Monde Numérique - Actu Technologies: [INTERVIEW] Olivier Sala, Engie : hydrogène vert contre hydrogène gris

Jérôme Colombain Jérôme Colombain 10/5/23 - Episode Page - 11m - PDF Transcript

Aujourd'hui, l'hydrogène qui est consommé, c'est l'hydrogène qui est produit à partir

d'énergie fossile, donc du gaz naturel, et ça permet de produire de l'hydrogène,

mais en même temps, c'est aimé du CO2, et tout l'enjeu justement, c'est de passer

sur des techniques d'hydrogène renouvelables qui, elles, peuvent être produites à partir

d'électricité renouvelable.

Bonjour Olivier Salat.

Bonjour.

Vous êtes vice-président du groupe ENGIE en charge de la recherche et de l'innovation.

Nous sommes ici au Lab Crigène d'ENGIE, c'est en banlieue parisienne, à Stain.

Que fait-on ici exactement ? De quoi s'agit-il ?

Le Lab Crigène, c'est le centre de recherche du groupe ENGIE, consacré aux gaz verts et renouvelables.

Donc, on parle ici de biomethane en particulier, mais on parle aussi de l'hydrogène et de

tous ces dérivés qu'on appelle les immolécules bicarbonnes.

L'hydrogène, le fameux hydrogène,

un carburant, enfin une énergie dans laquelle on met beaucoup d'espoir pour la décarbonation

de l'énergie. Où en sommes-nous ?

Parce que l'hydrogène, il faut rappeler que c'est une histoire ancienne, c'est la pile à hydrogène.

Ça existe déjà, mais ce n'est pas encore généralisé.

L'usage de l'hydrogène est déjà très, très grand dans l'économie, dans les activités humaines

aujourd'hui. L'hydrogène, c'est des à peu près 94 millions de tonnes d'hydrogène qui sont consommés

tous les ans. Seulement, aujourd'hui, cet hydrogène, il est ce qu'on appelle glie, pourquoi ?

Parce qu'il est produit pour l'essentiel à partir de gaz naturel et parfois de charbon.

Et donc, il est très émetteur de CO2.

On estime qu'aujourd'hui, l'hydrogène qui est utilisé dans l'économie mondiale

émet 830 millions de tonnes d'équivalent carbone, ce qui est considérable.

Oui, parce qu'on rappelle qu'il faut de l'électricité pour fabriquer l'hydrogène.

Alors, aujourd'hui, l'hydrogène qui est consommé, c'est l'hydrogène qui est produit à partir d'énergie fossile,

donc du gaz naturel.

En fait, on fait ce qu'on appelle un réformage du gaz naturel.

Et ça permet de produire de l'hydrogène, mais en même temps, c'est amé du CO2.

Et tout l'enjeu, justement, c'est de passer sur des techniques d'hydrogène renouvelables

qui, elles, peuvent être produites à partir d'électricité renouvelable.

Le défi, c'est de fabriquer de l'hydrogène vert, propre, non polluant,

pour pouvoir ensuite alimenter toutes sortes de véhicules, de machines.

Quels sont les développements possibles ?

La première étape, c'est déjà de remplacer cette hydrogène qu'on appelle gris.

Pardon, l'hydrogène renouvelable.

C'est pour effacer les fameuses 830 millions de tonnes dont que je viens d'évoquer.

Et là, on parle pour l'essentiel de tout ce qui est raffinage de produits pétroliers

et puis de toute la chimie des engrais, la moniaque, etc., les fertiliseurs.

Tout ça est très émetteur de CO2 et consomme aujourd'hui de l'hydrogène gris.

Donc déjà, décarboner la production d'hydrogène gris.

Deuxièmement, l'hydrogène va permettre de décarboner un certain nombre d'activités humaines

qu'on n'est pas capables d'électrifier facilement.

Il y a des usages que l'on peut électrifier directement.

Donc, on peut très bien électrifier un véhicule léger, par exemple,

avec des batteries, y'ont l'ition.

On ne sait pas électrifier un cargo porte-contenaire.

Oui. On ne sait pas électrifier un processus idéologique.

Avec les systèmes actuels de batterie, vous voulez dire ?

Oui. Soit pour des problèmes de batterie.

Quand c'est de la mobilité, c'est des questions de stockage dans le batterie.

