Bookmakers: Constance Debré (2/3)
ARTE Radio 10/18/23 - Episode Page - 45m - PDF Transcript
C'est sa morale qui me plaît, son rapport au monde qui m'excite.
Albert ne travaille pas, elle violie, elle réfléchit, ou elle dort.
Elle n'a même pas besoin de dire qu'elle a eu aigle quand elle était enfant pour
se justifier.
Et pour la thune, elle se démerde, toujours au bord de l'abîme, enfin quelqu'un qui
vit dans mon monde.
Un jour, elle m'a demandé, c'est quoi notre milieu ?
J'ai répondu l'upper-classe de la déclasse, qui tout double mon amour, je ne suis pas
gay, moi aussi, moi non plus, mort moi les seins, ce n'est pas homose et sexuel, à
la rigueur je te kiffe et appelons nous par nos noms de famille, c'est fou d'avoir
la peau si douce, je n'enge pas de parfum, ça je ne l'avais pas prévu, mon vieux.
Monsieur le Président, mesdames et messieurs les jurés, les faits qui sont reprochés
à constance de brés sont à cablan.
Prenons la phrase suivante, écrire est un coup d'état, l'affirmation d'une autorité
sans justification ni explication et qui se fout d'être légitime, c'est comme dans
l'amour quand on se penche et comprend.
De loin comme de près, constance des contenances, elle a rompu avec le couple l'hétéro-sexualité,
un travail stable, le confort matériel d'un appartement douillet pour écrire et ne faire
que ça, sauf bien sûr quand elle nage à la piscine 2 km de crole par jour et enchaîne
les conquêtes féminines, tel un don juant androgine au cheveu de plus en plus court,
tatoué de toute part avec les mots « Plutôt crevé » dans la chair de son cou.
Tout ceci debrait leur raconte de façon frontale et effrontée, cependant pudique dès qu'il
s'agit des sentiments, d'ampléboïs et les deux romans suivants, à peine cachés
derrière l'altérégo qui porte son prénom via des phrases courtes et des chapitres au
rasoir qui captivent son auditoire.
Paru aux éditions stock, Playboy se vendra tout format confondu à 30 000 exemplaires.
Le geste impressionne, mais crise aussi une partie de la critique, qui lui reproche la
trop grande simplicité de son style, ou la bourgeoisie teintée d'aristocratie de sa
lignée, souvent sans savoir quelle est réellement son histoire.
« C'est important de déplaire et j'ai toujours trouvé infiniment sexy d'avoir
des ennemis, dit-elle, il faut totalement assumer l'arrogance.
»
Dans ce deuxième épisode, examinons les fondations du casier littéraire de l'ex-avocate Constance
Debré, son goût pour l'oralité, le risque et le sens de la responsabilité, qui lui
permettent de conjurer cette sensation permanente, détouffée sous le brouhard.
Examinons aussi l'influence de Guillaume Dustan et de Christine Angot, ses antécédents
au service de la justice, quand elle était l'une des petites vedettes du barreau de
Paris, et les deux points communs essentiels qu'elle continue d'observer entre une plaidoirie
et l'écriture d'un roman, toujours le moins de mots possibles, et les choses graves
doivent être dites.
Constance Debré, en 2008, événement, vous devenez la maman d'un petit garçon.
Dans des années qui suivent, les invitations à dîner entre parents d'élèves vous en
nuit à crever.
Vous en parlez dans Playboy ?
Je les écoute parler de leurs appartes qui sont tous en train d'acheter.
Ils n'ont pas l'air heureux.
Les mecs s'emmerdent et les femmes se trouvent vieilles.
Ils partent tous en vacances au même endroit.
Ils se retrouvent à Mojave, Biarritz et en Grèce l'été.
Peut-être que je ferai la même chose si j'avais des ronds.
Parfois, j'ai envie de leur dire qu'ils s'emmerdent pour rien, qu'ils feraient mieux
de ne plus penser à tout ça, qu'ils pourraient très bien vivre sans acheter d'appartes,
sans penser au carreau de leur salle de bain et passer l'été à Paris.
C'est tellement chiant les vacances.
Ah oui, ça, ça n'a pas changé.
Je ne comprendrai jamais l'obsession des vacances.
C'est tellement chiant les vacances, heureusement il y a le travail.
Si je me fie à un article assez toutfus qui vous fut consacré dans le magazine Vanity Fair,
l'un de vos anciens supérieurs, le bon pire mazot, vous présente en 2007 au président
de l'Assemblée nationale, Bernard Hacoyer, qui vous embauche pour rédiger ses discours
de 2007 à 2010.
À ce poste, vous apprenez, avez-vous confié, à ne surtout rien dire.
Comment est-ce qu'on fait pour ne rien dire ?
Dans un texte, bien sûr, parce qu'au micro, je crois que je vois.
C'est affreux.
Non, non, mais c'est quand même un des grands jeux de la politique.
Je ne l'ai pas complètement méprisé, la politique.
Je sais qu'il y a des gens qui ont, qui travaillent beaucoup, qui essayent d'être
honnête dans ce qu'ils font, dans diriger un pays.
Bon, mais c'est désespérant quand on voit ça de près.
Il faut ne rien dire et qu'on paye des gens pour écrire des choses vides.
Ça ne va pas du tout.
L'ennui va cesser un peu grâce à une nouvelle spécialité, le droit pénal.
En décembre 2010, vous prêtez serment comme avocate.
Comment vous sentez-vous précisément ce jour-là ou plutôt le lendemain ?
En fait, je travaillais beaucoup dans les caménavocats, mais curiousment,
je n'avais pas le barreau, donc il fallait régler le truc.
Je voulais plaider et faire du pénal parce que là, ça me paraissait la vraie
manière d'être avocat.
Il était temps, donc j'étais contente de le faire.
Ce n'est pas impressionné par ce genre de choses.
C'est toujours un peu ridicule des corps-hommes.
Madame le ministre, mesdames et messieurs les hauts magistrats,
madame le bâtonnier, mesdames et messieurs les bâtonniers,
mesdames et messieurs, monsieur le président du Conseil constitutionnel,
surtout.
La question, c'est la souveraineté.
Comme souverain, j'ai mis des espions dans les campagnes,
des forteresses dans les montagnes, j'ai lâché des serpents,
j'ai rendu les animaux féroces, j'ai semé la peste,
j'ai déplacé les constellations, j'ai multiplié les éclipses,
j'ai supprimé la lune.
