Hondelatte Raconte - Christophe Hondelatte: Brahim Kermaoui, L’enfant égaré - Le récit

Europe 1 Europe 1 9/3/23 - 27m - PDF Transcript

Une histoire stupéfiante aujourd'hui. L'histoire d'une enfance fracassée, volée, pillée,

si amant détruite. Et cette histoire, eh bien c'est la vôtre. Brayme Kermawi, bonjour.

Bonjour Christophe.

Vous la racontez dans un livre, L'enfant égaré, que vous avez publié à compte d'auteurs,

je suppose que vous cherchez un éditeur maintenant.

Oui, j'ai gardé l'espoir d'en trouver un.

On le trouve en tout cas, ce livre, L'enfant égaré assez facilement sur Internet, notamment sur Amazon.

A l'âge de 13 ans, vous avez découvert Brayme que vos parents n'étaient pas vos parents. Pire que ça.

A l'âge de 32 ans, vous avez découvert que vous n'étiez pas, en vérité, Brayme Kermawi,

que vous n'étiez pas le vrai Brayme, que vous étiez un remplaçant.

Je n'en dis pas plus. C'est une histoire douloureuse qui va crescendo comme ça dans la douleur et dans l'horreur.

Je l'ai écrite avec Pierre en cutin. Réalisation Céline Lebrun.

Je m'appelle Brayme. Je suis né au Maroc le 22 août 1978.

En tout cas, c'est ce qui était écrit sur mes papiers.

Mais suis-je réellement né ce jour-là ?

Je ne sais pas grand chose du début de mon existence.

Tous ces silences autour de ma naissance, tous ces nondis, tous ces mensonges.

J'ai grandi à Gennevilliers, au nord de Paris.

Un studio dans un immeuble des années 20.

Des chiottes sur le palier, à 3 dans le grand lit.

Maman travaillait comme femme de ménage, à la Générale Motors.

Et papa, comme ouvrier à l'usine Chausson, il fabriquait des trafics, des J5 et des J9.

Je les appelais papa et maman. Je me suis bien fait avoir.

En vérité, je n'ai que très peu de souvenirs de mon père.

De celui, en tout cas, que j'appelais mon père.

Un jour, je dois avoir 5 ans.

Je joue au ballon dehors, avec Florian, le petit fils de la gardienne.

J'envoie la balle derrière le grillage de l'usine Panzani.

Un grillage de moins de mètres.

Je vais pour escalader le grillage, récupérer mon ballon.

Mon père me voit.

Il m'attrape par les jambes, il me suspends et il me tape la tête sur le sol.

Boom, boom, boom.

Je me souviens aussi de l'été d'après, quand on est partis au bled.

Papa avait acheté une Peugeot 104. Il en était très fier.

On a fait la route tout droit jusqu'à Marseille.

Et ensuite, le bateau, et on est arrivés à Percan, le bled de mon père,

dans le rif près de la frontière algérienne.

Et là, j'ai senti mon père distant et ma mère agressive.

Il ne se parlait pas, il se disputait tout le temps.

Et mon père, finalement, est rentré en France avant nous.

Et quand on a débarqué à Jeune-Villiers, maman et moi,

on a trouvé la porte close.

Ali, ouvre !

Je veux pas vous voir foutre le con.

Ali, ouvre !

Tu ne peux pas nous laisser dehors.

Je suis ta femme.

Et puis pense à Brayme, c'est un enfant.

Ali !

Je suis chez mon appartee.

Voilà.

A partir de ce moment-là, rien ne sera jamais plus comme avant.

On est allé dormir chez des connaissances pendant deux semaines,

à deux sur le canapé du salon.

Ma mère avait honte.

Alors un jour, elle est revenue au studio, et elle a forcé la porte.

Ali, pense aux petits.

Il rentre en CP.

Tu peux pas le laisser dans la rue.

Alors finalement, c'est lui qui est parti.

...

Un jour, mon père m'a proposé de venir vivre avec lui.

Où ça ?