Quand c'est des questions de processus industrielles,

c'est parce qu'il faut atteindre des températures très élevées

et des puissances très importantes en rythme très élevée.

Et ça, on ne sait pas le faire.

On ne sait pas le faire avec de l'électricité aujourd'hui.

Donc, on est obligé d'avoir des processus qu'on appelle à flamme, à haute température.

Et pour ces processus-là, si on veut les décarboner,

il faut des molécules décarbonées. L'hydrogène en fait partie.

Donc, ici, au Crigène, au Lies-Salat,

vous essayez donc de fabriquer de l'hydrogène plus propre,

de l'hydrogène plus propre. Où en êtes-vous ?

C'est encore expérimental.

Alors, aujourd'hui, on a des technologies qui ont une maturité.

Pour fabriquer de l'hydrogène renouvelable,

ce sont les technologies par électrolyse de l'eau.

Ça, ça fonctionne bien.

On met, comme au collège, deux électrodes dans l'eau.

On fait passer en courant.

Il y a une membrane entre les deux qui permet de séparer, n'est-ce pas,

les deux espaces, les deux électrodes,

et on décompose la molécule d'eau, H2O, en hydrogène, H2O,

et un oxygène O2, et on récolte le tout.

Voilà. Et ça, ça permet, à partir d'une source électrique,

eh bien de produire de l'hydrogène.

Et tout l'intérêt, évidemment, c'est d'utiliser des sources électriques décarbonées,

les énergies renouvelables, en particulier.

Ça sert à maturité.

Après, il y a d'autres technologies qui sont, évidemment,

plutôt pour demain ou après-demain.

Mais on pense que dans les dix prochaines années,

c'est toutes les technologies à base de l'électrolyse de l'eau

qui vont réellement être capables d'amener l'hydrogène à l'échelle.

Ensuite, ça permettra quoi ?

Est-ce qu'on parle, par exemple, de...

Alors, la voiture à hydrogène, ça existe déjà,

mais se pose la question des ravitaillements, des points de ravitaillement.

C'est l'une des raisons pour lesquelles c'est pas trop généralisé ?

Alors, à titre personnel, je ne suis pas un énorme supporter

de la voiture légère hydrogène.

Pourquoi ?

Parce que pour ce type d'application énergétique,

la batterie yon-lition fait assez bien le travail.

Et elle le fait de mieux en mieux, si je puis dire.

Dès lors que la quantité d'énergie peut être emportée par une batterie,

finalement, on a une plus grande efficacité à utiliser une batterie

qu'à utiliser hydrogène.

Pourquoi ?

Parce que quand vous regardez la chaîne d'efficacité,

vous avez des électrons au départ renouvelables,

vous les transformez sous forme d'hydrogène.

Là, vous avez à peu près une efficacité de 60%.

Cet hydrogène, après, vous le déplacez, vous le transportez,

vous le mettez dans une pile à combustible d'un véhicule

qui lui a aussi une certaine efficacité, etc.

Et quand vous regardez toute la chaîne, finalement,

pour faire 100 km en voiture,

vous consommez moins d'électricité renouvelable

si vous mettez une batterie yon-lition

que si vous avez une pile à combustible.

Donc, c'est ça qui est important, finalement ?

C'est ça qui est important, parce que dans le monde qui s'ouvre,

il est probable que nous manquerons d'électricité renouvelable,

et donc, il faut l'allouer à l'endroit où c'est le plus pertinent.

Alors, il y a d'autres applications, on parle des...

L'avion à hydrogène, c'est un rêve ?

Non, il y a des gens très sérieux qui travaillent sur les avions à hydrogène.

Donc, on peut avoir des combustions à hydrogène qui fonctionnent très bien.

Ce qui peut être qu'une solution aussi très satisfaisante,

c'est l'avion à kérosène, ce qu'on a déjà.

Simplement, au lieu d'avoir du kérosène fossile,

on peut fabriquer, à partir de l'hydrogène vert,

du i-kérosène en combinant avec du CO2,

dans un processus qu'on appelle un fichand tropche,

qui permet de fabriquer du i-kérosène.

Et ce kérosène-là, c'est exact, c'est un kérosène de synthèse,

mais il est chimiquement exactement le même.

Donc, vous n'avez rien à changer dans vos processus, dans vos moteurs,

oui, ça suffit sur les mêmes types d'avions, en fait.

