Hondelatte Raconte - Christophe Hondelatte: Elle a noyé son bébé - Le récit

Europe 1 Europe 1 3/23/23 - 30m - PDF Transcript

Voici l'histoire d'une petite fille d'un an et demi, Adelaide, qui a été noyée par sa maman.

Ça s'est passé en 2013 à Berk-sur-Mer dans le Pas-de-Calais. Cette femme, vous allez la détester,

mais cette affaire vous invite à accepter une idée pas facile. La maladie mentale, ça existe.

J'écris cette histoire avec Thomas Audoir, réalisation Séline Le Bras.

Je vous préviens, c'est un moment assez pénible que nous allons vivre ensemble maintenant.

Aussi pénible que celle-là était en novembre 2013 pour un groupe de pêcheurs de crevettes

de Berk-sur-Mer dans le Pas-de-Calais. Ce jour-là, ils arrivent sur la plage de Bonmâta.

Ils promènent leur filet dans l'eau, en long, en large et en travers. Et puis vers Dizreux,

la mer commence à descendre. Il est temps pour eux de rentrer. Ils sont en train de remonter la plage.

Et c'est quoi ça? C'est quoi ça sur le sable mouillet, cette poche noire? Il s'approche.

Et là, une image terrible leur entre dans la tête pour toujours. Une image qu'ils ne pourront

jamais oublier. Un bébé. Un bébé mort. Un bébé au visage tout bleu. En mailloté dans une

sorte de grenouillère bleu elle aussi. J'y étais pas. Et vous non plus d'ailleurs.

Mais on l'imagine cette scène. On l'imagine. Les policiers du commissariat de Berk-sur-Mer

viennent d'arriver sur la plage. Et le bébé est là, dans la position dans laquelle la mère l'a

posé sur le sable, sur le dos, un bras le long du corps, l'autre écarté et la tête entourée

d'une capuche. On dirait une petite fille, non? Ouais, je pense aussi. Un an, qu'est-ce qu'on pense,

peut-être un peu plus d'un an? Mais il vient. Douce bébé, putain.

Un médo-saint légiste arrive dans la foulée. Vous voyez là, la couleur bleutée de la peau,

ça, ça indique que la petite est probablement morte par noyade. Et l'âge de l'enfant,

docteur, je dirais un an, un an et demi. La suite se passe à l'hôpital de Boulogne-sur-Mer,

l'autopsie. Bien, ça confirme mes premières impressions. Cette petite fille est morte d'un

autème pulmonaire et donc de noyade. Ça veut dire qu'elle était vivante quand elle est tombée à l'eau.

Oui, oui, oui. Notant qu'il n'y a aucune trace de coups, ni de lésion et aucune fracture non plus.

Elle était en bonne santé, cette petite fille, docteur. Oui, oui, bien, oui. Aucun signe de

carence ou de mauvais traitement. À votre avis, docteur, combien de temps est-ce que le corps a

séjourné dans l'eau? Quelques heures. Certainement pas plus. Les policiers commencent par éribier

qu'il n'y a pas eu d'accident au large. Il n'y en a pas eu. On n'a pas non plus signalé d'enfant

tomber d'un carphéré. On pourrait t'imaginer une femme qui s'est suicidée avec son bébé,

mais on n'a pas retrouvé de corps de femme. Ou alors, ou alors, c'est une femme qui a tué

son bébé en le jetant à la mer. C'est vertigineux, comme hypothèse. Un bébé vivant. En tout cas,

cette femme n'est pas pauvre. Enfin, c'est ce que suggèrent les vêtements de la petite. La

grenouillère, notamment, est de marque cirilus. Et c'est plutôt du haut de gamme. En fouillant la

zone, à 150 mètres de la plage, derrière une haie, une patrouille trouve une poussette abandonnée.

