La source: Diglee et ses sources

Radio France Radio France 6/18/23 - Episode Page - 57m - PDF Transcript

France Inter

L'écriture, c'est l'endroit du doute et en même temps c'est ce qui me relient plus au monde.

La question de l'écriture, c'est vraiment ça qui me

tourmente. La source, c'est l'endroit où tout commence, le lieu sacré des livres, le berceau de vos histoires préférés.

Déjà à dos, déjà jeune fille,

je me vivais dans des romans, je voulais donner du sel à ma vie, je voulais que toutes mes histoires soient incroyablement romanesques et

le moindre trajet de voitures, le paysage qui défile,

une petite maison y a qui dans cette maison et qu'est-ce qu'il ou elle est en train de faire et qu'est-ce que ça raconterait ?

La source,

c'est si le coulon sur France Inter.

Comment vous représentez-vous le monde ou plutôt les mondes, celui qui vous entoure, celui que vous imaginez,

celui de votre auteur ou autrice préféré ?

Comment les mondes dans vos pensées prennent-ils forme et vie ?

Est-ce par l'image, le cinéma, la photographie ou par les mots, le journal intime, le roman ou encore par les couleurs,

la peinture, le trait et le dessin ?

Comment les choses deviennent-elles claires et visibles, sensibles et solides ?

L'autrice que je rencontre aujourd'hui à Lyon, par une journée de belle chaleur, a pour elle le dessin et le dictionnaire.

Digny, d'abord illustratrice, a publié son premier roman « Re-sac » en 2021,

suivi d'une anthologie poétique « Je serai le feu » aux éditions « La ville brûle ».

Son troisième ouvrage, « Atteindre l'aube », vient tout juste de paraître.

Pour elle, la couleur, le trait, le mot et tous les silences cachées derrière

forment un monde qu'elle dirige discrètement et drôlement au cœur de sa ville natale.

Salut Cécile, c'est Digny.

Alors écoute, j'ai beaucoup hésité sur l'endroit où te faire me rejoindre,

puisque je... Dès par, je voulais t'inviter dans un cimetière.

Oui, je sais, ça paraît bizarre, mais c'est vraiment un endroit que j'adore à Lyon,

qui est un cimetière victorien, notre plus vieux cimetière avec des tombes un peu escamotées,

recouverte de lières, des cavaux avec des vitraux, bref.

Nous ne serons pas là, je suis désolée, je vais t'inviter dans mon petit temple qui est mon appartement,

donc j'espère que tu n'es pas allergique au poil de chat,

parce qu'il y a deux petits chats qui accompagneront l'interview.

Et écoute, c'est assez simple de trouver où j'habite,

puisque tu vas pouvoir longer, en fait, les quais du Rhône.

Donc tu verras, tu vas passer d'abord devant le musée de la Confluence,

donc ce gros musée boule à facette, un peu argenté, que moi j'aime beaucoup.

Et tu vas arriver jusqu'au centre-ville et avec notre belle hôtel Dieu,

les rangées de platanne, les berges du Rhône avec les vélos,

les petits cafés, le beau café du Rhône.

Et c'est très simple, puisque mon immeuble est à mon image,

il est rose, plein de moulures, plein de chichis,

et je serai au troisième étage et je t'attendrai donc avec mes deux chats,

mes livres et un peu de thé.

Pendant une heure, accompagné de deux chats et d'un soleil d'avril,

nous avons parlé de ce que cela signifie, dessiner et écrire.

Je ne suis pas très objective, je pense, sur chez moi,

mais je sais qu'il y a beaucoup trop de livres partout

et qu'il y en a beaucoup qui sont cachés dans des placards, sous le piano.

Mes bibliothèques sont invisibles parce qu'elles sont derrière des portes

et ça me frustre beaucoup.

Il y a deux petits chats en poulet de part et d'autre de nous.

Voilà, position connue du chat.

Et puis, il y a beaucoup de choses, je crois, non ?

Beaucoup de biblios, beaucoup d'images au mur,

et il y a quand même une nuance de couleur qui ferait domine.

C'est entre le vieux rose, le rouge, mais ce n'est pas vraiment un rouge.

Totalement, le vieux rose.

Le vieux rose, mais il y a aussi un rouge particulier qui doit porter un nom.

Selon le catalogue, la redoute, c'est un rouge tomate.

Mais oui, j'ai un couloir un peu vieux rose,

une tapisserie anglaise derrière nous avec des pistes.

De là où on se trouve, on est à la table de votre cuisine.

Cuisine, ça l'a mangé.

Je vois votre bureau, l'endroit où vous écrivez.

Votre bureau donne sur la pièce à vivre.

Qu'est-ce que ça fait d'avoir un bureau ouvert comme ça ?

Justement, c'est très drôle que vous me posiez la question,

parce que ça fait six ans que je suis dans cet appartement,

et maintenant, je regrette d'avoir ouvert.

Oui, oui, je me suis dit que c'est très drôle que vous me posiez la question,

parce que ça fait six ans que je suis dans cet appartement,

je regrette d'avoir ouvert.

Oui, oui, je vois vos gros yeux.

Au départ, ce bureau, c'est la première fois que j'avais un bureau.

Normalement, je travaillais dans mon salon, dans mon ancien appartement.

Et là, c'est la première fois que j'ai une pièce dédiée à mon travail,

dans laquelle je ne vais pas quand je travaille pas,

ce qui change beaucoup de choses.

Et sauf que, comme elle est minuscule,

je l'ai ouverte sur le salon en me disant que je serais moins enfermée.

Et aujourd'hui, je souffre du fait de ne pas pouvoir m'enfermer, justement.

Et il y a des fois où j'aimerais en fait disparaître.

J'aimerais qu'on m'entende pas, j'aimerais qu'on ne me voit pas.

Je ne fais rien de plus, mais le fait de voir ou d'être vu,

en fait, ça conditionne beaucoup.

Quand j'écris, il y a vraiment une sensation d'il faut que j'ai une bulle autour de moi.

Je peux écrire dans un café, mais à ce moment-là, il faut quand même que ce soit très calme.

