lui est resté.

Le lendemain, on l'emmène à l'hôpital Saint-Anne,

le plus grand hôpital psychiatrique de Paris.

Et là, il se dit, super, super, on va prendre soin de moi.

Il va vite déchanter.

Et là, on le déshabille,

et deux infirmiers l'examinent sous toutes ses coutures,

à la recherche d'indices.

A pas d'hycite ?

Positif.

Trasse d'opération,

cicatrice à la cheville droite.

Des blessures ?

Positif.

Large bleu de la nuque à l'épaule.

Et à partir de là, un rituel s'installe.

Déjeuner, médoque, goûter, médoque, dîner, médoque.

À l'hôpital psychiatrique, on gobe des médoques.

Est-ce que ça sert à quelque chose de bourrer un amnésique de médicaments ?

C'est une autre histoire.

Et à chaque fois, on lui tente un verre d'eau sur lequel il est écrit M. X.

Dans le petit carnet qu'il a retrouvé dans le sac plastique,

sur le banc de l'opéra, il est écrit.

N'oublie pas d'écrire.

Alors il s'accroche à ça.

Ça devient son obsession, écrire.

Il noircit des pages et des pages.

Il raconte ses journées en détail.

Et comme l'infirmier lui prend tout ce qu'il écrit,

ensuite il se met à dessiner comme un dératé en se disant,

on sait jamais.

Peut-être que je vais dessiner ma maison ?

Ou ma femme ?

Mais rien ne vient.

Ce qu'il ne sait pas, c'est que depuis le début,

un médecin scrute ses écrits et ses dessins.

Un matin à dix heures, on l'emmène dans son bureau.

C'est un grand type barbu.

Bonjour.

Bonjour.

Bonjour.

Je suis le docteur C.

Et je vais m'occuper de vous.

C'est vous qui allez me dire ce que j'ai ?

J'y crois.

Vous êtes amnésique, monsieur.

Et comment ça m'est arrivé ?

Vous êtes arrivé ici avec un bel ématome,

qui va de la nuque à l'épaule gauche,

va centimètre sur dix dollars.

Vous avez reçu un coup.

Vous avez reçu l'estomac.

Et ça peut expliquer votre amnésie.

On va y arriver, monsieur.

Ce sera dur.

Mais je serai là à vos côtés

et on finira par savoir qui vous êtes.

Promis.

Dites.

Si je continue à écrire et à dessiner,

on ne me les enlèvera plus.

D'accord.

Je peux arrêter les médicaments ?

Ça non ?

Mais les jours passent,

les rendez-vous avec le Dr. C. s'enchaînent

et rien n'émerge.

Rien, sauf une chose.

Il paraît clair que M. X

a oublié tout ce qui est affectif.

Il a oublié sa maison,

ses amours, sa femme.

Un jour, le médecin lui dit.

Je voudrais vous proposer une expérience.

Elle est un peu douloureuse,

elle est assez violente et

inhabituelle.

Mais est-ce que vous connaissez le pain total ?

Vous savez, on appelle ça

le sérum de vérité.

Ça va vous faire dormir.

Mais moi, ça va me permettre de vous accompagner

dans votre esprit,

d'entrer dans votre inconscient.

Vous seriez d'accord ?

Au point où j'en suis,

moi je suis prêt à tout.

Très bien.

On commence demain.

Au point où j'en suis,

j'aurais accepté qu'on m'ouvre la tête

sur toute sa longueur,

qu'on me charcute le cerveau,

qu'on le presse comme une éponge

pour analyser ce qui en sortirait.

Le Dr. C. lui fait signer

des papiers. Il lui fait signer

tout un dossier sur lequel est écrit.

Narco analyse par pain total.

Et il oublie de lui dire

que c'est une technique très controversée.

Et donc le lendemain,

on l'allonge sur un divan.

Le Dr. a promis de tout enregistrer.

Il pose donc un magnétophone.

Et il lui fait une picure.

Je n'entends plus que la voix du Dr.

Qui me quitte dans l'oubli.

Qui me rassure.

Sa voix se fait plus loin-terme.

Mes paupières pèsent une tonne.

Je flotte.

Je flotte.

M. X.

M. X.

Réveillez-vous.

Il faut manger.

Ma tête est pleine de graviers.

On croirait que je respire du coton.

Je n'ai aucun souvenir de ma séance.

