La source: Greenham Common, des femmes contre des missiles

Radio France Radio France 7/27/23 - Episode Page - 55m - PDF Transcript

France Inter.

Aujourd'hui, il y a un référent sensible des femmes contre des missiles,

où l'histoire méconnue d'un campement pacifiste en pleine guerre froide,

Greenham Common.

Nous sommes en 1979.

L'OTAN décide d'installer en Europe ses propres missiles nucléaires

en réponse à ceux que les soviétiques ont dirigés vers l'ouest du continent.

L'Atlantique Nord mené par les États-Unis choisit d'implanter son arsenal

parmi d'autres points stratégiques,

sur la base militaire de Greenham Common au Pégale.

Mais cette course à l'armement,

décrétée sans aucune consultation populaire et évidemment,

va se retrouver dérangée, enrayée de manière inattendue.

Des femmes, des mers de famille pour beaucoup,

souvent sans aucune expérience du militantisme,

vont s'immiscer dans la crise des eaux-re-missiles

en installant un campement pacifiste à Greenham Common.

Ainsi, pendant 19 ans,

des centaines, puis des milliers d'entre elles,

vont vivre une expérience collective

dont les enjeux vont bien au-delà des seuls rebondications anti-nucléaires.

Notre invité aujourd'hui, Jeanne Burga Goutal, professeur de philosophie

et autrice du livre Être éco-féministe, théorie et pratique,

parut aux éditions l'échapper en 2020.

À faire sensible une émission de France inter diffusée en direct,

récit documentaire Jeanne Mayer, coordination Franconnière,

chargée de programme à Rebeca Donante, réalisation Stéphane Com.

Fabrice Drouel, affaire sensible, sur France inter.

L'équilibre de la terreur, voilà ce dont on a débattu jusqu'à ce soir,

ce dont on débattu jusqu'à ce soir les partenaires de Lottan, réunis à Bruxelles.

Lottan, l'organisation militaire de l'Alliance Atlantique,

avait décidé si oui ou non elle moderniser son arsenal nucléaire

face à l'Union soviétique et à ses alliés de l'Est.

Ce soir, l'accord est donc acquis à quelques réserves près,

les partenaires européens des États-Unis acceptant l'installation

de ces nouveaux missiles effusés sur leur territoire.

12 décembre 1979, tous les membres de Lottan,

à l'exception de la France qui ne fait plus partie

du commandement intégré de l'organisation depuis 1966,

décident d'installer dans les années à venir

464 missiles de croisière Griffon

et 108 missiles balistiques perchignent en Europe.

Belgique, Italie, Pays-Bas, Allemagne de l'Ouest,

Grande-Bretagne, arsenal largement financé par les États-Unis.

Cette modernisation du parapluie nucléaire,

comme la désigne Lottan,

doit contrebalancer les 1200 fusées SS-20

qui assuraient jusqu'alors la supériorité du Pacte de Varsovie.

On appelait cette doctrine l'équilibre de la terreur,

probablement celle qui a permis à l'humanité

d'échapper au cataclysme nucléaire, soit dit au passage.

Mais en 79, on ne pouvait pas le savoir.

Et c'est dans un climat international tendu

qu'une partie du monde s'apprête à vivre

sous la menace d'un nouvel usage de l'arme nucléaire.

Au Royaume-Uni, par exemple,

qui doit accueillir des missiles sur son sol à partir de 1983,

dans la France Protect & Survive,

une campagne de communication à destination des familles.

Dans des petits films que les autorités diffusent à la télé publique,

les consignes sont claires, mais anxiogènes.

Mettez vos enfants à l'abri,

puis allez éteindre le gaz et l'électricité.

Éteignez les feux, fermez les fenêtres,

tirez les rideaux.

Mettez-vous avec votre famille à l'endroit le plus sûr,

un placard sous l'escalier est un bon refuge.

Placez des sacs de terre ou de sable sur l'escalier.

Commencez à le faire, et démainz.

Pour beaucoup de mers de familles britanniques,

l'arme nucléaire n'est pas plus une affaire

de politique internationale ou de stratégie militaire.

Non, c'est au quotidien qu'elle ressente la peur,

l'alheur et celle de leurs enfants confrontés à ses annonces.

Montamment, celle qui vive près de Greenham Common,

la base que l'autant a choisi au pays de Galles.

Elle se sente prise au piège d'une décision

qui fait de leur famille des proies.

À mesure que leur peur grandit,

certaines s'interrogent.

Comment exprimer ce désaccord ?

Comment agir ?

Comment empêcher l'arrivée d'émissiles

sur cette base de leur forêt aérienne états-unienne

située en plein cœur de la campagne tranquille du Berkshire ?

