La source: Gilets jaunes, colère noire : l'acte 3
Radio France 3/13/23 - Episode Page - 55m - PDF Transcript
France Inter.
Aujourd'hui, on va faire sensible les débuts de la mobilisation des gilets jaunes, acte 1, acte 2 et surtout acte 3.
Quant à la fin de l'année 2018, le pouvoir politique et les médias découvrent avec stupeur qu'une partie des françaises et des français sont en colère,
très en colère. La contestation n'est d'abord sur les ronds-points dans tout le pays, à l'origine contre une taxe sur le carburant.
Mais rapidement, c'est le président Emmanuel Macron qui est ciblé. On lui reproche sa politique fiscale et sociale, mais aussi son arrogance.
Une partie de la population souffre profondément des inégalités qui fracture le pays, la fameuse fracture sociale qui a défaut d'avoir été combattue, perdure, etc.
Peu à peu, certains quartiers parisiens emblématiques du pouvoir vont polariser les rancœurs jusqu'au tournant de l'acte 3.
Le 1er décembre 2018, la capitale et ses quartiers de ministère et de boutiques de luxe, Champs-Élysées et Arles de Triomphe,
connaissent un embrasement aussi spontané qu'inattendu quasi insurrectionnel et théâtre de nombreuses violences policières.
Notre invité aujourd'hui, Gaspar Gans, journaliste indépendant, fondateur du Ménia en ligne Tarnis News.
Vous entendrez également un reportage d'Anel Verzo auprès d'un groupe de gilets jaunes. Aujourd'hui, que sont-ils devenus?
Affaire sensible, une émission de France Inter, diffusé en direct, récit documentaire Jeanne Mayeur, coordination Franconniard,
chargé de programme Rebecca Donante, réalisation Frédéric Milano.
Fabrice de Rouelle, affaire sensible, sur France Inter.
Un Burger King au soir de l'acte 3 de la mobilisation des gilets jaunes à Paris.
Des CRS en uniforme, casques et boucliers à scène des coups de matraques, à des personnels au sol, recroquevillés.
Gestes brutaux, chocs répétés, un homme, géant position fétale.
Ce sont les images chocantes, filmées par le journaliste indépendant Nicolas Mercier, qui se trouve alors derrière la baie vitrée du fast food.
Manon, une mère de famille de 28 ans, elle aussi a filmé la scène et diffusé les images en direct sur sa page Facebook.
On l'a lancé, monsieur! On l'a lancé!
Aux alentours de 19h, à l'issue d'une journée de manifestation à Paris émaillée par des violences et d'importants dégradations matérielles,
une trentaine de personnes se réfugient dans ce burger king pour échapper au plus de gaz d'atribogène qui rend l'air de la nuit irrespirable.
Parmi eux, Manon et son mari, qui, comme la majorité des gilets jaunes, manifestent pacifiquement ainsi que plusieurs journalistes.
Les CRS semblent se défouler, ce jour-là, témoignent deux photoporteurs de libération.
Dans le rapport de l'Inspection générale de la police nationale, un CRS parle de ses collègues comme des zombies épuisés par une journée longue éprouvante.
Il évoque également sa peur. Il craint pour sa vie, dit-il.
Avant de reconnaître, en regardant les images que les manifestants ne montrent aucune hostilité dans ce restaurant,
où ils se sont juste abrités pour respirer.
La faute, dit-il, en revient à sa hiérarchie, vous défoncez tous ceux qui se présentent à vous.
Auraient-on ordonné par radio, commandant de la compagnie de CRS, mise en cause ce jour-là?
Neuf policiers seront mis en examen.
Pour le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, il n'y a pourtant eu aucune violence de la part de la police, ni ce jour-là, ni aucun autre.
Moi, je ne connais aucun policier, aucun gendarme qui est attaqué des Gilets jaunes.
Par contre, je connais des policiers des gendarmes qui utilisent des moyens de défense,
de défense de la République, de l'ordre public.
Et vous savez, il n'y a pas de liberté sans ordre public.
Et donc, quand elles sont effectivement acculées, elles utilisent des moyens.
Mais naturellement, je n'ai jamais vu un policier ou un gendarme attaquer un manifestant ou attaquer un journaliste.
A l'inverse, j'ai vu des manifestants attaquer systématiquement nos forces de sécurité et attaquer aussi des journalistes.
Si on l'a vu dans ce département, on l'a vu dans la région, je pense aussi à eux.
Des politiques dans le déni, des CRS zombifiés, des manifestants au sol, d'autres révoltés, des journalistes choqués et, par tout ailleurs en France,
la colère des ronds-points, retour sur cette journée emblématique du mouvement des Gilets jaunes, le tournant du 1er décembre 2018.
Pour une baisse des prix du carburant à la pompe, c'est n'intitulé de la pétition lancée sur Internet par Priscila Ludowsky en mai 2018.
Cette chef d'une petite entreprise de cosmétiques bio de Sénémarne,
il explique que l'augmentation de la taxe sur les carburants, décidé par le gouvernement d'Emmanuel Macron,
est un poids trop lourd à porter quand on utilise sa voiture en quotidien.
La taxe, dénonce-t-elle par ailleurs, ne profite pas à l'écologie comme le prétend l'exécutif.
À l'automne 2018, plus de 300 000 personnes ont déjà signé cette pétition. Elles seront bientôt plus d'un million.
Partout sur Internet, l'augmentation de la taxe carbone provoque la colère des automobilistes,
qui refusent qu'on leur fasse porter la responsabilité de réchauffement climatique alors qu'il peine à boucler leur fin de mois.
Sur Facebook, un chauffeur routier de 33 ans, Éric Drouet, lance un appel fin octobre 2018,
bloquait le périphérique de Paris le 17 novembre pour faire reculer le gouvernement.
Sa page, la France en colère, est rapidement suivie par des dizaines de milliers de personnes,
tandis que d'autres appels du même genre florissent un peu partout en France sur les réseaux sociaux.
En attendant le jour gil, les automobilistes sont invités à poser un gilet jaune de sécurité routière
sur le tabou de bord de leur véhicule en signe de ralliement.
Bientôt rejoint par d'autres personnalités actives sur Facebook, Éric Drouet et Priscila Lovski
ne se considèrent pas comme des leaders, mais comme les relais de la France Unie par une même revendication,
celle d'une fiscalité juste et supportable par les Français.
Et ce n'est pas l'annonce du premier ministre Édouard Philippe,
l'aide à l'achat de véhicules moins probable, qui va stopper le mouvement naissant des gilets jaunes,
écho dans ses reportages de France 3 en Bretagne, en Ordogne et en Isère.
Je pense qu'il se cache derrière cette fameuse transition écologique.
Il dit tout le temps qu'il nous entend, mais j'ai un doute, avec le peu d'argent qu'on a,
on a du mal à s'en sortir en fin de mois, je ne pense pas que ça, il l'entend.