Celui qui l'a laissé a pris soin de l'applié. Ça serait donc là-dedans qu'on a emmené ce bébé

avant de le jeter à l'eau. C'est la pégie de l'île qui récupère l'enquête. Et dès le début,

elle reçoit un sacré coup de pouce. Police judiciaire, j'écoute. Oui, bonjour. Dites-voilà,

j'ai rendu l'hôtel, le littoral, là, qui donne sur la plage. Écoutez, je ne sais pas si ça a

rapport, là, avec le camp d'enfant que vous avez trouvé, mais hier soir, j'ai eu une cliente qui

m'a paru un peu bizarre, quoi. Bizarre comment, monsieur? C'est une femme noire. Elle est arrivée,

elle n'avait pas de réservation. Elle n'avait d'ailleurs pas non plus de balayage. Elle avait

juste un bébé dans les bras et puis une poussette. Ok, monsieur, ok. Vous ne faites surtout pas

la chambre. On arrive. La suite se passe à l'hôtel et ce que raconte l'hôtelier est surréaliste.

Bah oui, elle est arrivée en fin d'après-midi avec son fils. Son fils, vous dites? Ouais. Ouais,

pour moi, c'était un garçon. Et puis je l'ai vu ressortir vers 9 heures le soir avec le bébé

dans les bras et puis c'est la poussette à la main. J'avoue que j'ai trouvé ça bizarre parce que

en pleine nuit, avec le temps qu'il faisait en plus, et vous l'avez vu revenir. Je l'ai entendu

rentrer, mais je l'ai pas vu. En revanche, je l'ai vu ce matin au moment de payer. Et là,

bah, il n'y avait plus de bébé. Il n'y avait plus de poussette non plus. J'ai posé la question

forcément. Elle m'a dit qu'elle avait eu. Elle avait confié le bébé à son père. Au téléphone,

ce matin, monsieur, vous avez dit que cette personne avait la peau noire. Ouais, ouais, ouais. C'est

ça, noire, ouais. Elle vous a donné son nom. Ouais, ouais, elle m'a dit cabou. Ça s'écrit comment?

Ça, j'en sais rien. J'ai écrit cabou, C-A-B-U. Moi, je n'ai pas vérifié. A priori, tout colle. On

est d'accord. Sauf que lui dit que le bébé était un garçon alors que c'est une fille. Un an et demi,

il a pu se tromper. Les gars de la police scientifique ratissent la chambre de la mise dans tous les

sens. Et dans la poubelle, il trouve l'emballage d'un sandwich, un sandwich de la chaîne autogène.

Bon, on verra ce qu'on peut en faire. À part ça, ils prennent le maximum d'ADN et d'empreintes

digitales, sachant que c'est un hôtel. Je ne doute pas que les femmes de ménage soient parfaites,

mais à moi d'avoir passé le chiffon partout partout, beaucoup de traces sont celles d'anciens

clients. Cela dit, ses préléments ADN portent leurs fruits. Alors, j'ai identifié deux ADN

féminins dans la chambre. Donc l'un correspond au bébé et l'autre forcément à une femme de sa

famille, sa mère, sa grand-mère ou sa sœur. Par ailleurs, nous avons extrait de l'ADN sur

les préléments réalisés sur la poussette. Et ce sont les mêmes deux ADN. Maintenant, c'est

sûr et certain. Le bébé de l'hôtel est le même que celui qu'on a retrouvé dans la mer. La femme

de l'hôtel a jeté son bébé à l'eau. Et en l'état, le seul lien qu'on a avec elle, c'est le nom

qu'elle a laissé. Cabou. Éventuellement, cabou avec un K. Éventuellement, avec Q-U-A-B-O-U. Les

policiers demandent au service sociaux de mouliner le nom de cabou dans leurs ordinateurs avec tous

les orthographes possibles. A rien. Mais qu'est-ce qui nous reste comme piste? Un bel sandwich de chez

Autocrine. Et c'est chercher une aiguille dans une moine de foin parce que des autogrymes,

il y en a partout sur les autoroutes. Et quasiment dans toutes les gares. Le patron de la pégidie

de ville prend alors une décision radicale. Bon, vous allez me récupérer les vidéos de

toutes les caméras placées devant tous les autogryles entre le nord et Paris. On cherche une

femme à peau noire et l'autolien nous dit qu'elle a une grosse toudoune et en chignon. Allez, on s'y

colle. Ce flic est complètement fou. Ça va prendre un tantin. Et pourtant, je crois que je l'ai là.

Regarde sur les images de l'autogryle de la gare du nord à Paris. Regarde. Tout colle. La

peau noire, le bébé là, la toudoune, la poussette. Voyons où elle va. Elle prend le train.