Chez moi, l'écriture, elle nécessite vraiment de l'isolement,

contrairement au dessin.

Le dessin, je peux le faire, ça ne nécessite pas.

Et d'ailleurs, quand je dessine, j'écoute beaucoup de choses.

J'écoute énormément de podcasts.

J'ai besoin d'avoir le cerveau un peu nourri.

Quand j'écris, je suis totalement dédiée à l'écriture.

Donc, ouais, je deviens ermite totale.

Dans le train qui traverse la France pour me conduire vers la mer,

Pré, vache, route, chant, Pré, vache, route, chant, Pré,

berceuse verte et serène qui absorbe un peu ma peine.

Je laisse les rails qui défilent broyer mon angoisse.

Le train n'exige rien de moi.

Il ne me demande rien d'autre que d'être assise et échappé du monde.

En échappant au lieu, j'échappe au temps et je me raccroche à la poésie.

Aujourd'hui, je pars pour moi, vers moi.

Je ne pars pas explorer une ville,

visiter des musées, arpenter des ruelles classées

et rendre compte de mon périple sur les réseaux.

Je pars pour entrer en moi-même.

J'embarque pour le dedans, prise entre terreur et impatience.

Dans ma valise, deux livres.

L'un temporalité perdue et autre nouvelle,

de mon adoré Anna Hysnien et le cheval blanc d'Elza Trioley,

que Christian m'a offert il y a une dizaine d'années

juste avant que je ne quitte la maison familiale.

C'était son propre exemplaire, que je n'avais jamais réussi à lire,

mais jamais tout à fait oublié non plus,

ouvert par hasard quelques jours avant l'accident.

Avant le départ, compartimenté, classé, organisé,

ma valise me donne une contenance,

retardé, l'angoisse, du déracinement.

Matérielle indispensable, 4 carnets.

Un premier aux pages blanches et à la couverture vert emerald

pour y peindre quelques aquarelles.

Un autre au cas où je manque de place,

un cahier à 4 lignées pour écrire,

un bloc note pour d'éventuels lettres.

Et puis, ma vieille boîte d'aquarelles,

le couple papier en laitons chinés

sur une brocante Bretonne l'été dernier,

un bloc A5 de papier aquarelle,

quelques jolis enveloppes, des timbres

et bien entendu mon journal intime.

Des feutres, des stylos, des pinceaux,

de l'encre de Chine et des portes plumes.

Cette manie d'être parée à toute éventualité.

Rossac, diglis.

Est-ce que vous vous souvenez

du premier trait que vous avez tracé

et de la première histoire

qu'on vous a lu ou que vous avez lu ?

Alors, comme à peu près tous les enfants,

je pense que j'ai dessiné dès qu'on m'a donné des crayons et des feuilles

et puis j'ai rendu une famille de créatifs.

Donc, c'était ok d'avoir du matériel, des feuilles, de dessiner.

Et je pense que la première chose que j'ai dessiné,

j'avais appelé ça une cradoule,

donc ne me demandez pas, mais c'était une espèce de bonhomme patate

avec des milliers de pattes.

Je m'en souviens très bien.

Et en fait, on avait une espèce de famille assez romanesque et colorée.

Donc, il y avait beaucoup de récits, en fait, de famille.

C'est-à-dire qu'on m'a beaucoup raconté les histoires de mes arrières.

Grand-mère, la vie de ma grand-mère, ma mère revenait souvent.

Donc, il y avait des histoires réelles de la famille

et puis les histoires qu'on me lisait, donc la conteste de Ségur,

l'héro-Haldale assez rapidement.

Quand j'ai su lire, ça a été l'émerveillement total.

Mathilda, je pense que c'était un de mes livres préférés.

Donc, je me souviens surtout de ça.

Est-ce qu'il y avait des livres chez vous

et comment ce rapport aux livres a décidé, je ne sais pas,

dix ans, vingt ans plus tard, de votre écriture ?

Je pense que c'était vraiment déterminant.

On avait beaucoup de livres à la maison.

Ma mère a fait aussi des études littéraires.

Mon beau-père, qui est le compagnon de ma maman,

est quelqu'un de très littéraire aussi.

Donc, ça a assez naturellement dessiné un truc chez moi

où l'objet livre avait quelque chose d'un peu sacré.

Et quand, justement, on a eu cette maison

dans laquelle je suis restée vingt ans,

où ma mère et mon beau-père se sont installés,

ils ont fusionné leurs deux bibliothèques.

Et donc, on avait une énorme bibliothèque dans le salon,

dans la déco de mes parents,

c'est-à-dire un peu de Gengua, rouge et doré,

en zig-zag, avec des tonnes de livres.

Et ce qui était chouette, c'est que j'ai une prof de français

en seconde, je pense.

Elle m'avait dit, mais tu sais, Maureen,

tu peux aller prendre dans les rayons de littérature classique.

T'es pas obligée d'acheter de la littérature à dos,

que j'adorais, par ailleurs.

Elle m'a dit, tu es capable de lire les livres pour adultes.

Et moi, j'avais l'impression que c'était sacrilet, je vous aimais.

Non, je pourrais pas, j'ai pas le droit.

Elle m'a dit, mais si, tu as le droit.

Et j'ai commencé à aller un peu en douce

dans la bibliothèque des parents et à prendre les livres et à voir.

Et donc, ça, cette sensation-là, elle est extraordinaire.

C'était un peu le monde nouveau qui s'ouvre.

Et c'est comme ça que je suis tombée sur Añerno, par exemple, à 16 ans.

J'ai lu les armoires vides et je me suis dit,

wow, mais qu'est-ce que c'est que ça ?

Et donc, il y avait ce climat-là quand même assez littéraire.

Chaque après-midi, aussitôt sa mère partit pour aller jouer au loto,

Mathilde a trottiné jusqu'à la bibliothèque,

ce qui lui permettait de passer deux heures merveilleuses,

assise tranquillement dans un coin, à dévorer livres sur livres.

