La source: Catherine Meurisse et ses sources

Radio France Radio France 4/30/23 - Episode Page - 57m - PDF Transcript

Le dessin est beaucoup plus important pour moi, je ne vois que ça, je ne vois pas comment

m'exprimer autrement, même si j'ai beaucoup recours à la littérature, au point de la

cité souvent, la littérature, la philosophie, vraiment j'aime, j'aime extraire des morceaux

de texte et tourner autour, détruire côté, amuser avec les clichés aussi.

La source, c'est l'endroit où les histoires naissent, le lieu où les personnages sont nourris

et les paysages dessinés. Mais le dessin prime, c'est vraiment ce qui m'habite complètement.

La source, c'est Syl Coulomb sur France Inter.

Que voyez-vous lors de votre âge quotidien, dans la rue, dans le métro, en voiture, sur

quel détail votre œil s'arrête-t-il quand vous attendez le bus, le tram ou le RER ? Dans

quelle campagne d'enfance, de vacances ou de fictions, se réfugie votre âme quand le bruit

des villes devient invivable et sale ? Dans quelle ornière se trouvent vos couleurs préférées et vos

souvenirs les plus doux ? Souvent, les enfants apprennent à dessiner, à copier et à transformer

les formes autour d'eux avant d'apprendre à écrire. La forme précède le mot et le trait la

phrase. Personnellement, je n'ai jamais su dessiner un arbre, une fourmi ou un buisson,

tous mes essais ressemblaient à monsieur Patate. Mais pour Catherine Meurice, c'est l'inverse,

le crayon n'a jamais quitté sa main. Du rouleau de papier de toilette, en passant par la couleur

des pierres, de sa première nouvelle intitulée Le mur de Berlin Pimpin à son dernier ouvrage

humaine trop humaine, le dessin, drôle, évident et profond, convoque les classiques littéraires,

philosophiques et surtout la campagne qu'elle a si bien connu.

Bonjour Cécile, c'est Catherine Meurice, j'aurais adoré qu'on se retrouve dans une forêt primaire

ou au bord de l'étend Walden, parmi les loups, les lynx, les béraux, l'éthique et tout ça,

mais en fait non, ce sera le jardin d'étudier à Paris, parce que pour le moment, j'ai que ça

en magasin que vous proposez. Précisément près d'un des deux petits bassins au centre du jardin,

sous les marronniers, vous verrez, c'est à côté du café qui s'appelle la terrasse de Pomon. Et

d'ailleurs Pomon, c'est une naine que je viens de l'apprendre, qui déteste la nature sauvagée,

quand j'irai lui parler. Voilà et puis, si le plavère, on se débrouillera, on se baladera,

on ira chercher les escargots. Voilà, à demain. Nous n'avons pas trouvé des escargots,

mais nous nous sommes assis sur de jolies chaîses vertes face au pelouse du jardin,

avec vue sur le Louvre. Pendant une heure, nous avons discuté de ce que cela signifie dessiner,

avec en tête et en papier, les mots des auteurs classiques.

Alors nous sommes au jardin des tuileries à Paris, il fait un petit peu gris. Juste en face de nous,

il y a des pieds de prime vert, on dirait, des trucs qui n'ont pas tardé à fleurir,

parce que maintenant, il peut réglérer des règlements thématiques tout fleurine,

n'importe quoi. Et donc, nous avançons de la pelouse, et en face de nous, le Louvre,

le pavillon moliens, la pyramide là-bas, à gauche l'aile riche-lieu du Louvre, la grande,

je veux dire, la grande ours, pas du tout, la grande roue. Oui, en fait, c'est un lieu,

je vous expliquais, j'ai aimé imaginer d'autres choses que ce que je vois là,

donc on peut imaginer les étoiles, mais non, c'est la grande ours,

parce qu'il y a une fête forenne qui est toujours ici. Et ici, je me retourne,

là, je quitte le micro, derrière nous, il y a le bassin, un bassin en travaux,

il y a beaucoup de travaux dans ce jardin, c'est très brillant. Beaucoup de touristes,

beaucoup de travaux, mais un lieu qui peut être un lieu d'inspiration aussi, malgré tout.