On ne traite pas le problème entièrement.
Le gouvernement est en train de nous répondre sur les taxes sur carburant uniquement,
alors que c'est simplement l'ennemi en déclencheur.
On attend beaucoup plus, on attend des actions plus massives et plus larges
que des simples aides à la transition des chèques carburants ou des chèques énergies.
Ce n'est pas ça qui solutionnera le problème et qui va calmer la colère des Français le 17 novembre.
Ouvriers et ouvrières, employés, petits commerçants, chômeurs, patrons et patrons de PME,
professions intermédiaires, à la fin de l'automne 1918,
c'est tout un pan de la population française qui refuse de subir davantage le poids du prix du carburant
sous le prétexte d'une politique écologique en réalité minimaliste.
Et progressivement, d'autres enjeux se superposent.
Sur les réseaux sociaux, on parle désormais baisse du pouvoir d'achat, inégalité, ISF,
délaissement des territoires ruraux, désertion des services publics, mais prix politique.
Logie des jaunes, celui qu'on met pour signaler sa détresse lorsqu'on est sur le bord de la route,
devient alors l'incarnation des souffrances de celles et ceux qui se sentent laissés pour compte
et même humiliés par la politique de ses dirigeants qui ne semblent parler qu'au plus riche.
Oui, c'est bien leur sentiment.
En total, 288 000 personnes, selon les chiffres des ministères de l'Intérieur,
et probablement deux fois plus pour les organisateurs et l'inforcément et des documents, comme d'habitude.
Bref, de nombreux manifestants protestent le 17 novembre 2018,
lors de cette première journée d'action nationale, à l'ampleur, imprévu et sous-estimé.
Il faut dire que la mobilisation des gilets jaunes ne ressemble pas au mouvement socio-traditionnel.
Né sur Internet, elle ne connaît ni porte-paroles officielles ni en crash syndical.
Horizontale, à politique, spontanée, le mouvement des gilets jaunes prend bien des formes en bien des endroits.
Le 17 novembre, plus de 2000 rassemblements, barrages et cortèges,
déclarés ou non en préfecture, sont recensés dans toute la France.
Après cet acte 1, fédérateur, la mobilisation se renforce.
Partout sur les ronds-points et autres lieux stratégiques, péages, dépôt de carburant, zone commerciale,
on s'organise pour faire durer les blocages, maintenir la pression sur le gouvernement en attendant l'acte 2 prévu le 24.
Alors, femmes et hommes se relaient, nuit et jour, par petits groupes de 10, 20, 30, pour bloquer, mais aussi échanger, débattre.
Comme elle le raconte sans France 3 dans le limousin, en Normandie et en Corse.
Cette cabane, elle a été construite avec tous les dons, de bois, toutes les palettes.
On va dire les murs principaux, ce sont des palettes, après on a mis des gros troncs de bois sur le toit.
On est à l'intérieur, il y a notre petite cuisine, il y a tout pour faire un manger, il y a un coin-ropo,
puis pour être à l'abri aussi, parce qu'ils annoncent un peu de pluie, beaucoup de froid.
On est partis pour rester, on a installé un sapin de Noël juste là-bas, on ne partira pas tant qu'on n'aura pas ce qu'on veut.
On ne bloque pas les voitures, tout est fluide. On n'a pas une circulation pour les gens qui allaient travailler ce matin.
Le but, c'est pas d'embêter la population, on fait une sorte de mise en garde.
On montre qu'on est capable de bloquer les camions et de bloquer les trafics.
On prévient le gouvernement pour un fond, on ne tape pas fort.
Mais on est présents, on est toujours là et on est très en colère.
Donc il va falloir nous écouter et nous prendre au sérieux.
Il y en a qui voulaient nous faire passer pour une zade, c'est pas du tout la vérité.
C'est un point de ralliement, c'est bon enfant, écoutez les gens claxons,
vous avez vu par vous-même, nous amène de la nourriture, des couvertures, des palettes,
on a réussi à faire ce petit cabane pour tenir un peu tout le monde à l'abri, au chômage,
on va installer un point de bois et puis voilà.
Le 24 novembre 2018, ce sont plus de 166 000 personnes qui manifestent en France,
en Centre-Ville et sur les ronds-points, dont 8 000 à Paris.
Un acte de plus mouvementé que le premier, notamment dans la capitale,
où la tension monte entre Gilets jaunes et CRS.
A la télé, des commerçants mécontents sont régulièrement invités à évoquer
l'impact du mouvement sur leurs chiffres d'affaires.
Le 27 novembre, après 10 jours de mobilisation, et alors qu'une 3e journée nationale se profile,
Éric Drouet et Priscilla Lodowski, deux des figures du mouvement,
sont invités par le ministre de la Transition écologique François de Rugy
à venir dialoguer avec l'exécutif.
Éric Drouet filme la rencontre en caméra cachée et diffuse les images sur Facebook.
L'entrevue ne donnera rien.
Le Matamem, le président de la République, a pourtant tenu un discours
qu'il a voulu ouvert et apaisant.
Il a appelé à l'organisation de concertation nationale sur la transition écologique
et annoncé vouloir prendre des mesures pour répondre aux revendications des Français.
La réaction à chaud sur France 3 Régions à l'entour de Sainte-Etienne-du-Rouvret,
de Glois et de Pau.
C'est des mesures être, et puis en fin de compte, ce que nous nous ont demandé,
c'était soit l'augmentation des salaires, soit l'abolition de certaines taxes
pour pouvoir nous redonner du pouvoir d'achat à tous les Français.
Ça va être encore des effets d'annonce, de la poudre aux yeux.
Je ne m'attends pas à des merveilles.
Je pense qu'il va vouloir lâcher un petit peu du laisse,
mais vu comme il nous a pris de haut depuis le début,
je pense qu'il va essayer de faire quelques concessions,
mais ça va être moins du compte.
Le sentiment qu'on a aujourd'hui, c'est que non,
il n'y a pas de réel envie d'améliorer le sort des gens.
C'est vraiment le profond sentiment qu'on a eu aujourd'hui.
Samedi prochain, du coup, est maintenu,
et il y aura le rendez-vous, comme samedi dernier, au Champs-Élysées.
Tout cela nous amène au samedi 1er décembre 2018,
acte 3 de la mobilisation des Gilets jaunes,
l'acumé du mouvement.
On se réveille très tôt ce matin-là pour rejoindre des amis,
des collègues et un co-voiturage à un point de rendez-vous.
Il y a les opérations péages gratuits sur toutes les autoroutes de France.
Il y a les blocages de route, d'aéroport, de centres commerciaux.
Enfin, il y a des cortèges plus classiques de manifestants et de manifestantes
qui entendent tout simplement faire nombre,
comme à Bordeaux, Albi, Lille, Reine, Tour ou Dijon.