Bah chez moi.

On ira chercher tes affaires.

Tu diras à ta mère que tu veux vivre chez moi.

Quand je l'ai dit à maman, elle a pleuré.

Tu veux partir ?

Et bien part.

Je mérite de rester toute seule, non ?

Alors je ne suis pas parté.

J'ai eu pitié d'elle.

...

Ma mère fait des ménages.

Elle se lève à 5 heures du matin, et elle rentre à 21 heures.

Du coup, moi j'ai huit ans, je suis livré à moi-même.

Je vais chez mon copain taillé,

regarder les chevaliers du zodiac à la télé.

...

Ou bien, je traîne aux pieds de l'immeuble.

Huit ans.

Et c'est comme ça que je me suis retrouvé

dans les pattes de celui que j'appelle le méchant.

Un grand, de 10 ans.

Maigre avec un grand menton.

Un samedi, il m'a demandé de baisser mon pantalon.

Et il m'a caressé.

Une autre fois, derrière l'ancienne usine Citroën,

il s'est frotté contre mes fesses.

Il disait que j'avais un corps de fille.

Ça a duré comme ça jusqu'à mes 11 ans.

Il me disait...

Brayme, viens !

Viens, on va faire un tour !

J'ai mis longtemps à comprendre.

Je me sens sale.

J'ai honte.

...

Alors voilà.

Mon père s'est barré.

Ma mère est dépressive.

Elle pleure tout le temps.

Mes amis mumilient.

Je ne trouve de réconfort nulle part.

Mais pourquoi donc ?

Qu'est-ce qu'ils m'ont mis au monde ?

...

S'ils savaient.

S'ils savaient la vérité.

...

Et chez lui, rien n'a changé.

À la maison, sa mère pleure tout le temps.

Elle s'enfonce dans la dépression.

Elle se dispute avec tout le monde.

Avec ses collègues, avec ses voisins.

Et à l'école.

Comment ça se passe à l'école ?

Eh bien à l'école, Brayme a eu une maîtresse gentille.

Catherine, il l'aimait beaucoup.

Mais en CM1 et CM2,

il tombe dans la classe du dire l'eau.

Patrick Gérard, un physique de bodybuilder.

Une terreur.

Une fois, il a obligé un élève

à passer toute la récréation dans une poubelle.

Fermé, fermé.

Un jour, il a conné une gifle.

A Brayme.

Parce qu'il ne savait pas écrire le mot automne.

Au tableau.

Et bim.

Et bam, une deuxième.

Aujourd'hui, c'est la visite médicale.

Ils sont là, un groupe de 4-5 élèves.

Brayme est au milieu.

On leur a demandé d'apporter leur carnet de santé.

Et il s'amuse à se le lire.

T'es nécan, toi ?

Moi, je suis né le 24 juin 1978.

Et toi, t'es né où ?

Moi, je suis né à Jeune-Villiers.

Je suis né à Jeune-Villiers.

Je suis né à Jeune-Villiers.

Je suis né à Jeune-Villiers.

Je suis né à Jeune-Villiers.

Et toi, Brayme, t'es né où ?

Il ouvre son carnet.

Il regarde.

Sur la ligne « lieu de naissance »,

il y a un grand point d'interrogation.

Brayme, il sait pas où.

Il est né.

Il est né nulle part.

T'as ta terre.

Et le médecin scolaire de ranchérir.

Brayme.

Faudrait faire compléter ton carnet.

Manque des informations.

Voilà.

Maintenant, il y a ça.

En plus du reste.

Brayme n'avait jamais ouvert son carnet de santé.

À partir de maintenant,

ça va lui trotter dans la tête, évidemment.

Brayme a maintenant 12 ans.

Il est en 6e au collège Édouard Manet

de Ville-Neuve-la-Garène.

Et l'assistante sociale le repère assez vite.

Il n'a pas vu son père depuis 5 ans.

Sa mère est au fond du trou.

Pommée.

Alors un jour, elle lui parle d'aller dans un foyer.

