Hondelatte Raconte - Christophe Hondelatte: [BONUS] - L’affaire Cadiou, un meurtre qui sent la poudre

Europe 1 Europe 1 9/18/23 - 29m - PDF Transcript

Cet été, vous avez surfé de belles vagues. Visitez des musées étonnantes et goûtez des

saveurs inoubliables. Pourtant, les meilleures journées vous attendent maintenant.

Jusqu'au 30 septembre pendant les Stardes, les nouveautés sont à l'honneur chez Mercedes-Benz.

Venez découvrir nos six modèles compacts hybrides rechargeables comme le nouveau

GLA et son autonomie électrique allant jusqu'à 70 km.

Stardes journée étoilée, détail sur Mercedes-Benz.fr

Au quotidien, prenez les transports en commun.

Une affaire criminelle qui se déroule juste avant la guerre de XIV aujourd'hui.

À Landerneau, en Bretagne, l'affaire Cadio, Louis Cadio, un directeur d'usine que l'on

retrouve assassiné. Je vais vous raconter toute l'enquête qui s'interrompt pendant la guerre

de XIV. Et là, on se dit, c'est fini. Il n'y aura pas de suite. Pensez-vous, l'enquête reprend après

la guerre. C'est étonnant ça, parce que la guerre de XIV fait au total 9,5 millions de morts,

1,4 millions de Français. Et bien, malgré cette boucherie, la justice française s'attache à

trouver l'assassin d'un seul homme, Louis Cadio. Pour le débrif, tout à l'heure, une Bretonne est

au téléphone. Elle a écrit entre autres les grandes affaires criminelles de Bretagne et les

grandes affaires criminelles du Finisterre aux éditions de Boré. Bonjour, Lénaï Gravis.

Bonjour, Christophe. Et à tout à l'heure donc pour le débrif de cette histoire que j'ai écrite

avec Thomas Audoir, réalisation de Céline Lebrase.

Européen, Christophe Andelat.

Cette histoire nous amène à Landerneau, en Bretagne, à un moment un peu particulier,

juste avant la guerre de XIV. Et à Landerneau, dans ces années-là, il y a une usine, une usine

qui va être le théâtre de notre crime. L'usine de la grande pallu qui fabrique ce qu'on appelle

du coton-poudre, c'est-à-dire de la poudre, de l'explosif, à partir de coton. Je vous passe la

recette, mais je vous assure qu'on peut faire de la poudre à partir de fibres de coton. Cette usine

est dirigée par un certain Louis Cadio. Et un jour, il disparaît.

Louis Cadio, en ce temps-là, partage sa vie entre son usine de Landerneau et Paris, où vit

sa famille, rue du Cherchmilly. Mi-décembre 1913 à Paris, il dit à sa femme.

Chérie, je m'en vais à Landerneau quelques jours. Mais je serai de retour pour le réveillon du 31,

vous viendrez me chercher.

Le 31, Mme Cadio va à la gare Montparnasse. Elle va sur le quai à l'arrivée du train de Bretagne.

Elle attend que le quai se vide, pas de Marie. Et donc elle rentre chez elle et elle passe

le réveillon toute seule. Et puis, deux jours plus tard, inquiète de n'avoir aucune nouvelle,

elle va voir le député de Morley, Monsieur Leclo-Harrec.

Monsieur le député, je viens solliciter votre aide. Je dois vous dire que je suis inquiète.

J'ai peur qu'on ait voulu se débarrasser de mon mari, Monsieur le député. Je ne sais pas quoi faire.

Se débarrasser de lui ? Mais ce que vous suggérez est très grave.

Ecoutez, si cela peut vous aider, je m'en vais prévenir la sûreté.

Et un matin de janvier 1914, deux inspecteurs de la sûreté débarquent à Landerneau.

Ils vont d'abord à l'usine, où ils tombent sur le directeur technique, l'ingénieur Louis-Pierre.

Ah, mais je n'ai aucune nouvelle de Monsieur Cadou. Depuis quand ?

Depuis le 29 ? Je ne l'ai pas revu depuis le 29 décembre.