Le lendemain, on lui fait passer

le rapport écrit de cette séance.

Ça n'a rien donné.

Alors il faut recommencer.

On recommence. Et à nouveau,

c'est un échec.

Il n'a rien lâché.

Et là, c'est lui qui propose.

Allez Doc.

On se fait un dernier voyage, ok ?

Troisième séance.

Quand M. X se réveille,

cette fois le Dr. C est là,

tout sourire.

On est peut-être sur une piste.

À un moment, sous pain total,

le Dr. C lui a proposé le mot

perdu.

Et là, il a répondu.

Cornet.

Cornet ?

Or le mot cornet, ormi pour désigner

une trompette, est très peu utilisé

en langue française. Sauf,

sauf dans l'est de la France.

Là-bas, il dit cornet pour désigner

un sac en plastique. Il dit cornet

comme d'autres disposchons. Donc,

M. X pourrait être de l'est

de la France.

Premier indice. Et un peu plus tard,

le Dr a proposé le mot amitié.

Et là, M. X a répondu.

Charlélie ?

Et des Charlélie,

il y en a pas 36.

Le Dr. C a tout de suite pensé

à Charlélie Couture. Le chanteur,

vous savez ?

Il est de l'est lui aussi,

Charlélie Couture, de Nancy.

Alors le Dr. C l'a appelé

et il a accepté de passer

pour voir s'il le reconnaît.

La rencontre a lieu dans le bureau du Dr.

M. X entre dans la pièce.

Il voit un homme de dos qui se retourne,

qui le regarde pendant quelques secondes

et qui lui sourit.

Ça alors ?

Mais bien sûr que je te reconnais grand con !

Le type le prend dans ses bras.

Je connais pas ton nom.

Mais ton visage oui.

Je me souviens très bien.

Très bien de toi.

C'est bon. T'inquiète pas.

T'existe.

Ils ont fait les 400 coups tous les deux

au Beaux-Arts de Nancy quand ils étaient plus jeunes.

Ils ont picolé ensemble.

Il n'y a plus qu'à fouiller

dans les archives des Beaux-Arts de Nancy.

Et on saura comment s'appelle M. X.

Ça fait quatre mois

qu'il végète

à l'Hôpital de Saint-Anne de Paris.

Et un matin,

le 12 octobre 1987,

M. X est en train de dessiner

Jacques Michel !

Poste et crayons le Dr. Tatan.

C'est moi, Jacques Michel ?

Bien !

Il se précipite dans le bureau du médecin ?

Bien.

Tu t'appelles Jacques Michel Uré.

Et...

Bah, je te présente tes parents.

Et ta femme Martine.

On t'a retrouvé, mon vieux.

Sauf qu'ils ne les reconnaient pas.

Ils ne les reconnaient pas.

L'écran noir.

Ils voient bien leur regard plein de tendresse,

mais lui,

lui, il ressent rien.

Rien.

Je sens l'angoisse monter.

Ils se disent devant eux,

de peur qu'ils me laissent là,

comme un chien au chenille,

je dois tenir le coup.

Le couple âgé se lève,

se dirige vers moi.

Je n'ai pas le temps de vérifier

s'il est trait de leur visage,

ressemble au mien.

La jeune femme n'a pas bougé.

Elle est belle.

Vraiment.

Elle me prend la main.

Et elle dépose un baiser sur ma joue.

Ça, c'est notre mariage.

Et là, c'est ta fille, Sandrine.

Et là, ton fils Pierre Henri.

Tiens, regarde là.

Ça, c'est ton frère.

Ton père.

Et là, c'est ta mère.

Ils ne reconnaient personne.

Aujourd'hui, on m'a retrouvé.

Et je ne me suis jamais senti

aussi paumé.

Jacques Michel Uré qui te s'entagne

trois semaines plus tard.

Il a passé tout ce temps à regarder les photos.

Rien n'est remonté à la surface.

Alors quand il quitte l'hôpital,

c'est en quelque sorte un nouveau nez.

Un nouveau nez de 122 jours.

Qui seraînait place de l'opéra

à Paris.

Et qui va devoir

tout réapprendre.

Et le voilà donc

dans un appartement qu'il ne connaît pas

avec une femme qu'il ne connaît pas

et qui lui fait la visite.

Regarde ce meubles.

C'est toi qui l'a fabriqué.

T'es très bricoleur, tu sais.

À un moment, Martine s'absente.

