Monde Numérique - Actu Technologies: [Interview] Lyse Brillouet (Orange) : les brevets dans les télécoms

Jérôme Colombain Jérôme Colombain 11/1/23 - Episode Page - 12m - PDF Transcript

On oublie souvent que le brevet, à la base, c'est un droit d'interdire.

Donc le brevet est là pour contrer quelque part la concurrence.

C'est vrai que dans le domaine de l'industrie des télécoms, on fonctionne un petit peu

différemment parce que beaucoup de nos brevets, au contraire, sont mises quelque part au service

du bien commun.

On va parler d'un élément très important dans l'innovation technologique, la question

des brevets.

C'est notre rendez-vous mensuel en partenariat avec Orange.

Bonjour Lise Brieway.

Bonjour Jérôme Colombin.

Vous êtes directrice de la propriété intellectuelle du groupe Orange.

En anglais, on appelle ça CIPO, chief IP officer.

Alors avant toute chose Lise, d'une manière générale, les brevets dans les entreprises

de technologie, ça sert à quoi très concrètement ?

Alors, les brevets dans le domaine des nouvelles technologies servent avant tout à protéger

les inventions, les découvertes qui sont mises au point par les chercheurs ou par les

inventeurs.

Et ce capital brevet, il peut être aussi bien utile dans une petite entreprise, dans

une start-up qu'un très grand groupe.

Bien sûr, il n'aura pas forcément le même objet, mais protéger l'invention, c'est

le capital, qui que l'on soit, et encore plus aujourd'hui dans le domaine des nouvelles

technologies où il y a énormément de compétitions, énormément de batailles.

Donc pour une start-up par exemple, ça va vraiment être de protéger ce qui va être

le cœur, le moteur de la création de la start-up de l'entreprise.

C'est ce qui va aussi souvent permettre de lever des fonds considérables et de donner

la confiance vis-à-vis des actionnaires.

Et puis dans une grande entreprise, là on va avoir des brevets qui vont être plus

multifacettes, qui vont toujours bien sûr protéger les découvertes qui sont mises au

point par les salariés de l'entreprise, mais ça va être aussi des leviers dans nos

partenariats, nos négociations, ça va potentiellement être aussi des revenus parce

qu'on pourra monétiser ces brevets.

Ça va être aussi une façon peut-être parfois d'en créer un nouveau territoire technologique

sur lequel on n'attend pas forcément l'entreprise parce que par les brevets, on va créer une

légitimité technique de fête.

Par exemple, c'est Orange, vous déposez quel type de brevet ?

Alors chez Orange, on dépose déjà beaucoup de brevet, presque un brevet par jour travaillé.

On a un portefeuille aujourd'hui qui se rapproche des 10 000 brevets et donc on a des brevets

sur de multiples sujets, des sujets qui sont vraiment le cœur de nos métiers, sur la

technique, les réseaux, les infrastructures, la radio, les codecs, etc.

Et puis, on va avoir des brevets qui sont sur des univers, qui sont plus différents,

qui vont aller chercher plus d'originalité, qui vont être plus en marge, entre guillemets,

de nos gros enjeux cœur business.

Et puis, on va aussi avoir des brevets qui dessinent notre futur technologique,

des brevets des paris pour dans dix ans, dans quinze ans, sur le quantique, sur l'intelligence

artificielle, sur la cyber sécurité, sur la cryptographie.

Voilà.

Donc, des brevets de tout poil, si j'osais, une très, très grande variété de brevets

et qui donne lieu à des écritures complexes.

Ce qui est étonnant, c'est que beaucoup d'entreprises déposent des brevets, mais pas forcément pour

développer ensuite les applications liées à ces brevets.

Parfois, c'est juste pour protéger une idée, c'est ça ?

Tout à fait, parce qu'on oublie souvent que le brevet, à la base, c'est un droit d'interdire.

Donc, le brevet est là pour contrer quelque part la concurrence.

