Hondelatte Raconte - Christophe Hondelatte: [BONUS] - Pierre Rivière

Europe 1 Europe 1 9/13/23 - 32m - PDF Transcript

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On de l'attracte.

Christopher Delatt

Voici une affaire criminelle qui date de 1835, l'affaire Pierre Rivière,

un garçon de 20 ans qui, dans un petit village du Calvados,

tue sa mère, sa sœur et son frère à coup de serp.

Et on raconte au juge que ce Pierre Rivière est l'idiot du village,

que c'est un demeuré, qu'il pousse des cris d'animaux.

Et là va se poser la question, est-il fou, est-il aliené,

comment disait à l'époque ?

Et si oui, est-ce que ça a un sens de le condamner à mort ?

La réalisation est signée Céline Lebrace.

Européen.

Christopher Delatt

Cette affaire éclate un jour de juin 1835,

aux alentours de Midi,

dans un petit village du Calvados en Normandie,

Olnay.

Le maire est là sur la place,

il discute avec des villageois quand arrive un homme en courant.

M. Le Maire, M. Le Maire,

il est arrivé un gland malheur à la foctrie.

Le grand fils Rivière, il a découpé la maire.

C'est horrible.

La foctrie, c'est un amour à environ 2 km

et les Rivières, tout le monde les connaît à Olnay.

Que fait le maire ?

Il court chercher le juge de paix Baudoin

et sous le soleil de Midi,

il se met en marche, à grand pas,

vers la ferme des Rivières.

Ils en ont quoi pour un gros quart d'heure ?

Je vais profiter qu'ils sont en route

pour vous présenter cette famille,

les Rivières.

Le père Pierre Marguin est un paysan.

Un brave homme, une bonne pâte.

Sa femme, Marianne, en revanche.

Les gens ne l'aiment pas trop,

à carriâtre, antipathique.

Ils ont 5 enfants,

2 filles, victoire qui a 18 ans et aimé qui en a 8,

et 3 fils, Pierre Léné, 20 ans,

qui a la réputation d'être un peu nœnneux,

prospère qui a 14 ans,

qui ne passe pas non plus pour un génie,

et Jules, qui en a 7.

D'après ce que dit le type,

c'est le grand fils qui a découpé la maire.

Ce serait donc Pierre, Pierre Léné,

le nœnneux, l'idiot du village.

On va vite savoir,

le maire et le juge sont en train d'arriver à la flocterie,

en haute forme, rougeau, transpirant,

les voilà qui déboulent dans la courtéreuse de la ferme,

où sont déjà rassemblés une bonne dizaine de comères.

Ah monsieur le maire,

c'est ici monsieur le maire, vous allez voir,

c'est horrible !

Au même moment,

une vieille femme ridée comme un pruneau,

la veuve Colville, une voisine,

jaillie de la maison en criant elle aussi.

Oh c'est horrible, oh c'est horrible !

Et voilà donc le maire et le juge,

qui entrent à leur tour dans la grande pièce du Red Chaucer.

Pas fier,

compte tenu de tout ce qu'on leur a dit.

La maire rivière est là,

devant la cheminée,

allongée sur le dos,

elle a une main repliée sur la poitrine

et elle baigne dans une mare de sang.

Elle a été massacrée,

son visage étant bouillie,

sa tête est presque séparée de son corps,

c'est-à-dire.

Mais ce que l'autre zygomar n'a pas dit tout à l'heure,

c'est qu'elle n'est pas la seule victime.

Près de la mère y a la fille,

victoire,

sur le dos elle aussi,

les bras croisés,

le corps mutilé,

et puis le petit frère,

le petit dernier,

Jules,

face contre terre,

le corps déchiré.

Et voilà ce que raconte la voisine d'en face.

La porte était ouverte.

Je l'ai vu le pierre qui tourmentait sa sœur.

Il avait une serbe qui tenait au-dessus de sa tête.

Alors j'ai crié,

je l'ai dit pierre,

mais malheureux,

que vas-tu faire?

Et c'est là qu'il lui a mis les coups sur la tête.

Elle est tombée morte à ses pieds,

la pauvre enfant,

oh mon Dieu!