Si vous deviez décrire ou dessiner cet endroit à quelqu'un qui n'est jamais venu,

qu'est-ce que vous diriez ou par quel trait commenceriez-vous ?

Alors, ça pourrait se schématiser, je l'imagine assez bien vu du ciel,

évidemment parce que les jardins sont la française, donc on a des formes géométriques vertes,

qui sont les carrés de pelouse ou les triangles ou les rectangles,

des bassins, de grands bassins circulaires, deux autres bassins rectangulaires,

voilà, en fait, c'est un cours de géométrie sinistre.

Et sinon, je prendrai en détail ce que j'aime beaucoup dans le jardin, ce sont les statues,

donc je pourrais dessiner, vous voyez là-bas, il y a un petit pigeon sur la tête d'une statue,

c'est une position classique, vous pourrez... Toutes les statues sont dénudées, bien sûr,

donc gague à la clé, enfin évidemment, il y a forcément un truc marrant à faire.

Pourquoi vous m'avez donné rendez-vous ici ?

Parce qu'il m'était impossible de trouver le lieu qui correspondait exactement à votre demande,

parce que c'est un mélange entre des lieux de l'enfance, des paysages d'enfance,

mais aussi des monts du Cantal, des chemins de douaniers, enfin de littoral, des îles Bretonnes,

c'est voilà, c'est la montagne, l'océan, la campagne, c'est les terres retournées des labours,

c'est tout ça, donc je ne voyais pas où vous en est. Et je me suis dit, le jardin de Tuileries,

c'est un lieu où, enfin, le Louvre est tout prêt, donc tout ce que j'ai vient de dire,

les labours, les arbres, les montagnes, c'est au Louvre, on peut trouver ça un peu partout au Louvre,

et c'est un lieu de rêverie, c'est-à-dire que quand je viens ici, c'est vrai que je pense à la

campagne, à la nature, aux choses que j'ai connues enfants et qui me manquent, et ce manque me permet

de trouver des idées de bandes de cinéaux de dessin, voilà, je carbure au manque. Vous venez

justement de parler de ces lieux provinciaux, j'utilise le terme parce que vous m'avez dit que

vous aimiez ce terme-là, qu'est-ce que ces endroits où nous ne sommes pas ont eu d'importants pour vous

dans votre apprentissage de la lecture et du dessin ? Ce sont des lieux de souvent de silence,

je sais pas si on peut dire que l'océan, c'est silencieux, mais il y a quand même une sorte de

musique très apaisante. Ce sont des lieux qui m'apprennent toujours à observer, à observer mieux,

donc ça c'est utile dans le dessin, ce sont des endroits où on marche beaucoup, je marche beaucoup,

et la marche permet de trouver des idées, de déclarir un petit peu ce qu'on a dans la tête,

donc j'ai formulé un peu mieux des phrases, des idées, des interacteurs qui passent. On est

presque dans les dessins. Je crois que ce sont des moments de contemplation. L'autre tracteur,

un autre gauche, cette fois-ci, je les ai tous, en fait, sont téléguidés. J'ai ma petite écommande

dans mon sac et je leur dis passée là pour faire un petit peu de poête ou de charante,

je viens de faire du poête ou de cantal aussi, ça c'est un clin d'ail pour vous. On va peut-être attendre

ce qu'il passe quand même, non ? Je tiens à signaler pour les gens qui nous écoutent que l'homme

qui conduit ce mini tracteur fume la pipe en conduisant ce mini tracteur. Oui, vous voyez quand je vous

parlais d'idées de dessin, celui-là je vais le revenir. Il est pas mal. Oui, il est pas mal. La pipe,

c'est vrai que c'est plus que ça que la pipe, mais il ne va pas de pas, oui c'est une vraie pipe.