Elle va chez les voisins.

Et elle revient avec un petit truc qui chouine.

Un petit garçon, rose.

Et j'ouvre lui.

Et j'ouvre lui.

Et j'ouvre lui.

Et j'ouvre lui.

C'est Pierre-Henri.

C'est son fils d'un an.

De nouveau nez face à face.

Le lendemain, ses parents viennent le chercher.

De ma matin, tu vas venir vivre chez nous

dans la maison de ton enfant.

C'est chant.

Dans la bon lieu de Nancy.

On va bien s'occuper de toi.

Puis il y aura ta fille.

Sandrine, elle sera avec nous.

L'idée est de réveiller ses souvenirs

en retrouvant les lieux de son enfance.

Donc, face à son père,

dans ce pavillon des années 60,

où on lui dit qu'il a grandi.

Ta mère est allée chercher Sandrine, ta fille.

Surtout, tu ne lui fais pas peur.

Tu la laisses venir vers toi.

Tu verras, elle est très douce,

mais tu ne lui dis pas que tu ne la reconnais pas.

Tu lui dis, bonjour ma puce.

Enfin, tu fais comme un papa, quoi.

Il est énervé.

Je crois que je l'énerve.

Qui est cet homme qui me fait honte?

Et là, arrive la petite Sandrine.

Qui sans doute ne voit aucun amour

dans les yeux de son père.

Elle ne l'embrasse pas.

Il s'approche pour lui donner un baiser.

Elle a un mouvement de recul.

Jacques Michel voudrait aller

se promener en ville.

Interdit?

Et si tu rencontres quelqu'un que tu connais,

tu reconnais pas? Qu'est-ce qu'on va dire de toi?

Tu sais le mieux.

C'est que tu racontes pas que t'es amnésique.

Tu ne parles pas de l'hôpital psychiatrique, surtout.

On va dire que t'étais dans

une maison de repos, après une dépression.

Voilà tout.

Les jours qui suivent, on le torture avec les photos.

Plusieurs fois par jour.

Regarde-la.

Ça, c'est toi qui monte à cheval.

Là, c'est papa.

Et c'est toi sur le chemin de l'école.

Ici, c'est ton frère dans la piscine.

Ça te revient?

Oh, on était si bien avant.

Redeviens celui que t'étais, s'il te plaît.

On pourrait retrouver tout ça si tu le voulais.

Je me sens prisonnier dans cette maison

au jour après jour.

Je ne fais que décevoir mes nouveaux patrons.

Mes parents sont en train de me détruire

à petit feu. Je ne sens rien de positif

qui va se produire ici.

Et donc,

il veut vivre avec sa femme Martine

et avec leurs deux enfants.

On accepte, à condition de trouver

une maison près de chez eux.

Et là, tout change.

Martine lui laisse prendre ses marques.

Elle ne le soumet pas à des interrogatoires.

Elle lui montre les choses

sans lui demander tout le temps s'il se souvient.

Elle le prend comme il est.

Instable et cassé.

Je suis son mari.

Je ne suis pas une maladie.

Elle ne veut pas poursuivre notre histoire.

Elle veut la recommencer du début

avec tendresse et patience.

Et le soir,

il se retrouve dans la chambre.

Et lui, il a envie de baiser, comme il dit.

Mais il sait pas quoi faire.

Il ne sait pas comment faire.

Elle se lève.

Elle caresse mon visage.

Elle m'embrasse.

Elle dit, enlace-moi.

Elle dit, caresse-moi.

Nous avons fait l'amour

des premières fois.

Jusqu'ici,

Jacques Michel n'a pas cherché à savoir

ce qui s'était passé.

Comment il a pris ce coup sur la tête.

Comment il a disparu.

Le déclic a lieu.

La veille de Noël.

Ca fait un mois et demi

qu'il est sorti de l'hôpital.

Dis Martine,

parle-moi de nous.

Alors elle lui raconte.

Ils se sont connus durant l'été 80

dans une discothèque.

Lui, dessinateur, est fait tard

et elle ouvrière dans une usine de chocolat.

Mariage, enfant, maison,

7 années de bonheur.

Jusqu'au 25 juin 1987.

Ce soir-là,

il n'est pas rentré.

J'ai pleuré pendant 48 heures

devant le téléphone.

J'avais nos deux petits sur les genoux.

Des amis, tes parents,

ils ont repanté la ville pour te retrouver.