À la dase, comme on dit.

Tu sais, Brayme, là-bas,

il y aura un vrai cadre de vie.

Il y aura une bonne hygiène.

Il y aura un vrai suivi scolaire.

Il aura des vêtements propres.

Il est assez facile à convaincre, franchement.

Quitter sa mère dépressive.

Son oncle alcoolique.

Je ne vous ai pas encore parlé de celui-là.

Il vit avec eux.

Il est bourré du matin au soir.

S'il peut vivre loin de tout ça.

Ok ?

La dase vient donc le chercher.

Un dimanche soir.

Un éducateur encadré par deux gendarmes

preuve qu'il s'attende à de la résistance.

Et ils ne sont pas déçus.

Vous allez tuer, mon enfant !

Vous allez lui tuer !

Maman.

Maman, faut que je pars.

Tu sais bien, c'est mieux.

Eh bien, vas-y !

Par !

D'abord, un foyer d'urgence.

Dans le valdoise.

Puis une famille d'urgence gentille.

Avec le frigo bien rempli.

Puis une famille d'accueil.

Mais ils ne s'y sent pas bien.

Alors retour au foyer.

Et quand arrivent les vacances d'été, ma foi.

Retour chez maman.

Maman, qui cette année n'a pas pris de billets pour le Maroc.

Donc les vacances, ce sera à Gennevilliers.

Un soir,

il ne voit pas le temps passé,

il rentre à une heure du matin.

Et là, il tombe sur son oncle Ahmed,

beurré comme un petit lus.

Viens là toi !

T'étais où ?

J'étais devant la cour, là.

Tu m'as pas vu ?

Arrête de mentir !

Et là, Ahmed l'attrape par le bras

et il lui balance un coup de poing.

Bim !

T'étais où ?

J'étais en la cour.

Bim un deuxième.

Et bim un troisième.

Et un quatrième.

Brahim à treize ans,

il n'est pas assez fort pour se dégager

et l'autre le frappe comme un sourd.

Ça me mentira !

T'es le diable !

Brahim a le visage en sang.

Il parvient à s'échapper,

l'oncle le poursuit.

Brahim court jusqu'à ses copains,

il leur demande de l'aide.

Ah t'approche pas de nous, va.

Dégage.

Tu vas nous faire avoir des problèmes.

Et là-dessus, l'oncle déboule.

Brahim !

Je vais tuer !

Et là, incroyable.

Brahim sent une main qui l'attrape

par le poignet.

C'est le méchant.

C'est le méchant

qui l'a à moitié violée

et qui vient le sauer.

Viens Brahim, viens.

Viens, cours, cours.

Il court jusqu'à Saint-Ouen.

Et là,

ils vont tous les deux au commissariat.

Les policiers emmènent Brahim

à l'hôpital de Garche.

Il va y passer un mois.

Traumatisme crânien.

Hémorragie interne.

Collection des mathomes.

Et pour ça,

le tonton va prendre

trois mois de prison

avec sursis.

Et Brahim ne peut pas imaginer

que cet événement,

déjà inouï,

va provoquer

comme un tremblement

de terre dans sa vie.

Parce que la dase,

bien sûr,

est mise au courant.

Et un jour,

la mer

est convoquée

pour une réunion.

Brahim,

elle est là.

Elle est là.

Elle est là.

Elle est là.

Elle est là.

Elle est là.

Elle est là.

Elle est là.

Elle est là.

Elle est là.

Elle est là.

Elle est là.

Brahim est là.

Il y a son éducateur, Pierre.

Il y a le directeur du foyer.

Il y a une personne

du conseil général.

Et il y a un interprète,

parce que la mer

parle le français

coussicoussa.

Madame,

qu'avez-vous l'intention

de faire de votre fils?

Il s'est tout de même

produit des événements graves

ces derniers temps.

Je peux rien faire.

Il traîne tous les soirs

dans la rue

avec des voyous.

Oui, mais,

écoute pas.