À partir de là, de caméras en caméras, les policiers la suivent jusqu'à la gare la plus proche

de Berksurmer. Et il arrive la veille de la découverte du corps du bébé. Un peu après midi. Et sur

les mêmes caméras, on la voit prendre le train le lendemain seul et sans poussette. Direction la

gare du nord à Paris. Il a encore, c'est fou d'ailleurs. Les policiers parviennent à la suivre

de caméras en caméras jusque dans le métro. Regarde là, tu vois là, c'est elle. Elle monte dans

une rame de métro. Une ligne qui va vers le sud et vers l'est de Paris. Bien joué. Bravo la

technologie. Mais ça ne fait pas beaucoup avant cette enquête. Ensuite, les policiers épluchent

la caisse de l'autogryl de la gare du nord. En rêvant, bien sûr, qu'elle est payée avec

une carte de crédit. Mais tu parles, elle a payé en liquide. Et à l'hôtel aussi d'ailleurs,

elle a payé en liquide. Ça au passage, c'est le signe d'une femme qui ne veut pas laisser de traces.

Auquel cas, c'est un assassinat qu'elle a commis. Un assassinat sur sa propre fille. Il faut la

retrouver. Et vite, moi je me dis qu'on a calancé. On appelle la témoin. On a des images sur la fille.

On en sort une photo. On la balance au milieu. On ouvre un numéro vert. Et on attend quoi. Je vois

que ça. Ajoutez-y des affichettes sur tout le parcours emprunté par la jeune femme. Ben voilà,

c'est une bouteille à la mer. Des gens appellent, bien sûr. Dès qu'ils l'ont vu à Paris et dès qu'ils

l'ont vu à Berks-sur-Mer, notamment un monsieur, à qui elle a demandé la direction de la plage.

Elle vous a fait quelle impression cette femme? Bah gentil. Ouais, aimable. C'est pas moi qui

dirais plutôt sympathique. Bon, on n'a pas parlé longtemps non plus, vous savez. Et avec son bébé,

monsieur, ça se passait bien, je veux dire, entre eux? Oh oui, oui. Ils étaient souriants tous les deux.

Oui, ça avait l'air d'aller. Pour moi, c'était une bonne mer avec un beau bébé. C'est stupéfiant, ça.

On parle d'une femme qui, dans quelques minutes, va jeter son bébé vivant dans la mer.

Il est le souri et le bébé aussi. Et puis, neuf jours après la découverte du petit corps,

les policiers en reviennent à ce nom qu'il a laissé à la réception de l'hôtel.

Cabou. Sans écarté l'hypothèse que ça soit un faux nom. Mais admettons que c'est son vrai nom.

Cette femme à la peau noire. Est-ce que Cabou ne serait pas un nom africain?

Ça vaut la peine de vérifier. Bon, j'ai une piste, les gars. Cabou avec un K. Figurez-vous que c'est

un nom Sénégalais? Ok. Ok, donc on balance le nom de Cabou au fichier national des étrangers.

Moi, j'en ai jamais connu de Cabou Sénégalais, donc avec un peu de chance, il n'y en a pas beaucoup.

On compare avec la photo. Et c'est comme ça qu'on arrive à Fabienne Cabou,

né à Dakar en 1977, de nationalité Sénégalais, bénéficiant d'un titre de séjour.

On a une adresse? Oui, oui. Elle s'est faite domicilier chez un certain Michel à Saint-Mendé,

dans le Val-de-Monde. Bon, on va l'appeler Michel. Michel est un sculpteur à la retraite.

Dites-moi, monsieur, vous hébergez toujours chez vous, madame Cabou Fabienne? Fabienne?

Oui, je le m'accompagne. Votre compagne? Oui, oui.

M'accompagne, on a une fille ensemble. Une petite fille de 15 mois.

Et elle est où? Votre fille, monsieur?

Bah, ma femme, elle l'a menée chez sa grand-mère la semaine dernière. Elles ont parti toutes les deux au Sénégal.

Votre fille, monsieur, est-ce que vous savez si elle porte des vêtements de marque cirilus?

Oui, oui. Oui, on a, oui.

Et votre femme, monsieur, elle est où depuis qu'elle a déposé votre petite fille chez sa grand-mère?

Ma femme? Bah, elle est là, avec moi. Elle est avec vous.

Ok, vous ne bougez pas, monsieur. On arrive.