L'une d'entre elles, la galoise Anne Petit,

c'est souviable de cette année 79

dans le documentaire de Sonia Gonzalez

des femmes contre l'émissile.

Elle avait 34 ans.

Nous étions à un tournant décisif.

Il fallait que la course à l'armement fasse la une des journaux,

qu'elle ne soit plus cet élément d'information anecdotique

à moitié dissimulée.

Je suis tombée sur un article

au sujet de femmes scandinaves

qui a organisé une marche de Copenhague à Paris.

Je me suis dit que c'était une excellente idée

et qu'on pourrait le faire ici aussi.

Et c'est comme ça que tout a commencé.

Ça a été l'étincelle.

En septembre 1981,

deux ans après la décision de l'OTAN

d'installer des missiles nucléaires au pays-galle,

la personne femmes et hommes

organise une marche pour la paix

de Cardiff jusqu'à William Common,

la base militaire encore en chantier

où arriveront bientôt les missiles américains.

Un petit et parmi ces women for life on earth,

en français, les femmes pour la paix sur la terre,

comme elles se sont désignées

sur une immense bandole de tissu rose.

Plus de 150 km à pied

à travers la campagne galoise

sur les traces symboliques de toutes celles

et tous ceux qui dans le monde ont marché

dans leur combat.

Gandhi en Inde, Martin Luther King

aux États-Unis ou encore les paysans du Larzac,

dont certaines démarcheurs de William Common

d'ailleurs connaissent le combat.

Talia Campbell

était l'une d'entre elles.

Elle se souvient de leur arriver

après dix jours de marche.

Tout au long de la marche,

on a pris confiance

en prenant la parole publiquement.

Quand on est arrivé,

il y avait un camion et un micro

et on dit quelque chose

ce qu'elle n'aurait pas osé faire avant la marche.

J'en suis sûre.

Et au fil de la journée, on a pris la décision

de rester

parce que ce qu'on avait demandé

tout au long du chemin

c'était un débat télévisé

avec notre gouvernement

à propos des missiles de croisé.

Mais les autorités britanniques n'ont que faire

de la demande de ce petit groupe de mers de famille.

Dans une lettre à Anne Petit

le député conservateur Lord Chalfant

expliquait je le cite

qu'il est profondément chaud

que de voir un tel sujet sérieux

traité par des gens qui passent leur temps

avec des enfants et qu'ils ne trouvent rien de mieux à faire

sur place que de chanter des contines détournées.

Quatre femmes

s'enchaînent alors à la clôture de la base

militaire de Greenham Common.

Nous pleurons pour nos enfants

qu'ils ne grandiront peut-être jamais.

Ils rochent hier, l'Europe demain,

disent leurs pancartes.

Alors

elle passe la nuit devant l'entrée de la base

cuise une autre nuit

et une autre encore.

La presse ne s'intéresse pas à elle pour l'instant

mais on vient du village de la côté

voir ce qui se passe et on leur apporte

du thé de la compagnie.

Les jours passent

et un petit camp m'en improvise.

Il y a là quelques tentes

d'échelle et des feux de camp.

Progressivement, alors qu'arrivent le mois d'octobre

d'autres femmes se joignent en Europe.

Quelques dizaines au début, il y a là

des travailleuses, des chômeuses, des retraités,

des étudiantes.

Elles viennent du coin de plus loin.

Elles ont 17, 30, 70 ans.

Beaucoup sont mères

ou grand-mères.

Il y a des hommes également.

Des militants rompus à la lutte politique au pacifiste

pour certains qui ont leur avis sur

comment s'organiser, comment communiquer,

comment agir.

Beaucoup de femmes l'entrevoient alors.

La présence de ces militants risque

de penser par elles-mêmes.

Cinq mois après leur arrivée,

au terme d'une longue réunion,

elles décident collectivement

que ce sera désormais women-only.

C'est le début d'une grande aventure

collective qui va transformer

à jamais des dizaines de milliers de femmes.

J'y suis allée une première fois

en février 1982

et ce qui m'avait en partie convaincu

c'est que les femmes du camp

avaient établi que ce serait

une action exclusivement féminine.

Au début ce n'était pas le cas

et les femmes ont décidé

qu'elles voulaient être les portes paroles,

les leaders de ce mouvement.

Elles souhaitaient disposer d'un endroit

pour exprimer la colère

et la peur que leur inspirait la course

à l'armement nucléaire.

C'est ce qui m'a touché personnellement

et je me suis dit

un endroit créé par des femmes

est-ce que je pourrais y participer ?

