Monde Numérique - Actu Technologies: [INTERVIEW] Aimé Lachapelle, Emerton Data : le jumeau numérique au service de l'agriculture

Jérôme Colombain Jérôme Colombain 10/12/23 - 12m - PDF Transcript

Tous les flux de vente et de sorties de sucre tout au long de l'année et d'un enjeu complexe à traiter.

La seule façon de pouvoir bien le modéliser et d'y répondre, c'est de pouvoir répliquer,

de pouvoir modéliser l'ensemble des infrastructures dans l'environnement digital

et donc de pouvoir créer un jeu mode digital qui va permettre d'organiser toute la planification.

Bonjour Emel à Chapelle.

Bonjour.

Vous êtes associé fondateur de la société de conseil Emerton Data spécialisé dans l'intelligence artificielle,

notamment au service de l'agriculture.

Alors qu'est-ce que l'IA et la data peuvent apporter à l'agriculture ?

Alors, le secteur de l'agriculture est par extension de l'agroalimentaire.

C'est un secteur essentiel aujourd'hui qui a de gros enjeux.

Pourquoi ? Parce qu'il y a justement ces enjeux de nourrir une planète chaque jour plus d'anciément peuplé

dans un environnement qui est à la fois chahuté par les dérèglements climatiques

et par la restabilité géopolitique.

Aujourd'hui, l'ONU est signe qu'il y aura 2 milliards de bouches supplémentaires à nourrir d'ici 2050

et que les surfaces cultivables ne pourront pas augmenter de plus de 4%.

Donc, il y a un gros enjeu à cultiver mieux et à pousser les limites de ce qui est possible aujourd'hui.

Un des grands leviers pour faire ça, c'est de digitaliser, d'apporter des solutions tech,

de valorisation des données par des algorithmes avancés d'IA,

qui permettent à tous les acteurs de l'agriculture de produire bio.

Alors, très concrètement, ça veut dire quoi ?

Qu'est-ce que vous apportez comme solution aux exploitants agricoles ?

Historiquement, on a commencé à travailler dans le secteur du sucre, pour un géant mondial du sucre,

pour lequel on a traité un premier problème.

Le sucre, comme pour beaucoup d'autres communautés agricoles,

il y a un aspect saisonnier très fort, c'est-à-dire qu'il y a une récolte annuelle,

et que ensuite, vous saturer vos capacités, construisez tous vos stocks,

et vous jouez à un jeu où vous devez à la fois planifier le long terme.

Donc, c'est garder du sucre jusqu'à la prochaine récolte et production,

pour en avoir jusqu'au bout, mais pouvoir vider ses réserves pour pouvoir les remplir à nouveau.

Et, d'un autre côté, vous avez la problématique de l'exécution à court terme,

où il faut pouvoir servir les différents clients.

Et cette exécution court terme, elle va jusqu'à l'heure et jusqu'à la minute.

Ce qui est complexe, en fait, c'est qu'en lorsque vous êtes un grand acteur,

vous avez souvent des dizaines de sites, des centaines de silos,

des cellules, qui vont avoir des formes différentes,

des configurations de tuyauterie différentes qui les relient,

qui permettent d'en sortir le sucre,

qui vont avoir des ressources humaines mobilisées sur différentes plages horaires,

avec des transports différents.

Et donc, l'enjeu de pouvoir bien planifier tous les flux,

en fait, de ventes et de sorties de sucre tout au long de l'année,

est un enjeu complexe à traiter.

La seule façon de pouvoir bien le modéliser et d'y répondre,

c'est au-delà des capacités du cerveau humain,

c'est de pouvoir répliquer, de pouvoir modéliser l'ensemble des infrastructures

que je décrivais, l'infrastructure de stockage, de tuyauterie,

également les ressources humaines de transport,

de pouvoir les modéliser dans l'environnement digital,

et donc de pouvoir créer un enjeu digital

qui va permettre d'organiser toute la planification.

C'est ce qu'on a fait il y a 5 ans dans une solution

qui est encore utilisé aujourd'hui.

Alors, un jumeau numérique, c'est donc un double surordinateur

qui permet de faire des simulations.

Dans le cas précis de cette industrielle du sucre dont vous parlez,

qu'est-ce que ça a permis concrètement ?