Lorsqu'elle eut lu tous les livres d'enfants disponibles,

elle se mit à fureter dans la salle en quête d'autres ouvrages.

Mme Folio, la bibliothécaire qu'il avait observée avec fascination

durant plusieurs semaines, se leva de son bureau et allait la rejoindre.

Je peux t'aider ? demanda-t-elle.

Je me demande ce que je pourrais lire maintenant, dit Mathilde.

J'ai fini tous les livres d'enfants.

Tu veux dire que tu as regardé toutes les images ?

Oui, mais j'ai aussi lu tout ce qui était écrit.

Mme Folio était stupéfaite.

Dis-moi Mathilde, demanda-t-elle, quelle âge as-tu ?

Quatre ans et trois mois, répondit Mathilde.

La stupeur de Mme Folio était à son comble,

mais elle eut la présence d'esprit de ne pas le montrer.

Quel genre de livre aimerais-tu lire ? demanda-t-elle.

Je voudrais un de ces livres vraiment bons

que lise les grandes personnes, un livre célèbre.

Mme Folio, sans hâte, se mit à examiner les rayons.

Elle ne savait trop à quel sein se vouait.

Elle songea tout d'abord à lui donner

un de ces romans de jeunes filles à l'eau de rose,

du genre destinée aux adolescentes, puis, mu par on sait quelle raison,

elle s'éloigna résolument de l'étagère devant laquelle elle s'était arrêtée.

Tiens, si tu essayais de lire ça, dit-elle, c'est un livre très connu et très beau.

Les grandes espérances, lui Mathilda, de Charles Dickens.

J'ai très envie de m'y mettre.

Au cours des après-midi suivants,

Mme Folio eut peine à détacher son regard de la petite fille assise des heures durant

dans le grand fauteuil au bout de la pièce avec le livre sur les genoux.

Et c'était un étrange spectacle que celui de cette minuscule créature au cheveux noir

assise avec ses pieds qui ne touchaient pas le sol,

totalement envoûté par la magie des mots assemblés

par le prodigieux compteur qui était Dickens.

Mathilda, Roald Dahl.

...

...

...

...

...

...

...

Je crois que, comme j'avais une famille, on l'a dit littéraire,

mais surtout qui était créative de parents dans la pub,

une maman qui crée des images, qui engageait des illustrateurs,

assez vite, j'ai connu ce qui était le métier d'illustratrice.

Et je me suis un peu destinée à ça,

parce que c'est ce qui me paraissait le plus logique,

parce que je dessinais tout le temps.

Mais par ailleurs, il y avait un vrai truc en moi,

j'ai toujours lu, j'ai toujours écrit, à vers 10 ans,

j'ai commencé un journal intime que je n'ai jamais arrêté,

et j'ai des centaines de carnets.

Donc, les deux étaient et faisaient vraiment partie prenante de ma personnalité,

l'écriture, la lecture et le dessin.

Et en revanche, quand je suis arrivée à mon école de dessin,

à Emile Cole, là, j'ai quitté la lecture,

parce que ça demandait beaucoup trop de travail,

et je me suis investie à 100% dans le dessin.

Et résultat, au bout de 4 ans, alors génial,

j'avais tous les outils pour démarrer ma carrière d'illustratrice,

et ça a fonctionné, et c'était merveilleux.

Mais j'avais un peu un creux au coeur, quoi.

J'avais quitté mon deuxième amour, qui était la littérature.

Qu'est-ce qui a fait que vous vous êtes remise à lire ?

Est-ce que c'est de sortir de l'école ?

Est-ce que c'est d'avoir un travail ?

A quel moment vous dites, ça y est, je vais dans la bibliothèque,

je vais, je ne sais où, et je reprends un bouquin.

Pendant mes études de dessin, je ne lis plus,

mais j'ai des envies d'écriture de projets autour des années 20.

Je fais une fixette sur les années 20, je suis tout le temps au puce,

j'achète des milliers de cartes postales d'inconnus

pour essayer de trouver des histoires oubliées, je suis là-dedans.

Et là, je tombe sur Anna Ysenin,

et je dévoire son journal de l'amour,

mais vraiment, je l'avale,

j'ai jamais rien lu de tel,

et donc là, à ce moment-là, j'ai 21 ans,

et ça me tombe sur le nez, ça me bouleverse.

Donc il y a ça, où déjà, je remets le pied à l'étrier de la lecture

dans l'idée de est-ce que je pourrais en faire quelque chose,

est-ce qu'elle pourrait m'inspirer un personnage,

et justement, elle m'inspire une envie de personnage,

mais pas que, c'est que je tombe un jour sur une correspondance au puce,

sur des cartes postales qui sont censurées,

elles ont des enveloppes collées au dos de chacune,

et je me dis, oh là là, une correspondance censurée,

ça doit être un truc de dingue, je les achète, je les décolle,

je découvre la correspondance qui n'a absolument rien de dingue,

mais qui éveille assez de choses pour que j'écrive.

Et là, je me dis, si je veux raconter l'histoire de cette femme

à qui sont adressées ces cartes postales,

il faut que j'ai un background solide en termes d'année 20, année 30.

Et donc là, je me dis, je veux lire les témoignages des gens de cette époque,

et j'achète une biographie de Gala, Gala Dalí,

et qui était Gala Elluard, par Dominique Bonnat.

Et en fait, cette bio, elle m'ouvre la porte de tout,

c'est-à-dire qu'elle parle d'Elluard, alors beaucoup d'hommes,

mais pas que, ça me donne comme ça, plein de pistes sur un univers qui me plaît,

et ça me remet le pied à rétrier,

c'est-à-dire que ça me donne des références,

et en fait, je vais picorer et un livre m'emmène vers un autre, vers un autre, vers un autre,

et ça y est, je me suis remise à lire comme ça.

Décembre 1934.

Mon bateau a battu des records de vitesse en direction de New York.

Je suis arrivée en pleine nuit, et non le matin,

de manière fort appropriée,

puisque la nuit est désormais pour moi le commencement et la racine de tous mes jours.

