Hondelatte Raconte - Christophe Hondelatte: Covid : je n’ai pas pu lui dire adieu - L'intégrale

Europe 1 Europe 1 8/16/23 - 45m - PDF Transcript

Au cours de la longue crise du Covid, on a beaucoup donné la parole aux experts et aux

décideurs politiques et finalement assez peu aux familles des victimes de la pandémie.

Stéphanie Bataille a perdu son père Etienne Graberre au début du mois de janvier 2021.

Son père qui a contracté le Covid à l'hôpital de la pitié salpétrière à l'issue d'une

opération. Et elle dit sa colère dans un livre qui paraît aux éditions de l'Observatoire.

Mon histoire, c'est votre histoire, c'est de ce livre que j'ai tiré, mon récit,

elle sera là tout à l'heure pour le débriefer. J'ai écrit ce récit avec tuc duale de Dieu le

veuille, réalisation Céline Labras. Etienne Graberre était comédien de théâtre et de cinéma,

pas célèbre, mais si vous allez taper son nom sur Google, D-R-A-B-E-R, vous direz forcément,

ah oui, ah c'est lui ! Il a tellement joué de second rôle au cinéma et à la télévision.

On l'a vu dans Ridicule, Milou en mai, prof, les cordiers jugés flics, et ici dans les

soudoués, une scène d'anthologie, il jouera un prof qui, devant une élève qui accouche,

se transforme en accoucheur. Regardez, c'est bon, ça commence, vous respirez à fond,

vous bloquez et on pousse. Si tu pouvoir détruire l'ouvrage de ta vie et sans dire un seul mot,

te mettre à rebâtir, bloquez, respirez à fond, inspirez, bloquez, poussez ! Si tu peux mettre

amant, sans être fou d'amour. Etienne Graberre est mort le 11 janvier 2021, emporté par le

coronavirus. Sa fille Stéphanie avait encore quelque chose à lui dire. Et surtout, elle a quelque

chose à nous dire. En novembre 2020, ça fait un an que tu attends une opération en raison d'une

fuite de la valve mitrale. Elle a été programmée puis déprogrammée à cause du premier confinement.

Mais là, ça y est, elle est fixée au 10 novembre. Batterie d'examens, analyse, tous les voyants sont

au verre. L'anesthésiste est même venue te voir. Et puis, au moment de t'installer dans ta chambre,

le docteur vient te voir. M. Graberre, je suis désolé, M. Graberre. L'intervention est annulée

en raison du plan d'urgence Covid. Vous pouvez rentrer chez vous, on vous rappellera. Tu es

contrarié. Tu t'étais tant préparé psychologiquement. Quelques jours plus tard, tu reçois une nouvelle

convocation pour le 13 décembre. Maman t'accompagne à la pitié salpétrière en début d'après-midi.

Admissions, examens, tests Covid. Tu prends possession de ta chambre en cardiologie. Tu appelles tes

frères, ta sœur, tes cousins, tes filles, tes amis, tes enfants. Je suis ton dernier coup de fil du soir.

C'est empêtant à tous ces théâtres et ces musées fermées. Faut pas arrêter de créer. Créer ces

vivres de foi. Créer, bon sang. Créer. Le chirurgien t'a averti que tu seras opéré à sept heures et demie.

Ne me demande pas qu'alors je sors. Je ne sais pas. Est-ce que les familles des navigateurs

demandent quand ? Quand est-ce qu'ils rentreront ? Bah non. Ah ben voilà. Je suis comme un navigateur.

Le lendemain à 9h00, tu m'appelles pour m'annoncer que ton intervention est décalée à 14h00.

Trop d'urgence avant toi. Il doit y avoir plus d'urgence. Moi, ils m'ont dit ce matin que mes

analyses étaient très bonnes et que mon test PCR était négatif. À 18h30, maman appelle les infirmières

pour avoir des nouvelles. Tout s'est bien passé. Il est en salle de réveil. Les visites sont

possibles dès demain. Les proches peuvent venir l'après-midi entre 14h00 et 18h00.

Nous mettons en place un planning. Mon frère Stanislas viendra à 14h00. Il t'apportera ton

déjeuner. Maman prendra la relève de 15 à 16h30 et moi. Je terminerai la journée et je m'occuperai

de ton dîner. Le 17 décembre, tu m'appelles vers 16h00. Dis-moi, tu peux m'apporter de la pommade

rosate ? J'ai l'élèvre gercé. Et puis de l'eau pétillante s'il te plaît. La plus froide possible.

Je te retrouve en fin de journée. Tu bois quasiment la totalité de la bouteille en deux minutes. Et

à travers les bras, je vois tes jambes qui tremblent. Tu me dis que tu as des courbats tuants. Ça m'inquiète.

Je ne suis pas sereine. Mais je m'obstine à rester confiante. Enfin, tu as l'appétit

salpétrière. C'est un hôpital réputé. Il n'est pas concevable que tu attrapes le coronavirus ici.

De retour dans ta chambre, tu as encore très soif. Dis-moi, demain, tu pourrais venir avec plusieurs

bouteilles de salvota ? Ce jour-là, je dépasse la limite de l'autorisation des visites. Je sens qu'il

faut que je reste. Et soudain, un vacarme dans le couloir. L'homme qui distribue les plateaux

au repas ouvre la porte sans frapper. Il a son masque sous le menton et il parle très fort.

Alors, monsieur Draber, debout jeune homme, c'est l'heure. Faut manger.

Élin, il pose violemment son plateau sur la table de chevet, il prend le piché d'eau et il en

rapporte un autre, sans jamais se désinfecter les mains. Je le raccompagne dans le couloir.

Vous devriez faire attention à votre masque, tout de même.