Oui, oui.

Bien sûr, mais tout était réfléchi.

Et là, vous avez une sorte.

C'est en fait, c'est la parade, c'est la parade des engins agricoles. C'est la parade Macéfergusson,

c'est le carnaval du pneu. Exactement, c'est la parade d'emploi, c'est une sorte de

petit tracteur tondeuse avec une petite lumière orange qui clignote. Il y a un mec qui marche à côté

de la même vitesse. Exactement, c'est comme un peu sa pom-pom girl qui serait là et il

marche en rythme. Il est assez silencieux, on a envie de l'aimer. Mais ça n'était pas votre question

parce que c'était sur ces lieux provinciaux qui ont eu un rôle dans votre apprentissage

de la lecture et du dessin. Oui, c'est ça. Et en effet, si je prends par exemple les lieux

de mon enfance qui est donc les deux sèvres, une région très agricole, vraiment, dont la campagne

est assez ordinaire. Je ne dis pas ça pour la critiquer. Mais c'est vrai que ce n'est pas une campagne

spectaculaire avec des forêts profondes et des montagnes. C'est plutôt beaucoup de maïs et

beaucoup de colza et des lignes de tension. Et bien, j'ai quand même trouvé des espaces

de rêveries, des moments de rêveries dans ces paysages-là. J'en étais évidemment pas consciente

quand j'étais enfant, mais je m'en suis souvenue plus tard quand j'ai fait notamment la bande dessinée

des grands espaces et même la légèreté. Enfin, en fait, c'est toujours là parce que ça m'accompagne.

La lumière sur les pierres des deux sèvres, sur la pierre calcaire, l'odeur du vent, parce qu'on n'est pas

loin de la Côte Atlantique, tout ça, et voilà, dans mes veines. Et je vais puiser dans cette mâle

pour composer mes livres. Oui, oui.

Longtemps, j'ai rêvé d'avoir, dans mon appartement parisien, une porte spéciale qui s'ouvrirait

directement sur les prêts. Je l'emprunterai à chaque saison, en un rien de temps, en un coup de crayon.

J'irai faire des provisions de paysages, d'odeur, de silence. Peut-être que je m'attarderai un peu.

Les grands espaces, Catherine Moise.

Est-ce que vous vous souvenez d'avoir d'abord appris à écrire ou à dessiner?

Quel geste est venu en premier? Le dessin? Mais peut-être comme tous les enfants, non?

C'est pas mon cas, mais peut-être.

Non, non, le dessin, j'ai toujours dessiné. Tous les dessinateurs, je pense vous le diront, on dessine depuis toujours

et puis on continue alors que d'autres s'arrêtent. Oui, le dessin, le dessin d'observation, le dessin d'imagination,

je dessinais le chat, la cuisine, les toilettes, les vécées, tout, le cylindre parfait, du rouleau papier toilette,

des licornes, des cowboys. J'en copie aussi le journal de Mickey. Ma soeur est née, Fanny, c'est aussi une très bonne dessinatrice

et elle, on faisait des magazines ensemble, des journaux, elle dessinait beaucoup, elle écrivait très bien.

Voilà, donc le dessin au départ, oui.

Justement, vous dites, comme tous les enfants, qu'est-ce qui fait d'après vous, que comme beaucoup d'enfants,

on dessine ou on lit ou on écrit, qu'est-ce qui fait que ça devient quelque chose d'aussi important, vital,

comment on passe d'un trait à une carrière?

J'ai jamais envisagé de faire cette carrière, même le mot me paraît bizarre.

Pour moi, c'est plutôt la carrière de Pierre, quoi.

Mais non, non, j'ai jamais pensé à tel point qu'il a fallu qu'on me pousse un peu quand j'étais étudiante.

J'ai fait un bac littéraire, j'ai fait des études de lettres à l'université de Poitiers,

parce que je ne savais pas quoi faire.