Madame,

vous avez toujours

la garde de votre fils.

Mais Brahim,

il n'est pas mon fils.

Pardon?

Brahim, il n'est pas mon fils.

Je l'ai adopté

quand il était petit.

Mais quand?

Mais quand il était bébé,

à l'hôpital.

Avant ça, j'étais enceinte

plusieurs fois,

mais tous les bébés,

ils sont morts.

Alors avec mon mari,

on est allés à Bercan,

à l'hôpital.

Et ils nous ont donné ce bébé.

Et ils n'avaient plus de parents.

Ils étaient morts

dans un accident de voiture.

Et comme si ça n'était pas assez.

Je ne sais pas quoi faire de lui.

J'en peux plus de lui.

Gardez-le,

il me coûte trop cher.

Et j'ai plus que des problèmes

avec lui.

Au fond de moi,

écrit Brahim,

j'ai prouvé

une hôtel haine

envers ma mère.

J'aurais préféré

qu'elle me parle

seul à seul,

qu'elle raconte mon histoire

avec tendresse.

Non.

Elle avait jeté

ma vie en pâture

à la face de tous,

comment on vomit

une amertume.

À cet instant,

je n'envisage

plus de l'appeler maman.

Elle serait dorénavant

une femme,

parmi d'autres.

Souvenez-vous de la scène.

Brahim a 13 ans

et il vient d'apprendre

qu'il n'était pas

l'enfant de ses parents

devant tout le monde.

Son éducateur

s'en fout.

Bon,

je ne m'en ferai pas.

Je m'en ferai pas

plus.

Je ne me preacherai pas

pour l'enfant

de ma femme.

Je me ferai pas plus

son éducateur, le directeur du foyer, un représentant du conseil général, quelle violence !

Et quand la réunion s'achève, il est paumé bien sur Brahim.

Et donc avec son éducateur, Pierre, il se mette à éplucher ses papiers d'identité.

Enfin, le peu de papiers dont il dispose, sa mère n'a pas de livret de famille.

Elle n'a qu'un récépicé de la préfecture de Berkan, sur laquelle il est juste écrit

Brahim Kermawi, né le 22 août 1978.

Sur ce papier, il n'est absolument pas fait mention d'une quelconque adoption.

Est-ce que sa mère ment ? Pourquoi est-ce que ça n'est pas écrit sur ce papier qu'il a été adopté ?

Quelques jours plus tard, son éduc vient le voir.

Brahim, j'ai retrouvé ton père.

J'ai pris rendez-vous avec lui, tu vas m'accompagner.

Il a peut-être des réponses à tes questions.

Ils vont à Saint-Denis.

Attends-moi dans la voiture.

Je vais lui parler d'abord et je viens de chercher après.

S'il est d'accord, bien sûr.

Pierre l'éducateur revient au bout d'une heure.

Bon, j'ai discuté avec ton père.

Je me suis pris la tête avec lui pour toi.

Il veut me voir ? Non.

Non, il ne veut pas.

Il dit qu'il ne veut plus te revoir.

Je suis désolé.

Mais pourquoi ?

Il dit que c'est compliqué pour lui.

Il a refait sa vie.

Il a une femme, des enfants.

Il ne veut pas toucher en boulet.

Mais je suis son fils.

Je lui ai tout raconté.

Mais il ne veut pas renouer de lien avec toi.

Il veut que tu tires entrée sur lui.

Terrible.

Il apprend à 13 ans que son père n'est pas son père.

Et maintenant, l'autre ne veut plus le voir.

Ton père a dit aussi qu'il avait perdu ton livret de famille.

C'est bizarre ça.

Il faudra éclaircir cette histoire de livret.

Ensuite,

Brahim enchaîne les familles d'accueil.

À chaque fois, ça se passe mal.

Et il finit par échouer dans un foyer de l'Adace,

à Saint-Germain-Laxis près de Melin,

en Sénémarne.

Et on l'escrit dans un centre de formation,

le Logi,

où il essaye d'abord l'électricité,

puis la restauration,

la masonnerie.