Oh, le masque, c'est de la connerie. Je prends peur de Covid.

Le lendemain, maman et mon frère Stanislas m'appellent pour malherter.

Il tousse beaucoup quand même. Il a certainement dû prendre froid.

En fin d'après-midi, quand je viens te retrouver, je constate que tu tousse curieusement par

saccades de trois coups. T'as tout, viens des bronches. Elle te fait mal. Et là, je cache l'angoisse

qui m'envahit. C'est impensable. C'est impensable que tu es attrapé le coronavirus.

Le lendemain, Stanislas m'envoie un texto. L'hôpital a appelé maman. Il faut que tu

viennes de toute urgence. Papa aurait fait un AVC. Quand j'arrive, ta chambre est vide.

Tu as été transporté en radiologie. Je ne tiens plus en place. Alors je me mets à faire les

sans pas dans le service. Et je m'arrête devant une chambre à deux portes de la tienne.

Il y a des panneaux plastifiés scotchés dessus. Interdiction d'entrée. Covid. Il laisse donc un

patient atteint du coronavirus en place service de cardiologie. Je reste cloué sur place. Et je

commence à me faire un scénario noir. Agravé par la présence d'une infirmière qui va de

chambre en chambre sans aucune protection. Au bout de trois heures, un médecin vient à

ma rencontre. Une femme de 35 ans. La mine décomposée qui a du mal à soutenir mon regard.

C'est très grave ce qu'a votre père. On ne pense pas qu'il s'en sorte. Mais qu'est-ce qu'il a ?

Qu'il se sort de quoi ? Je ne sais pas exactement. Je n'ai pas les résultats des IRM, ni du scanner.

Depuis quand est-ce qu'on annonce des nouvelles d'une telle gravité debout dans un couloir ?

On te ramène à 16 heures allongée sur ton lit médicalisé. Vous êtes de la famille ? Oui.

Oui, je suis sa femme. Et là, c'est ma fille. Il n'a pas fait d'avessé. Mais il y a un problème.

Il y a sûrement une bactérie. Est-ce qu'il vous a parlé de l'intubation ? Là,

je sors la balise de danger. Il y a deux secondes, ils évoquaient une bactérie,

mais tu serais donc en détresse un respiratoire. Docteur, est-ce que vous pouvez nous dire ce qu'il a ?

Je ne sais pas. On ne sait pas. Les poumons, les reins, le foie, les intestins, le cœur.

Nous sommes entourés de fatalistes qui t'attonnent, qui naviguent dans le brouillard, sans regard,

sans affecte, des animaux à sang froid. Je réclame qu'on te fasse un nouveau test PCR.

On s'en fasse, c'est inutile. Un test négatif le 13 décembre ne peut pas être positif le 19.

Et de toute façon, il n'est pas envisageable d'effectuer des tests tout le temps.

Au fond de moi, une petite voix m'alerte. Il y a urgence.

20, 21, 22 décembre, tous les jours nous allons te voir. Ton état est stationnaire. Tu as de plus en plus soif,

et tu n'en peux plus du masque à oxygène. Je te regarde dormir, de temps en temps tu ouvres un oeil

pour t'assurer que je ne suis pas parti. Je suis là. Je serai toujours là.

J'ai enfin réussi à me procurer la liste des lignes téléphoniques directes des médecins.

Je me sens un peu coupable, mais je les appelle. Pardon, docteur, de vous déranger.

Pouvez-vous me dire où vous en êtes au sujet de la bactérie ?

On ne sait pas ce que c'est. Vas-y, elle ne pousse pas.

Quelle réponse absurde. Est-ce qu'on ne pourrait pas faire d'autres investigations ? C'est insupportable.

Le 23 décembre, l'infirmière nous informe qu'il t'ont changé de chambre. On l'a mis dans la 217.

Et pourquoi ? La 217, où il était une chambre Covid et équipée d'un sas et d'une double porte.

Je comprends alors que tu étais installé depuis dix jours dans une chambre Covid

en unité intensif de cardiologie. Une chambre peut-être est même sûrement affectée.

Comment est-ce possible ? Enfin, ils ont imposé à tous les citoyens de vivre dans la précaution à outrance.

L'avez-vous les mains, tenez vos distances, aérer vos appartements, porter le masque, plus d'embrassade.

Nous vainquerons le coronavirus ensemble. C'est une blague absolue.

Nous avons tout respecté à la lettre. Nous ne l'avons plus embrassé depuis mars 2020.

Et à l'hôpital, on installe des patients négatifs, des personnes fragiles ayant subi une intervention, dans des chambres contaminées.

Le 24 décembre, les médecins sortent de ta chambre avec un air d'hupitatif. Et ils disent à maman,

on va quand même lui faire un test PCR, même s'il n'y a pas de chance que ce soit ça.

Il était temps. Huit jours que je constate les symptômes.

Et quand est-ce qu'on va lui faire un test PCR, même s'il n'y a pas de chance que ce soit ça ?

Il était temps. Huit jours que je constate les symptômes.

Et quand est-ce qu'on aura les résultats ?

Demain, c'est Noël. Après-demain, c'est samedi. Après, après-demain, c'est dimanche.

Disons lundi, au plus tard.

Ce jour-là, tu es énervé.

Sir, écoute-moi bien. Faut me sortir de là.

Sinon, vous n'auriez que les restes.

En une fraction de seconde, j'essaie d'échafauder ta sortie.

Mais je suis vite rattrapé par la logistique médicale, qui est indispensable à ta survie.

Et puis Stanislas me dit qu'il faut attendre le résultat du test.

Le 25 décembre est notre premier Noël sans toi.

A 15 heures, Stanislas et maman se rendent à l'hôpital. Tu n'es pas bien.