Mais si je continue à dessiner toujours et j'avais des prix au concours d'angoulême, au concours scolaire, etc.

Mais alors, non, non, j'étais trop pureuse, je ne savais pas ce que c'était que ce métier.

À 19 ans, j'ai visité les journées portes ouvertes de l'école estienne, qui apparaît une école des métiers du libre.

Il y a eu une sorte d'épiphanie.

J'ai vu le travail des autres et je me suis retrouvée dedans et je me suis sentie capable de faire comme eux.

Je me suis reconnue dans le travail des étudiants.

Je me suis dit, voilà, c'est possible, c'est concret.

Voyons voir ce que ça donne.

J'avais 19 ans.

Mais ensuite, quand je suis arrivée à l'école estienne et que j'ai fait des études,

ensuite je suis allée aux Ardéco,

ce n'était pas très clair.

C'est devenu clair à 21 ans quand Charlie Bowe a publié mes premiers dessins.

Et c'était encore plus clair.

Là, je me suis dit, là, c'est bon, je crois que je sais ce que je vais faire dans la vie à 25 ans,

parce que Charlie m'embauchait pour de bon.

Pour de bon, je ne suis plus au journal depuis quelques années, je l'ai quitté, mais je suis restée 12 ans.

Et là, soudain, j'étais surexcité.

Je me suis dit, oui, c'est bon, voilà, ça y est.

Voilà, je vais faire ce métier-là.

Ça existe.

Mais une fois de plus, le mot carrière, même encore aujourd'hui, ne traverse pas l'esprit.

Je peux imaginer un parcours, mais je veux un trajectoire, je veux le traverser.

Mais je vois surtout beaucoup de travail et des rencontres qui m'ont poussé.

Peut-être là aussi comme beaucoup de dessinateurs, mais je suis timide.

Et j'ai appris à être un peu moins timide grâce à tous les gens que j'ai rencontrés

qui m'ont dit de montrer mon travail et de publier mon travail.

2005. Catherine Meurice, 25 ans, découvre la salle de rédaction de Charlie Hebdo.

Reese monte une étagère.

Bernard dessine avec un gant.

Charbe, montée sur la table, chante l'international.

Jules revient du Badminton.

Cabu, Grignott.

T-News collectionne les timbres pour son neveu.

L'use remonte son slip jusqu'aux épaules.

Wilhelm passe en coup de vent.

Honoré range des photos de presse dans des boîtes à chaussures.

Volinski me demande de le suivre aux toilettes et lit une notice de Viagra.

Ciné, érupte par Fax.

La légèreté, Catherine Meurice.

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Le ciel est gris au-dessus du jardin des Tuileries.

Mais Catherine Meurice avait prévu un refuge impeccable,

moins pittoresque qu'un bureau et plus chaud qu'un igloo.

Oui, parce que la verse menaçait.

On est dans un café qui s'appelle Le Fumeur.

Et tout au fond, ce café, il y a une salle où il y a plein de livres sur les rayonnages.

Et c'est un brassure.

Et j'ai pensé que ça vous plairait aussi.

C'est super, c'est vraiment un très bon choix.

Des gros abajours extrêmement douillets au-dessus de nous, des pompons.

Et voilà, tout est chaleurur et confortant.

En plus, ça sent la cire.

Ça sent...

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Est-ce que vous vous souvenez de la première histoire qu'on vous a raconté ?

Ou de la première histoire ou du premier nif que vous avez lu en entier ?

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Ah, c'est une question difficile.

Je pense que j'ai lu en entier un livre...

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C'était des récits de villes et de campagnes qui faisaient rire, qui faisaient peur.

Et bien sûr les dessins de Quentin Bleck que j'ai eu la chance de rencontrer plus tard.

Et merveilleux, la grâce incarnée, un dessin un peu bizarre qu'on vous ait petit,

vous dites qu'est-ce que c'est que ces formes étranges ?