À Paris, deux assemblements étaient déclarés auprès de la préfecture de police
entre la Place de la Madeleine et la Place de la République.
Mais de nombreux autres appels informels ont été lancés sur les réseaux sociaux
pour manifester au plus près de l'Elysée.
Il n'en fallait pas plus pour que 5000 policiers soient mobilisés,
dont 1700 dévolus au filtrage des manifestants sur les champs,
un périmètre fermé a été délimité,
accessible seulement sur présentation des sacs et des pièces d'identité.
Le 30 novembre, la veille de l'Acte 3,
le préfet de police de Paris Michel Del Pueche donne ses dernières recommandations
devant 120 responsables du maintien de l'ordre.
Le dispositif retenu est conséquent,
mais le préfet ne se montre pas particulièrement inquiet.
À 6h du matin, les abords de la Place de la Concorde,
de la Place Beauvau, de Matignon et de l'Assemblée nationale sont fermés.
Sur France 2, dans le journal de 7h,
le journaliste David Defort donne ses premières impressions,
genre le calme avant la tempête.
Alors les premiers véhicules de Jordammerie sont venus se positionner vers 5h30
pour bloquer les accès principaux à la Place de la Concorde.
Ils sont de part et d'autre de cette place,
d'autres un petit peu plus loin se sont positionnés,
cette fois en amont de ce qu'on appelle l'étoile, le carrefour,
juste derrière moi où se trouve l'arc de Triomphe.
Pas de gilets jaunes pour le moment,
c'est vrai qu'ils sont attendus un petit peu plus tard dans la matinée.
Le premier devrait se positionner ici,
en tout cas tenter de rejoindre les Champs-Élysées,
les libres de circulation pour les piétons méfiltrés.
La panique les poussait à crier que la terre meurait pas,
ça n'en a rien à branler.
La méfiance est excitée dire qu'on peut plus rien manger,
qu'on n'a même plus roi de pensée.
La haine les faits basculer dans les extrêmes,
allumer l'incendie tout enflammée.
La terre de l'essence.
La terre de l'essence.
La terre de l'essence.
La terre de l'essence.
La terre de l'essence.
La terre de l'essence.
Les jeux sont faits, tout nos leaders ont échoué.
Ils seront détruits par la bête qu'ils ont créé.
La confiance est morte en même temps que le respect.
Qu'est-ce qui nous gouverne la peur et l'anxiété?
On se tôt détruit, on cherche un ennemi.
Certains disent c'est foutu, d'autres sont dans le déni.
Les milliards d'air les galorents enfants débiles.
L'histoire appartient à ceux qui l'ont écrite.
Plus personne écoute, tout le monde s'exprime.
Personne change d'avis que des débats stériles.
Tout le monde s'excite parce que tout le monde s'excite.
Que des opinions tranchées rien n'est jamais précis.
Putain de réfléchir, tiranie des chiffres.
Gaman 12 ans dont les médias citent les tweets.
L'intelligence fait moins vente que la polémique.
Battle royale c'est chacun pour sa petite équipe.
Connard fascho, connard systérique.
Tout est réacte, tout est systémique.
Dès qu'un connard fait quelque chose de mal,
quelque part le monde entier devient susceptible.
Les coupables sont d'anciennes victimes.
Le cercle du mal jamais fini.
Tout est génère, tout est cyclique.
Pas de solution que des critiques.
Tout le monde est sensible, tout est sensible.
Tout le monde est sur la défensive.
Si j'ai sensible, personne sensible.
Sensible, sensible, sensible.
Tout le monde est sur la défensive.
Si j'ai sensible, personne sensible.
Tout le monde baisse, tout le monde peut faire le p'tit train.
Une discussion sur deux, c'est quelqu'un qui se plaint.
Pendant que le reste du monde souffre pour qu'on fume.
Les parents picolent, c'est les enfants qui trinquent.
Accident de bagnole, violence conjugale.
L'alcool est toujours à la racine du mal.
Rien rempli, plus l'hôpital est tribunal.
On n'assume pas d'être alcoolique, c'est relou d'en dire du mal.
On prend des mongoles, leur donnent des armes.
Apaisent sa justice, s'étonnent des drames.
Prit dans un vortex infernal.
On soigne le mal par le mal et les médias s'en régale.
Aujourd'hui, les Gilets jaunes.
France inter, affaire sensible.
Les Gilets jaunes qui le répètent.
Certains sont de gauche, certains sont de droite.
Beaucoup ne sont ni de gauche ni de droite.
Mais peu importe.
Parce que le mouvement ne s'inscrit dans aucun grand politique.
Mais à Paris.
Si la grande majorité des manifestants de l'Acte 3
insistent sur la politisme du mouvement,
d'autres vont affirmer très clairement leur appartenance militante.
Ainsi, tôt le matin,
en ce 1er décembre 2018,
des journalistes présents sur la place de l'Étoile
repèrent des figures bien connues
de l'extrême droite identitaire,
nationaliste ou royaliste.
Sur Twitter, une vidéo amateur montre
Yvon Benedetti, ancien chef de l'œuvre française,
un gros piscule antisémite dissout en 2013,
aux prises avec des manifestants présentés, eux,
comme des militants antifascistes.
Car la gauche radicale elle aussi va pointer le bout de son nez.
Comme illustre certains tags,
dont le désormais célèbre Acab,
all cops are bastards,
en français, tous les fixants des bâtards.
Mais le gros des manifestants
qui s'amassent autour de la place de l'Étoile
au fil de la matinée, ce sont des Gilets jaunes disons, ordinaire.
Oui, ordinaire, mais très en colère.
Pour les manifestants, le dispositif coercitif
mis en place par la préfecture,
avec fouille, restriction du périmètre,
à tous les attributs d'un pierre.
Et beaucoup entendent exprimer leur albol
là où ils veulent, c'est-à-dire,
hors de la zone surveillée des Champs-Élysées.
Alors que des petits groupes de Gilets jaunes
s'éparpillent dans ce quartier chic de la capitale,
la situation s'envenime.
Reportage de Beatrice Duguet
au Journal de Trésor sur France Inter.
Depuis 9 heures ce matin,
les affrontements sont allés Créchendeau,
des casseurs, environ 3000 selon le gouvernement,
cherchent à dresser des barricades
avec des grilles de chantier en divers endroits,
à venu de la Grande Armée, à venu Marseau,
ça se déplace en ce moment,
dans les rues adjacentes au Champs-Élysées
et les gendarmes mobiles répliquent
à coups de lacrymogènes,
beaucoup dispersés par le vent.
Et depuis une botteur ennemi, maintenant,
surdissante aussi, assez impressionnante,
des véhicules anti-barricades,
tristes images pour bien des Gilets jaunes,
Tony Chômeur, à moins de 1000 euros par mois
pour vivre, il est dépité pessimiste aussi.