Le 26 décembre, à 15h30, Stanislas apprend le résultat de ton test PCR.

Tu es positif.

Je suis fou de royer, même si je m'y attendais.

Votre frère est déjà venu, donc vous ne pouvez pas.

A partir de maintenant, c'est une visite par jour.

En fin de journée, le docteur m'appelle.

Je suis vraiment désolé de ce qui arrive à votre père.

Vous allez rire, il faut que ce soit pas de rôle du tout, pardon.

Nous avons eu 12 cas de contamination dans le service de cardiologie.

Et dites-moi docteur, le personnel est testé et vacciné ?

Ah non, on ne peut pas tester tout le monde, on manque de personnel.

Et puis on n'a pas de vaccin.

L'hôpital laisse donc travailler des soignants porteurs du virus

alors qu'ils sont proches des patients, des bombes humaines.

27, 28, 29 décembre.

Nous partageons nos droits de visite entre nous 3.

Et le temps qui nous est accroyé est de plus en plus restreint.

10 minutes, c'est au Dieu.

Le 30 décembre, tu es transféré dans une unité Covid.

Je viens te voir en fin de journée

et je constate qu'il n'y a pas de joli droit alcoolique à l'entrée.

Et à gauche de l'ascenseur, il y a un papier mal scotché.

Visite interdite en unité Covid à partir du 18 octobre.

Je rencontre deux jeunes femmes médecins.

Elles sembleraient citer leur texte par cœur.

L'entretien est surréaliste. Je suis pétrifié.

Je leur demande de te voir.

Ah non, non.

On ne voit pas les patients ici.

Les visites sont interdites.

On les voit au dernier moment.

Au dernier moment ?

Avec qu'est-ce que ça signifie ?

Ils ont déjà prévu que tu allais mourir.

C'est une triple peine.

Tu as attrapé le coronavirus à l'hôpital.

On t'a fait patienter plus d'une semaine avant de te tester.

Et là, tu n'as pas le droit à des visites.

Dites-moi, quel est le numéro de téléphone de la personne de confiance ?

C'est-à-dire ?

Eh bien la personne qu'on doit joindre au moment du décès.

C'est stupéfiant.

Je repars comme un zombie.

Tu es dans les mains de monstres.

Qui a pu donner de telles directives ?

Ils ne pensent qu'à surprotéger.

Mais qu'en est-il de l'amour ?

Enfin, mais c'est outrepasser les règles.

Nous décidons, Stanislas et moi,

d'aller quand même à l'hôpital.

Et nous voilà plantés au bout d'un long couloir

condamné par une porte coupe-feu

avec un disj'écoute.

Une infirmière sort.

Elle se verra assurante.

Je vous propose de l'appeler en FaceTime.

À ses heures, ça va ?

Et grâce à ça,

nous avons la joie de te voir.

Certes derrière un écran,

mais c'est mieux que rien.

Tu parles sans difficulté.

Tu as l'air heureux de nous voir et de nous entendre.

Tu blagues, tu ris, tu dis que tu as envie

de boire une bière et même deux.

Le 2 janvier,

nous sommes au bout du couloir.

C'est insoupenable de te savoir

à quelque part et de ne pas pouvoir te voir.

Y a de quoi devenir folle ?

Je vous en supplie.

On voudrait le voir,

puisqu'il va mieux.

On s'habillera avec le même équipement que vous.

On est même disposés à payer

si c'est le problème.

C'est non, nous sommes à bas-ourdi

par temps d'inhumanité.

Le 3 janvier,

nous abortons une galette des rois

pour le personnel soignant.

Je dois vous dire que vous lui manquez beaucoup.

Ils voudraient vous voir en vrai.

Je viens un peu insister auprès des médecins

pour qu'ils autorisent une visite. J'attends leur retour.

Je vous tiens au courant.

Tenez, je vous ai mis son linge

à laver dans ce sac plastique

et puis aussi

son manteau.

Pourquoi ton manteau ?

Tu n'as pas pu le salir,

tu ne l'as pas mis en guise de peignoir.

C'est une signe qui me mortifie.

Est-ce qu'ils nous préparent déjà

à l'impensable ?

Les médecins ont refusé

qu'on te voit.

Le 4 janvier,

maman a été puisé.

Alors je l'ai soumets d'aller se faire tester.

Et moi aussi depuis hier,

je ne me sens pas très bien non plus.

A 17h,

on m'appelle pour établir la connexion par vision.

À l'écran,

ta peur est palpable.

Tu nous fais signes de nous approcher

au plus près ?

D'un regard, tu sembles t'assurer

d'être seul dans la chambre.

Et puis froidement, tu nous dis

Sortis de moi de là,

sinon je vais crever.

Cette affirmation est terrible.

Elle est gravée à vie dans ma mémoire.

J'appelle immédiatement le poste d'infirmière.

C'est-à-dire madame qu'il commence

le processus de glissement.

Autrement dit, tu te laisses aller.

Le désespoir t'envahit.

Tu ne veux plus manger.

J'envoie un message de détresse au docteur.

Il faut que nous voyons notre père.

Il nous réclame.

Il fait la grève de la faim.

On ne peut pas laisser les patients

dans cette solitude.

Pouvez-vous nous aider à lever

cette interdiction qui n'a pas lieu d'être ?

Maman vient de recevoir le résultat de son test.

Elle est positive.

Et moi aussi.

Stanislas, lui, est négatif.

Lui janvier, 17h.

Connexion en vision.

Je constate que tu es allongé sur ton lit.

Tu es exténué.

Ça ne peut pas continuer.

Je tente de joindre le médecin.

Il arrive au bout d'une heure.

On ne peut pas vous parler.

Il me raccroche au nez.

Je lui dis mon mécontentement.

On est occupé sur le cas de votre père.