Rien ne lui plaît.

Et puis,

il s'est arrêté.

Et à part ça,

il fume de la bleue,

il picole,

il vole.

Et maintenant, il dille.

Le week-end,

il rentre malgré tout chez lui,

à Gennevilliers, chez sa mère.

Et il se fait recruter par un gars du quartier

qui s'appelle Murad,

pour planquer de l'héroïne

et des liasses de billets.

Là,

dégringolade.

Mais pourquoi voulez-vous qu'il s'accroche

à rester sur les rails,

puisqu'il n'y a personne qui l'aime.

Personne pour l'encourager,

à faire le meilleur.

Alors il fait le pire.

Il rate son C.A.P.

Il se fait virer de son centre de formation.

On le place dans un foyer de jeunes travailleurs

et quand il a 19 ans,

la DAS lui dit,

« T'es majeur, mon gars.

Maintenant, démerde-toi.

»

Et un jour,

il se fait rire.

Il se fait rire.

Il se fait rire.

Il se fait rire.

Il se fait rire.

À toi!

Et un jour,

il se fait pincer dans un cambriolage

sur la zone industrielle de Genevilliers.

L'alarme se déclenche!

La police implique.

Il se fait serrer.

Il en prend pour six mois fermes.

Il en fait quatre.

Et quand il sort,

où voulez-vous qu'il aille ?

Chez sa mère.

Qui n'est pas sa mère ?

À Genevilliers.

Jusqu'à ce qu'un matin

Bonjour.

Je suis usé de justice ! Vous avez une injonction de la mairie, vous devez quitter le logement !

Bah, aujourd'hui, aujourd'hui même.

L'immeuble éparait-il un salubre, donc on va le détruire.

De toute façon, sa mère ne payait pas le loyer.

Maraille me file à la mairie pour essayer de négocier, on lui propose un F3, à condition

qu'il soit caution de sa mère.

Et donc, il doit se mettre à bosser en intérim, ouvrier chez PS1, employé chez EDF, routier,

chauffeur-livreur, il prend tout ce qui passe.

Un jour, Brahim, à 28 ans, il se promène au marché Saint-Denis avec l'un de ses oncles maternelles.

Pas l'alcoolicain, un autre.

À un moment, l'oncle se fige.

« Brahim, tu veux voir ton père ? Il est là, ou ça ? Là, regarde, c'est lui ! »

Le père fait son marché accompagné d'un petit garçon.

« Va le voir, Brahim, va le voir ! »

Brahim s'approche.

« Salut, Malikoum ! Malikoum, ça, là ! Mais tu es qui ? Tu me reconnais pas ? Je suis

brahim, ton fils ! Ah, ça va ! »

Les trois hommes vont boire un café.

Mais le père parle avec l'oncle.

Il n'a pas un mot pour Brahim, pas un mot.

Et il se lève, et il s'en va.

« J'étais malheureux, en colère, je n'étais personne à ses yeux. »

Heureusement, la même année, Brahim rencontre Farida.

Il tombe amoureux, quoi.

Ça fait toujours du bien de tomber amoureux.

Il se marie, et c'est elle qui l'encourage à se lancer dans une enquête sur sa naissance

au Maroc.

« Tu sais quoi ? Viens, on va aller deux mois en vacances au Maroc ! C'est là-bas qu'il

faut se renseigner.

» Ce qu'il va découvrir là-bas, dans le pays où il est né, est absolument stupéfiant.

Et donc, il débarque tous les deux à Berkan, dans le rif, berceau de la famille Kermawé.

Et ils vont voir la famille, et notamment une tente, qui les invite à prendre le thé.

« Dis-moi, est-ce que tu sais comment j'ai été adopté ? »

« Oui, Brahim, oui, oui, je sais. »

Et là, la tente se met à raconter, une histoire absolument stupéfiante.

« Mes parents vivaient déjà en France, et en été, ils sont venus au Maroc, ils sont

allés à l'hôpital de Berkan, et ils ont ramené un bébé.