Très lentement, à l'aide de nos mains, de notre langue, de notre bouche,

nous sommes défaits de notre enveloppe, de nos liens, exposant nos cadeaux.

Nous sommes redonnés vies,

comme des corps séparés qui jouissent d'entrée en collision.

Ce n'était plus les amants de Paris,

dont les caresses ne pouvaient pas se prolonger à l'infini dans l'espace,

c'était une vie de chaque jour, des mouvements, des actes quotidiens.

J'ai trouvé l'homme avec lequel je peux jouer,

jouer vraiment, jouer à la femme,

jouer à tout ce qui me passe par la tête et par le corps, au rythme de mon sang.

Non pas un pur jeu d'idée

contre lequel l'instinct se rebelle et en empêche la réalisation.

Il me dit, j'ai une idée,

et le voici qui invente et qui crée, fantastiquement, avec magie la vie.

Le moindre détail de la vie.

Je ne suis plus seule à tout enjeu lever.

Il saute, il dirige, il agit.

Il est plus apte à réaliser, plus habile, dans les détails.

Il peut être à la fois le criminel et le détective,

et que le vérifin est Tom Sawyer, Don Quichott,

June Louise ou bien le Dr. Rank.

Avec sa manière singulière d'analyser,

créant sa propre personnalité née de notre amour.

Des amants nouveaux dans ce New York

qui portent à l'exaltation, à l'élévation,

au paroxysme, au plus haut sommet.

Anais Nin, journal de l'amour, le feu.

Digny, est-ce que vous avez l'impression

que dans toute votre vie, vous avez plus écrit que dessiné ?

Je pense que c'est ce qui me relit le plus au monde.

Je ne pense pas que c'est ce que j'ai osé le plus montrer.

Ça, c'est sûr, même, ce n'est pas le cas.

Mais c'est vrai que quand je fais un...

Je pense que j'ai plus écrit.

Enfin, ou je pense que la question de l'écriture,

plutôt, c'est vraiment ça qui me tourmente.

Je pense qu'on est dans le tourment, à ce niveau-là.

Déjà, à dos, déjà, jeune fille.

Je me vivais dans des romans.

Je voulais donner du sel à ma vie.

Je voulais que toutes mes histoires soient incroyablement romanesques.

J'ai usé mes amoureux, mais usé,

parce qu'il fallait que ce soit romanesque.

Ce mot romanesque, je l'ai essoré vraiment.

Le moindre trajet de voiture, le paysage qui défile,

une petite maison, y a qui dans cette maison ?

Et qu'est-ce qu'il ou elle est en train de faire ?

Qu'est-ce que ça raconterait ?

Et donc, le dessin, c'est plus comme si j'avais eu cet outil un peu magique,

où on m'a toujours dit, oh là là, tu dessines bien,

ou à l'école, c'était fabuleux avec mes copines.

Mais je pense que j'ai plus écrit que dessiner encore.

Est-ce que vous pensez que quand on sait bien dessiner,

ça évite, justement,

le tourment de ce qui n'est pas imagé ?

J'ai utilisé le mot tourment parce que vous l'avez utilisé.

C'est-à-dire est-ce que le dessin permet,

non pas de lisser, mais de rendre plus accessible,

plus agréable et peut-être plus doux, ce qui ne l'est pas ?

Bah, c'est une bonne question.

Je pense que mon attrait du dessin, au départ,

c'était un peu la caricature, tout de même.

C'était pas une quête d'embellissement.

C'est-à-dire que soit c'était une quête d'observation,

simplement rendre le réel, ce qui n'est pas si facile et assez méditatif,

mais le dessin qui, en tout cas, m'a intéressé,

m'a donné envie à l'école d'ouvrir un blog

et que ce blog devienne, par ailleurs, ce qui m'a rendu connu, ensuite, du public,

c'était la caricature.

C'était me moquer, alors beaucoup de moi-même,

mais me moquer, c'était me singer.

C'était, moi, j'ai vraiment grandi, pour le coup, avec Wolinsky

ou avec Ryzer, surtout mon grand-père,

disais beaucoup Ryzer, breté chez ma mère.

J'aimais bien l'idée du moche, bizarrement,

et j'aimais bien faire des dessins.

Alors, moche, c'est fort, parce que, pour le coup,

j'avais pas un style qui ressemblait à ça,

mais j'aimais bien l'anecdote qui se moque.

Et je trouvais, en fait, peut-être que c'est ça.

Peut-être que plus que le dessin ou l'écriture,

c'était la posture de l'humour qui m'a bien arrangée pendant très longtemps.

J'ai trouvé que c'était délicieux, c'était hyper confortable.

Je me moquais de moi-même, donc j'étais inattaquable,

puisque déjà, attaqué par moi,

ça me donnait une sensation de légèreté,

ça m'évitait d'aller dans les sujets,

et je ne savais pas comment aborder d'ailleurs d'autres sujets que ça,

parce qu'il me semblait que ce serait hyper ridicule.

Je n'osais pas le 1er degré du tout,

et je pense qu'à partir du moment où j'ai voulu aller vers le 1er degré,

j'ai quitté le dessin, bizarrement, comme si mon dessin,

je ne savais plus m'en servir pour raconter ça.

Là, il me fallait les mots, le dessin, ça ne suffisait plus.

Dans la nuit du 3 au 4 février 2020,

les bipolarités de mon beau-père

a précipité sa voiture dans le fossé d'une route tranquille de la campagne bionnese.

Le 5 au matin, je partais seul à l'autre bout de la France

pour effectuer une retraite dans une abeille bretonne face à la mer.

Ces deux événements, à priori étrangers l'un à l'autre,

se sont retrouvés inextricablement mêlés,

confondus en une seule et même expérience déterminante.

Christian est le compagnon de ma mère depuis plus de 20 ans.

J'avais 9 ans lorsqu'il est entré dans ma vie après le divorce de mes parents,

et il m'a tout de suite plu.

Troubadour un peu fantasque, lumineux, rassurant,

il avait de longs cheveux noirs ébouriffés,

un corps mince, de grands gestes fluides, et les yeux toujours brillants.