Comme rebelle, je bas le pays et j'encourage la haine.
Je suis sûre des discours subversifs,
à l'oreille sans défense, du pauvre et de l'outragé.
Je dessine des armoires immensongères,
je promets des titres, à des hommes aussi incultes qu'ingénus.
Dans les grottes, j'accumule les armes,
j'entraîne les paysans aux tirs.
Dans les montagnes, j'établie des campements,
je cueille des herbes maléfiques.
Je connais tous les itinéraires nocturnes,
les yeux scrutes, dans les constellations et la lune,
la date de la révolte.
Constance Debré, discours de rentrée solennelle du Barreau de Paris
et de la Conférence, enregistré en 2013, au Théâtre du Châtelet.
Vous passez ce qu'on appelle la Conférence du stage,
un concours d'éloquence, une battle de plaidoiries en public
devant des confrères ou des conceurs.
Un vieux concours qui est fait pour sélectionner 12 avocats
qui, pendant un an, vont être envoyés par le Barreau
pour défendre à la Commission de Fils,
les cas les plus difficiles, donc essentiellement des assises,
des situations de terrorisme et puis aussi du tout venant,
c'est-à-dire des comparations immédiates.
Votre premier sujet était, faut-il s'indigner ?
Et vous estimez que déplorer ne suffit pas,
qu'il faut cogner, construire, désespérer, pleurer, séduire,
réussir, échouer.
Le second sujet est, faut-il tout gâcher ?
Vous dites que tout est déjà gâché et que c'est formidable,
car c'est là que tout commence, nos libertés ont un goût de sous-préfecture,
nos conquêtes, une lumière de centre commercial,
même nos défaites sont aussi ternes que le petit costume
de cet homme de petites affaires qui, dans le train l'autre jour,
remplissaient des tableaux Excel ?
Alors, faut-il tout gâcher ? C'est drôle parce que cette question
traversera un peu vos trois romans à venir,
gâcher les espoirs que la bonne société a placé en vous,
gâcher la fausse harmonie d'un foyer, une histoire d'amour,
l'idée de la famille, une carrière, etc.
Troisième et dernier sujet, l'injure était-elle toujours méritée ?
Vous ventez la ferveur de l'outrage, remarquant que celui-ci
est déjà trop et trop peu à la fois.
Comment préparer-t-on intellectuellement ces concours d'alléocance ?
Sur quelle technique, sur quel chemin de pensée faut-il s'appuyer ?
Ah c'est marrant, j'aime bien que vous ayez retrouvé ces trucs-là
parce que ça, c'est beaucoup plus intéressant que le reste.
Là, il y a beaucoup plus de mon travail à venir qu'ailleurs.
C'est assez démocratique, c'est-à-dire que ce n'est pas un truc de technique.
Il faut convaincre.
Le sujet n'en choisit pas, la position oui ou non, c'est tranché.
Ce n'est pas thèse, entité, synthèse, en fait, on s'en fout.
Si tu vas me convaincre d'un truc, et comme tu veux,
sur des sujets qui ne sont pas du droit, quand vous êtes avocat,
vous devez convaincre des juges, voire des jurés, de quelque chose.
Ce n'est pas forcément l'innocence de votre client, mais de quelque chose.
On ne plaide bien, ou on tient un bon discours de conférence,
que si on dit ce qu'on croit, le bon avocat ne peut pas mentir.
Tout ce qui est artific, les fausses langues,
il est éloquent, il parle bien.
Non, ce n'est pas ça un bon avocat.
Un avocat éloquent, c'est un avocat qui vous convainc,
qui sait se servir de la langue et des idées, de sa présence.
Quand l'avocat est le seul qui parle debout, ça, j'aime beaucoup,
il a un corps et il va vous attraper et vous dire quelque chose.
Ça ne peut marcher que si tout à coup, il va vous faire comprendre
que ceux qui croient, vous aussi, vous êtes d'accord.
Vous aussi, ça vous dit quelque chose de votre existence,
et il faut que ça résonne chez le juge ou les jurés.
Il n'y a aucune technique, il n'y en a aucune.
C'est la même chose pour la littérature.
Tous ceux qui essaient de reproduire, d'utiliser des techniques,
font de mauvais textes, de mauvais livres, de mauvais spley d'oreille.
Non, en fait, vous êtes là tout nu avec cette chose qu'on a tous depuis l'âge de 4 ou 5 ans
qui s'appelle le langage, et on utilise comme on veut.
La littérature, c'est la même chose, il n'y a pas de technique.
Si vous essayez d'appliquer des recettes, vous allez faire de la merde,
vous allez rien dire, vous allez être chiant, en fait,
c'est même pas la peine. Allez, au revoir.
Toujours selon le magazine Vanity Fair,
vous devenez à cette époque pendant un an avec vos 11 camarades de la conférence,
les petites vedettes du palais de justice.
On ne voit que vous, entre comparution immédiate, permanence pénale,
voyage de représentation.
Vous êtes plus âgés que les autres, et l'une des rares femmes.
Plaidez, je crois, vous enchantes, vous aimez ce métier d'homme
qui porte une robe avec une cravate bien phallique qu'on appelle le rabat.
Puis, je vous demandais de nous lire cet extrait de Playboy, s'il vous plaît.
C'est un boulot qui me va.
Personne ne voit mes jeans crad sous ma robe.
Personne ne se demande où je suis quand je ne suis pas au cabinet.
Personne ne me conteste quand je plaide.
Personne ne surveille ce que je fais, ce que je pense, ce que je raconte.
J'aime les coupables, les pédophiles, les voleurs, les violeurs,
les braqueurs, les assassins.
Ce sont les innocents et les victimes que je ne sais pas défendre.
Ce n'est pas qu'ils soient coupables qui me fascinent.
C'est des coupables qui me fassent.
Ce n'est pas qu'ils soient coupables qui me fascinent.
C'est de voir à quel point ça peut être minable à un homme.
Minable en silence.
Minable sans broncher.
Il faut un courage spécial pour tomber.
Les enfants sordides, les parents alcoolos et le no future des vides pauvres,
ça ne suffit pas.
C'est un bon début, c'est vrai, mais ça ne suffit pas.
Je les aime tous, mais je les aime de loin.
Je ne suis pas là pour les sauver.
S'ils prennent 20 ans aux assises, ce n'est pas mon affaire.
S'ils ont eu des enfants satrosses,
et s'ils crèvent dans des prisons dégueus, ce n'est pas mon problème.
Je fais comme tout le monde.