Une autre voisine a vu le pierre

juste après le carnage.

Je l'ai vu passer près du chemin,

et il s'en allait au le nez.

Il marchait avec une serbe pleine de sang à la main.

Et il m'a dit,

je viens de délivrer mon père de tous ces malheurs.

Je sais qu'on me fera mourir,

mais ça ne me fera rien.

Voilà ce qu'il m'a dit.

Deux jours après la découverte du massacre,

le procureur du roi de Vire

se rend sur place.

Et il tombe sur des villageois

à la langue bien pendue

qui ont des tas de choses à dire

sur le fils réel.

Qu'est-ce que vous voulez?

Un drame comme ça?

Ça ne doit pas arriver.

Moi, je le voyais, le pierre.

Il courait après les gosses à la folctrie

avec un bâton dans les mains.

Il criait,

je vais vous tuer!

Je vais vous tuer!

En vérité,

tous les habitants de le nez ont des choses à dire.

Sur ce gamin,

à commencer par ce qu'il faisait aux animaux.

Certains l'ont vu

broyer un oiseau entre deux pieds

et d'autres,

cloués des grenouilles vivantes sur un arme.

Et tout se raconte

qu'il lui arrivait de courir

derrière les gamins du village

avec une faute

juste pour leur faire peur.

Et quand je lui disais,

ça se fait pas le pierre?

Faut pas faire ça?

Ben il se mettait à glousser comme une poule.

D'autres racontent que souvent,

ils parlaient tout seul.

Ils faisaient à la fois les questions

et les réponses,

avec de grands gestes.

Il y a aussi un gamin qui se fait

coulir derrière les gamins du village

avec une faute

juste pour leur faire peur.

Et quand je lui disais,

ça se fait pas le pierre?

Faut pas faire ça?

Ben il se mettait à glousser comme une poule.

D'autres racontent que souvent,

il y a aussi quelque chose

qu'il faut vous dire,

monsieur le procureur.

Ce pierre-là,

il aimait pas trop les femmes.

Mais encore,

que sa mère et ses soeurs

ou bien sa grand-mère l'approchaient,

ils se cachaient sous les bras,

et ils partaient en courant,

en riant comme un demeuré.

Le procureur et les gendarmes, évidemment,

interroge le père.

Pas trop finot, le père.

Pas tout, l'œil torve

avec ses sabots

et son falzard trop court,

mais gentil.

Un vrai gentil

qui raconte à son tour

les bizarreries de son fils.

L'écrit aigu qu'il poussait

en permanence,

et l'écrit aigu,

et l'écrit aigu,

et l'écrit aigu,

et l'écrit aigu,

et l'écrit aigu,

et l'écrit aigu,

et l'écrit aigu,

et l'écrit aigu,

et l'écrit aigu,

et aigu qu'il poussait en permanence,

l'écrit de chouette,

mais il ajoute quelque chose d'étonnant.

Ah ben, notre pierre,

Ce n'est pas un idiot comme on le pense chez nous.

Il passe son temps à faire la lecture, toujours un livre dans la main.

Il y a peu, je l'ai même vu dans la nuit, avec un livre sur la religion.

Il les faisait avec de grands yeux, comme si il avait trouvé un trésor.

C'est sûr qu'il est bizarre.

Mais un jour, il m'a dit qu'il voulait vivre dans les bois.

Moi, je lui ai dit, ben oui, mais tu manges la croix.

Il m'a dit, des herbes, avec des racines.

Dans son procès verbal, le procureur du roi tente de faire la synthèse

de tout ce que les uns et les autres n'y ont raconté.

Solitaire, farouche et cruel, voilà Pierre Rivière envisagé sous l'aspect moral.

C'est en quelque sorte un être à part.

C'est un sauvage qui échappe au loi de la sociabilité,

car la société lui était aussi odieuse que sa famille.

Et dans la foulée, évidemment, il lance un mandat d'arrêt contre lui

et pour être certain que l'animal ne lui échappe pas,

il va voir un par un les maires des villages à l'entour.

Je vous demanderai instamment de mettre sur pied des gardes nationaux

et de vous charger d'arrêter le nommé Pierre Rivière.