C'est vrai que dans le domaine de l'industrie des télécoms, on fonctionne un petit peu

différemment, parce que beaucoup de nos brevets, au contraire, sont mis quelque part au service

du bien commun et de nos technologies ouvertes, accessibles à tous, pour favoriser l'adoption

des générations de réseaux mobiles, par exemple, comme la 4G, la 5G.

Et donc, du coup, on a un paradigme et une clé de lecture qui est un peu différente.

Mais oui, à la base, le brevet, c'est vraiment fait pour protéger le capital intellectuel

de l'entreprise qui fait l'essence même et la valeur de ce que l'entreprise propose

à son public.

On sait que c'est un élément de communication aussi très important.

Est-ce que les entreprises américaines et asiatiques, d'ailleurs, ne sont pas plus

portées sur les brevets encore que les entreprises européennes ?

Alors, plus portées sur les brevets, je ne sais pas.

En tout cas, elles sont extrêmement activées dynamiques.

Il faut voir aussi que c'est des plaques continentales où on trouve des géants du

numérique.

Donc, ils veulent vraiment conserver aussi cette pôle position, donc ils déposent des

brevets à tour de bras.

En Europe, on a quand même une dynamique inventive qui est très, très forte et qui

est aussi répartie sur les grandes entreprises, les plus petites, toute industrie confondue.

Et donc, le domaine du numérique, y compris en Europe, est devenu le premier domaine de

dépôt de brevet en Europe devant la pharmacie, désormais.

Donc, nous aussi, on est très, très dynamique.

Par contre, voilà, on joue dans la cour des grands avec en face de nous des Microsoft,

des Amazon, des Samsung qui ont des centaines de milliers de brevets.

Comment ça se passe dans une entreprise, lorsque c'est un salarié qui invente quelque

chose, le brevet est déposé au nom de qui, de l'entreprise ou du salarié ?

Alors, en règle générale de l'entreprise, il existe deux cas de figure, soit un salarié

dans son contrat de travail, il est entendu qu'il est là pour faire de l'innovation

et auquel cas, son invention échoua naturellement par le biais de son contrat de travail à

l'entreprise.

Et puis, dans certains cas, on a des inventions qui sont mises au point par des salariés,

qui ont plutôt été dans une logique de trouver une solution à un problème et dont

le métier n'est pas de faire de l'innovation.

Et là, du coup, on a un système interne qui nous permet de faire en sorte que cette

invention devienne celle de l'entreprise et qu'on puisse, du coup, la déposer.

Parce que bon, il faut quand même voir que déposer un brevet, ça demande beaucoup d'expertise

de technicité et d'investissement, parce que c'est un investissement important en

termes de coûts.

Et donc, de toute façon, ce sont des inventions très certainement que peu de salariés auraient

à cœur de faire progresser eux-mêmes, parce que ça demanderait trop d'expertise et

ce serait trop coûteux.

D'un point de vue plus global, l'ice briwet, on parle beaucoup des brevets, mais on parle

aussi de plus en plus de l'open source dans plein de domaines, ça apparaît comme une

solution intéressante, notamment en matière de souveraineté, donc ça concerne beaucoup

l'Europe.

Donc l'open source des solutions logicielles ou matérielles qui deviennent propriétés

de tous, enfin, publiques.

Comment est-ce que ça se concilie avec la logique des brevets ?

Oui, alors c'est vrai que dans l'image collective, on pourrait avoir tendance à opposer le brevet

et l'open source.

En fait, il n'en est rien du tout.

Il faut absolument qu'on déconstruise cette idée reçue parce que brevets et open source

sont tout à fait compatibles.

D'abord, l'open source, il n'y a pas une unicité d'open source, il existe de multiples

variantes de l'open source et donc tout n'est pas forcément mis comme vous le dites là

dans votre question, en commun, gracieusement pour tous.