La suite, on l'imagine. Lui, Pépère, il comprend rien.

Et surtout pas pourquoi la police judiciaire est en route pour venir le voir.

Alors il va voir sa femme et lui dit, je comprends pas.

J'ai eu un appel de la police judiciaire. Ils m'ont dit qu'ils arrivaient.

Lui n'a pas compris. Mais elle, oui. Et elle devient très nerveuse.

Les policiers sont là une demi-heure plus tard. Et ils se retrouvent dans un atelier d'artiste un peu bohème.

Avec face à eux, un homme et une femme, qui d'abord leur donnent enfin le prénom de la petite fille.

Elle s'appelle Adelaide, surnom Ada. Et il raconte une drôle d'histoire.

En fait, avec Fabienne, on avait envie de vivre un peu tous les deux, pas forcément avec notre fille.

Alors, il a été convenu avec ma belle-mère, Fabienne.

Il a été convenu qu'elle mène vivre au Sénégal.

Je sais, ça peut vous paraître bizarre, mais je crois qu'on n'était pas fait pour élever un enfant.

Un Fabienne. Il sera bien là-bas, je crois.

Et c'est vous, madame, qui avez accompagné votre mère et votre petite fille à l'aéroport pour prendre l'avion pour d'accord?

Oui. L'avion d'Air France. Le vol de nuit.

Vous vous souvenez comment vous l'avez habillé pour le vol?

Oui. Je lui ai mis une grenouillère bleue.

C'est bien Adelaide qu'on a retrouvé sur la plage. Et c'est elle qui l'a noyée.

Mais lui, Michel, son compagnon, lui a priori, il croit que sa fille est au Sénégal, vivante.

Elle lui a dit qu'elle promet l'avion et elle est allée la noyer.

Et vous avez entendu parler, monsieur d'âme, de ce bébé qu'on a retrouvé sur une plage du Pas-de-Calais?

Ah bébé? Ah non? T'en as entendu parler, toi Fabienne?

Non. Pourtant, on en a beaucoup parlé à la télé et à la radio.

Oh ben nous ça, on l'écoute pas trop. Spécial, comme moment. Très spécial.

Les policiers enchaînent par une perquisition.

Oh, j'ai des bottes ici. Elles sont pleines de sable.

Ils trouvent aussi le gros sac marron qu'on voit sur les images vidéo.

Mais madame, je vous informe que je vous place en garde à vue

et que je vais vous emmener dans les locaux de la police judiciaire de Nanterre afin de vous interroger.

Vous monsieur, je ne vous place pas en garde à vue, mais nous avons besoin de vous interroger naturellement, vous aussi.

Les policiers n'ont plus aucun doute et vous et moi non plus.

Fabienne Cabou est allée noyer sa petite fille sur la plage de Berk-sur-Mer. Pourquoi?

Là-dessus, on a tout à apprendre. Mais ça ne sera pas pour tout de suite,

parce qu'en garde à vue, Fabienne Cabou s'accroche à son scénario sénégalé.

Cette puissance qu'on avait décidée de l'envoyer au Sénégal, vous savez, c'est pas un truc qu'on a improvisé.

On en parlait depuis longtemps avec Michel.

Là, je le dis parce que ça me brûle les lèvres. C'est déjà bizarre ça.

Madame Cabou, Madame Cabou, j'ai la certitude que vous me mentez. La certitude.

La certitude? Mais pourquoi? Parce que nous avons la preuve, madame,

que vous avez noyé votre fille à Berk-sur-Mer. Nous savons que vous y êtes allés en train,

nous savons qu'elle sans dwitch vous avait mangé et dans quel hôtel vous avez dormi.

Là, normalement, elle ne peut plus se défiler.

Elle réfléchit à un moment et puis elle prononce une phrase surréaliste.

Ah oui, je l'ai tué ma fille. Je vais planter un coup de couteau dans le ventre.

C'était plus simple comme ça. Un coup de couteau dans le ventre? Mais qu'est-ce qu'elle raconte?

Il n'a jamais été question de coup de couteau.

Adelaide est morte noyée et elle est dingue cette femme.

Cela dit, assez vite, elle en vient à la vérité. Oui, je le reconnais.

Je l'ai amené sur la plage et je l'ai abandonné au bord de l'eau.