Il s'est rendu coupable du plus haut dieu des crimes

en donnant volontairement l'amour à sa mère, à s'assurer à son frère.

Je compte sur vous.

Et bien sûr, la requête est accompagnée d'une description de l'oiseau.

Il n'y a pas de photo en ce temps-là.

Fin de temps, 5 pieds de haut, soit 1,62 m,

cheveux et sourcil noir, moustaches noires et peu fournies,

front étroit, bouche moyenne, menton rond et visage ovale,

t'as un basané et regard oblique.

Oui, oblique.

Quand il s'est enfu après son massacre,

il portait une blouse de toile bleue, une casquette et des bottines.

Et il est noté aussi que sa démarche est hésitante et sacadée

et qu'il a la tête constamment inclinée,

comme si croiser un regard lui était insupportable.

On se met donc à sa recherche.

Mais vous devez réaliser qu'en 1835,

il faut un certain temps pour que l'information fasse vraiment le tour du canton

et pour que tous les gendarmes du calvados soient au courant.

Entre temps, on la perçoit à plusieurs reprises

et rend dans le bocage normand,

avec sa trône inclinée, son regard fuyant et sa démarche sacadée.

Les gens disent qu'il a l'air tranquille

et qu'on aurait dit qu'il se promenait.

Mais le temps de prévenir les gendarmes, à chaque fois, il disparaît.

Et ça dure comme ça pendant des semaines et bientôt un mois.

Et puis au début du mois de juillet,

il y a une dizaine de kilomètres de chez lui,

à La Gannerie, un brigadier de gendarmerie bicorne sur la tête la perçoit.

La blouse bleue, les bottines, la démarche,

la tête penchée, le regard fuyant, tout concorne.

...

Oh, jeune homme,

d'où êtes-vous, mon ami ?

Je suis de partout.

Vous avez des papiers ?

Ah non.

Et qu'allez-vous faire par là ?

C'est Dieu qui me conduit et je l'adore.

Ah oui, oui, oui, je vois.

Comment vous appelez-vous ?

Rivière, Pierre Rivière.

...

Le gendarme l'arrête sur le chant.

Et Pierre Rivière n'oppose aucune résistance.

Il se laisse arrêter comme un écolier docile

conscient d'avoir fait une grosse bêtise.

On trouve sur lui deux couteaux

et une sorte d'arc bricolé avec une tige de noistier et de la ficelle.

Le soir même, il est incarcéré à la prison de Falaise.

...

Une semaine plus tard.

Le 9 juillet 1835,

on le présente aux juges d'instruction,

exupère le grain.

Alors, jeune homme, dites-moi

quel motif vous avez assassiné votre mère,

votre sœur victoire,

oui c'est cela,

et votre frère Jules.

Parce que Dieu me l'a commandé

pour justifier sa providence.

Ils étaient unis.

Qu'entendez-vous par ils étaient unis ?

Bah ils étaient d'accord, quoi,

tous les trois,

pour persécuter mon père.

Tout au long de l'interrogatoire,

Pierre Rivière répète qu'il a reçu

un ordre divin

et vu apparaître Dieu accompagné de ses anges

et que Dieu lui a donné l'ordre

de justifier sa providence.

Bref, il tient un discours d'illuminer.

C'est un allié né.

En conclu le juge.

Un fou, un demeuré.

On le ramène en prison.

Et là, Pierre va se confier

à son joulier.

Et à lui, il ne parle pas de Dieu et de ses anges.

Il raconte une autre histoire.

Alors que fait le joulier ?

Il va répéter au juge, sur le champ

et le juge décide de réinterroger

le gamin dès le lendemain.

Jusqu'ici, M. Rivière,

vous n'avez pas rendu hommage

à la vérité.

Vous étiez hier soir à ce qui paraît

dans de meilleures dispositions.

Alors dites-nous franchement aujourd'hui

quel cause a pu vous porter

à assassiner votre mère,

votre sœur et votre frère ?

Le jeune Rivière redresse la tête,

le regard légèrement de pied

et avec un calme désarmant,

il se met à parler.

Mais pas comme un paysan inculte.

Il parle en français parfait.

Le juge n'en revient pas.