Et là, ce que Pierre est à venir.
On comprend bien les revendications
de l'État, tout ça.
Le souci, c'est que nous, on n'y croit plus.
On sent bien qu'il y a un gros mépris
la part du gouvernement
et d'insulte à l'intelligence aussi beaucoup.
On la comprend la transition écologique.
On la comprend, mais est-ce que ça nous de la paix
?
Habitué au cortège classique,
localisé, peu mobile,
la police est rapidement submergée
par ce petit groupe de quelques dizaines de personnes
qui se dispersent dans les rues
autour de la place de l'étoile,
jusqu'à la place de l'opéra
et la rue de Révolis.
Les images que les chaînes d'information
en continuent diffuser en direct sont impressionnantes.
Des voitures retournées,
calcinées, une épaisse fumée noire d'anciennes,
des barricades, le bitume éventré,
le joncet de débris de verre
et de palais de gaz lacrymogène,
Paris Brûle, titron plusieurs médias
au lendemain de l'acte 3.
Mais ce n'est pas Paris qui brûle.
Ce sont certains quartiers, certains symboles.
Avenue Cléber, rue de Révolis,
place Saint-Augustin, avenue Foch,
rue Cambon, avenue Vagram,
les Champs-Élysées aussi,
malgré l'important dispositif policier.
Le 8e et le 16e arrondissement,
autant d'incarnation du pouvoir
et de la richesse qui se voit dégradée,
pillée, avouillie,
dans un geste codequin qualifiant le vangeur
ou désespéré.
Aux alentours de 16h,
un groupe de gilets jaulants
font sa porte de l'art de triomphe, place de l'étoile
et pénètrent dans le bâtiment
pour déployer un drapeau français sur le toit.
La boutique qui vend les répliques miniature
de monuments parisiens est pillée.
Des oeuvres d'art sont taillées
comme la réplique en plâtre d'une statue
du sculpteur français François Rube,
la Marseilleuse,
dont le troubéant dans la joue
deviendra pour certains le symbole
des violences commises de jour-là.
Dehors, raison de l'écho
des jets pavés de manifestants
alors que les CRS donnent l'assaut.
Rapportage de Faréda Noir, sur France Inter.
Dernière charge de CRS pour libérer l'arc de triomphe,
la nuit tombe, acûler les gilets jaunes,
quitte la place de l'étoile, certains choisissent de résister.
On met le pâtre.
Géloire et jaune.
Le pâtre, le pâtre.
Si on ne bouge pas, rien ne bougera en fait.
Il n'y a pas de dialogue en face, ils nous prennent pour des cons.
On va la remontrer, c'est qu'il est con aujourd'hui.
Natan, jeune gilet jaune charanthée,
à la main en sang, un tir de flashball,
dit-il, il est venu manifester pacifiquement,
mais il s'est radicalisé au fil de la journée.
Ce qui m'emmerde le plus, c'est qu'on nous défendre
quelque chose de gus, quelque chose de beau, quelque chose de noble.
On est dans le jeu du gouvernement qui joue la provocation et qui nous force, finalement,
pour se faire entendre, à faire des trucs que moi,
je n'osqu'à ne pas de base.
Moi, les gens qui vont se lever demain matin et que leur bagnole cramait,
j'ai de la peine pour eux.
Et ça me fait chier parce que ce n'est pas pour ça que je me passe,
ce n'est pas pour griller la vie des gens.
C'est pour empêcher qu'on se fasse exploiter par nos élites
qui se pensent clairement au-dessus de nous,
et voilà, on est juste de la marchandise.
Bon, alors faire toujours plus de profits.
Ailleurs en France, certaines manifestations pacifiques
connaissent aussi les accès de violence et des décredations.
Au Puy-en-Velais,
des manifestants jetent des projectiles incendiaires sur la préfecture
au terme d'une journée d'affrontement avec la police.
À Narbonne, un péage brûlé.
À Marseille, des magasins sont pillés.
Au total, 383 personnes sont placées en garde à vue en France
pour 137 000 manifestants, selon le ministère de l'Intérieur,
et plus de 800 000, selon le syndicat France Police,
chercher les menteurs comme d'habitude.
Dans la capitale, la préfecture estime qu'un tiers
des 10 000 gilets jaunes venus manifester ont commis de violence,
des décredations ou des pillages,
un chiffre souvent remis en cause
étant donné la difficulté de compter des individus immobiles.
Parmi les personnes interpellées,
un profil émerge, peu habituel,
des hommes de 30 ou 40 ans ouvriers,
artisans, chauffeurs de poids lourds, boulangers,
venus de toute la France et inconnus des services de police.
Pour l'instant.
Alors que les rues de Paris, Dijon, Tours, Tarbes,
Charleville, Maisillereau, Marseille,
retrouvent leur calme, l'heure est au bilan,
au soir du 1er décembre.
À Marseille, une octogénère, Zineb, Redouane,
a été touchée par une grenade lacrymogène
alors qu'elle fermait ses volets,
elle décèvera le lendemain.
À Arles, un automobiliste est mort,
après avoir percuté un poids lourd arrêté par un barrage de gilets jaunes.
Selon la place Beauvaux,
81 policiers et 182 manifestantes
étaient blessés dans toute la France.
Parmi les gilets jaunes,
5 personnes sont grièvement touchées,
dont un jeune homme de 28 ans
qui manifestait avec sa compagne et ses parents,
à Toulouse.
Visé en pleine tête par un tir de lanceur de balle de défense,
ou LBD,
il est placé dans un coma artificiel de 3 semaines
pour stabiliser son état.
À Bordeaux, un homme de 37 ans,
Frédéric Roix voit sa main droite arrachée
par l'explosion d'une grenade Gli F4,
une arme dont les avocats,
William Bourdon et Harry Alimi
vont alors demander l'interdiction au gouvernement.
Les dossiers que nous portons
illustrent tous un usage
manifestement et indiscutablement
disproportionné de la violence.
Ce sont des grenades militaires.
Ce sont des grenades qui peuvent normalement
être utilisés sur un champ militaire,
mais qui posent une vraie problématique
face à des civils.
C'est-à-dire que l'on voit des blessures,
des mutilations,
voire des morts avec l'usage de ces grenades.
À Avignon, Bordeaux, Calais au Paris,
certains blessés expliquent avoir été touchés
alors qu'ils manifestaient calmement.
D'autres sont de simples passants,
comme le journaliste Igor Clément
laissé au visage par un projectile
lancé par un policier alors qu'il allait boire un verre.
Je ne prenne pas du doigt
l'ensemble des policiers qui ont dû travailler
dans des conditions très stressantes,
et critiquent sur Twitter.