Il va mal.

Un problème cardiaque.

Stanislas obtient le droit de te voir 30 minutes

en sarnachant de la tenue COVID.

Tu es brisé.

Tu penses que nous t'avons appendonné.

Le 10 janvier,

le docteur me joint en début d'après-midi.

Elle prend des pincettes.

Sa gorge est nouée.

Votre père,

père en autonomie cardiaque,

il n'est pas confortable.

Que dois-je décoder ?

Où veut-elle en venir ?

En tout cas, elle lève le véto.

On a l'autorisation de te voir avec Stanislas.

Quand j'arrive,

elle me tend la tiraille.

Il est très nerveux.

Je t'aperçois à travers le hublot de la porte.

Tu es torsennu.

Tu te contorsionnes.

Et quand je m'approche doucement,

je découvre que tu as les poignées attachées

de part et d'autre du lit.

Ton bras gauche est tuméfié.

Il est bleu, un énorme dément.

Tu te redresses.

Et en s'appuyant sur tes coudes mais pas paniqué,

tu t'exclames très distinctement

à travers le gros masque à oxygène.

Stanislas !

Stanislas, je gagne dans mon urine.

Papa,

je suis là, je vais m'occuper de toi.

Ronte totale !

Monstrue, torture, bourreau !

Je baisse un peu le drap.

Tu es complètement nu.

C'est la première fois de ma vie

que je te vois nu.

Ils ont mis un lan, je m'a placé sous toi.

Tu marines dans l'urine,

du milieu du dos jusqu'au cuisse.

Depuis combien de temps

une infirmière n'est pas passée de voir ?

Au minimum trois heures ?

Alors que tu es en unité cardiologie

en soins intensifs.

Votre papa est plus calme.

Mais on va commencer

à lui administrer de la morphine

pour qu'il soit

plus confortable.

Non.

Non, docteur, sache-vous l'interdit.

Ça, vous n'avez pas le droit.

Tu as tiré ta révérence un lundi.

Jour de relâche au théâtre.

Nous allons garder votre père dans cette chambre

pendant une heure.

Et ensuite, vous ne le reverrez plus.

Les personnes qui ont le coronavirus

sont placées nues

dans une housse fermée.

Body bag.

Et il n'est plus possible de les foir.

Ils n'ont plus

aucune limite.

L'immoralité est à son paroxysme.

Nous sommes dans l'air de la part barille.

Maman apparaît à ce moment-là.

Le visage diaphane,

à son bras, elle a un sac de voyages.

Il contient

les vêtements de ton dernier voyage, mais

je lui apprend qu'il est interdit

de te couvrir.

Ni toilette,

ni abîment.

Ni toilette,

ni abîment.

Le 16 janvier,

à 7h du matin,

nous voilà au funérarium de la pitié salpétrière.

Je vous ai porté des lettres

de ces proches

que je voudrais que vous glissiez dans le cercle.

Et ça, c'est une papillon

que j'aimerais vous limiter aussi.

Entendu, madame.

Voulez-vous que je fasse une photo

quand j'aurai personnellement

mes les objets dans le cercle ?

Il n'y a plus aucune descense.

Le monde a perdu la raison

et sa boussole morale.

On nous présente ensuite un cercle fermé.

Est-ce toi ?

Nous ne le saurons jamais.

As-tu les mains unjointes ?

Nous ne le saurons jamais.

La population ?

Nous ne le saurons jamais.

As-tu été arrosé d'autres javels ?

Nous ne le saurons...

Jamais.

Criez, je t'aime.

Par-dessus toutes les souffrances qui vous sont infligées.

Contre toutes pudeurs.

Contre toutes contraintes.

Contre toutes malédictions.

Contre le déda des bruts.

Contre le blâme des moralistes.

Contre le coeur qui ne nous ouvre pas.

Contre un regard qui s'égare.

Contre un saint qui se refuse.

Vous ne le regretterez pas.

Car vous n'avez pas d'autre occasion d'être sincère.

Tout le bonheur du monde dépend de l'intensité

de votre cri qui passera de bouche en bouche

à l'infini.

Votre cri vous fera grand.

Et il rendira les autres.

Il vient de loin, il ira loin.

Il ne connaît pas de limite.

Parlez.

Les mots d'amour sont des caresses fréquendantes.

C'est l'unique raison de vivre.

Et la raison de la raison.

La raison du bonheur.

Poème de Paul Eluard

que vous avez lu, Stéphanie,

bataille aux obsèques de votre père

sur un extra ici du concerto

pour piano en réminor de Jean-Sébastien Bach

puisque on a joué

du Bach à ses obsèques.

J'ai tiré, je le rappelle,

cette histoire de votre livre qui parait

aux éditions de l'Observatoire.

Mon histoire, c'est votre histoire.

Alors, ce livre, évidemment,

vous l'avez écrit très vite après

puisqu'il n'est pas rué au mois de juin.

Moins de six mois après la mort

de votre père.

J'ai trouvé qu'il était plein de colère

et de ressentiment.

Et je voulais savoir

si depuis la colère était un peu retombée.

Alors, quand vous dites

mot colère, c'était plutôt un cri.

C'est-à-dire que j'étais dans un état de sidération.

Depuis le 11 janvier,

j'essaye de me réparer

par tout ce que j'ai vu.

J'ai monté aussi une association

parce que j'ai eu beaucoup de gens

qui ont témoigné, j'ai plus de 8000 témoignages.

Des gens qui ont vécu la même chose.

Exactement la même chose.

Parfois même pire, si on peut dire pire,

il y a eu des incinérations immédiates.

C'est-à-dire que normalement on n'a pas le droit,

on est dans le quartier de 18h

mais au bout de 5h, quand la personne

était morte 5h après, incinérée.