Il n'est pas si idiot que ça,

ce gosse.

J'ai soutenu hier un système

et un rôle que je ne peux pas soutenir longtemps.

Je vais vous dire la vérité.

C'est pour tirer mon père d'embarras

que j'ai fait ça.

J'ai voulu le délivrer d'une méchante femme

qui l'a tracassée continuellement

depuis qu'elle était son épouse.

Une femme qui l'a ruinée.

Et puis j'ai tué ma sœur victoire

parce qu'elle prenait le parti de ma mère

et puis j'ai tué mon frère parce qu'il est

ma mère et ma sœur.

Une autre histoire,

ça n'est plus un gamin illuminé

qui prend ses ordres chez Dieu

et chez ses anges.

C'est le récit d'un assassinat

délibéré, prémédité

avec un vrai mobile.

Mon garçon vous dite que votre mère

tracassait votre père en permanence.

Vous pouvez nous en dire plus

sur ce sujet ?

Et le jeune Pierre Fivière

se met à raconter le drôle de couple

que formaient ses parents, selon lui.

Il prétend que dès leur mariage en 1813

sa mère n'a pas voulu venir vivre

avec son père, à Olné.

Qu'elle voulait rester chez ses parents

à Courvaudon, et qu'elle le faisait

trimer comme une bête de somme, à le faire

l'abourrer tous les champs de sa famille

à elle. Il dit aussi qu'elle

l'insultait en permanence, qu'elle

était audieuse, jamais une gentillesse.

Il raconte qu'une fois, elle

l'a aspergé de purin.

Il dit aussi que quand elle était

contrariée, elle devenait hystérique

qui lui arrivait de se rouler

par terre.

Il ne réagissait pas ?

Mais mon père, il était au petit soin avec elle.

Il dit que quand elle est tombée malade,

après l'un de ses accouchements,

il a passé des semaines à la veiller

toutes les nuits. Et à propos de sa mère,

il ajoute

« Et causer la ruine de mon père.

Et ça n'allait partout dépenser son argent.

J'ai voulu sauver mon père

de ses tourments, voilà tout.

Très bien. À partir de quand

avez-vous envisagé de tuer votre mère,

votre sœur et votre frère ?

A peu près un mois avant.

Après, j'ai pensé tous les jours.

Il a commencé par faire aiguiser la serpe

chez Gabin, le maréchal féran du village.

La nuit, il rêvait qu'il allait commettre

son crime avec ses beaux habits

du dimanche et ses souliers neufs.

Et puis, il a attendu le bon moment.

Plusieurs fois, il s'est dit

c'est maintenant, c'est maintenant que je le fais

et puis il s'est déconflé.

Il dit que ça le minait

de ne pas être capable de passer à l'action.

Qu'il se sentait lâche,

misérable.

Et que s'est-il passé

le 3 juin pour que vous passiez

cette fois à l'action, ainsi que vous le dites ?

Il dit que sa grand-mère

était partie trèèère les vaches

avec sa petite sœur aimée.

Qu'il ne restait plus à la ferme que sa mère,

Victoire et Jules.

Sa mère faisait la cuisine,

Victoire était à son métier à dentelle

et Jules jouait seul dans la pièce.

Il a pris sa serpe, sa mère était de dos,

il s'est approché,

il l'a frappé une fois,

deux fois, trois fois.

Au niveau du coup, il dit qu'à chaque coup

sa rage montait d'un cran.

Sa petite sœur Victoire était comme

pétrifiée, paralysée.

Il est allé vers elle, il la trucidait

à son tour, toujours avec la serpe.

Et puis, il a terminé par

son petit frère Jules, qui était prostré

derrière la table.

Voilà, le carnage n'a duré que

quelques minutes.

Et ensuite, vous vous êtes enfuis tout de suite ?

Là, il raconte qu'il voulait aller

à Vire, la grande ville

du coin, qu'il voulait se constituer

prisonnier, que c'était son idée,

mais qu'en chemin, il s'est

dégonflé, qu'il a pris conscience

de son geste.

Je me suis dit,

est-il possible que j'ai fait ça ?

Mon Dieu, dites-moi que c'est un cauchemar.