Tandis que d'autres victimes
dénoncent le sentiment d'impunité
de ces policiers qui se savent protéger
par leur hiérarchie et en premier lieu
par le ministre de l'Intérieur.
Au lendemain du 1er décembre 2018,
les médias français ne sont que Flamécao.
La violence des casseurs,
le mot est dans toutes les ouches
et prend le pas, surtout,
les autres aspects de l'acte 3
de la mobilisation des gilets jaunes.
Les sujets se suivent et se ressemblent.
La difficulté du travail de la police,
le coût des dégâts matériels,
l'atteinte portée à la République française.
Les violences policières ne sont pas
encore un sujet médiatique,
et il faudra attendre cinq jours
le traquage du border king
évoqué en début d'émission,
ne soit repris par libération,
France TV Info, Combinie ou le Parisien.
Quant au voie des dizaines de milliers
de français et de françaises
qui ont manifesté ou bloqué sans heurts
pour dénoncer les inégalités
et réclamer plus de justice sociale,
elles sont étouffées par le tumulte
du sensationnalisme médiatique
et des condamnations officielles.
Aucune cause ne justifie
que les forces de l'ordre soient attaquées,
que des commerces soient pillés,
que des bâtiments publics ou privés
soient incendiés,
que des passants ou des journalistes
soient menacés,
ou que l'arc de triomphe soit souillé.
Les coupables de ces violences
ne veulent pas de changement,
ne veulent aucune amélioration,
ils veulent le chaos.
Ils trahissent
les causes qu'ils prétendent
servir
et qu'ils manipulent.
Ils seront identifiés
et tenus responsables
de leurs actes devant la justice.
Et de la part du gouvernement,
on entend parler de la stratégie
de professionnel du désordre,
de professionnel de la casque
qui aurait infiltré la mobilisation,
je cite.
Pour l'exécutif, il y a donc
les vrais gilets jaunes
et leurs colères légitimes
pourtant. Entre gilets jaunes et casseurs,
citoyens français, professionnels
du désordre, colère et frénésie,
la frontière éthéporeuse,
mouvante le 1er décembre 2018.
Et c'est sans doute cette complexité
qui inquiète et qui déstabilise.
Le 2 décembre,
Emmanuel Macron et Christophe Castaner
viennent constater les dégâts
sur la place de l'étoile,
accueillis par des applaudissements
des riverains.
C'est long différent sondage d'opinion.
De 68 à 72 % des français
et des français soutiennent
le mouvement des gilets jaunes
au lendemain de l'acte 3.
Que l'on condamne la violence
de certains manifestants,
ou qu'on les comprenne,
le 1er décembre 2018 a été
vécu par la majeure partie de la population
comme une journée de mobilisation
sereine.
Oui, il y a bien eu des tensions
lors de certains blocages,
mais toute la France n'a pas plongé
dans le chaos ce jour-là.
Facho, Faxio, Nervi, Raciste,
Komplotiste, Poujadis, psychotique,
Racaï, Iñard, Abruti ou Beauf,
en public ou en privé,
face caméra ou sur Twitter,
certains journalistes
de TF1 Libération, de radio classique
à BFMTV, n'hésitent pas à réduire
le mouvement des gilets jaunes,
protéiformes et complexes,
à des qualitatives qui révèlent
une relève parfois de l'insulte.
Il faut dire son sentiment d'exclusion
les fins de mois difficiles,
l'humiliation quotidienne.
Lorsqu'on échange, qu'on débat,
qu'on réfléchit sur les ronds-points
depuis deux semaines déjà,
lorsqu'on est gilets jaunes,
il est difficile de s'entendre traiter ainsi.
Quant au Komplotisme,
qui concerne bel et bien certains manifestants,
il semble parfois brandi comme une preuve,
celle que les gilets jaunes
dans leur ensemble sont inaudibles
et illégitimes.
Au fil des jours,
beaucoup d'entre eux se sentent heureux,
non plus seulement par le pouvoir politique,
mais par les grands médias qui,
ressentent-ils, ne comprennent pas
ce qui se joue en France.
Certains relais médiatiques
vont bientôt privilégier les réseaux sociaux
au détriment des plateaux de télé,
accusant les médias traditionnels
d'une trop grande proximité avec le pouvoir.
C'est le cas du chauffeur routier de Bola,
qui répond régulièrement
en question des internautes
lors de live Facebook,
des vidéos diffusées en direct sur sa page.
L'acte 3 des gilets jaunes
marque ainsi le début d'une fracture profonde
entre les gilets jaunes
précisément et les journalistes.
On pourra réfléchir
ensemble à la doctrine.
Je pense qu'il faudra effectivement
à l'un de ceux qui viennent se passer
la revoir en profondeur,
tout comme il faudra la revoir pour samedi prochain.
Mais en ayant en tête
qu'il ne s'agit pas
de déterminer et d'indiquer
qu'elles seront les façons
dont nos forces de l'ordre vont protéger
la capitale et les autres villes de France.
Je vous dirais quelques éléments sur cela.
L'opposition elle demande un référendum
en la personne de Laurent Wauquiez
ou une dissolution de l'Assemblée,
ce qui est le cas de Jean-Luc Mélenchon ou Marine Le Pen.
Dans les jurques qui suivent l'acte 3
de la mobilisation des gilets jaunes,
l'exécutif annonce une série de mesures
sans s'écongler les attentes et calmer les colères.
Pas de référendum,
pas de démission,
mais les hausse de taxes sur les carburants sont annulés
pour 2019.
Lors d'une allocation solennelle à la télévision,
Emmanuel Macron promet également
100 euros mensuel de plus sur le SMIC,
une mesure en réalité déjà programmée,
des heures supplémentaires
sans impôts ni charges
et une baisse des taxes pour certains retraités.
L'impôt de solidarité
sur la fortune en revanche
ne sera pas rétabli dans les places
aux gilets jaunes.
Réaction sur France 3 en région.
Le salaire d'un travailleur au SMIC
augmentera de 100 euros par mois.
C'est rien, c'est rien qu'on part
et à tout ce qu'on peut payer, tout ça.
100 euros, c'est quoi, c'est rien?
Si, ça fera quelques paquets de pâtes de plus
pour bouffer, c'est tout.
C'est ça que je bouffe tous les mots, quasiment.
Ça y est, des patates, il va faire quoi, lui?
Rien.
Ce n'est pas des mesurettes qu'on veut, nous c'est des mesures concrètes.
Un vrai pouvoir d'achat.
Je sais que certains voudraient,
dans ce contexte, que je revienne
sur la réforme de l'impôt sur la fortune.
L'impôt sur la fortune,
je suis dans son ou.
Je sais aussi qu'il m'est arrivé de blesser
certains d'entre vous par mes propos.
On lui a insufflé de dire ça.
Il joue très bien son rôle.