Je dessine pas des petits lapins mignons, c'est juste des personnages un peu irsut,

qui ont l'air tous de sentir un peu mauvais et alors que c'est génial.

Et je me souviens avoir pensé qu'en fait le dessin de Quentin Bleck me prenait au sérieux,

sans se prendre au sérieux, mais ne prenait pas pas pour une petite fille mignonne

qui fallait raconter des petites choses avec des petits cœurs dans les yeux,

c'était vraiment le dessin de la vie et en ça c'était génial.

Au fond du jardin, il y avait un énorme marronnier.

Timmy, mon meilleur ami, et moi, nous avions commencé à construire une cabane dans les branches.

Un après-midi, alors que Timmy avait la grippe, je décidais d'attaquer le toit, moi tout seul.

J'adorerais être dans le marronnier entouré de feuillages comme si je me trouvais dans une grotte verte.

La hauteur ajoutait du picant.

Je clouais la première planche du toit, lorsque soudain, du coin de l'œil,

j'aperçus une femme dans le jardin.

Elle me souriait de façon bizarre.

Quand les gens sourient, leur lèvres s'étirent de chaque côté.

Les lèvres de cette femme s'étiraient en hauteur,

découvrant ses dents de devant et des gens s'y vont rouges comme de la viande crue.

C'est toujours agaçant de se rendre compte qu'on est observés, lorsqu'on se croit seul.

Et puis, que fabriquer cet inconnu dans notre jardin ?

Je remarquais qu'elle portait un petit chapeau noir et que ses gants noirs lui ont remonté jusqu'au coude.

Des gants ! Elle portait des gants ! Mon sang se glassa.

« Je t'apporte un cadeau ! » dit l'étrange inconnu, en me souriant toujours.

« Je ne dis rien.

« Descends de cette arbre, petit garçon !» continua-t-elle.

« Et je te donnerai un cadeau extraordinaire ! »

Elle avait une voix de craisselle, comme si sa gorge était tapissée de punaise.

Toujours souriant affreusement, la femme introduisit lentement sa main gantée dans son sac,

et en sortit un petit serpent vert et scintillant qu'elle tendit dans ma direction.

Sacré sorcière, Roald Dahl.

Catherine Maris, qu'est-ce qui fait que chez vous, la littérature et le dessin soient aussi intimement liées ?

C'est-à-dire qu'on a la sensation qu'on ne peut pas découvrir un de vos dessins,

une de vos illustrations ou de planches, vous me dites si je me trompe dans les termes que j'utilise,

sans qu'il y ait un lien direct, avec un auteur, une autrice, un classique.

Comment vous avez manigancé ce lien ?

Vous avez dit le mot classique, je pense que j'ai eu le nez dans les classiques assez tôt,

les julvernes, les balzac, les flobères, et le nez aussi dans les manuels de...

Je me souviens qu'enfin, j'adorais ça, les manuels d'histoire littérale,

c'est-à-dire qu'on nous racontait l'histoire de la littérature.

Ça m'intéressait plus que bien sûr que les manuels de maths,

qu'un livre de philo, c'était une histoire.

Et dans ces manuels, il y avait toujours des gravures anciennes, des vieilles photos

qui venaient illustrer les classiques.

Alors on avait les éternelles gravures de Houdri qui représentaient les fables de la fantaine,

et on avait les dessins de Domier qui parlaient de Balzac.

Et donc je crois que j'ai appris, même avant d'aborder ces auteurs à l'école,

aux collèges, au lycée ou ensuite à la fac,

cette association littérature et dessins de métiers familières.

Et je me retrouvais, je m'y plaisais en fait dans cette association,

et ça a continué comme ça.