Non, il existe toute une granularité d'open source où on va plus ou moins ouvrir les

cartons de l'invention qui est placée comme ça dans un creuset un peu collectif et puis

en plus de ça, l'open source, c'est vrai que dans cette image un peu externe, on pourrait

penser que c'est gratuit, en fait non, c'est pas gratuit du tout l'open source pour que

ça vive.

Il faut qu'il y ait une communauté derrière, donc il faut des experts, des inventeurs,

des chercheurs, des ingénieurs qui restent tout à fait mobilisés pour s'occuper de

ces inventions ou de ces codes ou de ces logiciels qui sont mis en open source et donc c'est

aussi un vrai investissement.

Et on a parfois des brevets qui sont dans des logiciels open source et qui vont pouvoir

être tout à fait conciliés avec la mise en partage d'un certain nombre d'éléments

pour que ça bénéficie au plus grand nombre et souvent c'est aussi dans une perspective

de créer comme des standards de fait, de favoriser des adoptions ou aussi de créer une

maille industrielle nécessaire à ce que quelque chose décolle.

Mais ça n'est absolument pas antinomique, on sait très bien marier le brevet et l'open

source.

Vous avez des exemples, un exemple pour illustrer ce que vous venez d'évoquer ?

Par exemple, c'est ce que font la plupart des géants numériques américains, à commencer

par Google, qui va vous mettre à disposition un certain nombre de services logiciels gratuitement

comme par exemple Google Maps.

Et puis si vous voulez des caractéristiques beaucoup plus complexes sur Google Maps parce

que vous êtes une entreprise et que vous avez besoin de développer par exemple un service

spécifique sur la base d'un Google Map pour exploiter quelque chose dans votre entreprise,

et bien finalement vous allez devoir payer une licence sur une caractéristique plus

complexe qu'il va falloir vous embarquer au travers d'une API ou que sais-je dans votre

propre service.

Donc c'est souvent le moteur aussi des grands acteurs du numérique d'avoir les premières

couches de services mis à disposition gratuitement, très attractive, mais après quand on a besoin

de choses beaucoup plus complexes ou personnalisées, et bien là du coup ça n'est plus accessible

sur Attagère gratuitement.

Hum, d'accord.

Encore une question l'ice briouet, nouvelle réglementation est en préparation au niveau

européen, qu'est-ce que ça pourrait changer ?

Alors oui c'est vrai que la Commission s'intéresse au brevet parce que c'est important et puis

c'est une façon aussi de concourir à la souveraineté continentale et puis de préserver une industrie

du numérique motivée, motivante.

Voilà.

Donc ce texte qui est en préparation vise surtout à apporter plus de transparence

justement dans les brevets qui sont embarqués dans les inventions numériques et ça c'est

une très bonne chose de faciliter aussi l'accès à ces technologies au plus grand nombre

y compris aux petites entreprises.

Après on est justement dans la période de dialogue avec la Commission européenne pour

arriver à un projet de réglementation équilibré et qui sache à un bon compromis entre les

intérêts de tous les petites comme les grandes entreprises comme les États membres.

Merci beaucoup l'ice briouet directrice de la propriété intellectuelle du groupe Orange.

Machine-generated transcript that may contain inaccuracies.

[PARTENARIAT] A quoi servent les brevets dans les entreprises de technologies ? Pourquoi existe-t-il une bataille mondiale sur le terrain de la propriété intellectuelle ?

Les brevets sont une composante essentielle de l’innovation technologique, que ce soient pour les grands groupes ou pour les jeunes entreprises. Les acteurs du secteur des technologies déposent des milliers de brevets par an, à la fois pour protéger leurs innovations mais aussi pour assurer leur rayonnement dans la communauté. Contrairement aux idées reçues, les brevets s'accordent avec l'open innovation, basée sur le partage de connaissances en open source, selon Lyse Brillouet, directrice de la propriété intellectuelle chez Orange.

Mots clés : brevets, technologies, innovation technologique, open innovation, open source, propriété intellectuelle.