Mais il m'a pas fait pleurer.
Moi, je n'ai jamais eu confiance en lui.
Il n'y a rien.
Je ne m'ai pas envie d'en parler, tout ça me...
On se revoit samedi, c'est tout.
La mission!
Ça, c'est une pétition en faveur du référendum
d'initiative citoyenne qu'on va mettre en place.
Le RIC,
ou référendum d'initiative citoyenne,
est un dispositif de démocratie directe
qui deviendra bientôt la revendication principale
des gilets jaunes.
Car la hausse des taxes sur le carburant
n'a été que le déclencheur
d'une mobilisation qui entend questionner
plus globalement la fiscalité,
la transition écologique,
la démocratie,
l'organisation de l'Etat,
ou les inégalités.
Cette acte 3
sera suivie de nombreuses autres manifestations
de gilets jaunes
jusqu'à ce que le mouvement s'étiole
après plusieurs mois de mobilisation intense
et notamment à cause du confinement
à la Covid.
C'est immense catastrophe sociale.
Mais pour les personnes qui ont manifesté,
pour les journalistes,
pour les forces de l'ordre,
et pour celles et ceux qui dirigent le pays,
cette journée du 1er décembre 2018
demeure un symbole.
Un symbole que deux images
peuvent incarner.
La première, c'est ce visage brisé,
celui de la statue de la Marseillaise
que les manifestantes abîmaient
lors de ce qu'on a parfois désigné
comme la prise de l'art de triomphe.
La seconde,
c'est un autre visage,
ou plutôt d'autres visages,
n'ont pas de plâtre,
les deux chers redosses, meurtris,
en sanglantés,
ceux des manifestantes et des manifestants touchés
des policiers.
Deux visages,
deux facettes d'une même France
fracturées par les injustices et les inégalités
que les gilets jaunes
ont été dénoncés parce qu'ils les subissent.
La première visage,
c'est ce visage brisé,
celui de la statue de la Marseillaise
que les manifestantes abîment
lors de ce qu'on a parfois désigné
comme la prise de l'art de triomphe.
Deux visages,
deux visages,
deux visages,
deux visages,
deux visages,
deux visages,
deux visages,
deux visages,
deux visages,
deux visages,
deux visages,
deux visages,
deux visages,
deux visages,
deux visages,
deux visages...
Les deux visages se sont
détestés en
выйvenant en
violon.
Toujours la colère
Chaque nuit commence un cœur
Je crois qu'elle vient de la douleur
Chaque jour même les plus ordinaires
Elle revient toujours la colère
Chaque jour elle nous effleure
Je crois qu'elle croit de la hauteur
Chaque jour depuis des millénaires
La colère
Elle revient toujours la colère
Chaque jour depuis des millénaires
Elle revient toujours la colère
À croire qu'elle le sent plusieurs
Chaque jour elle nous effleure
Chaque jour elle nous effleure
François Inter
Affaire sensible
Fabrice Drohuelle
Aujourd'hui les Gilets jaunes, notre invité Gaspar Guns, journaliste indépendant,
fondateur du Média en ligne Taranis News, bonjour.
Bonjour.
Vous avez entre autres mouvements sociaux couverts la mobilisation des gilets jaunes, un mot
quand même de Taranis News, est-ce que vous avez une façon particulière de couvrir ce
genre d'événement par exemple avec quel œil?
Alors on est soit des journalistes en photo soit des journalistes en vidéo donc on essaye
de ne pas mettre de commentaires dans nos images quand on est en vidéo donc c'est
un reportage qui est no comment et qui essaie de représenter en termes chronologiques ce
qui a pu se passer dans la manifestation donc on la suit de son départ jusqu'à son arrivée
en essayant de montrer les temps forts, d'éventuellement d'interviewer certains acteurs, certains participants
mais de rester dans le no comment et dans la chronologie pour que les gens puissent
se faire leurs propres idées, leurs propres opinions sur ce qu'ils voient et ne pas être
guidés par une voix, par un discours politique ou par une orientation que pourrait avoir
d'autres contenus.
Quel souvenir gardez-vous de ce 1er décembre 2018? Je crois que vous n'étiez pas paris
ce genre.
C'est malheureusement la seule journée des gilets jaunes quasiment que j'ai apparaissé
à Paris.
Il s'est passé des choses ailleurs.
Alors il y a eu d'autres choses ailleurs puis il y a eu d'autres journées sur les
Champs-Élysées à Paris malgré le 1er décembre par exemple, souvent le souvenir de la terrasse
du fouquette qui brûle, alors je ne sais plus exactement quelle date c'était mais c'était
pas le 1er décembre, c'était bien plus tard, c'était l'année d'après et donc c'est
un moment qui a un peu duré donc les Champs-Élysées ont été pris plusieurs fois, l'Arc de Triomphe
n'a été occupé qu'une seule fois mais disons que les Champs-Élysées étaient devenus un
peu après cette journée du 1er décembre un symbole du lieu à prendre, du lieu à
occuper et du point de ralliement dans la capitale des manifestants venus de France.
Qu'est-ce que vous affrapez-vous? Ce qui m'a frappé c'est que effectivement comme
vous l'avez dit, ce n'était pas du tout des mouvements de manifestants comme on peut
le voir dans les manifs traditionnels syndicales, comme c'est des gens qui n'avaient pas l'habitude
de manifester, ils n'avaient pas forcément les codes de rester dans le cortège central,
de rester de ne pas aller sur les trottoirs, de ne pas sortir du tracé, là c'était
vraiment des gens qui n'avaient pas l'habitude de manifester donc qui étaient prêts à
courir marcher dans les rues en parallèle, ce qui a désorganisé éventuellement certaines
organisations qui voulaient gérer ce mouvement mais qui a aussi désorganisé les forces
de police, qui n'avaient pas l'habitude de gérer ce genre de gens qui étaient très
mobiles en fait et qui leur passaient derrière, qui allaient dans les rues parallèles etc et
je pense que les premières journées, le ministère d'Intérieur a été très dépassé par la
rapidité et la désorganisation pour la police en réaction.
Et le mouvement des gilets jaunes est d'abord né sur Facebook, donc hors des réseaux habituels
militants ou syndicaux, est-ce que cette mobilisation vous a surpris à l'été le reflet d'une époque
aussi, c'est le reflet d'une époque numérique, d'un accès à la parole par le numérique.