Est-ce que c'est tolérable ?

En l'absence de la famille.

Au premier confinement.

Quand vous parlez de colère,

j'entends ce que vous voulez dire

mais c'est vraiment un cri.

Et je pense que c'était important d'alerter

aussi la population

parce qu'on était évidemment enfermés

et on ignorait ce qui se passait derrière.

Aussi bien dans les hôpitaux

mais ça c'est un autre débat.

La mort de votre père se déroule

pendant le deuxième confinement

et est-ce que vous avez

recueilli le témoignage de gens

qui ont vécu des histoires similaires

pendant le premier confinement ?

Parce que le deuxième confinement,

on va y revenir, on savait beaucoup de choses

sur la maladie.

Pendant le premier confinement,

en mars, avril et mai 2019,

on ne sait rien ou pas grand chose.

C'était encore pire, j'ai envie de dire.

Vous savez pire pour pire ?

Oui, tout est pire.

Il n'y a pas d'échelle dans le pire

et personne n'a le monopole de la douleur.

Je crois que tous les gens qui sont partis

lors de la première vague, c'était

catastrophique.

Des familles entières dévastées

et encore aujourd'hui, au moment où je vous parle,

des gens qui ne s'en remettront pas.

Privé d'obsèque ?

Cherchant les corps,

se retrouvant devant une urne

alors qu'ils n'ont pas pu dire au revoir

les centres de leur mari ou de leur femme

ou de leur père ou de leur mère.

C'est absolument dingue.

Il y a eu des décrets qui ont été fait

à la bavite, à l'emporte-pièce,

en oubliant le prendre soin.

Ce qui nous est arrivé évidemment

et dramatique, cette pandémie est dramatique.

Mais on en a oublié complètement

l'humain, ça a été géré

par faute de moyens.

Je le pense sincèrement, par faute de moyens

et par faute de savoir

dans une urgence où les gens étaient

aux hospitaliers complètement

rincés, épuisés,

avec un manque de matériel évident,

des lits fermés,

des réouvertures de chambres

sans personnel, donc ça ne sert strictement à rien.

Je crois que c'est là-dessus qu'il faut qu'on se penche

pour la vie de demain, c'est très important.

Parce qu'une société malade

ne peut pas se battre

et ne peut pas être debout.

Moi, j'aime l'idée d'être debout.

Et pour être debout, il faut être en bonne santé.

Pour être en bonne santé, il faut des bons médecins

qui soient gérés par des gens de savoir.

Alors dans ce livre

qui est un Christ et Fanny Bataille,

il y a d'abord la question du diagnostic. C'est-à-dire qu'on comprend

que vous qui n'êtes pas médecin,

qui êtes directrice de théâtre,

dès le début, vous envisagez

qu'il est contracté le Covid dès le premier

jour en vérité, mais pas eux.

Et on est là en décembre 2020,

on sait tout

à ce moment-là

de la manière dont on contracte le Covid

et comment il se manifeste.

Dans le contract, je crois que c'est encore

un peu flou, même encore aujourd'hui,

parce qu'il y a des gens qui l'attrapent,

d'autres qui ne l'attrapent pas, celui qui

ne peut très bien ne pas le passer

à son voisin, mais peut le passer

à la chambre d'à côté. Il y a des choses

un peu particulières. En revanche,

les symptômes, moi pour avoir eu le Covid

deux fois, on les connaît les symptômes.

La première fois était plus douloureuse

que la seconde. Je crois que

c'est assez révélateur du personnel

que je n'incrimine pas, mais ils ont tellement

la vision du travail, je veux bien vous leur

trouver des excuses, mais ils ont

un type qui a de la fière avec qui tout.

Je crois qu'ils ne voient plus rien, voire

est un art, Christophe Ondelat, et que les gens

aujourd'hui ne se regardent plus, ne s'adressent pas.

Aujourd'hui, on parle de la chambre 112,

on parle pas de monsieur Dupont

ou de madame Henriette, on ne nomme

plus toutes les chiffres.

Donc on va directement à la machine, on regarde

l'attention, on regarde

le rythme cardiaque, on prend un peu

la température, on n'est que sur le chiffre,

on n'est plus sur le regard, avant le médecin

vous regardait, j'ai des souvenirs du professeur

Cabrol que j'ai eu la chance de rencontrer,

il rentrait dans les chambres, il nommait la personne.

Il était cardiologue, qui est l'autor de la première greffe

cardiaque en France.

Et qui était un homme exceptionnel, comme

d'autres aussi, mais il nommait, il vous regardait

dans les yeux, et en vous regardant, il savait

si vous aviez le moral ou pas. Il faisait tout

pour que vous ayez le moral. Aujourd'hui, c'est

complètement différent, on est sur le chiffre

partout. Donc on garde

la température, oui bon, bon, bon, et on est

pressés, on est sur une course du temps

et cette maladie nous a montré aussi

qu'on est à la course du temps et

qu'on ne prend plus le temps

de s'occuper de l'autre

et de prendre soin. Moi c'est vraiment

ce que j'essaie de faire comprendre, c'est qu'il

faut prendre soin des gens, évidemment

à l'hôpital, mais aussi dans la vie de tous les jours.

Il y a un médecin qui vous dit vraiment

un test négatif le 13

ne peut pas être positif le 19

en décembre 2020.

Tout ce que je raconte dans le livre est

complètement vrai. Parce que ça c'est pas

une histoire de numéro, d'indifférence, etc.

C'est tout simplement un manque de savoir.

En décembre 2020, on sait très bien

qu'un test négatif le 13 peut être positif le 15.

Bien sûr, tout à fait, on peut le savoir,

mais donc ils ne veulent pas retester en disant

non, non, il n'y a pas

de problème, il n'a pas le coronavirus.