Je viens prendre ma part de viande.
Vous défendez des partis civils blessés par le terroriste Carlos
lors d'attentats ou des djihadistes de retour de Syrie.
Pour vous, il est fascinant, je cite, vous l'avez dit en interview,
d'aller au contact de celui qui a bravé l'interdice suprême,
de celui qui a tué et d'essayer de le ramener vers l'humanité,
car la monstrosité n'existe pas.
Alors ça, c'est malheureusement une phrase
que je n'ai jamais prononcée, qui a été réécrite.
Justement, personne n'est monstrueux,
donc celui qui a tué est mon égal.
Ça m'intéresse, moi, de savoir ce qu'il sait de l'humanité
que je ne sais pas.
Et manifestement, quelqu'un qui a tué,
c'est quelque chose que je ne sais pas.
Moi, ce qui m'intéresse, c'est les choses les plus...
Ouais, les plus...
Dures, les plus violentes, les plus gores, les plus...
C'est rien là, là où l'âme humaine se perd.
Enfin, comme j'aimais les liens de Seuski quand j'avais 16 ans,
et comme je continue de dire de Seuski ou Conrad,
ou des choses comme ça.
Le moment du procès est un moment où la violence est celle de l'État.
Et voilà, une violence qui fait qu'on est dans un procédure pénal.
Mais le moment de la procédure pénale, c'est quelqu'un qui est accusé,
souvent très contraint, puisqu'il est en prison, etc.
Donc celui qui doit être défendu, c'est celui-là.
La victime, il n'y a pas grand-chose à dire.
Enfin, je veux dire, d'ailleurs, les avocats de participi sont là
pendant des dommages intérêts, c'est tout, c'est pas très intéressant.
Le vrai castagne, c'est la défense.
Et bien sûr, quand on est avocat,
il ne s'agit pas de défendre le crime lui-même,
ou de dire que la personne qui est accusée est toujours innocente.
Généralement, d'ailleurs, la question de la culpabilité ou de l'innocence
se pose très peu dans les dossiers.
Mais c'est d'être à côté de celui qui est attaqué, et attaqué par l'État,
qui a, je le rappelle, le monopole de la violence légitime.
Et donc, cette personne qui paraît très différente,
parce qu'on va la résumer à un acte qui va être décrit d'une certaine manière,
et qui est physiquement différente, parce qu'elle est dans un box entouré de gendarmes,
généralement détenus, des fringues qu'elle avait à la van veille,
face à d'autres qui sont sur une estrade déguisée, quand même,
dans des fringues qui d'être du Moyen-Âge.
Tout est fait pour qu'il y ait une rupture d'égalité.
Et faire comprendre, en fait, ce n'est pas vrai.
Ce type-là, c'est vous.
Et que ce qu'il a fait, ça parle de nous tous.
M. de la Cour, mesdames et messieurs les jurés,
deux mots d'explication avant d'envisager la défense de cet homme
que j'ai l'immense honneur, d'assurer aujourd'hui devant vous.
Bon, que vous n'aimiez pas les avocats médiatiques en équite,
je ne vous aime pas non plus.
Et nous ne partirons pas en vacances ensemble au mois de juillet.
Vous savez, nous avons le même âge.
Moi, je pourrais le traiter avec la condescendance des bourgeois en disant,
mais ce type, finalement, c'est qu'un délinquant, un sale mec.
Je peux aussi me dire, mais si j'avais vécu ce qu'il a vécu,
qu'est-ce que je serais devenu ?
Est-ce que vous n'êtes pas, mesdames et messieurs, le fruit de votre histoire ?
Pas que cela, évidemment.
Mais aussi ça.
Quand le soir vous remontez la couverture,
sur l'ajout du petit et que vous passez quelques minutes avec lui,
ce dernier petit baiset de tendresse,
c'est ce qui interdit aux hommes de faire des conneries.
Lui, il a été jeté par la fenêtre.
On a voulu jeter par la fenêtre.
C'est son père qui a fait ça.
Pledoir et Dérick Dupont-Moretti diffusés sur France 2
dans l'émission 13h15 le samedi en décembre 2015.
Comment ça s'écrit une plaidoirie ?
Ça s'écrit pas.
Jamais.
Jamais.
D'abord, le pénal, il y a une part de juste d'audience où il faut réagir,
il faut se lever, poser une question à un témoin qui va être interrogé.
On n'en est pas du tout comme aux États-Unis, c'est moins théâtral.
Et puis à la fin vient la plaidoirie.
Vous mettez quelques points pour pas oublier des points qui doivent être
dits, mais c'est la même chose qu'un livre.
Il n'y a pas de plan, il n'y a pas de méthode.
Si on le fait, on se plante.
Et après, il y a des passages obligés de droit, etc.
Mais c'est assez basique le pénal.
Bon, ben voilà, c'est interdit de tuer.
On a le droit de se défendre.
Il y a des petits principes de procédure.
Mais bon, les peines sont un peu fixées.
Malheureusement, depuis, depuis la révolution, c'est la taux, quoi.
Pour pouvoir se préparer à un tel exercice,
ça demande une très grande maîtrise du dossier.
On plaide quasiment tous les jours.
C'est-à-dire qu'on est obligé d'être forts.
Justement, c'est jamais naturel d'être forts.
C'est pour ça que souvent, sur les grands pénalistes,
ceux qui passent la conférence, il y a beaucoup de très, très
grandimites, des gens qui se sont soignés en se forçant à le plus
l'être, de beig.
Il y a beaucoup de gens qui ont des problèmes de langue,
parce que, justement, pour se contrarier soi-même.
Des asthmatiques.
Et des asthmatiques, bien sûr.
Ce n'est pas pour le plaisir.
C'est des années de prison qui sont en jeu ou des principes fondamentaux.
C'est-à-dire que vous estimez que la justice n'a pas fait son boulot
pour être sûre de sa culpabilité.
Donc moi, si ma la justice de mon pays condamne un mec
alors qu'elle n'a pas fait son métier, ça me révolte.
Et si vous décidez d'être avocat pénaliste,
vous ne pouvez pas l'être à moitié.
Vos petites timidités, vous les mettez de côté.
Ben sinon, on fait un autre métier.
Ma première plaidoire Hida-6.
Ouais, j'avais bien les boules.
Vous savez, c'est comme du pomoréti.
Bon, je ne vais pas commenter ce qu'il fait maintenant.
Mais ça a été un immense avocat.
Avant chaque plaidoire Hida-6, en tout cas, pendant des années,
il vaut miser.