Ma mère était heureuse, c'était son amour de jeunesse retrouvé.

Il sifflait joyeusement et écrivait chaque jour des petits poèmes

qu'il se met pour elle dans la maison.

Mais la maladie mentale nous l'a progressivement ravie.

Elle a pris ses yeux doux et son rire de farfader.

Elle a baillonné le poète et l'a rendu anguleux, dissonnant,

plein d'acides et de nerfs noirs.

Elle nous l'a laissé survoltée, erratique, autre.

En cette nuit du 3 au 4 février,

à bord de son bolide flambe en oeuf,

cette autre a cru qu'il pouvait voler.

Seulement, la pluie a dévié ses roues, l'engin a glissé,

il a quitté la route.

Par un miracle incompréhensible, la brutalité du choc ne l'a pas tuée.

Ses côtes ont été brisées, ses jambes, ses bras, ses eaux fracturées

sont sorties de leur manteau de chair,

mais aucun organe vital n'a été touché.

Cet homme, que j'ai connu si calme, si doux,

est devenu une caricature frénétique.

La maladie non diagnostiquée, non traité,

s'est déployée en chacune de ses cellules

jusqu'à le rendre étranger.

Le vrai Christian est sûrement là, quelque part, perdu dans les limbes,

empêché par des couches successives de mauvaise connexion cérébrale.

Mais comment en être sûr ?

Comment savoir s'il est encore lui quelque part sous le masque ?

Nous pleurons un disparu qui vit sous nos yeux,

c'est une mort sans cadavre.

Ressac, diglis.

Ressac, diglis.

Ressac, diglis.

Ressac, diglis.

Ressac, diglis.

France Inter.

La source.

Là où naissent les livres.

Diglis s'est d'abord fait connaître par le dessin et l'illustration

avant de publier son premier roman, Ressac, aux éditions La ville brûle.

Comment a-t-elle réussi à finaliser l'écriture de ce texte ?

Est-ce qu'elle termine un ouvrage écrit comme elle termine un dessin ?

Alors, c'est deux choses très différentes.

Aujourd'hui, l'illustration, donc c'est mon métier principal,

c'est vraiment, même si j'ai des défis, je me mets des défis de style, etc.,

c'est un endroit d'apaisement.

J'ai un diplôme pour ça, j'ai appris à le faire, je me repose sur ça,

et je suis assez confortable.

L'écriture, c'est l'endroit du doute

et en même temps, c'est un endroit où je mets une intensité qui est aussi différente.

Donc là, j'ai écrit deux textes, on va dire adultes,

j'aime pas trop le terme, et trois romans pour les ados.

C'est très différent à chaque fois, et j'ai l'impression que selon le sujet,

c'est assez différent pour Ressac, qui est le récit que j'ai sorti en 2021.

Ça a été vraiment fulgurant, il m'a fallu, je pense, trois mois d'écriture

et ensuite du retravaille, mais en tout cas, c'est sorti assez vite.

Et aussi parce que c'était un récit jour par jour assez facile à retranscrire.

Et là, pour atteindre l'aube qui va sortir en mai,

c'est l'envers, c'est-à-dire que j'ai étiré le projet

pendant, je pense, que j'ai travaillé dessus pendant trois ans.

Donc c'était beaucoup plus long, je me suis posé beaucoup plus de questions.

Chaque sujet amène des problématiques très, très différentes.

Pour vous, le classement éditorial, livre pour adultes,

livre pour ados, livre pour enfants,

quelles places ces étiquettes éditorielles, elles ont dans votre pratique à vous ?

Je pense que je suis un peu un cauchemar pour les commerciaux,

parce que j'arrête pas de passer d'une case à l'autre tout le temps.

C'est-à-dire qu'au départ, j'ai commencé avec de la BD,

mais je me sentais pas du tout BD-iste.

Il y avait des soucis de légitimité très féminin aussi, qu'il fallait régler.

Pardon, il y a Payette qui s'éclate avec sa souris en jouet,

donc ça fera un petit peu d'habillage sonore, n'est-ce pas ?

Au départ, voilà, je commence par de la bande dessinée,

mais je me sens pas vraiment appartenir à ça, mais du coup, on me classe comme BD-iste,

ce qui est normal.

Après, je fais du roman jeunesse, mais du coup, le passage de l'un à l'autre,

il est hyper étrange pour les gens.

Je pense que ça a été un peu une surprise,

et puis je le comprends bien, mais j'avais envie d'explorer l'écriture.

Ah oui, c'est-à-dire qu'elle se donne vraiment à 2100.

Payette !

Ça va pas du tout !

On est en interview ?

Moi, je suis navrée, d'habitude, elle est timide, mais je sais pas, elle doit sentir une bonne vibe.

On est vraiment ravis de la voir parmi nous.

En fait, s'il y a un truc que j'ai identifié,

qui me fait rire, mais c'est un rire jaune, c'est que quand j'ai fait de la BD,

j'ai été connue pour ça, c'est ce qui m'a révélé, j'ai pu gagner ma vie grâce à ça, c'était fabuleux,

et on me disait, mais quand est-ce que tu fais un vrai livre ?

Parce que la BD souffre beaucoup de ça, et bon, donc c'était dur, mais c'est comme ça.

Ensuite, un jour, je fais ces romans pour ado, et je suis hyper heureuse, parce que c'était un rêve.

Comme je disais, j'ai lu beaucoup de livres pour ado, donc c'était vraiment un rêve accompli.

Et puis là, on me dit, ah oui, mais du coup, c'est de la ado, quand est-ce que tu fais un vrai livre,

sous-entendu pour les adultes ?

Bon, c'est terrible ce mot de vrai livre.

Le pire arrive, parce que, effectivement, je me dis, mais déjà, félicitez-moi, je suis si heureuse.

Ensuite, j'écris donc Rossack, qui est un livre pour adultes, je mets des gros guillemets.

Et récemment, en rencontre, c'était très intéressant, on m'a posé la question,

et pourquoi n'écrivez-vous pas de fiction, et quand est-ce que vous ferez un vrai roman ?