En fait, ça lui a permis de voir venir le mur,

pour reprendre l'expression qui a été utilisée à ce moment-là,

donc de mieux anticiper ce qu'elle est passée et de mieux planifier,

parce que sans ça, il ne pouvait pas, en fait.

Cet acteur-là ne pouvait pas, sans avoir créé ce jumeau numérique,

pouvoir garantir qu'il arriverait à sortir suffisamment de sucre,

à une dateté pour servir les clients qui en demanderaient à ce moment-là.

Donc ça lui a permis de modéliser beaucoup plus finement

et donc de pouvoir s'assurer de la faisabilité

d'un plan de logistique et de livraison.

C'est-à-dire que l'IA remplace l'intuition et le bon sens ?

Alors je ne dirais pas ça, je dirais que...

C'est pas que de l'IA, pour préciser, mais il y a effectivement des algorithmes d'IA,

j'y reviendrai après,

permet de compléter l'expérience et l'expertise.

Et d'ailleurs, on voit dans la plupart des cas qu'on traite,

c'est en associant les deux, qu'on obtient les meilleurs résultats.

Alors là, on parlait de l'industrie sucrière,

mais je crois que vous avez développé des solutions au-delà qui peuvent aller

à d'autres branches de l'agriculture.

Absolument, donc fort de cette première en fait réussite dans le nom du sucre,

on a senti le besoin d'apporter des solutions avec ce côté un petit peu deep-tech,

plus largement dans le secteur agricole.

C'est là qu'on a décidé de lancer Agrisite,

ce qui a été incubé par notre start-up studio Cocaine Adventures,

et qui a pour but justement d'apporter des solutions en premier lieu

sur le sujet de la gestion de la récolte et de la pré-récolte.

Donc ça, c'est une start-up Agrisite qui s'est spécialisée là-dedans.

Voilà, donc dans le secteur agricole, on a beaucoup regardé,

parce qu'on sentait qu'il y avait vraiment besoin d'apporter des solutions tech et digitales à l'agricole.

On a commencé par regarder tout ce qui tournait autour de la digitalisation de la ferme, de l'agriculture,

parce que rien que la France, c'est 450 000 agriculteurs, c'est beaucoup de monde.

450 000 agriculteurs qu'il faut équiper de tout un tas d'outils

qui vont permettre de faire ce qu'on appelle l'agriculture de précision.

En anglais, c'est precision farming.

On ne s'est pas positionné là-dessus, parce qu'il y avait déjà beaucoup de monde en fait,

beaucoup de solutions, beaucoup d'applications pour les agriculteurs,

les tracteurs connectés, les plus vérisateurs intelligents.

Non, nous, on s'est plutôt focalisé sur ce qu'on savait faire,

et là, on a vraiment confirmé un besoin fort qui est la pré-récolte.

Sur laquelle, il y avait en fait des équipements digitaux et tech très spartiate.

C'est un peu les délaissés de la digitalisation de l'agricole

au moment où c'était les délaissés, au moment où on a pris le sujet.

Parce que si vous voulez, les grains, en fait, une fois qu'ils sont récoltés, ils sont rassemblés,

et si on ne prend rien qu'en Europe,

dans le top 10 des pays producteurs de céréales, on parle de 500 millions de tonnes de céréales,

produits annuellement.

Donc, on n'est pas sur des petits volumes.

Et ces 500 millions de tonnes, elles sont recrutées en l'espace de quelques semaines seulement.

Donc, on parle de l'après-récolte, mais en fait, ça sent ici,

parce que vous avez cet énorme pic où tout arrive en même temps,

et qu'il va falloir gérer, qu'il va impacter ce qui va se passer ensuite tout au long de l'année.

En fait, c'est vraiment des techniques de gestion de supply chaine,

comme on dit, de chaine d'approvisionnement, comme dans l'industrie automobile, high-tech, etc.

Oui, oui, tout à fait, on peut faire ce parallèle avec ces autres industries.

Et le jumeau numérique, en fait, seul, il ne sert à rien.

Déjà, il faut l'alimenter, il faut l'alimenter avec deux éléments très importants.

Le premier, c'est la prévision des récoltes, la prévision de ce qui va être produit.

Et le second, c'est la prévision de la demande.

Et à la fin, on prend cette entrée et cette sortie,

et puis il faut optimiser, étant donné toutes les contraintes qui sont retracées dans le jumeau numérique.