Eh ben oui, au début, on a peur.
Le seul truc, c'est que ça ne doit pas se voir.
Vous avez dit, c'est un métier que j'adorais,
qui paraissait me suffire.
Défendre et plaider, parler pour autrui,
répondre à la question du sens, du sens de l'existence,
autrement que l'écriture, qui me paraissait être la seule réponse possible,
mais à laquelle je n'arrivais pas.
Par la suite, vous avez relevé deux points communs qui permettent de relier
une plaidoirie et l'écriture d'un roman.
Je mets toujours le moins de mots possibles,
car je ne veux pas perdre l'attention de l'audience
et les choses graves peuvent être dites.
Ah oui, j'ai compris comment je voulais écrire
par l'usage que je faisais de la langue à l'audience.
On parle.
Il ne faut pas disparaître en soi.
Il faut être tac, il faut être là.
En fait, il faut être responsable.
C'est ça que j'aime beaucoup dans l'écriture à la première personne.
C'est assumer totalement la responsabilité de ce qu'on dit.
Ok, moi, je vais vous dire des trucs bien directs et bien cash.
Quand il y a des questions de mettre quelqu'un en prison
ou parce que quand on lit, en fait, moi, j'en ai marre,
je ne suis pas là pour vous endormir.
Je suis là pour vous dire qu'on est d'accord qu'il y a quelque chose qui ne va pas.
Et encore une fois, le pendant de la liberté, c'est la responsabilité.
Intervuevez par un site américain, vous avez prolongé cette idée de la responsabilité.
J'en ai traduit l'essentiel.
La loi française est précise, claire et efficace.
Et je pense, comme beaucoup d'écrivains l'ont pensé avant moi,
que c'est le plus beau des styles.
Le but n'est pas de prouver que vous avez lu Spinoza
ou que vous allez au musée voir des performances.
C'est l'une des raisons de l'abrièveté de mes phrases.
Réussir à être simple et compris de tous et de toutes.
Mon vocabulaire est très simple, parce que je veux que mes livres soient très directs.
C'est politique, être compris immédiatement de tout le monde.
Mieux, être ressenti par tout le monde.
Vos textes ne doivent pas uniquement faire de l'effet à un groupe réduit de gens superéduqués.
Je hais cette tendance de l'ennuieuse bourgeoisie française.
Un bon livre parle de ce que nous avons tous et tout en commun.
Ce qui fait de nous des humains, des humaines, pas de nos petites singularités
et surtout pas de nos snobbismes.
La grande littérature est celle qui passe les frontières,
les siècles, parce qu'elle est simple.
Si on se branle avec des idées ou des mots compliqués,
bon, on ne sera jamais un bon écrivain.
Oh, pardon, j'ai l'air de m'envoyer des fleurs.
Mais c'est beaucoup plus difficile d'être simple.
Vous êtes un peu à poil, mais vous êtes obligé d'y aller.
On voit mieux le marin, quoi.
L'un de vos maîtres répugne absolument lui à faire des phrases courtes.
C'est l'un des princes du vocabulaire parmi les plus riches et les plus
sophistiqués qu'il soit dans des phrases d'une virtuosité sidérante
l'empêchant néanmoins d'être compris du plus grand nombre.
Proust a choisi d'utiliser son existence, son enfant, ses rencontres,
son regard asséré sur les plus fortunés comme matériel de base
avant d'emporter le tout vers l'un des sommets de la littérature mondiale.
Sa recherche du temps perdu en septembre 2400 pages au total
écrite de 1906 à 1922.
Proust, que vous mentionnez déjà dans votre premier roman de 2004
pour sa phobie obsessionnelle de la perte et qui revient dans à peu près
tous vos textes et vos interviews par la suite.
J'aimerais savoir à quel moment Marcel surgi dans votre vie
et le choc que ça représente pour vous.
Proust, ça a été très important, il n'est plus du tout.
Et je l'ai commencé à le lire vers 17 ans.
Et je trouvais ça génial.
C'est cette image de Proust, compliqué, justement.
Le Proust est compliqué, sauf que je l'ouvre.
Et en fait, je trouve ça extrêmement simple, mais limpide.
On se laisse tomber dedans, c'est comme un toboggan.
Et à tout d'un coup, on est dedans.
Et puis, je retrouvais des choses.
Il y avait le côté description de la bourgeoisie qui me rappelait
complètement la famille de mon père.
Il a la description de la aristocratie qui me rappelait celle de ma mère.
Et les ridicules des deux étaient quand même ultra drôles.
Vous avez lui laissé sept hommes à partir de 17 ans.
Oui, je ne sortais pas beaucoup.
C'est super, c'est comme une série.
Parce que vous vous décrivez dans Love Me Tender,
comme le baron de Charlus, option sidvicheuse,
qui, je le rappelle, fait le second bassiste meurtrier,
irsut et méchamment toxico des Sex Pistols.
Puis, je vous demandais de lire et de commenter la description
du baron au personnage proustien, tiré du quatrième tome,
intitulé Sodomégomor.
Ah oui, avec plaisir.
À ce moment, où il ne se croyait regarder par personne,
les paupières baissées contre le soleil,
M. Charlus avait relâché dans son visage cette tension,
amortie cette vitalité factice,
qu'entretenait chez lui l'animation de la causerie
et la force de la volonté.
Pal comme un marbre, il avait le nez fort,
plus rien qu'un guérmante,
il semblait déjà sculpté,
lui, Palamed 15, dans la chapelle de Combray.
Clignant des yeux contre le soleil,
il semblait presque sourire.
Je trouvais à sa figure, vu ainsi au repos et comme au naturel,
quelque chose de si affectueux, de si désarmé,
que je ne puis m'empêcher de penser,
combien M. Charlus eût été fâché
s'il avait pu se savoir regarder.
Car ce à quoi me faisait penser cet homme qui était si épris,
qui se piquait si fort de virilie,
à qui tout le monde semblait odieusement et féminé,
ce à quoi il me faisait penser tout à coup,
tant il en avait passagèrement les traits,
l'expression, le sourire,
c'était à une femme.
Proust, le truc bien élevé, l'enfance, la grand-mère,
oui, mais en fait, c'est un roman
ayurissant de l'enfance,
de l'enfance, de l'enfance,
c'est un roman ayurissant de perversions et de noirceurs.
Je rappelle que tout le monde se révèle homosexuel globalement
et qu'enfin, il n'a pas une supervision de la chose,
on n'est pas, ce n'est pas du tout la gay pride.