Et je le sens, cette guerre entre fiction et non-fiction, et c'est une question qui m'habite énormément,

sur laquelle je réfléchis énormément, ce n'est pas une mauvaise question.

Mais ce qui m'a fait, c'est de voir qu'en fait, il n'y a pas de bonnes cases, il n'y a pas de vrais livres,

on ne fait jamais le livre qu'il faut, il y a vraiment un côté...

Donc aujourd'hui, je m'en fous complètement, c'est-à-dire que j'écris,

moi, fais écho à des choses qui s'appuient sur des livres que j'ai lus, qui ressemblent à ce que je veux dire,

et après, j'ai envie de dire, c'est vraiment à l'éditrice et au commerciau de se débrouiller pour que ça rende

dans une case commerciale, mais j'essaye de plus me poser cette question-là.

Mercredi 17 août, 11h15.

L'année dernière, j'avais demandé à ma mère si je pouvais pour la première fois me raser les jambes,

parce que je voulais porter une jupe et que j'avais honte de mes pattes de yak.

Enfin, non. Si je veux être tout à fait honnête, je n'avais jamais réfléchi à l'aspect de mes guiboles.

Il y a 12 ans, j'avais d'autres chats à fouter que de me soucier de la tronche de mes demi-mollées.

J'avais juste enfilé une jupe que j'adorais parce qu'elle était assortie à mon sac à dos flambant neuf,

et c'est une fois arrivé à l'école que j'avais compris mon erreur.

En seulement deux heures, j'avais écopé du surnom Cléopâtre Poilopâte.

Et en effet, à comparer avec mes amis, j'étais plus de la catégorie Guenon-Rèche que Jeune fille fraîche.

Et hop, la rime, c'est cadeau.

N'ayant jamais bien réagi à l'humiliation, j'ai fini en pleurs dans les toilettes

à attendre que la cloche sonne la fin de la récré, et je suis rentrée à pied en me cachant derrière les arbres et les voitures,

me promettant de forcer maman à me changer illico de collège.

J'ai simplifié l'histoire à maman en disant juste que je trouvais mes poils moches et que je voulais m'en débarrasser,

sous-entendu donc pour une question de vie ou de mort sociale.

Sa réponse ?

Oh, c'est un petit duvet, ça va tomber, va, laisse-le.

Maman, j'ai 13 ans, j'ai mes règles depuis un an, je fais déjà un mètre 68.

Oui, c'est un autre problème que j'aborderais plus tard, et j'ai étudié la puberté en SVT.

J'ai même 15 au contrôle sur le sujet, je peux te dire que mes poils ne vont pas tomber.

Ils font partie du paquet et du puberté, ils vont se développer, s'endurcir, friser,

foncer, grimper, m'envahir dans mon sommeil et me tuer par suffocations monoutales.

Non mais la méconnissance biologique de la matière quoi.

Maureen Wingrove, alias Digley, Tom I du journal Intime de Cléopâtre Wellington.

Qu'est-ce que ça change quand votre premier roman pour ado ?

Et publier que tout ce que vous avez dans l'âme devient tout d'un coup lisible.

A l'époque, ça n'a pas changé grand chose, à mon sens, parce que c'était encore sous l'humour.

C'est-à-dire que c'était encore une série où je me moquais.

Alors il y avait un fond, comment dire, une forme d'engagement,

parce qu'il fallait parler de certains sujets que je trouvais trop absents.

Donc le sujet du corps, pendant la puberté, du corps des filles,

je ne sais pas, du rapport à la pilosité, aux règles.

Il y avait des scènes que j'avais envie d'écrire que parce que j'aurais aimé les lire,

mais j'étais quand même dans l'humour.

Donc pour moi, c'était très proche de ce que je faisais habituellement.

Et là où j'ai commencé peut-être à faire des choses plus différentes,

je pense que c'est vraiment à mon arrivée chez la ville Brûle,

c'est vraiment avec mon projet Je serais le feu,

qui était un projet autour de poétèses qui m'inspirent

et dont je voulais faire lire les poèmes dans une sorte de recueil,

pas d'anthologie, mais de collection un peu.

Et là, c'était une nouvelle moi.

C'était un nouveau dessin, donc c'était des dessins à la main,

et non pas numériques, comme je fais tout le temps,

donc le trait change évidemment.

Et puis une facette de moi qui n'était plus dans la blague.

Et je pense que vraiment la scission dans ma vie, c'est plus là-dessus,

quitter le confort de la blague.

Même si, pardon, mais quand je repense,

le tout tout tout premier texte que j'ai publié,

peu de gens le savent,

ça s'appelait Arnaud,

et c'était un texte, pas du tout humoristique,

c'était mon projet de diplôme,

c'était une toute petite bande dessinée de 30 pages en noir et blanc

qui était dédiée à ma grand-tante Georgie,

qui est celle sur laquelle j'ai écrit un livre là cette année

qui s'appelle « Atteindre l'aube », donc on a dit.

Mais donc en fait, j'avais déjà tenté cette voilà

qui me faisait rêver depuis toujours,

qui me semblait un peu plus dangereuse.

Et comme mon blog cartonnait et qu'on me proposait du travail, etc.,

je suis allée très logiquement là où on me proposait du travail.

Je n'ai aucun regret et je pense que c'était la meilleure chose à faire.

Mais du coup, j'avais mis un peu en sourdine cette partie-là plus intime.

Georgie, c'est en avril 2014 que je t'ai vu vivante pour la dernière fois.

Ta lumière commençait à faiblir.

Après cette entrevue, je t'ai écrite dans mon journal

avec urgence, comme pour figer quelques bribes,

de souvenir encore chaud.

C'est ce jour-là, le dernier, que je t'ai offert un de mes livres

orné d'une dédicace toute particulière.

J'avais dessiné ton ballon rouge.

L'histoire de ce ballon rouge, c'est la tienne,

celle d'une enfant des années 1930

qui trottine maladroitement en lisière d'écume dans les calanques marseillaises.

Ton père, attentif, veille à ce que tu restes sur le sable.