Il dit qu'il s'est effondré

en larmes sur le bord du chemin, qu'il

s'est roulé par terre, qu'il voulait mourir

et qu'ensuite, il a marché

comme un automate.

J'avais tellement mal.

J'ai cherché un arbre pour me pendre.

Et puis, je me suis dit

qu'il fallait qu'on retrouve mon corps pour pas qu'on

accuse mon père de m'avoir caché.

Et finalement, j'ai eu peur

des jugements de Dieu alors que j'ai préféré

rester en vie dans mes tourments.

Il n'avait pas le courage de se rendre,

mais il voulait se faire arrêter.

Je me cachais pas.

Je marchais sur la route en pleine journée.

Je me cachais pas.

Voilà. Pierre Rivière

a tout raconté aux juges.

Il croit utile de rajouter.

Je vous promets, monsieur le juge.

J'ai rien chapardé pour trouver à manger.

L'interrogatoire

du jeune Pierre Rivière est terminé.

Et il promet aux juges

de coucher tout ça sur du papier

le soir même.

Entre nous, le juge est dubitatif.

Il sait que ce gamin est sans doute incapable

d'écrire quoi que ce soit, si ça n'est du charabia.

Il n'est jamais allé à l'école

ou si peu. Il parle bien, c'est vrai,

mais de là à écrire

ce serait un miracle.

Mais bon, on le ramène à la prison

de Vire, on lui installe

une table dans sa cellule, on lui donne

une plume et un ancrier

et il se met au travail

avec frenésie.

Les gardiens disent qu'ils entendent la plume

gratter le papier une bonne partie

de la nuit.

Et toute la question maintenant

est de savoir si ce Pierre Rivière

est aliéné,

fou, malade mental

ou, si malgré son regard biaisé

et sa tête de travers,

il a toute sa tête.

Les gens de nez disent qu'il est demeuré.

Mais le juge qu'il a eu

en face de lui a souvent eu

l'impression qu'il était censé, plus

censé qu'il en avait l'air.

Et la question à son importance,

parce que dans ces années-là, sous Louis-Philippe,

tuer son père ou sa mère

c'est le crime le plus grave.

Ça conduit tout droit

à la guillotine, avec un rituel

particulier. Les auteurs de

Pariside, comme on dit, sont emmenés

à l'échafaud avec un voile noir

sur la tête.

En revanche, s'il est aliéné.

C'est autre chose.

Depuis 1810,

on a introduit dans le code pénal

un nouvel article, l'article 64

qui dit qu'il n'y a

ni crime ni délit, si le prévenu

était en état de démence,

autant de l'action. Autrement dit,

si le jeune Rivière est un demeuré,

il ne sera pas jugé.

On l'enverra à l'asile.

C'est tout. C'est donc le principal sujet

de l'enquête qui, à part ça,

n'est pas bien compliqué.

Le Pierre est-il zinzin ou pas ?

Le 15 juillet,

un mois et demi après le massacre,

le juge exupère le grain, retourne donc

à Olné.

Il interroge une dizaine d'habitants du village

à commencer par le curé.

La baissurirée, ventripotant le

tin rougeau et un œil à moitié fermé.

Pierre m'a toujours paru d'un caractère

fort doux. Je sais bien

qu'il passait pour l'idiot du village, mais

il n'est pas comme ça. Au contraire,

je lui ai toujours trouvé des aptitudes

pour les sciences.

Je veux bien entendu dire qu'il lui était arrivé

de poursuivre avec une faute un enfant

qui était dans la cour, mais ça n'était qu'une

plaisanterie. On y songerait plus

s'il n'y avait pas eu ces meurtres affreux.

Les autres, en revanche,

tous les autres, disent qu'ils n'avaient

pas la lumière à tous les étages.

La veuve Colville, par exemple,

qui habite près de chez les rivières, raconte

qu'elle l'a vu couper des tèques de choux

avec un bâton en criant,

droite, gauche, gauche, droite,

comme s'il avait cinq ans. Et qu'une

fois, il a organisé commun enterrement

pour un oiseau mort auquel

il a fait participer tous les enfants

du patelin. Le juge entend

aussi une cousine, jeune vieille rivière.