Les rapports amoureux sont hallucinants,
enfin, je veux dire, le mec, il enferme sa meuf
et du bon niveau de névroses dans Proust.
Quand on vous demande pourquoi c'était coulé autant de temps,
14 ans, ce n'est pas rien entre votre premier roman,
un peu là beaucoup ailleurs,
sortir en 2004, et Playboy en 2018, vous répondez.
En tant qu'avocate de droit pénal, j'ai beaucoup plaidé.
Et tout à coup, ce pouvoir de parler,
on veut en faire quelque chose de plus radical.
Alors on laisse tout tomber
et on n'en a plus rien à foutre de rien
et on se met à vivre avec son ordinateur comme un taré.
Mais quel est le déclencheur ?
Je crois savoir qu'en 2015,
vous rencontrez une femme plus âgée que vous.
J'ai été séparée depuis plusieurs années du père de mon fils,
j'ai pas quitté pour une femme, on s'est séparés.
Et puis j'ai eu une première histoire d'amour avec une femme.
Et première semaine, je me suis dit,
mais en fait, on peut vivre autrement.
La première fois que j'ai couché avec elle,
je me souviens avoir ce truc.
Mais en fait, je peux écrire des livres.
J'ai quasiment, j'aurais pu la quitter pour me dire,
OK, c'est bon, j'ai compris, je vais écrire.
Mon coming-up, Tardif, donc à plus de 40 ans,
a été essentiel dans l'écriture aussi.
Vous avez dit, dans la même semaine,
j'ai couché avec une fille,
je me suis mise à nager et j'ai ouvert mon ordinateur.
Pas pour écrire mon journal, non, pour écrire un livre.
Et j'ai eu le sentiment d'avoir un super pouvoir.
Playboy sera le roman de cette métamorphose.
Vous quittez votre appartement plus cinquième arrondissement.
Vous balancez aux encombrants quasiment tous vos vêtements,
tous les meubles, toutes les merdes et les machines à laver.
La volonté de couper net avec des choses qui vous empêchent,
c'est une expérience extraordinaire.
Puis votre corps change, la nage vous sculpte,
vous vous musclé, vos cheveux sont plus en plus courts
et des tatouages commencent à apparaître.
Vous vous délaissez de l'essentiel,
en vivant dans un studio de 14 mètres carrés,
avec juste deux jeans, des chemises unisex, un matelas,
votre mac et quand même une montre Rolex.
C'est un peu mis en scène.
Je rappelle que ça, c'est d'écrire à partir de la vérité,
de la réalité, pas de la vérité.
Je me mets à écrire, je fais que ça,
parce que je suis un peu monéomaniaque,
donc ça veut dire ne plus être avocat.
Et donc, ça emporte des conséquences de fric,
évidemment radicales,
parce que je n'ai pas d'éditeurs,
je n'ai pas d'argent.
Ce livre que je commence, je vais mettre du temps à l'écrire.
Mais c'est mariant, mais en fait,
ce qui est important, c'est le livre et il faut tenir.
J'ai toujours écu à quelques jeans et des livres et gens,
les meubles, la déco et tous ces trucs,
ça m'a toujours, je trouve ça grotesque.
Enfin même, je trouve ça immoral,
le monde materiel dans lequel on vit, enfin, c'est pas...
Mais là, d'être au plus sec de ça, c'est une bonne leçon,
je pense, parce que même si j'ai jamais eu beaucoup d'argent,
bien sûr que je suis d'un milieu bourgeois
et que j'ai vécu dans des bons quartiers,
dans une bonne ville et que j'ai fait des voyages,
et que je parle anglais et que j'ai eu des métiers cool,
parce que j'ai pu faire des études,
même si je me suis démerdée,
parce que j'avais mon parent et pas de fric, mais...
Bon, et donc d'être déplacé dans une zone où c'est vraiment raide,
c'est plus de cartes, plus de papiers,
franchement, c'est vraiment pas comme on avait bouffé le lendemain,
c'est un peu raide,
mais encore une fois, je n'ai pas dormi à la rue
et des choses comme ça.
Je faisais ce que j'avais décidé de faire,
mais ça qui a ce privilège,
qui est d'écrire un livre.
Alors évidemment qu'on m'a regardé comme une singlet,
un livre, il y avait que moi qui disait que c'était un livre,
c'était juste un document sur l'ordi.
C'est la base de la vie de couple de s'emmerder,
la vie de couple ou la vie tout court.
On était compatibles sur ce point Laurent et moi,
il fume, c'était son activité principale,
son rapport au monde le plus fondamental,
c'est pas si bête.
C'est avant la naissance de notre fils qu'on a pu profiter vraiment,
à fond de cette ennui à deux,
de cette vie où on portait les mêmes jeans
et où je lui piquais ses chemises.
Il y avait ça, un truc comme ça entre nous,
on faisait la même taille, on s'habillait pareil et on se faisait chier pareil.
Bonne base, 15 ans comme ça,
ni bien ni mal, tranquille, à l'abri des bombes,
la baisse et l'amour s'est accessoire dans ces histoires-là,
c'était là bien sûr, mais pas au centre.
Au centre, il y avait un accord plus fondamental,
c'est ce qui faisait qu'on ne s'énervait pas
au moment où on s'aimait moins.
On s'en foutait de ce genre de choses,
ce qui nous plaisait c'était de se lever ensemble tous les matins
et de se dire que c'est pas possible de se fâcher comme ça.
On trouvait ça marrant, ça marchait pas mal.
C'est quand on s'est retrouvé à trois que ça n'a plus marché.
À cause de la bouffe, à mon avis,
les courses se laissent samedi pour remplir le frigo de toutes ces saloperies.
Tout ce temps perdu a préparé nos étrons à venir.
Constance de bré, Playboy.
Mais j'avais un peu du monde, quand même.
Mais ouais, je trouve que c'est une super déclaration d'amour
que je fais à mon ex-là, en fait.
Quand on arrive à cette intimité avec Autrui,
on n'est pas obligé de faire semblant de se distraire,
de s'amuser, de...
On est comme quand on est seul.
Quand on peut être comme ça avec quelqu'un ?
Quand on n'a pas besoin de me remplir par bla-bla-bla-bla,
par je sais pas quoi, des...
Des projets, c'est toujours des projets,
les machins, les week-ends, les vacances.
Alors, alors, c'est bien.
Quand le média en ligne boucalaïche vous demande
qui sont les écrivains qui vous inspirent, vous répondez.