Tu tiens dans tes mains ce ballon que tes parents viennent de t'offrir.

Mais la langue d'une vague s'approche un peu trop et te déséquilibre,

emportant sur son dos le petit ballon rouge.

Ne sachant pas encore nager, tu te jettes pourtant à l'eau.

C'est ton père qui t'a sauvé de la noyade.

Au téléphone, après m'avoir raconté cette histoire,

tu as conclu, tu comprends mon cœur,

toute ma vie, j'ai couru derrière ce ballon rouge.

Ça m'a fait pleurer, mais je n'ai rien dit.

Quand tu as vu le dessin, c'est toi qui as pleuré.

Et pour une fois, je n'ai pas fait diversion.

Je t'ai laissé être triste entre mes mains.

Je t'ai laissé être triste entre mes bras

parce qu'il fallait bien que tu puisses dire ta peur.

C'était nouveau, c'était inconfortable.

Tenir mon pilier, mon soleil, si maigre et si triste entre mes bras,

c'était un ravage.

Reste encore un peu.

Je t'ai mais faible aussi.

Ateindre l'aube, diglis.

Dans son anthologie parue en 2021,

Diglis réunit 50 poétesses du 19e au 21e siècle

et consacre à chacune d'entre elles une illustration originale à l'encre.

Je serai le feu, mais le feu au ventre,

chose rare avec la poésie.

Mais comment ce projet a-t-il vu le jour ?

Alors, je ne sais pas.

Je ne sais pas.

Je ne sais pas.

Je ne sais pas.

Alors, il faut remonter à 2017.

On est en automne 2017, mois d'octobre.

Et là, les illustrateurs savent très bien ce qui se passe en octobre.

Il y a le Inktober.

Inktober, c'est un défi mondial pour les illustrateurs, illustratrices aussi,

de poster sur les réseaux un dessin par jour.

Et ça permet de la visibilité parce qu'on met le hashtag, etc.

C'est super.

Donc moi, je me dis, j'aimerais bien faire un Inktober un peu costaud,

m'y tenir.

Et pour ça, il faut que j'ai un sujet qui me botte vraiment.

A ce moment-là, je suis en train de relire beaucoup de poésie.

J'ai dédié déjà une exposition au vert des luards que j'avais illustré.

Et en fait, je venais de constater que je ne connaissais pas,

ou peu, enfin vraiment, genre trois, poétesse.

Et que ça n'allait pas.

Puisque, dans mon militantisme féministe,

un des premiers trucs que j'identifie, c'est...

Ah, oops !

Les distributeurs pour chavons s'enclencher.

En quelques instants, nous allons entendre ma voix.

C'est sur le second.

Patience.

Là, c'est suite paillettes.

Et puis, suite basile va se sonner dans pas longtemps.

En attendant, il va manger dans cette suite paillette, évidemment.

Voilà.

Pour que les gens qui écoutent arrivent à s'y retrouver,

en fait, ce sont des distributeurs de croquettes automatisés

avec votre voix dedans qui dit, on va manger.

Ça va le redire une troisième fois.

On va manger ?

Eh ben, ils vont manger.

Voilà.

Tout le monde est à table.

Je suis navrée.

Qu'a dit-il en nous ?

Je saurais le feu de 2017.

2017 Inktober.

Et donc, je me dis, voilà, je ne connais pas de poétesse.

Ça ne va pas du tout.

Et donc, je profite de ce défi

pour moi-même découvrir des poétesses.

Donc, je pars un peu en mission.

Je vais sur Internet, je vais chez les libraires.

Et donc, pendant tout le mois, j'amasse comme ça

des livres que j'achète, des textes que j'y ai en ligne

et je me fais une petite liste.

Donc, j'en ai une trentaine.

Alors, en fait, je postais, pour expliquer, je postais un dessin

qui m'avait été inspiré par un verre

d'une poétesse.

Et l'idée, c'était de poster ce verre,

le nom de la poétesse et de donner envie aux gens de dire de la poésie.

C'était vraiment...

Mon lite motif, c'était

la poésie, c'est génial.

N'ayez pas peur.

On peut trouver des textes qui sont extraordinaires.

Et de fait, les femmes en écrivent aussi.

Coucou, ce serait chouette qu'on les connaisse.

Et à partir de là, j'essaye de pitcher un peu le livre

à des éditeurs, justement.

Et je pense qu'en 2017, vraiment,

ça n'a pas été compris.

Ou alors, il y a eu juste de la peur.

Je pense qu'on m'a dit que la poésie ne marchait pas,

ce qui était certainement très vrai.

Et moi, je disais, mais justement,

j'aimerais qu'on la rende plus pop,

qu'on la sorte un peu de ces vieux rayonnages.

Et c'est seulement en 2019

que j'ai rencontré la ville brûle,

après avoir reçu beaucoup de refus

et d'éditeurs désolés qui me disaient

que priori, ce n'est pas possible

et qu'a priori, ça ne marcherait pas.

Et là, je rencontre la ville brûle

et elle a tout de suite...

donc Marianne, c'est un couple

et Marianne, il croit tout de suite.

Et donc, moi, j'avais, on va dire,

une sélection de textes

mais qui n'était pas celle du livre.

Il y a eu beaucoup moins de poèmes

et les dessins, mes illustrations.

Et donc, j'ai posé pour le coup

mes vrais dessins sur sa table,

on a tout étalé et on s'est dit,

qu'est-ce qu'on fait avec ça ?

Et là, elle est entrée en jeu

et elle a pensé cette maquette

avec les envies que j'avais,

j'avais envie d'un livre toilet,

j'avais envie d'un livre rose.

J'ai le droit, je peux.

Donc, j'avais l'idée un peu de ce que je voulais

et toute la maquette intérieure,

toute la disposition des textes,

ça a été retravaillé avec l'éditrice.

C'est elle qui m'a encouragé

à prendre plus de poèmes,

à faire une sélection plus riche

et à me dire, en fait,

suit ce que toi tu aimes

et ce sera ça ton fil rouge

parce qu'évidemment, j'étais terrorisée

d'être illégitime, encore une fois,

qui suis-je pour faire des biographies

de Poétès ?