Est-ce que je veux y participer ?

Ma réponse c'était oui.

Avant de venir à Greenham Common,

certaines femmes du campement

d'abord tentaient de rejoindre les rangs du CND

une organisation de lobbyisme antinucléaire

très active au Royaume-Uni

au début des années 80

mais sans y trouver leur place

car le CND est une organisation

hiérarchisée, bureaucratique

où les femmes se retrouvent seuls

au milieu d'hommes qui ont l'habitude

de ce genre de réunions.

Assises dans le fond, certaines n'osent

même pas prendre la parole sur ce soit-disant

à Greenham Common

au-delà des aspects techniques du nucléaire

on laisse toute la place à la peur

au cri, au pleur

chacune, sans distinction d'âge

de classe sociale et en courage

à s'exprimer sans crainte d'être jugé

ou interrompu.

Quant aux hommes, s'ils peuvent être invités

à rester quelques jours sur le camp

c'est pour cuisiner et s'occuper

des enfants. Aux femmes

la responsabilité de l'activisme

la non-mixité qu'elles envisagent

comme un moyen et non comme une fin

leur permet de s'émanciper

en faisant pour la première fois les choses

à leur manière.

Dans leur lutte contre

les armes nucléaires, les femmes du camp

de Greenham Common revendiquent largement

leur statut de mère de famille

et certaines féministes le leur reprocheront.

La maman émernature

Marvane Hitchesson, comme le chanté

les Beatles 10 ans plus tôt, protectrice

de la planète, ce serait

deux poncifs réducteurs, deux identités

assignées.

Mais à Greenham, les femmes entendent

justement se servir de ces clichés.

En mars 82

250 d'entre elles bloquent pour la première fois

à l'entrée du chantier de la base aux ouvriers et aux militaires.

Elles font alors du chant

et notamment de la contine leurs

premières armes.

Ces refraques

qui relèvent à la fois du slogan

tel qu'on les scande en manifestation

et de l'incantation magique

donnent de la force aux femmes

de Greenham Common, toutes le disent.

Même lorsqu'elles sont arrêtées

ou lorsque leurs tentes sont arrachées

elles continuent de chanter.

Car la non-violence et leur principal

mot d'œuvre a rebours

de la violence ultime que représente

pour elles.

Certaines militantes, pacifistes

de longue date, connaissent déjà

les techniques de ce type de lutte.

Se laisser traîner

de corps mou

lorsqu'un policier vous attrape par exemple.

D'autres apprennent et invangent

sur place.

Rebecca Johnson se souvient

dans des femmes contre les missiles

le documentaire de Sonia Gonzalez.

C'est parce qu'il était

exclusivement féminin

que le mouvement de Greenham a pu

explorer, choisir, élaborer

de nouveaux modes d'actions

directes non violentes.

De nouveaux modes de résistance

au patriarchat militaro-industriel.

Nous n'étions pas les seuls à le faire.

Aux États-Unis, en 1980,

le Women's Pentagon Action

avait encirclé le bâtiment du pentagone

et on avait condamné les entrées

avec des toiles en fil de laine

tissées par des femmes.

Ce genre d'idées avait inspiré

les actions menées à Greenham

et nous les adaptions

sur d'autres terrains.

En octobre 1982,

les femmes de Greenham bloquent la base

en tissant de la laine sur leur corps

étendues au sol et sur une égrillage.

Alors des images.

Celles de ces officiers ont luvé dans le tricot

comme des mouches dans une voile d'arraignée.

Elles étonnent, elles amusent.

Car l'humour est l'une des forces du mouvement.

Les femmes de Greenham Common

n'hésitent jamais à se moquer des autorités.

Elles les alpaguent, elles fraudonnent

sur leur passage et elles vrissent

de leur propre insolence.

Les policieux sont désorientés,

mal à l'aise, alors ils hésitent

entre galanteries et mépris

face à ces inhabituels activistes,

ces mers de famille qui n'osent parfois

même pas toucher et que rien arrêtent.

À l'été 1982,

une dizaine d'entre elles sont arrêtées

en prisonnées pour avoir occupé la cabine

à l'entrée de la base.

Elles sortiront de prison qu'un jour plus tard,

galvaniser

et prêtes à passer à l'étape d'après,

faire nombre.

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France Inter

à faire sensible.

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durée :00:54:33 - Affaires sensibles - par : Fabrice Drouelle, Franck COGNARD - Aujourd’hui dans Affaires sensibles, des femmes contre des missiles, avec l’histoire méconnue en France d’un campement pacifiste en pleine Guerre Froide, Greenham Common. - réalisé par : Stéphane COSME