Si je prends peut-être juste un petit mot sur chacun,

donc la prévision des récoltes, c'est un vrai sujet compliqué.

Ça nécessite, en fait, de pouvoir anticiper et de pouvoir prédire les terres cultivées,

donc les variétés cultivées au niveau de la parcelle.

Donc si je prends les chiffres en France pour donner un ordre de grandeur, c'est 30 millions d'hectares qui sont cultivés.

Ça, ça passe par détecter la variété plantée sur chaque parcelle,

puis par la prédiction du rendement sur la parcelle,

qui n'est pas encore un sujet complètement traqué au niveau...

Alors là, c'est vraiment des algorithmes d'IA.

Le gisement de données qu'on utilise le plus pour faire ça, c'est les données d'image aérienne,

d'image satellite, typiquement,

et sur la base desquelles on calcule des indices de végétalisation

qui nous permettent de donner des indications de stades de développement des plantes

et d'anticiper des prévisions de récolte.

Ça, c'est la prévision des récoltes,

puis il y a la prévision de la demande,

qui a un tout autre problème

où on va devoir aider les coopératives agricoles

et les organismes stockeurs

à prévoir la demande par client, par variété, par zone géographique.

Donc là, vous pouvez prendre en compte les comportements passés des clients,

vous pouvez prendre en compte les anticipations des marchés

parce qu'il y a quand même des marchés financiers sur les commodités agricoles,

et c'est en regroupant tous ces éléments

que vous pouvez construire votre estimation de la demande.

Une fois que vous avez ces deux briques,

vous avez le cœur du réacteur à mettre en route,

qui est un modèle d'optimisation complexe en grande dimension

qui va permettre de suggérer aux experts un plan optimal.

Voilà, de positionnement des stockages

et de transfert logistique d'un point A à un point B.

On peut donner un exemple,

aimer la chapelle pour qu'on se rende bien compte

d'un cas de figure, de ce qui se passe, etc.

Lorsque vous avez ces millions de tonnes

qui arrivent en l'espace d'une ou deux semaines,

dans certaines régions,

vous devez décider

où est-ce que vous mettez telle variété de blé,

dans quel silo, d'accord ?

Vous devez parfois décider de mélanger des variétés de blé différentes,

une meilleure variété avec une moins bonne variété.

C'est des décisions difficiles quant à des impacts.

Et puis ensuite, vous devez décider de transporter

des quantités stockées dans des silos de proximité

jusqu'à des ports, jusqu'à des silos plus grands.

Vous avez des dizaines de milliers de décisions à prendre

et ça, ça ne peut pas se prendre sur le moment.

Ce à quoi travaillent très en amont,

les coopératives et les organismes stockeurs,

c'est à pouvoir anticiper les décisions qu'ils devront prendre.

Si j'ai telle variété de blé qui arrive dans tel département,

je vais le mettre dans quel site de stockage

et je vais l'envoyer ensuite vers quel port

ou chez quel client.

J'espère que c'est un petit peu plus concret,

mais ça impacte directement les opérations.

Ça impacte aussi les commerciaux

parce qu'un commercial qui va mieux anticiper

quelle variété de blé et d'or je vais être à quel endroit,

on va savoir qu'il est plus proche du client

et qu'il va pouvoir le vendre à un prix plus compétitif

parce qu'il aura moins de coûts de transport.

Il faut savoir que les coûts de transport,

enfin les coûts de logistique,

c'est 70% des coûts finaux sur les CVL.

Donc ça représente une énorme quantité.

C'est absolument stratégique de bien les positionner

et de bien les transporter.

Et bien merci beaucoup Eméla Chapelle,

associé, fondateur de Emerton Data

et l'origine de la création de la startup Agricite.

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Comment faire face aux besoins mondiaux croissants en alimentation ? L'IA et les jumeaux numérique permettent de mieux organiser les récoltes et leurs distribution. 

La startup Agrisight, incubée sous la houlette du cabinet spécialisé Emerton Data, a mis au point des jumeaux numériques et des algorithmes d’IA au service de la production de sucre. Une solution disruptive aujourd'hui transposables à d'autres secteurs de l'agriculture. En quoi la modélisation numérique peut-elle répondre aux enjeux de demain en matière d'alimentation ? Réponse dans cet interview.