Et c'est vrai qu'aujourd'hui, quand je lise là,

je ne peux pas m'empêcher de penser à Cézanne,

quand je lis Barbé d'Orvillie ou Diderot,

je ne peux pas m'empêcher de penser à ce qu'ils ont dit sur les artistes,

Diderot sur Greuse ou Chardin, Barbé d'Orvillie,

sur lesquels on lui critiquait tout le monde, alors c'est simple.

Voilà, Baudelaire aussi, quand on lit les correspondances de Baudelaire,

on a l'impression que Baudelaire nous raconte ce que c'est que la création,

mais la création artistique, ce que c'est qu'une peinture, un dessin,

ce réseau en expansion de correspondances de métaphores qui se répondent,

les parfums, les couleurs, et les sons se répondent, c'est le dessin.

L'ouvrage de la croix reprend le texte d'Alexandre Dumas consacré à de la croix.

Catherine Meurice illustre celui-là entre les deux mastodontes des arts français.

Ce qui m'étonne, disons mieux ce qui m'a triste,

c'est qu'un homme comme de la croix, qui à 64 ans avait gardé toute sa coquetterie,

toute sa verve, toute son élégance, qui avait vécu à la fois par l'âme et par le cœur,

qui avait eu des maîtresses, des amis, des élèves,

et dont la réputation le lendemain de sa mort allait, à tort ou à raison,

dépasser toutes les représentations rivales de son siècle,

c'est que cet homme qui aurait dû avoir au moment suprême des élèves plein son anti-chambre,

des amis pleins son salon, des soupirs et des sanglots pleins sa chambre à coucher,

meurt seul, meurt abandonné, soutenu dans les bras de son vieux valet de chambre

et les mains dans les mains de sa vieille gouvernante.

C'est beau pour le valet de chambre, c'est sublime pour la gouvernante,

mais convenant aux ans, c'est triste pour le moribond et plus triste encore pour l'humanité.

Alexandre Dumas a propos de De la Croix.

Catherine Maurice, est-ce que dessiner, c'est forcément représenté ?

Non, c'est pas forcément représenté, c'est transformer, recréer, transformer des émotions,

transformer des souvenirs, transformer des sensations, c'est vraiment de la transformation.

On copie aussi un peu la nature quand même tout vient de là et on modifie, on transforme,

je vois ça plutôt comme ça, oui.

Est-ce que vous avez commencé par transformer la nature qui était autour de vous dans vos dessins

ou est-ce que vous avez commencé par des personnages, des êtres humains ou animaux ?

Je pense que j'ai commencé à représenter des personnages, donc à représenter des animaux notamment

et la question de copier de la nature est venue plus loin et la nature, on peut aussi se dire qu'est-ce que la nature,

c'est encore un autre sujet.

Non, je représentais beaucoup les animaux, les lapins, les chiens, les chats habillés,

en position d'humains, voilà, habillés comme les humains, parlant comme les humains,

debout, épiciers, marchands, voilà, ils avaient des métiers et j'aimais beaucoup Beatrix Potter,

cette illustratrice anglaise qui fait des aquarelles, d'une délicatesse infinie,

très très bonne observatrice, des plantes et des animaux et qui est connue pour ces petites fables,

ces contes, voilà Peter, The Rabbit, je ne sais plus comment ça s'appelle le chat,

ça c'est son dessin extraordinaire et oui, c'est vrai que même jusqu'à l'adolescence,

je pensais à Beatrix Potter quand je dessinais des animaux.

Donc vous avez fait beaucoup d'entropomorphismes ?

Oui, exactement.

Comment faire autrement, c'est-à-dire que mes dessins, dès le départ, étaient humoristiques

et quand on veut faire de l'humour avec des animaux, c'est difficile d'imaginer autre chose que des comportements humains

parce qu'on ne sait pas qui sont les animaux, ce sont nos cousins, ils sont vivants comme nous

et la plupart sont des mammifères comme nous, mais alors comment s'expriment-ils,

comment s'expriment-ils le dédain, la jalousie, le rire, la skilerie, bon voilà,

par facilité, obligé de s'inspirer de nous-mêmes et c'est facile

parce qu'on est tellement bourré de défauts que c'est infini,

alors à la fin de s'inspirer de nous-mêmes.