Les gendarmes ont lancé un avis de recherche.

Ils ont organisé une battue en forêt,

envoyé des plongeurs fouillés la moselle.

Tu sais, les gens disaient

que tu t'étais fait la mal.

On les s'en fomait en fond derrière toi.

Et cette nouvelle vie,

va s'accrocher à une envie.

Une vie qui le fait s'enfermer

tous les jours pendant des heures

dans le garage devenue son atelier.

L'envie de peindre.

Et assez vite, il expose.

Et s'appeler, figurez-vous.

Et il se met à vendre des toiles.

Et il donne des interviews.

Et un jour, son père,

qui est par ailleurs directeur de l'Ursafe, lui dit

T'as pas le droit de faire tout ça.

T'es en arrêt maladie, tu comprends ?

Tu dois rester chez toi,

tu dois te reposer, rester chez toi.

Et comme par hasard le lendemain,

Jacques Michel se retrouve convoqué

par le médecin de la sécu.

Vous êtes en arrêt maladie.

C'est une période pour vous recomposer.

Pas pour travailler.

Alors vous faites un choix.

Soit la peinture, soit vos droits à la maladie.

Je n'ai pas le temps, malheureusement,

de vous raconter toute la suite.

Trois ans, effectivement, la sécu lui coupe les vives.

Et Jacques Michel doit s'inscrire au chômage.

On arrête aussi ces ordonnances de Valium,

qui calmaient ses angoisses.

Tant pis.

Il se fait de fausses ordonnances

pour en avoir qu'en même.

Un bébé né.

Une petite fille, leur troisième enfant.

Emmanuel.

Et puis un jour, au cours d'un rendez-vous

à l'NPE,

il est question de retravailler.

Quelles sont vos diplômes ?

A aucune idée.

Je suis amnésique dans ma nouvelle vie.

J'ai jamais travaillé.

Oui, mais avant, avant votre amnésie,

vous faisiez quoi ?

Quel intérêt ?

Je saurais pas le refaire.

Bon, apportez-moi votre dossier professionnel

et nous ferons le point demain.

Il y a effectivement un dossier à la maison.

Des diplômes et des fiches de paix.

Le lendemain, la conseillère le regarde.

Bien.

Je vois que vous êtes architecte spécialisé

dans la rénovation des bâtiments historiques.

Et ça tombe bien.

Et j'ai du boulot pour vous.

À Bal, en Suisse.

Et le voilà donc parti

pour son entretien d'embauche.

Une tour de verre de six étages

avec vue sur les montagnes suisses.

Et un certain monsieur van der Scher

qui l'accueille.

Bonjour, monsieur Uré.

Je suis content de vous voir.

On a besoin d'un architecte français

pour s'attaquer au marché des monuments historiques

en France.

5000 francs suisses tous les mois.

Ça vous va ?

Parfait. Je travaille sur quoi ?

La rénovation de l'ancienne préfecture de Moutier.

Va fêter ça avec ta femme.

On se revoit demain.

Il est embauché.

Sauf qu'il ne se souvient de rien

de son métier.

Le patron déroule le plan

de l'ancienne préfecture de Moutier.

D'accord.

Comment tu vois les choses, Jacques Michel ?

Et la miracle.

Ça lui revient d'un coup.

Bah écoutez, d'après ce que je vois,

les arbres balétriers sont en parfait état.

Enfin faudra rajouter quelque

contre-arc pour équilibrer les arcs ici et là.

Faut remplacer les corniches.

Les gousses sont trop détériorés.

Mais les voutins et la menuserie

sont récupérables.

Je crois que je peux lui redonner son histoire.

Voilà.

Je n'ai pas le temps

de vous raconter toute la suite.

C'est long.

Une vie.

Le livre de Jacques Michel

se termine par cette phrase étonnante.

J'ai envie de te remercier.

Toi.

Qui un soir m'a flanqué un coup sur la tête.

Tu m'as volé 30 ans de souvenir.

Mais tu m'as offert une autre chance.

Celle de devenir un homme dont Martin me répète

tous les jours qu'il est bien mieux

que celui qu'elle avait épousé.

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En juin 1987, Jacques-Michel se réveille sur un banc, en face de l’Opéra Garnier à Paris. Il ne sait pas ce qu’il fait là. Il n’a pas de papiers et a oublié les 30 dernières années de sa vie…