Vous ne l'avez pas à proprement parlé, je l'étais dans l'eau.

Non. Non, je l'ai laissé sur le bord de l'eau et puis je suis parti.

Sans me retourner.

Et pourquoi est-ce que vous avez choisi Berg sur maire, Madame Cabou?

Ou bien parce que Berg s'est ressemblé à Burke, vous comprenez?

C'est toujours mieux que le touquet. Le touquet, ça fait trop vacance.

Et là, un grain, ça se confirme.

Elle travaille sèque du ciboulot, d'autant que ce récit.

Elle le fait avec une froideur, un détachement.

Mais qu'est-ce que vous avez ressenti?

Quand vous êtes reparti en la laissant vivante au bord de l'eau?

Rien de particulier.

Pas de chagrin.

Pas de chagrin?

Non.

Mais pourquoi est-ce que vous êtes allé la noyer à Berg sur maire, Madame?

Et bien on s'est disputé.

La veille avec Michel.

Vous savez, ça devenait difficile entre nous.

J'ai pensé qu'il valait mieux se séparer d'Adelaide.

Il n'aimait pas Adelaide, votre compagnon?

Je ne supportais pas trop qu'elle traîne dans ses pattes.

Du coup, est-ce que Michel ne saurait pas complice?

Voyons ce qu'il dit au policier.

Quand il est rentré, je pensais qu'elle rentrait de Paris.

Il était allé déposer la petite à sa grand-mère.

Pour moi, il n'y avait rien de normal.

Vous voulez dire que quand votre compagne rentre,

elle a une attitude parfaitement normale?

Oui, oui.

En tout cas, moi, franchement, je me suis douté de rien.

Rien du tout.

Le type a l'air sensé.

Il rentre donc chez lui, libre.

Quand Fabienne Cabou, le juge, la met en examen pour assassiner,

il décide de la placer en détention provisoire.

Quand le fourgon cellulaire quitte le tribunal,

des dizaines de gens sont là, dehors.

Il crie salope, faut l'apprendre, à mort,

remettez la peine de mort.

Au Moyen-Âge, il l'aurait tué sur le champ.

À partir de là, il ne reste plus qu'une question à résoudre.

Pourquoi cette femme de 39 ans est-elle allée noyer sa fille à Berck?

Pour tenter de trouver la réponse, il faut commencer par fouiller dans sa vie.

Bon, voilà ce que j'ai pu recueillir.

Elle est née au Sénégal en 1977.

En fond, sa priorité est heureuse.

Je dirais même choyée.

Elle arrive à Paris à l'âge de 18 ans.

Elle rencontre Michel dans un vernissage en 2001.

Et il connaissait bien l'Afrique, puisqu'il y avait vécu.

L'enquête de personnalité révèle aussi qu'une sorte de pacte a été établie entre eux dès le début.

Pas d'enfant, pas d'engagement.

Bon, alors a priori l'a avorté deux fois.

Et puis quand elle est à nouveau tombée enceinte,

c'est elle qui aurait décidé de garder l'enfant sans rien dire à son mec.

Pendant neuf mois, Fabienne Cabou enceinte coupe les ponts avec toute sa famille.

Et Michel, il semble qu'il ne voit rien.

Jusqu'à la naissance, un jour je suis rentré à la maison.

Je l'ai trouvé avec un bébé dans les mois.

Elle était en train de lui donner un sang.

Je me souviens, elle a dit, elle est à moi.

Et là, elle m'a dit qu'elle avait accouché à la maternité des bleus, deux jours plus tôt.

Elle vous a proposé de la reconnaître, cette petite fille.

Ah non, non, elle ne voulait pas.

Elle m'a dit, je me suis occupé des propiés, ça ne te regarde pas.

La vérité, c'est qu'elle ne l'a jamais déclaré, cette petite fille.

Il n'y a aucune trace d'Adelaide à l'état civil.

Et aucune trace non plus, dans aucune maternité.

Fabienne Cabou a accouché seul chez elle.

Et alors, comment est-ce qu'elle raconte tout ça?

C'est Michel.

Il n'a pas voulu la reconnaître, ma petite Adelaide.

Il ne voulait même pas aménager son atelier pour lui trouver une place.

Je me suis senti coincé.

Il fallait que je m'en démarasse.