Je l'ai souvent vu la tête lever, en train

de parler tout seul. Quand je lui demandais

ce qu'il faisait, il me disait, je parle avec

les faits et avec le diable.

Et puis le 20 juillet,

après avoir graté comme un forcené

pendant cinq jours au fond de sa cellule,

Pierre Rivière rentre au juge

ses confessions par écrits.

Le juge se jette

dessus. Les premières

lignes sont stupéfiantes.

...

Moi, Pierre Rivière,

ayant égorgé ma mère, ma sœur

et mon frère, et voulant faire connaître

quels sont les motifs qui m'ont porté à cette action,

j'ai écrit toute la vie que mon père

et ma mère ont mené ensemble pendant leur mariage.

Après cela, je dirais

comment je suis résolu à commettre ce crime

et ce que je pensais alors et quelle était

mon intention. Je dirais aussi

quelle était la vie que je menais parmi le monde.

Je dirais ce qu'il se passa dans mon esprit

après avoir fait cette action.

Le juge

n'en revient pas.

Certes, la syntaxe est parfois moyenne.

L'orthographe, chancellant.

Et la ponctuation, aléatoire.

Mais à part ça,

ça se tient. C'est du bon français.

C'est même assez fascinant.

Le gamin détaille mot pour mot,

jour après jour,

les humiliations que sa mère

faisait subir à son père. Il a une mémoire

exceptionnelle.

Et puis il s'explique aussi

sur ses comportements, sur ses bizarreries

qui intriguent tout le monde dans le village.

Il a peur des femmes.

C'est vrai. Mais parce qu'il a peur

de laisser échapper un fluide invisible

qui mettraient les femmes enceintes.

Ces contortions étranges,

ces de l'amusement, rien d'autre.

Il dit aussi qu'il a tué sa mère

pour ressembler au héros

des livres qu'il lit de façon bolimique.

Ce qui se sacrifie

pour leur patrie et pour leur roi.

Lui, c'est sacrifié pour son père.

Il explique aussi

pourquoi il a tué son petit frère Jules,

qui n'a que ses temps.

Il l'a tué pour que son père

le haïsse et pour qu'il n'ait aucun

regret quand il passera sous les chafaux.

Alors non.

Ce gamin n'est pas débile.

Il est même brillant, sous certains aspects.

Pour un fils de paysan

qui est allé si peu à l'école,

il est extrêmement brillant.

Le juge demande alors au docteur Bouchard,

qui est membre de l'Académie royale de médecine,

de l'examiner.

Vous noterez que ce Bouchard

n'est absolument pas un spécialiste de santé mentale.

Il n'est pas alieniste,

comme on dit à l'époque.

Ils sont billieux, mélancoliques,

mais en excellente santé.

Il note qu'il mange bien,

qu'il dort bien et qu'il n'a jamais reçu

de coups sur la tête.

Et voilà sa conclusion.

Chérie Vierre,

aucune maladie n'a pu déranger

les fonctions du cerveau.

Je n'ai remarqué en lui aucun signe

d'aliénation mentale.

Il n'a pas fait le tribe l'assassinat

qu'à son état d'exaltation momentanée,

préparé par les malheurs de son père.

Donc on peut le juger.

Sans problème.

Et dans la perspective du procès,

on désigne donc au jeune Rivière

un avocat, maître Berthot,

qui n'a qu'une seule carte

dans son jeu.

Tanté de prouver malgré les conclusions

du médecin expert, que son client est fou.

Il demande donc une contre-expertise.

Mais il la confie

à un vrai spécialiste de la folie,

le docteur Vastel,

qui rend lui des conclusions tout à fait opposées.

Non seulement il pense

que Pierre Rivière est aliené,

mais il considère qu'il a hérité ça

de sa mère, dont il évoque

les crises d'hystérie.

Voilà ses conclusions.

Le retour de Rivière a des idées plus saines,

ne peut-être que de courte durée.

Il est dangereux et doit être séquestré

dans son propre intérêt,

et surtout dans celui de la société.

Bon, et bien maintenant tout va se jouer

au procès

devant la cour d'acises.