Un bébé n'est sous X, comme on dit, mais ton père s'est arrangé avec la préfecture

pour que ça ne soit pas écrit sur le papier que le bébé, il était adopté.

»

Et donc, ils l'ont appelé Brahim, Brahim-Kermawé.

Mais ce bébé, ce n'est pas toi, parce que ce bébé, il est mort, il est mort 15 jours

après.

Alors, qu'est-ce qu'ils ont fait ?

Ils sont retournés à l'hôpital, ils ont rendu le bébé mort, et on leur en a donné

un autre.

Et ça, c'est toi.

Mais ils n'ont pas refait de papier, ils ont gardé les papiers du premier, Brahim-Kermawé

n'est le 22 août 1978.

On lui a donné l'identité d'un bébé mort, et après, ils sont rentrés en France avec

ce secret terrible, ce secret dévorant.

Brahim n'est donc pas né le 22 août 1978, comme s'est écrit sur ses papiers, non seulement

il ne sait pas d'où il vient, mais il ne sait même pas quel âge il a.

Le sol s'ouvrait sous mes pieds.

Une sensation de vertige s'emparait de moi, j'étais en proie à la nausée, le coeur

au bord des lèvres, il fallait en savoir davantage.

Et donc, il va à l'hôpital de Berkan, où il rencontre une assistante sociale, elle

écoute son histoire, et lui, il demande à consulter les registres.

Ah désolé, vous pouvez pas consulter les registres, mais vous inquiétez pas, on va

faire des recherches sous vos parents biologiques.

Donc votre nom, c'est Brahim-Kermawé.

Mais non, je m'appelle pas Brahim-Kermawé, Brahim-Kermawé, c'est le mort.

L'assistante sociale fouille dans les registres.

Écoutez, je suis désolé, aucun document ne fait mention de votre adoption.

Administrativement, vous n'avez jamais été adopté, vos parents se sont alliés,

sauf à Kermawé, il n'y a rien d'autre, je peux rien faire d'autre.

Brahim se retrouve face à un mur, il ne saura jamais qui il est, sauf s'il parvient

à trouver une infirmière dont on lui a parlé et qui travaillait à l'époque à la maternité

de l'hôpital de Berkan, et il la retrouve, elle a 70 ans, elle est atteinte d'un cancer.

Je me souviens pas de ça, je connais pas de Kermawé, non ça me dit rien, de toute façon

je n'étais pas là ce jour-là, ce jour-là, quel jour, pourquoi vous dites ce jour-là,

vous savez quelque chose ? Je ne sais pas, je ne sais pas, écoute, oubliez tout ça,

fais ta vie.

Quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup comme dit l'autre, la vieille infirmière

n'a pas envie de remuer le passé, et oui, il y a eu une époque où au Maroc ont donné

des bébés sans plus de formalité, une époque où on les vendait peut-être, un trafic de

bébé, mais personne n'a envie de parler de ça, personne.

Alors Brahim décide d'aller voir une avocate à Berkan, il veut une enquête, il veut

retrouver le nom de sa vraie mère, mais même l'avocate se débine.

On n'y arrivera pas, faudrait commencer par prouver que tes parents adoptifs ne sont

pas tes vrais parents, exhumer les corps, faire un prélèvement indienne, on n'y arrivera

pas, on n'aura pas les autorisations.

Brahim a écrit au procureur royal du Maroc, il n'a jamais reçu de réponse, sa mère

adoptive est morte en 2016, est-ce qu'elle savait et elle, ça n'est pas sûr, en tout

cas elle n'a rien dit.

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Brahim Kermaoui découvre, à l’âge de 12 ans, qu’il a été adopté. 20 ans plus tard, il apprend que le « vrai » Brahim Kermaoui est mort 'tout bébé', et que l’hôpital de Berkane, au Maroc, l’a 'donné'… ou peut-être 'vendu' à ses parents, pour remplacer le bébé mort.