Vous avez mentionné vos premiers dessins humoristiques, est-ce que l'humour ça s'apprend ?

L'humour a toujours été présent dans ma famille et je crois que l'humour ça prend.

Dans ma famille, c'est vrai que mes parents rient énormément,

se marrent de beaucoup de choses, des sacralises beaucoup de choses,

ma sœur est née aussi et par ailleurs le rire ça prend, je l'ai compris notamment en travaillant beaucoup plus tard

à Charlie Hebdo où j'ai vu que certaines choses fonctionnaient d'autres pas

ou là voilà, c'est vraiment un métier de caricaturise, de dessinatrice de presse,

comment est-ce qu'on crée un dessin censé faire rire,

comment est-ce qu'on crée un reportage qui doit être à moitié sérieux, à moitié drôle,

qu'est-ce qu'on fait, quel rythme on trouve, quel chute on trouve,

tout ça je l'ai appris, je l'ai appris avec l'équipe Charlie en regardant Gabu,

ce qui l'use tout ça et leur personnalité et je suis allée regarder,

alors là je copiais leur nature.

Mais justement pour le dessin, il y a deux parties pour moi, vous me dites si je me trompe encore une fois,

c'est-à-dire il y a le fait de bien dessiner mais aussi de faire passer,

et j'imagine qu'en travaillant à Charlie Hebdo,

de faire passer l'idée ou la blague ou l'humour noir d'une manière, en une fois.

Oui oui c'est vrai, c'est vrai en effet à la fois il y a la technique propre,

c'est-à-dire essayer de bien dessiner en effet, qu'est-ce qu'il y a derrière bien dessiner,

essayer d'être juste et d'un autre côté,

il s'agit aussi de justesse, de trouver le bon temps.

Ce sont des choses qui s'apprennent en effet conjointement

et l'apprentissage ne cesse jamais.

J'en suis encore là aujourd'hui et chaque bande dessinée me sert,

parce que maintenant je ne fais plus le dessin de presse,

chaque bande dessinée me sert à améliorer,

enfin à poser cette question sans arrêt du dessin.

Comment est-ce que je peux améliorer, alors il y a toujours cette idée du bien en arrière,

le mot améliorer, donc c'est pas vraiment ça,

comment est-ce que je peux faire pour que mon dessin soit toujours plus juste

ou continue à être juste, si tant elle était juste dans les albums précédents,

comment continuer à avoir un très spontané, sincère,

qui ne part pas pour ne rien dire,

et par ailleurs comment bien composer une image,

ça parfois j'en suis loin,

parce que souvent je privilégie l'expressivité du trèfle,

mon dessin oppose là-dessus,

et il faut que je veille à ce que ce ne soit pas au détriment de la composition

de l'équilibre de l'image, de l'arrière-plan d'un paysage, d'un décor,

et c'est vrai qu'à trop vouloir montrer la tronche d'un personnage

qui va être hilar, en colère, etc.,

je peux oublier, par exemple, qu'il y a tel lumière qui va passer sur son visage,

qu'il est dans l'ombre de tel mur, qu'il est de dos,

donc on est censé ne pas avoir...

Bon voilà, il faut que je pense à tout ça,

et c'est un travail qui me plaît, qui n'a jamais de fin,

mais c'est ça qui me plaît.

Catherine Maurice a choisi un extrait de Venus et Adonis,

de John Blow, pour habiller son dessin.

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durée :00:56:21 - La source - par : Cécile COULON - Le ciel est gris au-dessus du jardin des Tuileries, mais la rencontre est joyeuse au milieu des statues dénudées et des tracteurs qui arpentent les allées. La rencontre se poursuit au chaud pour parler de rêveries, de la nature, des lectures et du dessin. - réalisé par : Anne WEINFELD