Alors c'est pas le premier mouvement social qui a profité, mais c'est celui qui probablement
l'a le mieux exploité soit les dernières années, ce que je trouve très intéressant c'est de comparer
par rapport à aujourd'hui la réforme des retraites, ça veut dire qu'au final en entendant votre
reportage on retrouve beaucoup de discours qu'on retrouve aujourd'hui, ça veut dire une espèce
de désespérance des gens qui vont manifester comme le dernier recours en fait et le mouvement
des gilets jaunes c'était vraiment ça, c'était des gens qui n'allaient jamais manifester, qui n'étaient
pas, qui étaient même parfois politiquement complètement dans le spectre opposé avec des gens
de droite, voire même d'extrême droite comme vous l'avez précisé, qui manifestaient au début
avec des gens d'extrême gauche sans même se rendre compte, parce qu'ils étaient munis
par le mouvement de la manifestation plus que par leurs orientations politiques au début et donc
oui on a eu beaucoup de beaucoup de de movements différentes qui se sont assimilés et donc ça
avec des techniques différentes et donc ça a donné des manifestations avec un autre visage.
Et précisément parce que ça débouche sur une question importante, l'une des questions les plus
importante pour comprendre ce qui s'est passé, le fait que ce mouvement des gilets jaunes n'était
pas fédéré, c'était une force ou une faiblesse? Ou les deux? Alors ça il faudra le redemander,
mais je pense qu'en ce qui concerne le maintien de l'ordre et les manifestations, pour eux c'était
une force. Je n'ai pas souvenir de manifestations qui soient produites sur les Champs-Élysées déjà,
en général c'est très rare. Ensuite de cette manière là, il ne me semble pas que ça soit déjà
arrivé et ça s'est produit à plusieurs reprises. Encore une fois, il y a eu d'autres manifestations,
après le 1er décembre on aurait pu croire que la réaction policière du ministère de l'Intérieur
aurait fait que cette zone devienne inaccessible par la suite. Elle a été reprise, le fouquette
qui brûle, ça a été une image très forte pour dire, l'art de triomphe n'a pas été pris sur là,
mais le fouquette ça a quand même brûlé, ce qui est un symbole aussi un peu, le restaurant
avait été pillé en partie etc. Et je pense que oui, on avait une espèce de, le missile
intérieur, ça a été habitué à gérer des manifestations syndicales et s'est retrouvé avec
la naissance. C'est un véritable black block en France qui s'est construit sous les 10
derniers années, mais qui a vraiment pris de l'ampleur du moment des Gilets jaunes.
Peut-être qu'il y avait une faiblesse dans le manque de culture politique, précisément parce
que ce n'était pas dans une configuration habituelle, quand les Gilets jaunes souhaitaient demander
la démission du président, c'est bien qu'un président est intouchable en France, c'est un roi,
pas pas toucher, la rue ne peut pas le faire démissionner. Et pourtant ils y croyaient et ça
craignent des critiques, ça a débouché sur certaines critiques qui étaient parfois très dures d'ailleurs.
C'est un peu comme aujourd'hui, encore une fois, on est dans le mouvement des retraites et on voit
comme le gouvernement est en opposition avec les syndicats, et c'est encore une fois le même rapport,
c'est-à-dire une espèce de mépris de la porte du gouvernement envers les syndicats. Là,
c'est un mouvement syndical. Les Gilets jaunes avaient moins d'interlocuteurs auprès des manifestants,
mais c'est encore une fois, il y a un écart qui se creuse entre le gouvernement, le ministère
de l'Intérieur et les manifestants et les syndicats. Et ça, c'est linéaire depuis une bonne dizaine
d'années. En fait, ce n'est pas propre au président Macron, ça a commencé avant,
mais là, on va dire que ça prend de l'ampleur et que ça se ressent dans la société. Je pense qu'il
y a une partie des gens qui manifestaient au moment des Gilets jaunes, qui aimeraient bien
manifester aujourd'hui, mais qui, soit non plus les moyens, soit non plus l'envie, parce qu'ils
pensent que ça vaut pas la peine après avoir s'intmobilisé autant pendant les Gilets jaunes,
ils ont l'impression que ça n'a servi à rien, qu'ils ont risqué parfois des violences,
des blessures, des arrestations, etc. Et c'est allé très loin. Et donc je pense que, oui,
il y a un mouvement, un peu, les Gilets jaunes ont marqué le pays, mais autant dans des points
positifs que négatifs. – Alors justement, ça nous amène à cette question, que sont devenus les
Gilets jaunes? La situation aujourd'hui est-elle la même qu'en 2018 avec notre remporteur,
Anel Verzot. Pour essayer de le savoir, nous allons partir à Saint-Etienne du rouvret,
en Seine-Maritime, où une trentaine de Gilets jaunes n'ont jamais cessé de se réunir,
fégurez-vous sur le rond-point des vaches. – On se trouve sur le rond-point des vaches à
Saint-Etienne du rouvret. Et là, il y a une cabane, mais c'est un peu plus qu'une cabane,
c'est carrément une petite maison, presque, enfin, vous appelez ça la cabane, et c'est la
85e cabane, c'est-à-dire qu'à chaque fois, les cabanes sont détruites et vous en reconstruisez
d'autres. – Oui, ou alors on a eu des incendies criminelles aussi. – On rentre dans la cabane?
– J'ai passé un petit coup de chiffon là. – Et là, vous avez installé des tables,
il y a des chaises, il y a de quoi accueillir du monde. – La cabane, c'est un lieu qui est
fréquenté tous les jours. Ça a permis aussi à des anciens d'avoir un endroit, de tisser des liens
aussi avec d'autres, parce que sinon ils sont isolés, ils étaient chez eux tout seuls. – Ça a été un
lieu de rencontre! Ça a été un lieu de rencontre aussi. Certains, il y a des couples, mais il y a
exactement... – Vous voulez donner vos prénoms ou d'autres prénoms? – Non, moi je m'appelle
Guénaël, Jocelyn, – Certifa. – et Carlos. – Vous, Jocelyn? – Je suis retraitée, moi.
– Vous me disais quoi, avant, comme métier? – J'étais assistante de gestion. – Votre retraite,
elle est de combien, à peu près? – A peine 1200. – Alors moi, je suis osmique, en fin de compte.
– Vous calculez quand vous faites vos courses? – Bien sûr, et les plaisirs, on en a deux moins
en moins, mais ma vie, elle est bâclée, pour moi, elle est bâclée. Le système nous batte notre vie,
et la vie, elle est importante pour tous. – Et faut que Carlos, alors, vous travaillez aussi? – Donc,
ça fait 30 ans que je travaille dans le BTP, j'ai 53 et ça commence à... j'ai commencé à avoir un
petit peu mal partout. Mon salaire, c'est de 1 500 euros, ma femme, elle a des problèmes de santé,
elle fait 15 heures par semaine, donc ça le fait 600 balles, donc nous deux, c'est 2 100 balles,
avec un enfant, de la façon comme les prix, ils sont en train d'augmenter, je ne sais pas comment
on va faire, ça commence à être très dur. – En fait, la situation, par rapport à 2018,
elle est pire, pire que 2018, à tous les niveaux en plus. – Pouvoir d'achat, liberté, qu'on nous a
touché énormément, non, c'est pire. – On a obtenu des choses, mais temporairement, parce qu'après,
il nous a emborbiné avec son grand blabla. – Le grand blabla, c'est quoi? C'est le grand débat.