Et moi je vois évidemment que

ça sentait ça grave et qu'il montre

tous les symptômes de ce virus.

D'ailleurs à ce titre-là, il est fort possible

que le test soit négatif quand votre père

mais qu'il ait eu le coronavirus

lorsqu'il rentre à l'hôpital,

c'est possible techniquement.

Je n'en sais rien, en tout cas, mon père

était vraiment complètement,

on n'avait pas le droit de l'approcher,

ma mère faisait chambre à part,

il sortait très peu, quand il sortait il était seul,

il touchait rien, vraiment on a fait

extrêmement attention, tout est possible.

Mais pour vous il l'a contracté à l'hôpital.

Pour moi il l'a contracté à l'hôpital,

et pour moi, c'est ce que j'essaie de

faire comprendre dans ce livre, et le combat

que je mène avec l'association que j'ai montée

avec Laurent Frémont qui est tenir ta main,

c'est-à-dire qu'on se doit de s'occuper

de l'autre, c'est-à-dire qu'un hôpital

ne peut pas devenir un mouroir

et on doit s'occuper des gens dans n'importe quelle situation

et le droit de visite est obligatoire

Christopher fondelat.

Quand il vous parle d'abord

d'un AVC et ensuite d'une bactérie,

ça c'est quelque chose qui est un peu flou

dans votre récit, mais à votre avis,

il se doute qu'il a le Covid et il vous le cache ?

Non, je pense pas.

Il est complètement sincère.

Oui, complètement sincère, mais je pense que les informations

sont très très mal passées.

AVC puis bactérie, tout ça en quelques heures ?

Ah oui, c'est très curieux.

De la part de deux gens qui travaillent

dans un service de cardiologie, je sais pas.

C'est pour ça que je m'interroge, ce sont des sachants.

Ils me décrivent le corps humain

et tous les organes en très bon temps.

Oui, quand il dit le coeur, le foie, le poumon.

Exactement, c'est Thomas Diafarus.

Oui, on est vraiment dans le malade imaginaire.

Le problème, c'est que c'est pas imaginaire

d'être dans le malade.

Vous êtes certain qu'au fond, ils ne savent pas

depuis le début et qu'ils ont quelque part tellement honte

qu'ils n'osent pas vous le dire

et qu'ils trouvent de fausses maladies

pour expliquer que votre père

son état se détériure.

Je pense pas que ça se...

Ils cherchent de fausses maladies, je pense qu'ils cherchent

et qu'ils ne savent pas.

Je pense que tous les symptômes du coronavirus

ne sont peut-être pas arrivés jusqu'en cardiologie.

Ils n'ont pas le temps de regarder la télé.

Parce que nous, qui sommes épidémiologistes

depuis le mois de mars 2020,

on sait, nous, en décembre,

que lorsqu'on a de la fièvre et compte tous...

Il y a de grandes chances.

Oui, tout à fait. Mais comme ils ne font pas le test,

ils vont chercher ailleurs.

Effectivement, un coronavirus très très violent

peut produire des très grosses séfalés

et peut également faire penser

à un AVC, puisqu'il y a des troupes de la mémoire

qui peuvent arriver aussi.

C'est vrai qu'il y a de différentes façons.

Moi, j'ai eu le coronavirus de deux façons

complètement différentes personnellement.

Ils auraient pu se rendre compte de ça.

Mais ça, je ne peux pas aller au-delà

de ce que je pense.

Et je pense sincèrement qu'il y a eu des manquements, oui.

Alors, dans ce livre,

parmi les questions qui sont soulevées,

il y a donc la question de la prise en charge

du Covid à l'hôpital,

à partir du moment où il est diagnostiqué,

vous découvrez d'abord qu'il a été

placé donc dans une chambre Covid

à sa sortie du bloc opératoire.

Et vous envisagez l'hypothèse

que cette chambre était infectée

par le Covid, probablement mal désinfectée,

et que votre père les contractait

dans la chambre.

Mais de ça, évidemment,

vous n'avez pas la preuve.

Non, c'est ce que je pense,

puisque c'était une chambre Covid

qu'on nous a dit qu'il faut le changer de chambre,

puisqu'il est dans une chambre Covid.

Et à côté de lui, il était dans une chambre seule,

ça, c'est très important de le dire,

mais il y avait d'autres chambres en unités

cardiologie soins intensifs,

et il y avait un monsieur qui avait le Covid.

Je ne dis pas que c'est honteux,

mais je crois qu'il y a un principe

de précaution qui a complètement été oublié.

Il y a une autre piste que la chambre,

il y a les soignants.

Vous racontez des scènes

qui sont extrêmement inquiétantes.

Il y a donc cet agent

qui porte les plateaux repas,

qui a le masque sous le menton.

En décembre 2020, on hallucine.

On sait à ce moment-là

que sans masque, on ne peut pas

se déplacer en secteur hospitalier.

Et puis il y a cet infirmière qui passe de chambre en chambre,

sans se désinfecter les mains.

C'est quand même une piste sérieuse

qu'il était contaminé

par des soignants qui ne respectaient pas

les gestes de prévention.

Oui, mais bien sûr, même à l'entrée

dans le pavillon cardiologie,

il n'y a pas de gel.

Le gel est très loin,

ou alors la bombe en est vide.

Les ascenseurs ne sont pas nettoyés,

alors que l'on sait que par le toucher,

je peux très bien toucher un bouton,

il n'y a pas de virus.

Donc il y a un problème aussi de nettoyage,

il y a un problème de gens aussi.

On a tellement serré la vis,

il y a beaucoup trop d'administratifs

dans les hôpitaux,

donc il n'y a plus de personnes pour pouvoir

faire le ménage et pour l'accueil.