C'est les ceux qui mettent leur peau sur la table.
C'est les ceux qui savent qu'on n'est pas là pour rigoler.
Ou alors très fort.
Qu'on n'est pas là pour rigoler.
Qu'on n'est pas là pour raconter des histoires pour faire joli.
C'est les ceux qui n'ont peur de rien
et qui sont prêts ou prêtes à crever
pour essayer de dire ce qu'on n'arrive jamais à dire.
Je suis affamé de pulsions vitales.
Je me nourris de celles des autres,
de leurs colères, de leurs obsessions,
de leurs chagrins, de leurs élan.
Je suis affamé de tout ce qui déborde,
de tout ce qui est vrai,
de tout ce qui ne s'excuse pas d'exister.
L'inspiration vient de mes contemporains.
C'est les ceux qui parlent de l'existence ici et maintenant
dans le détail, dans la précision
que chacun chacune à leur manière
ont tout résolu par un style,
puisque c'est en fait la seule question qui compte.
Par un style parfaitement singulier et parfaitement moderne.
C'est-à-dire beau sans être joli et toujours simple.
À l'époque où tout le monde porte des jeans,
on ne peut pas écrire comme autant des corsets,
des chiffons, des faux-faux.
Je pense bien sûr à Guillaume Dustan,
à Christine Ango, à Virginie des Panthes.
Comme je suppose que les gens qui nous écoutent
sont plutôt bien enseignés sur l'œuvre de Virginie des Panthes,
prenons le temps de nous pencher sur les deux premiers noms
et ce qu'ils ou elles vous ont apportés.
Démarrons par Christine Ango,
dont l'œuvre s'ouvre en 1990
avec le roman « Vu du ciel »
et qui n'entend rien raconter
qu'on fit-elle mais plutôt dire.
Fortes d'une vingtaine de livres,
son œuvre est traversée de multiples façons
par l'inceste qu'elle a subie
adolescente pendant trois ans,
notamment exposée dans son roman « L'inceste »
en 1999, qui s'écoulera très vite
à plus de 50 000 exemplaires.
Il me semble que si ce livre-là
est le précédent sujet Ango
qui vous ont le plus marqué,
si oui, de quelle manière ?
La première période d'Ango
maintenant franchement j'ai un peu décroché
j'avoue mais enfin j'aime moins.
J'aime Ango justement
son truc qui est de dire et pas de raconter.
Quelque chose de l'ordre de la performance
ça c'est hyper beau
et puis elle a un côté désagréable
et méchant
qui est un peu impressionnant.
Attendez
est-ce que
ce qui nous intéresse
c'est de savoir
si c'est moi un peu
moi un petit peu, moi à quel degré
moi à 50%
ma mère à 75%
c'est intéressant ça vous trouvez ?
Non, je crois qu'il y a des tas d'autres choses
Oui mais pourquoi on se la pose ?
Parce qu'on préfère ne pas regarder le reste ?
C'est quoi le reste ? Le style ?
Le style ça c'est un minimum
Le style si vous voulez ça sert à quoi ?
Ça sert juste à faire entendre
ce qu'il y est pour que ça parvienne
Le style c'est le teindre sur l'enveloppe
Si le style
ne permet pas
au lecteur
de comprendre dans la seconde
ce qui se passe, le style ça sert
au fait que la personne n'a rien à faire
elle n'a pas à réfléchir.
Christine Ango intervue par François Bunel
dans la Grande Librairie
sur France 5 en novembre 2015
Passons à Guillaume Dustan
qui fut bien souvent associé dans les années 90
pour qu'un critique ait pu dire
qu'il était son alterango.
Comme l'a écrit Le Monde
fils d'un psychiatre et d'une architecte d'intérieur
diplomais de Sciences Po Paris
Guillaume Dustan de son vrai nom William Baranes
intègre Léna en 1988
2 ans plus tard il apprend qu'il est serre positif
d'abord conseiller auprès du tribunal administratif de Versailles
ils auront avec la carrière de haut fonctionnaire
pour se jeter à corps perdu dans l'écriture
Dans ma chambre, son premier roman
Paris en 1996
c'est le début d'une oeuvre tout entière dévolue
à l'autofiction Trash
et je cite Ego centrifuge
sur fond de sida et de drogue au rythme de la techno
il y aura ensuite je sors ce soir
plus fort que moi et Nicolas Page
qui lui vaut le prix de flore en 1999
Guillaume Dustan est mort à 40 ans en 2005
d'une intoxication médicamenteuse
involontaire
Vous partagez avec Dustan des origines sociales
un métier juridique, une bifurcation soudaine
pour ne faire qu'écrire et la pratique
de l'autofiction. L'avez-vous connu
ou rencontré par hasard ?
Les amis qui étaient très proches de lui
mais non non non
mais j'ai pas besoin d'ailleurs de rencontrer ces crémins
ça m'intéresse assez peu
Dustan est beaucoup plus qu'en go
très important parce que je trouve que ces phrases
sont extraordinaires
C'est un moraliste
Moi c'est un héritier aussi du français du 17e
qui est celui que je préfère
on est en bien bien Trash
et il s'expose à mort
c'est magnifique
Peut-être au moment de Playboy
...