La vérité, c'est qu'au cours de cette interrogatoire,

chez le juge d'instruction, Fabienne a l'air un peu perdu.

À un moment, elle parle de vaudeau.

Elle dit qu'on lui a jeté un sort.

Et surtout, elle raconte que depuis des années, elle est malade.

J'ai comme des hallucinations si vous voulez.

J'entends des voix et je vois des trucs.

Je suis bizarre comme fille, vous savez.

Vous avez consulté pour ça?

Un psychiatre?

Oui, oui, oui.

Mais ils n'ont rien trouvé.

C'est normal.

Parce que la vérité, c'est qu'on m'a jeté un sort.

Mais qui vous aurait jeté un sort, madame?

Des femmes de ma famille.

J'en suis absolument sûr.

Des jalouse.

Ça se confirme.

Elle travaille du chapeau, maman.

Le juge ordonne alors une expertise psychiatrique.

Et vous connaissez mon avis sur les expertises psychiatriques, n'est-ce pas?

C'est mou du genou, comme science.

Et ça se confirme dans cette affaire.

Écoutez, je l'ai examiné longuement.

Et je vais vous envoyer mon rapport.

Mais je vous informe que je ne lui ai trouvé strictement aucune pathologie mentale.

Rien en tout cas qui ne puisse atténuer ou abolir son discernement.

Moi, je crois plutôt que c'est la sorcellerie qui lui a fait perdre un amour.

Le juge d'instruction, qui lui aussi, a eu la nedette en face de lui plusieurs fois.

En tout un peu.

Alors, il demande une nouvelle expertise psychiatrique, qu'il confie à un collège de trois experts.

Et là, ça n'est plus du tout la même histoire.

Cette femme souffra indubitablement d'une psychose paranoïaque.

Une psychose que nous appelons psychose ténirante chronique.

J'attends votre rapport d'expertise, bien entendu docteur.

Puis-je savoir si vous allez conclure une abolition du discernement?

Une abolition, non.

Mais une alteration, oui, de toutes et bien non.

Donc, on peut juger Fabienne Cabou.

Le procès de Fabienne Cabou s'ouvre devant la cour d'assise de saint Thomas le 20 juin 2016.

Et ce qui frappe pendant ce procès, c'est sa froideur.

L'avocat général, les avocats des partis civils la secouent comme un premier et ses réponses sont cliniques, glacées.

Son avocat tente de la secouer un peu.

Il faut que vous manifestez un peu d'émotion, Fabienne.

Juste un peu d'émotion.

Ça ne sert à rien.

Fabienne Cabou reste un glaçon.

Alors, on se dit c'est sa maladie psychiatrique.

Mais à côté de ça, on se souvient qu'elle a préparé son crime, qu'elle l'a prémédité, que ça n'est pas un coup de folie.

Alors, la voilà condamnée à 20 années de réclusion criminelle.

À l'annonce du verdict, elle se penche vers son avocat.

Je comprends pas.

C'est pas 20 ans le problème.

Le problème, c'est qu'on ne sait toujours pas qui est tué ma fille.

D'accord, d'accord.

Son avocat parvient à la convaincre de faire appel.

2e procès

2e procès, en septembre 2017, a doué.

Très différent dans son déroulement.

Parce qu'on fait témoigner les psychiatres dès le début.

Et ça change tout.

Dès les premières heures, les jurés envisagent qu'elles soient folles.

Et les avocats de Fabienne Cabou saisissent la balle au bon.

Vous pouvez vous expliquer, madame Cabou, ce qui s'est passé dans votre tête.

Dans ma tête.

Mais dans ma tête, il y a des araignées.

Depuis des années.

Pourquoi est-ce que vous avez tué votre fille, madame Cabou?

J'aurais peut-être dû la congeler.

C'était à la mode.

3e procès

C'est bon, les jurés ont compris.

Et les malades, Fabienne.

Alors l'avocat général a bon réclamé 18 ans de prison.

Eux, ils estiment que ça ne vaut pas plus de 15 ans.

Et cette fois, à l'annonce du verdict, Fabienne Cabou éclate en sanglot.

3e procès

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En novembre 2013, sur une plage de Berck-sur-Mer dans le Pas-de-Calais, on retrouve le corps d’une petite fille de 1 an. Elle a été jetée à l’eau vivante.