Il aurait été intéressant d'avoir des jeunes,

des étudiants, même en médecine,

qui soient là pour aider,

accompagner les gens.

On rentre à l'hôpital et c'est ça qui est formidable,

comme dans un moulin.

Donc c'est deux poids de mesure,

on est un peu dans une vraie, vraie folie

au niveau de l'organisation,

mais ça montre bien qu'il y a un dysfonctionnement,

et c'est ce dysfonctionnement-là

que j'aimerais,

avec votre association,

remettre pas droit,

parce que ça serait vraiment très prétention de ma part,

mais d'alerté pour que les choses aillent mieux.

Voilà, c'est juste mon but,

c'est que les choses aillent mieux, que ça ne se reproduise plus.

À un moment donné, un médecin vous dit,

en vérité, il y a 12 contaminés

en cardiologie.

Est-ce que vous savez ce qu'il est devenu

de ces 12 personnes contaminées en cardiologie ?

Votre père est-il la seule victime ?

Je ne sais pas du tout.

Je sais qu'il y a une enquête,

il y a une enquête.

Vous posez la question du vaccin.

Au mois de décembre, il n'y a pas de vaccin disponible,

encore, ils ne sont pas autorisés.

En revanche,

ils vous disent qu'ils n'ont pas fait de tests PCR.

En décembre 2020,

les tests PCR sont largement disponibles,

et donc, on ne teste pas

le personnel soignant.

Le personnel soignant n'est pas testé.

En tout cas, c'est ce qu'on m'a dit,

ce qui est absolument incroyable,

hallucinant.

Ensuite, il y a la question de la prise en charge

des patients testés positifs.

Autant, donc avant, c'est l'axiste,

autant là, pour le coup, c'est raid.

C'est très raid, vous n'avez plus droit

à aucune visite,

et on découvre aussi, à côté de ça,

quelque chose qui est récurrent en médecine,

que raconte beaucoup de gens,

dans des histoires que j'ai pu raconter précédemment,

depuis 6 ans,

c'est l'incapacité des médecins

à parler aux familles,

aux bons endroits, aux bons moments,

avec les bons mots.

Et ça, vous en êtes témoins.

Il y a des médecins qui ne savent pas dire

que le pronostic vital est engagé,

et le dire assis dans un bureau,

calmement, avec les bons mots.

On vous le dit dans le couloir.

On me le dit dans le couloir, on ne me regarde pas

comme le dit de façon très métal,

donc ça montre aussi qu'au niveau de l'enseignement,

il n'y a qu'un gros manquement.

Il n'y a pas de cours de psychologie,

et surtout, il n'y a pas de cours sur la mort.

Il faut savoir qu'en médecine,

ils ont deux heures de cours sur la mort.

Comment peut-on parler de la vie,

de la réparation, de la restauration d'un corps,

sans parler de la mort ?

Moi, je suis fasciné par ça.

Il n'y a pas de cours, mais on peut aussi,

soi-même, à l'usage,

improviser.

Ils ne seront jamais ?

Je pense qu'ils ne seront jamais.

C'est un sujet, on parle depuis au moins 20 ou 30 ans.

On en parle beaucoup, bien sûr.

On parle également de l'euthanasie,

mais je crois que c'est très important

de pouvoir parler de la mort.

On l'a complètement caché pendant cette pandémie.

On ne l'a parlé qu'en chiffre.

On n'a pas parlé du tout des déflagrations sur les familles.

Moi, j'ai des familles qui sont atomisées.

Je connais des gens qui sont atomisées,

qui ont perdu leur emploi,

qui ne peuvent plus travailler,

qui n'en parlent pas.

Tous les soirs, on vous parle de chiffres.

Mais ce sont des hommes et des femmes qui sont partis.

Ce n'est pas rien, vous comprenez ?

Et dans des conditions,

qui sont innomables.

La cède du manteau est absolument terrifiante.

Ça continue encore à me hanter.

Parce que vous la comprenez tout de suite ?

Moi, ça fait un déclique.

Mon frère ne comprend pas tout de suite.

On vous rend le manteau parce qu'on sait qu'il n'en aura plus.

Voilà, qu'il ressortira plus.

Il n'aura pas besoin de son manteau pour le mois de janvier.

Mais aussi son manteau.

Oui, on a accompagné d'un sac plastique

avec ses vêtements à laver.

Voilà, le manteau.

C'est raide, vous savez qu'il faut être fort

pour prendre tout ça.

Ce manque de formation, ce manque d'humanité,

c'est que vous appelez ça nuclear.

Moi, pour moi, c'est un cri.

Parce que je trouve que c'est vraiment très important

de remettre l'humain au coeur de l'hôpital.

Ce ne sont pas des choses.

Les gens ne sont pas des choses.

Mais aussi bien de l'hôpital que de la société.

C'est très révélatrice de la façon dont on peut

traiter les gens.

Il y a des choses formidables qui ont été faites.

Je ne suis pas du tout en train de canarder

tout, c'est pas vrai.

Mais on a oublié, je pense,

ce très important, l'essentiel.

Concernant les conditions de la mort de votre père,

vous semblez dire qu'il a été

euthanasiais en vérité,

sans votre consentement,

et sans que vous n'ayez été consultés.

Ce qui est contraire à la loi Léonétie

qui implique une consultation

d'une invitation de la famille.

On a poussé la morphine

contre votre avis.

On est d'accord ?

Oui, tout à fait.

En disant que j'étais dans le déni,

ainsi que mon frère,

et que mon père souffrait,

alors que j'aurais bien voulu,

qu'on me dise qu'il souffre,

j'aurais bien voulu qu'on prenne soin de lui,

et qu'ils ont appuyé

sur la poche de la morphine.