Voilà, donc là aussi, l'hydrogène peut être clé,

parce qu'on peut fabriquer du kérosène,

mais on peut très bien fabriquer du méthane de synthèse,

ce qu'on appelle du i-methane ou du méthanol, du i-methanol.

Autant, finalement, de composants qu'on va pouvoir utiliser directement dans l'économie,

ça n'a rien changé, finalement, à tous les équipements qu'on a à Naval.

Dans le cas du kérosène, le gros sujet, c'est d'où vient le CO2,

finalement, que je vais combiner avec mon hydrogène pour produire le kérosène.

Parce que si c'est du CO2, qui n'est pas très propre pour faire simple,

qu'on a récupéré dans une source industrielle à côté,

bon, on peut dire qu'on l'a pris à l'industrielle,

on lui a évité d'émettre du CO2,

mais enfin, on l'aimait quand on fait voler l'avion.

Donc, le CO2, qui sert entre guillemets deux fois,

mais enfin, c'est quand même pas idéal.

Ou alors, mieux du CO2 que je vais capter dans l'air,

parce que si je rêve à le capter dans l'air,

là, j'ai un bilan carbone absolument neutre ou du CO2 d'origine biogénique,

donc, origine de biomasse, par exemple, par métalisation,

dès lors que la biomasse est gérée de manière responsable.

L'hydrogène, ça fait un peu peur, il y a un risque,

il y a un risque d'explosion, comment est-ce qu'on maîtrise ce risque ?

L'hydrogène, c'est surtout inflammable.

Alors, ce n'est pas un gaz qui est toxique,

c'est quand même ça qui est à souligner.

Donc, c'est un gaz qui doit être, effectivement,

géré avec les règles de sécurité qui convient,

mais les entreprises qui savent gérer les gaz ou les gaz industriels

savent faire cela, elles le font déjà.

Donc, ça veut dire que l'hydrogène gazeux,

il n'est pas facile à utiliser au quotidien,

par en particulier, par exemple,

mais du point de vue industriel ou énergétique,

c'est un gaz que l'on sait gérer.

Sa difficulté, c'est qu'il est très léger,

il n'est pas très dense énergétiquement,

et il est très petit, la molécule est très petite.

Donc, il faut faire attention au fuite.

À quoi ressemblera le monde de demain,

avec plus d'énergie de ce type ?

Comment est-ce que ce sera organisé ?

On parle beaucoup de la proximité des circuits courts,

est-ce que c'est vraiment envisageable à grande échelle ?

Ce sera, je pense, un système de systèmes,

c'est-à-dire des systèmes qui peuvent être locaux,

mais qui seront connectés à d'autres systèmes énergétiques

qui ne le seront pas, ou d'autres systèmes locaux,

avec des passerelles qui devront être faites

entre le monde de l'électron, dans de l'électricité,

et le monde des molécules, donc le monde du gaz,

molécules qui devront être décarbonées.

Et donc, non, je ne pense pas qu'on ira vers un monde d'autarcie.

Je pense qu'évidemment, il y a des questions de souveraineté

qui, pour partie, peuvent être questionnées

ou apparaissent sur un jour nouveau,

notamment par rapport au monde fossile.

Mais je pense qu'imaginer un monde dans lequel

chacun chacune pourra produire son énergie à l'autarcie,

dans son jardin ou dans son village,

sans s'interconnecter ou être dépendant

de quoi que ce soit du reste du monde reste un peu idéaliste.

Merci Olivier Salat, responsable à chercher innovation chez NJ.

Merci.

Machine-generated transcript that may contain inaccuracies.

Engie travaille sur la production d'hydrogène "propre" pour l'industrie et certains transports du futur. Olivier Sala, Olivier Sala, vice-président chargé de la recherche et de l'innovation, évoque les recherches et les enjeux du secteur. 

L'hydrogène est présenté comme une énergie d'avenir dans le cadre de la transition énergétique. Cependant, son utilisation à grande échelle n'a de sens que s'il est produit en limitant son impact carbone. C'est le concept d'hydrogène vert, produit notamment au Lab Crigen de l'énergéticien Engie. L'hydrogène est utilisable dans l'industrie, l'agriculture et dans certains modes de mobilité, comme le transport routier ou, dans le futur, le transport aérien.