Il y a quelque chose de crépusculaire

dans ce qui me lit à Claude de Burin,

écrit diglis dans son recueil.

Longtemps, jusqu'à la rédaction

de ce livre, à vrai dire,

j'ai tout ignoré de sa vie.

Elle est l'une des rares femmes

de ce recueil, à m'avoir ébloui

sans aucune toile de fond,

sans aucun contexte.

C'est ce qu'il y a,

c'est ce qu'il y a,

c'est ce qu'il y a,

sans aucun contexte.

Ces mots m'ont suffi,

ils m'ont émue, même dépouillée

de tout décor.

C'est pour toutes ces raisons

que j'ai choisi comme titre à ce livre

des vers de Claude.

Il me semblait contenir

toute l'indiscipline violente,

l'audace brutale et solaire,

dont on dû faire preuve

l'ensemble des femmes

rassemblées entre ces pages.

La voyageuse

Si l'on parle de moi,

je me cacherai sous les violettes

et deviendrai le scarabé d'or.

Si l'on me touche,

je serai la musique qui tourne

au dessus de vos saisons de mai.

Si l'on m'aborde,

je serai le feu.

Mes lèvres

Mes lèvres seront un manteau pour lui

et mes mains se voilent de l'un

que tissent au pied des murailles,

les femmes endormies.

Je les arrache,

ces mains je les clous

au mur glacé des larmes

sous la lumière nue de novembre.

La nuit

est grande ce soir

Elle peur

faire l'est

dans le vol

Elle craint

le cœur

au vent

Elle peur

elle laisse

Elle peur

faire l'est

dans le vol

Elle craint

le cœur

au vent

Elle peur

elle laisse

souffle les doutes

évince les brûlures

passées

dans le vent

unité

qui grouille

fait avancer

la nuit

recouvre les nus

Elle peur

faire l'est

dans le vol

Elle craint

le cœur au vent

Elle peur

elle laisse

Elle peur

faire l'est

dans le vol

Elle peur

le cœur au vent

Elle peur

elle laisse

Il ya un abandon

On tient

On tient

On tient

Tu ne sauras jamais mon amour

avec quelle rapidité

ma main inocente a répondu à l'inocence de ton sexe amoindrie

C'est jeune

c'est frippé

c'est là qu'il y a un retour de candeur

c'est là qu'il y a un soupir d'abandon

l'enterrement dans l'indécision.

Nous permettons aux accoucheurs de prendre des vacances.

Il n'y a plus d'avenir.

Il y a un présent à terminer.

Cette chose charnue,

qui est plus petite qu'un oiseau d'éciles

emprisonnée dans la main,

avait aidé la création du monde.

Le moment de souffler est venu.

Les étalons des haras

se reposent en frissonnant sous leurs plaides.

Moi, je veille.

Je suis la gardienne du sexe déchu d'un homme qui dort.

Je ne le reçois plus.

C'est lui qui me reçoit,

avec ma confiance.

C'est tellement plus chaud,

c'est tellement plus important

qu'un bouton de coquelicots.

J'ai à côté de ma main

la semence

de jardinier producteur de bouquets.

Je craignais cette semence.

Je craignais ma prospérité naturelle.

J'ai un élan vers le sexe

qui n'en gendre rien.

Ce qui est dans ma main,

à l'importance d'un nouveau messie,

nu,

livré à l'indifférence des hommes

qui dorment.

Je me suis emparée de lui.

Je me le dédie.

Il me transfigure.

J'ai des entrailles religieuses.

Je tiens la torche de vie.

Je n'oublie pas la nuit.

Plus près,

veuve impeccable,

plus près.

Si marque remue,

ma main touche malgré elle la semence.

C'est le grenier

aux 50 sacs de grains

qui est despotique.

Les fruits intimes

d'un homme qui dort

sont dans ma main.

Diglis,

quel texte

avez-vous choisi

pour habiller cette émission ?

J'ai choisi

le texte,

un extrait de ravage

de Violette Le Duc.

Parce que Violette Le Duc,

ça a été vraiment

le détonateur,

ça a été la découverte

tsunami

de l'année dernière.

J'avais déjà

croisé son nom,

mais je l'avais jamais lu.

Et en fait,

j'ai lu d'abord

Thérèse et Isabelle

qui étaient

en fait

le Linky Pit

originelle de ravage

et j'ai enchaîné avec ravage

et je n'ai

depuis

rien lu

d'aussi fou.

Dans les thématiques

abordées,

dans la langue,

enfin, vraiment,

cette langue,

je suis tellement heureuse

d'avoir pu lire un extrait,

j'ai une passion immense

pour Violette Le Duc.

Diglis,

on parle de fait

une heure

de votre trait

et

de votre langage.

On sait d'où vient

votre écriture,

mais où va-t-elle ?

Il y a une phrase

qui me revient

très souvent

quand j'écris,

qui vient

d'utiliser

de Sartre,

c'est le personnage principal

Roquentin

qui l'écrit.

J'écris

pour tirer au clair

certaines circonstances

et je pense que ça définit

un peu

tout l'engagement littéraire

que j'ai

et mon rapport à l'écriture.

Donc je pense que

tant qu'il y aura des nœuds

en moi,

des points d'ombre,

des points de question,

des nondis,

des trous,

je continuerai d'écrire.

Je pense que c'est

ça ma mission.

C'était

La Source,

une émission préparée

par Fanny Le Roi,

réalisée par Anne Van Feld,

à la technique

Alisson Ascrizy.

La semaine prochaine,

je vous emmène

au cœur du pays basque

à la rencontre

d'une autrice

qui n'a pas peur

des hommes

et des bêtes.

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Machine-generated transcript that may contain inaccuracies.

durée :00:56:19 - La source - Illustratrice et autrice, Maureen Wingrove (alias Diglee) aime "marcher entre les fleuves". Elle évoque ses lectures et la relation particulière qu'elle noue avec les mots et le dessin.