Il est parti ainsi en disant

qu'ils sont des lunettes absolument incroyables.

Imaginez des lunettes

avec deux petits tubes qui vous rentrent dans le nez,

qui vous envoient des doses d'oxygène très forte,

et ça, c'est à vraiment sauver beaucoup de gens

du coronavirus.

Et il y a des gens qui ne supportent pas le masque,

donc ils lui ont laissé le masque, ils lui ont attaché les mains,

sans nous prévenir,

et on l'a laissé tout nu.

Comme mettre un patient tout nu, ça n'existe pas, ça non plus.

Voilà, c'est...

Dans son urine,

pendant trois heures,

il y a quand même ce qui est quand même fou.

Et à la fin, donc il y a un sujet pénal,

si les conditions d'application

de la loi Léonétine ne se sont pas

appliquées, alors

il y a un sujet pénal. Est-ce que vous avez porté plein de...

Oui, j'ai porté plein de contriques.

Quant aux conditions de la mort de votre client.

Bien sûr, tout à fait, j'ai porté plein de contriques,

et mon avocat s'en occupe

en ce moment.

Et je crois que c'est très important,

parce qu'à un moment donné, on ne peut pas tout accepter.

Je ne le fais pas de façon belliqueuse.

Il y a tout un débat,

autour de la judicialisation de la société,

la but de procédure,

qui encombre les tribunaux,

au fond là,

un compréhension qu'on aurait

à travers les procédures,

du fait que la médecine

n'est pas un métier exact.

Oui, mais moi, je peux pas accepter

l'inacceptable. Il le disait, mon père,

un médecin vous dira toujours,

ou un chirurgien, après

une opération, si la l'opération

s'est pas bien passée, c'est dans l'occurrence

si le patient ressort mort du bloc,

c'est le patient qui n'a pas supporté.

Donc on met tout sur la faute du patient.

Je comprend cette phrase, je l'entends,

je dis pas que je suis complètement d'accord,

mais je trouve qu'il est indispensable

de pouvoir se remettre en question

et d'arrêter la robotique.

Les médecins ne doivent pas être des robots,

il y a des médecins extraordinaires que j'ai rencontrés dans ma vie,

et puis il y en a d'autres, poussés par une certaine pression,

aussi par la volonté du petit chef,

comme le petit chef qui dit non,

il y a des moments, je trouve ça inacceptable.

C'est quoi le dernier moment,

qui peut fixer le dernier moment de la vie de quelqu'un ?

Personne ? Personne ?

Après la mort, alors là aussi,

il y a des bâts, vous semblez dire, vous,

qu'il n'y a aucune raison valable

d'empêcher les familles

de se recueillir

auprès du corps, au funérarium,

comme on le fait dans tous les autres cas.

Donc là, on bannit aussi les rites funéraires.

Le coronavirus a démontré ça aussi,

c'était qu'il n'y a plus de rites funéraires,

c'est de la fin d'une civilisation.

C'est très bien que le coronavirus

s'attrape avec la respiration

ou des petites gouttelettes, comme on nous l'a expliqué,

généralement quand on est mort,

il y a beaucoup de difficultés quand même

à ce qu'on respire encore, ou alors donc la personne n'est pas morte.

Donc cette interdiction

de voir le défunt n'a aucun sens.

Ce sont des mesures totalitaires

complètement folles et iniques

qui peuvent pousser vraiment

à des très grosses dépressions,

de pas savoir si c'est la bonne personne

qui est dans le cercueil. Je sais qu'il y a eu des erreurs

qui ont été commises, on n'a pas enterré

les bonnes personnes, moi je ne sais pas

si c'est mon père qui est dans le cercueil.

Je ne sais pas, je ne l'ai pas revu.

Donc je trouve ça...

Ça, ça peut nourrir les malheurs pour une vie entière.

Bien sûr, bien sûr des vraies angoisses.

Alors vraiment, il n'est plus là.

Après, il y a des gens qui vont dire, c'est pas grave,

si c'est pas lui. Alors c'est qu'à là,

plus rien n'est grave, quoi. Vous comprenez ?

On est quand même dans une déliqué sens

à la fois de la morale et de l'éthique.

Il est décléré. Voilà, je ne suis pas

dans l'ombre, je souhaite

une lumière bonne et réconfortante

et j'espère, évidemment

qu'il n'y aura pas d'autres épidémies,

j'espère que celle-ci va s'éteindre

très rapidement, mais il va

falloir réfléchir à deux mains

si jamais il y a une nouvelle épidémie.

Comment fait-on ?

Pour être plus humain et moins administratif

et moins technique. Bien sûr.

Et puis pourquoi ne pas pouvoir visiter

alors que les infirmières peuvent rentrer dans une chambre ?

On a proposé, beaucoup de familles ont proposé

de s'habiller de la même façon que les infirmières

pour aller voir leurs proches, on nous dit non.

Ça c'est terriblement

dévastant, ce nom

c'est tellement formidable de pouvoir dire oui

et trouver des solutions. C'est-à-dire qu'il y a des directeurs d'hôpitaux

qui l'ont fait en France en disant

ça, il n'est pas question que les familles ne puissent pas voir.

Mais c'était un législatif individuel des directeurs ?

Oui, c'était exactement, tout à fait.

Votre livre s'appelle

« Mon histoire, c'est votre histoire, je le conseille vivement

à tous ceux qui s'intéressent

à cette crise du Covid-19

signé Stéphanie Bataille

aux éditions de l'Observatoire.

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En janvier 2021 à Paris. L’acteur Etienne Draber meurt après avoir contracté la Covid à l’hôpital. Sa fille a été empêchée de le voir et n’a donc pas pu lui dire au revoir. Aujourd’hui, sa colère est toujours vive.