À l'époque ça ne traîne pas,

le procès est programmé pour le 11 novembre 1835,

soit 5 mois

après la tuerie.

Évidemment, la salle d'acises

est pleine à craquer.

On veut voir à quoi ressemble l'animal.

Le père Rivière est là,

en habils du dimanche,

avec deux de ses enfants,

prospères et aimés.

Pierre Rivière est assis face au public,

encadré par deux gendarmes,

la tête inclinée,

le regard perdu.

On lui présente l'arme du crime,

la serbe.

Regardez là, Monsieur Rivière,

il y a encore dessus le sang de votre mère

et de votre sœur.

Le gamin tourne la tête

et se met à gémir.

J'ai hâte de mourir !

Et puis les médecins viennent

à la barre.

Le docteur Vastel,

aliéniste, répète ce qu'il a écrit

dans son rapport.

Il considère que Pierre Rivière est aliéné

et que sans doute son aliénation

lui vient de sa mère.

Mais dans la foulée, le docteur Bouchard,

membre de l'académie royale de médecine,

s'en jette, vient dire tout le contraire.

Monsieur Rivière

n'est pas aliéné,

en sa constitution physique.

On ne trouve qu'une cause qui a pu déranger

les fonctions du cerveau.

Il n'est pas non plus monomane,

il ne délire pas sur un seul sujet.

Il n'est pas magnate puisqu'il n'est pas

dans un état continu d'agitation.

Il n'est pas idiot puisqu'il a écrit

un texte plein de sens.

Il n'est pas non plus en état de démence

ainsi qu'il est facile de le voir.

Donc Pierre Rivière

n'est pas aliéné.

Au juré de se débrouiller avec ça.

...

Les débats sont intenses

puisque le délibéré dure 3 heures,

ce qui pour l'époque est beaucoup.

On sait que les jurés demandent à relire

le texte écrit par le jeune Rivière.

Et le verdict tombe.

Les jurés n'ont pas retenu la folie.

Pierre Rivière est donc condamné

à mort.

...

Mais l'affaire ne s'arrête pas là.

Les journaux s'emparent du débat.

Le pilote du calvados par exemple

écrit.

Nous déplorons du fond de notre âme

qu'il faille encore recouvir au bras du bourreau

pour guérir les maladies quelquefois héréditaires.

Qu'il nous soit permis de joindre

notre voie consciencieuse,

à la voie émue du défenseur,

pitié pour lui, pitié pour lui,

mais pas d'infamie

et surtout pas des chafauds.

Ils dèment dans la gazette des tribunaux.

J'espère que le roi

éclairé sur cette affaire

trouvera dans sa clémence

le moyen de concilier les droits de l'humanité

et l'intérêt social.

Certains jurés eux-mêmes

écrivent au roi Louis-Philippe

pour demander sa grâce.

Qu'on l'enferme, oui, mais qu'on le tue,

non.

...

La vocation mobilise

un collège de médecins.

7 pontes de la médecine de l'époque

qui se réunissent le 25 décembre 1835,

jour de Noël.

Il y a là le doyen

de la faculté de médecine de Paris,

le médecin du roi en personne,

le secrétaire perpétuel de l'académie

royal de médecine et d'autres grands médecins.

Et pendant toute la journée,

il se penche sur le cas du jeune rivière.

Et voilà leur verdict.

...

Depuis l'âge de 4 ans,

Pierre Rivière n'a cessé de donner

des signes d'allié-nation mentale.

Son allié-nation a persisté

quoique moins intense

après les homicides qu'il a commis.

Ces homicides sont uniquement

duts, assez délires.

En conséquence de quoi le 10 février 1836,

le roi Louis-Philippe

accorde la grâce

à Pierre Rivière

et commut sa peine en réclusion criminelle

à perpétuité.

Mais Pierre Rivière n'ira pas au bout.

Elle se penne dans sa cellule

de la prison de Beaulieu à Caen

en octobre 1840.

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En 1835 dans un petit village du Calvados, l’aîné d’un couple de fermiers massacre sa mère, sa sœur et son frère à coups de serpe. La plupart des habitants du village le décrivent comme fou... Alors faut-il le condamner à mort ou l’envoyer à l’asile ?