c'est qu'il n'y a pas 36 solutions
en littérature
soit on invente tout et on s'expose
à une relative pauvreté de détail
sauf à réintroduire de petites merdes
vécues dans l'histoire inventée
soit on raconte sa vie
et on s'expose à une relative faiblesse
dramatique sauf à faire des mutants
greffant des événements et des personnages
les uns sur les autres
en littérature soit c'est soi
soit c'est du bidon
les vagues et la promenade au phare de Virginia Woolf
c'est de l'autofiction
Madame Bovary c'est lui etc
de l'autre côté il y a
Borges, Joyce, Faulkner, Rob Grayay
Pérec, Lollipot
Claude Simon, Litany, Liturgie
Lethargie
D'accord il y a toujours des pages à sauver
qu'en part miracle ils mettent quelque chose
vraiment d'eux sur le papier
des monologues de la putain enfermés
Faulkner, des trucs dans le jeune Joyce
merde à la dictature du vrai roman
dans sa version droite
classique avec un héros jeune et beau
ou de gauche
expérimentale avec des chaises
moi aussi j'avais essayé de faire de la vraie littérature
échec total
alors que je n'arrivais pas à comprendre ma propre vie
comment est ce que je pouvais passer mon temps
à raconter celle des gens
que je ne connaissais même pas
l'irrespect
quand Dustin
parle d'autres écrivains
pour dire ouais franchement Joyce c'est vraiment de la merde
peut-être deux trois pages
au début à sauver mais sinon c'est soulant
c'est très très drôle
c'est le geste qui est beau
l'insolence ça voudrait dire
que c'est pas normal
de se considérer à égalité
parce que écrire et surtout écrire à la première personne
c'est faire
preuve d'autorité
parce que sinon on embarque personne
c'est comme quand en pleine si vous n'avez pas d'autorité
si votre jeu il n'est pas fort
personne ne va venir avec vous
ah ouais ok tu parles comme ça Joyce
attends tu m'intéresses
mais évidemment qu'il y a une prise de pouvoir
vous avez besoin
d'écouter ce que j'ai à vous dire
ah ouais mais enfin d'où tu parles
oh taisez vous écoutez moi
exactement comme quand l'avocat
se lève et dit m'être vous avez la parole
très bien et donc là le seul pouvoir de l'avocat c'est de parler
on n'a pas le droit d'interrompre jusqu'à ce qu'il est fini
c'est un immense acte d'autorité
alors
sur la question de l'autorité
j'aimerais vous lire une citation de l'écrivaine américaine
Joanne Didion
tiré de son recueil pour tout vous dire
par bien des aspects écrire c'est l'acte de dire je
d'imposer sa présence à autrui
de dire écoutez moi
voyez les choses à ma façon changez de point de vue
vous avez besoin d'écouter ce que j'ai à vous dire
c'est un acte agressif hostile
vous pouvez déguiser cette agressivité
autant que vous voulez en la voilant
de propositions subordonnées, de qualificatifs
et de subjonctifs précautionneux
taisez vous écoutez moi
délibs et de dérobades
en convoquant tout l'arsenal qui permet d'intimer
au lieu d'affirmer
de suggérer au lieu de déclarer
mais inutile de se raconter des histoires
le fait est que poser des mots sur le papier
est une tactique de brut sournoise
une invasion
une manière pour la sensibilité de l'écrivain
d'entrer par réfraction dans l'espace
le plus intime du lecteur
je l'adore
c'est exactement ça
c'est un acte violent
moi j'en peux plus
cette société on dit ah moi je suis hyper gentil c'est l'outil dégueulasse
société de la bienveillance vous voulez dire
non mais c'est faut arrêter en fait on est tous des brutes
sournoise ou pas sournoise
et la hétérature est un acte violent
d'ailleurs si elle n'est pas
je ne m'intéresse pas
le premier titre de travail de ce roman
playboy n'était pas playboy mais cruel
pourquoi avoir changé
et qui a eu la très bonne idée de playboy
bah moi non c'est mieux
c'est plus direct voilà
j'ai jamais eu d'emblée le bon titre
c'est toujours une sorte de titre je me dis je le mets
je m'en fous et ça est vraiment à la fin
que je dis ok bon bah c'est ça
et cruel ça sonne bien quand même
ça va on voit moins de quoi il s'agit
donc il fallait faire le hold up jusqu'au bout
pour le celui-ci c'était pas vital
mais c'était pas loin
depuis 8 ans la nage
est une constance dans votre vie et votre oeuvre
vous effectuez je crois 2 km de
crawl tous les jours dans des piscines municipales
2 km 40 minutes tous les jours
depuis
un mois j'essaye de baisser
j'ai décidé de faire qu'un km et demi
donc ça fait qu'une demi-heure
non mais c'est grotesque je veux dire c'est un moment
c'est une addiction
enfin moi c'est la seule que j'aime et ça c'est un truc
que j'ai appris de mes parents c'est super
parce que ça me permet de découper le temps
c'est un rapport à soi
et celle-là est pas mal elle est assez pratique
il y a un peu des piscines dans tous les
pays du monde ça coûte pas trop cher je me suis
toujours bien démerdée mais il faut que je baisse un peu
parce que
faut pas être trop panique ça devient un peu
de la connerie à un moment
j'ai bien conscience que là je vous parle comme quelqu'un
qui parle à sa brosse à dents
un peu
vous parlez dans votre description du mouvement
et de l'hygiène de vix là vous procurez
du plaisir de l'adresse
non alors je peux parler de la nage je dirais
pour dire que ça n'a absolument aucun intérêt
pour moi
c'est un truc d'hygiène je l'ai mis dans mes livres
en revanche le plaisir de la nage
ce que ça fait les écrivains qui parlent de la nage
franchement ça me fait chier à crever
au début je trouvais que c'était super quelqu'un qui fait
quelque chose tous les jours comme quelqu'un qui mange
toujours la même chose que j'ai un peu tendance à faire
aussi et je le mets en scène comme une sorte de
rituel et de discipline après il faut bien le décrire
un peu mais le matin ça m'emmerde
chaque fois que je le fais j'attends qu'une chose
c'est la dernière putain de longueur et comment on
passe à autre chose aucun intérêt
voilà aucun les petites dingrées ça c'est rigolo
faut quand même jouer avec ces propres dingrées
comment ce livre Playboy arrive-t-il
aux éditions stock?
par la poste et puis il y avait quelques marques d'intérêt
ici ou là mais qui n'ont pas buti
notamment Grassez, Oseuil
et puis on m'a donné le nom de Carcassonne
je l'envoyais à Manuel Carcassonne
qui dirige stock
qui m'a répondu très vite
et qui m'a dit oui donc ça c'est super
on s'est engueulé par la suite et je suis parti
je suis maintenant chez Flamarion avec Alex
Peunon c'est très bien mais merci
Manuel Carcassonne d'avoir publié Playboy
vous êtes engueulé pour des questions littéraires?