– C'est Emmanuel Macron, il faisait ces grands blabla avec les gens qui voulaient. – C'est déjà vous,
les maires avec tout ça, qu'il avait convoqué les maires de toutes les régions, qu'il a fait
tout un cinéma, qu'a coûté beaucoup d'argent aussi, tout ça, parce que ces déplacements,
c'est pas gratuit, ces repas avec les maires, ils ne mangent pas comme nous une pure éjambon,
donc tout ça, ça a coûté de l'argent et pour rien du tout. – Juste pour son intérêt à lui.
– Vous demandiez à Enrique, un référendum d'initiative citoyenne, qu'a jamais été pris en compte.
– Réellement, ça permettrait aux Français de participer à la bi-politique à tout moment.
Par exemple, là, sur la question des retraites, s'il y avait un référendum,
c'est-à-dire si les citoyens pouvaient dire, nous, on exige qu'il y ait un référendum sur cette question,
voilà. – Parce que les créations d'Oléans, c'est devenu quoi, vous savez, non? Il y a eu un moment donné,
un élan avec « Faites vos d'Oléans, s'écrivez-nous des messages et on vous répondra », etc. – Ils sont oubliettes?
– Ils sont oubliettes, je sais pas, dans les cartons. – Après, oui, ça n'a jamais été analysé.
– Ça, c'était encore le cirque à Macron, histoire de dire « Vous voyez, je vous écoute ».
Mais en fait, rien du tout. – Pinote. – Pinote. – En fait, ils... – Ils ignorent les Français, ils ignorent le peuple.
On n'est rien du tout pour eux, zéro la barre. – Comment voulez-vous que le citoyen ne se révolte pas?
– Ça y est, le feu il prend, là. Comment ça prend? Là, c'est les cartons qui brûlent pour le moment.
– Hey, regarde. – Gaspard Glens, ça nous renvoie à ce qu'on disait, tout ça pour ça, c'est terrible.
– Oui, oui. C'est vrai que les ronds-points, ça ne s'est jamais arrêté.
Et en même temps, on les voit aujourd'hui avec des revendications qui sont clairement orientées sur la réforme de la retraite,
qui ont de moins en moins à voir avec le moment des Gilets jaunes et que c'était plus une...
Ça ressemble plus à une part de la population qui avait besoin de se sentir impliquée dans le processus politique.
Et ça a été la forme qu'elle a finie par utiliser pour s'exprimer et pour se ressentir impliqué plus dans le système politique.
Et je pense que ça montre qu'il y a vraiment de plus en plus de Français qui ont l'impression que, malgré le pouvoir du vote,
ils ont aucun impact sur leur destin, sur leur portefeuille, sur leur retraite, etc.
Surtout que les crises s'aggravent, puisque depuis cet épisode de 2018, il y a eu la Covid, mais je mets ça de côté,
mais il y a les prix de l'essence, les prix de l'énergie qui plombent terriblement les budgets, et bien sûr les budgets les plus fragiles.
– Moi, j'ai entendu beaucoup de gens qui, là, en l'occurrence au moment de la réforme de la retraite, qui étaient prêts à se mobiliser.
D'ailleurs, on voit qu'il y a quand même vraiment beaucoup de gens dans la rue, la population, on n'a rien à voir avec cette des Gilets jaunes.
Là, dans les manifestations des retraites, on a des parents avec des enfants en bas âge, et on a des mamies dans des chaînes roulantes.
C'est quelque chose qui n'y avait pas dans le mouvement des Gilets jaunes, qui, comme vous l'avez précisé, était plus avec une catégorie jeune,
une catégorie ouvrière, c'était plus, on va dire, des personnes qui travaillent.
Et donc, la mobilisation pourrait être forte aujourd'hui, mais la situation économique est-elle, le moral aussi des citoyens est-elle,
et puis la répression a été forte aussi, comme vous l'avez précisé dans le reportage, avec des blessures, avec des arrestations, des condamnations,
que probablement on n'a pas de mouvement social aujourd'hui, non pas parce que les revendications ont disparu,
mais parce que la population est trop concentrée sur le fait de faire les courses, de finir le mois, de la situation,
et pire, oui, ça c'est sûr, qu'au moment du mouvement des Gilets jaunes, en tout cas, de son émergence.
Enfin, c'est un chapitre important, quel est votre regard sur le traitement médiatique des Gilets jaunes, parce que ça, pour le coup, c'est vraiment une affaire sensible dans l'affaire sensible.
Alors c'est un très bon sujet, il faudrait presque refaire une émission, mais je pense que ça a révélé que les chaînes d'information continuent ne sont pas le graal de l'information,
ça a révélé aussi des citoyens qui se mettent à faire leur propre reportage vidéo, ça existait déjà pour le son, ça existait déjà pour la photographie,
ça existait pas vraiment encore pour la vidéo, pour des raisons technologiques, et entre 2015 et aujourd'hui, tout le monde a une caméra dans sa poche,
tout le monde peut diffuser des vidéos, même en direct maintenant, et on a donc vu cette forme apparaître,
donc déjà d'auto, on va dire d'autiomédiatisation, plutôt que de critiquer les médias directement, le mouvement des Gilets jaunes et des retraites s'est mis à s'auto-médiatiser en fait,
gérer ses propres réseaux, et quitte même à avoir une meilleure audience parfois sur certains sujets ou meilleure exclusivité que des médias officiels.
Et ça c'est intéressant maintenant, oui ça fait pas tout, je pense que la comparaison, un des éléments peut-être les plus intéressants,
c'est qu'on est maintenant 5 ans après le début du mouvement des Gilets jaunes, et qu'on a toujours le même président et qu'on n'a pas l'impression que les revendications des Gilets jaunes
étaient entendues ou étaient, on va dire, même contournées, elles sont toujours là, elles sont toujours présentes, augmentation des prix, les sciences,
et c'est les méthodes de revendication et d'action des gens qui ont changé, même qui se sont arrêtés parfois pour dix raisons, mais il n'y a pas une réponse politique à tout ça, il n'y a pas...
C'est la fin de l'émission en tout cas, merci, vous étiez dans les studios de France Bleu, Alsace, que nous remercions pour leur accueil, merci, au revoir.
C'était à faire sens, et aujourd'hui, les Gilets jaunes, une émission que vous pouvez réécouter en podcast, bien sûr, à la technique qu'il y avait, c'est l'Ingéribi.
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durée :00:54:21 - Affaires sensibles - par : Fabrice Drouelle - Aujourd’hui dans Affaires sensibles, les débuts de la mobilisation des Gilets jaunes.