ça ça vous regarde pas
mais encore une fois je garde de l'amitié
et on a le droit de s'engueuler avec les gens
ça m'offre ce que pas en fait les engueulades dans la vie
comment avez-vous travaillé sur ce texte
avec Manuel Carcassonne
ou qui que ce soit les éditions stock?
il voulait que je raconte plus de choses perso
il y avait une collaboratrice
de Manuel
il y a des discussions
l'éditeur et le premier lecteur
évidemment que je suis pas fermé à ce qui se passe
c'est quand même ma curiosité
c'est quand je vais balancer le texte
à autrui
et après ça dépend de la discussion
par exemple Alex peut me dire
ah ouais ça peut-être tu peux le mettre là
et je lui dis ah bon tu crois
je regarde souvent je lui dis non
et parfois je lui dis oui t'as raison
peut-être c'est mieux là
c'est très très très superficiel
il me semble enfin
moi je suis très très frappée
le fait que personne ne me corrige jamais
je me relis 250 fois
ah ouais ok
vous êtes fly en fait
vous avez été viré au bout de 15 jours
dans un stage d'un camion d'avocat
et je parle même pas des livres
que j'essaye de lire autant de temps
à quel point vous voyez des fautes hallucinantes
mais c'est pas des fautes
c'est d'imprécision, de la pensée, de la langue
c'est dégueulasse
mais après c'est aussi mon caractère
sur ces choses là
oui je pense que j'ai de l'autorité aussi
et justement ce qui est très agréable
j'ai plutôt parlé d'expenance
quand même avec quelques discussions
je crois qu'elle me fait confiance
elle comprend
que je sais où je vais
je teste mon texturiel
je pense qu'il faut être complètement mégalo
sinon c'est même pas la peine
mon expérience
c'est qu'en fait on est assez seuls
l'éditeur il n'a pas le temps de comprendre ce qu'on fait
il n'a pas le temps
il fait plein d'autres choses
je vais vous donner un exemple qui me revient
dans le studio et qui travaille avec Alex
qui est Alice Enyter
par exemple leur dialogue
elles ont toutes les deux sur les textes d'Alice
amène Alice très souvent à reprendre
à réarranger, à écrire davantage
à couper énormément
d'abord elle vient du théâtre
donc elle a un truc collectif
sport collectif je ne comprends pas
je crois que j'ai un problème de cerveau
je ne comprends pas
je sais nager dans une ligne
je fais de l'escrime donc ça c'est à deux
d'autres gens je ne comprends pas
et j'ai toujours fait des boulots solitaires
on apporte la responsabilité de l'analyse du dossier
donc non je suis pas hyper bonne
dans le dialogue
son avis compte mais je ne pense pas
que ça me fasse écrire
c'est un truc de caractère
depuis que je suis très jeune je sais qu'on peut compter que sur soi
qu'est ce qu'il change à ce moment là
dans votre vie concrètement en un an
à compter de la sortie
je suis écrivain
et donc je peux continuer à écrire
c'est tout
déjà j'ai un éditeur pour le suivant
je marchais un peu sur les toits
j'ai un contrat à l'avance
j'ai un peu plus d'argent c'est pas non plus la grande vie
mais
je commence à sortir
des quarantièmes rugissants
oui
plus de confiance pour continuer à écrire c'est tout
mais enfin avec l'incertitude de chaque livre
la question du statut n'existe pas
quand à mon avis on est écrivain
c'est quand même essentiellement qu'on a un peu
un problème avec les autres
et qu'on préfère être tout seul dans sa chambre
oui mais un livre qui me marche bien
notamment auprès des libraires
et auprès de la presse
implique une existence publique on vous voit
oui enfin vous faites deux émissions
et trois interviews et après
vous tournez le retrait chambre
oui enfin
c'est pas
un groupe de rock littérature
Sous-titres par la communauté d'Amara.org
Machine-generated transcript that may contain inaccuracies.
Play plaidoirie
Bookmakers #26 - L'autrice du mois : Constance Debré
Née en 1972 à Paris, Constance Debré se décrit parfois comme « le baron de Charlus option Sid Vicious ». C’est-à-dire : un authentique noble proustien, raffiné et ambigu, qui aurait mis les doigts dans la prise du punk des Sex Pistols, avec le désir revendiqué de « dire la violence » et « l’obscénité » de nos « vies lamentables ». « C’est jubilatoire », confie-t-elle avec un léger chuintement dans la voix, qu’elle nomme avec humour son « accent snob ». Ex-avocate pénaliste, elle est surtout l’autrice, en seulement cinq ans, de quatre livres à succès principalement autofictionnels, épurés et nerveux, en rupture avec les conventions sociales ou familiales, de « Play boy » (Stock, 2018) à « Offenses » (Flammarion, 2023).
Constance Debré (2/3)
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les juré·e·s, les faits reprochés à Constance Debré sont accablants. Prenons la phrase suivante : « Écrire est un coup d’état, l’affirmation d’une autorité sans justification ni explication et qui se fout d’être légitime. C’est comme dans l’amour, quand on se penche et qu’on prend. » De loin comme de près, Constance décontenance : elle a rompu avec le couple, l’hétérosexualité, un travail stable, la possession et le confort d’un appartement douillet, pour écrire et ne faire que ça ; sauf, bien sûr, quand elle nage à la piscine deux kilomètres de crawl par jour, et enchaîne les conquêtes féminines tel un Don Juan androgyne aux cheveux de plus en plus courts, tatouée de toutes parts – avec les mots « plutôt crever » dans la chair de son cou. Tout ceci, Debré le raconte de façon frontale, impudique, dans « Play boy » et les deux romans suivants, à peine cachée derrière l’alter-ego qui porte son prénom, via des phrases courtes et des chapitres au rasoir, qui captivent son auditoire.
Paru aux éditions Stock, « Play boy » se vendra tous formats confondus à trente mille exemplaires. Le geste impressionne, mais crispe aussi une partie de la critique, qui lui reproche la trop grande simplicité de son style ou la bourgeoisie teintée d’aristocratie de sa lignée, souvent sans savoir quelle est son histoire. « C’est important de déplaire et j’ai toujours trouvé infiniment sexy d’avoir des ennemis », dit-elle. « Il faut totalement assumer l'arrogance. »
Dans ce deuxième épisode, examinons les fondations du casier littéraire de l’ex-avocate Constance Debré, son goût pour l’oralité, le « risque » et le sens de la « responsabilité » qui lui permettent de conjurer cette sensation permanente « d'étouffer sous le brouhaha », l’influence de Guillaume Dustan et de Christine Angot, ses antécédents au service de la justice, quand elle était « l’une des petites vedettes » du barreau de Paris, et les deux points communs essentiels qu’elle continue d’observer entre une plaidoirie et l’écriture d’un roman. « Toujours le moins de mots possible. Et : les choses graves doivent être dites. »
Enregistrement : septembre 2023 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son, réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Montage : Mathilde Guermonprez - Musiques originales : Samuel Hirsch - Piano : Vincent Erdeven - Lectures : Samuel Hirsch, Manon Prigent - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Clarisse Le Gardien, Joseph Hirsch, Lou Marcelet, Alicia Marie - Production : ARTE Radio
- Samuel Hirsch