Ils vont ensuite chez Cadou, dans sa maison de Landerneau, et ils tombent sur sa bonne, Madame Léoste.

Et elle dit qu'elle l'a vu le 30 au matin.

Il m'a dit je partirais peut-être ce soir à Paris, mais pour vous dire qu'il n'était pas certain,

il m'a demandé d'acheter une bouteille de lait pour le petit déjeuner.

Mais le lendemain, je suis allé frapper à sa chambre, vide.

Le lit n'avait pas été défait, et il n'avait point dormi là.

Je me suis dit qu'il était parti à Paris sans prévenir, voilà tout.

Donc d'entrée, il y a un problème de date. Cadou a-t-il disparu le 29 ou le 30 ?

On ne sait pas. Et à part ça, aucune piste.

On envoie les gendarmes faire une battue dans les bois autour de l'usine, on sonne de la rivière, rien.

Le procureur est sur le point de classer l'affaire.

Mais pendant ce temps-là, à Paris, Madame Cadou s'agit.

Elle commence par offrir une prime de 2000 francs à qui permettra de retrouver son mari.

Et surtout, une de ses cousines lui fait une confidence.

Ma chère, j'ai quelque chose à vous dire.

L'une de mes amis est aller voir une somme nambule de Nancy, Madame Hoffman.

Formidable somme nambule.

Et bien cette somme nambule croit savoir où est le corps de Monsieur Cadou.

Là, il faut que je vous affranchisse.

Une somme nambule, à l'époque, c'est ce qu'on appelle aujourd'hui une voyante.

Et quand elle dit cette somme nambule,

elle dit la chose suivante.

Monsieur Cadou aurait été tué près de son usine.

Elle dit qu'il y avait deux assassins, un grand barbu et châtein, et puis un autre plus petit.

Elle dit qu'il faisait le gai, tandis que son compagnon, après avoir fait tomber,

Monsieur Cadou, avec une corde, était en train de l'assommer.

Elle dit que le premier coup a été porté sur la tête à gauche,

et qu'il fallait chercher aux environs de l'usine, à droite du moulin,

mais pas dans l'eau, dans les bois.

Elle dit que le corps a été enterré sous très très peu de terre.

Imaginez, imaginez qu'on retrouve le cadavre de Cadou sur les indications d'une somme nambule.

Ça serait dingue, hein ?

Et là donc, que fait Madame Cadou ?

Eh bien, elle informe le procureur.

Monsieur le procureur, une somme nambule a décrit précisément l'endroit où se trouve le corps de mon mari.

Auriez-vous s'il vous plaît l'obligeance d'aller voir et de vérifier ?

Mais le procureur, il est comme moi. Il est comme vous peut-être.

Il ne croit pas aux divagations des sommes nambules, et donc il l'envoie bouler.

Je vous en prie, Madame. Nous faisons un métier sérieux, hein.

Nous ne travaillons pas sur des divagations.

Mais Madame Cadou s'en tête.

Alors elle écrit à son beau-frère, qui est anneur près de Brest.

Cher Jean-Marie, personne dans cette enquête ne veut me croire.

Ils n'ont pas confiance dans la divination.

Mais je t'en prie, peut-tu aller voir près du moulin si tu ne le trouves pas ?

Réponse du beau-frère.

C'est promis ma chère belle-sœur. Je vais chercher.

Et le 4 février, armée d'un bâton,

le beau-frère va fouiller les fourrées près du moulin proche de l'usine de la Grande-Palais.

Et aux abords de Ruisseau, il remarque que la terre a été fraîchement remuée.

Il la gratte du bout de son bâton.

Diantre, apparaît un bout de tissu.

Il court à l'usine, il revient avec l'ingénieur Louis-Pierre.

Il se met tous les deux à enlever la terre à la main,

et il tombe sur le cadavre de Louis-Cadieu.

Positionné sur le ventre avec une grosse balave au cou,

qui laisse échapper un peu de sang,

la somme n'ambule avait raison.

Et nous voilà donc avec un cadavre qu'il va falloir autopsier.

Et une autopsie en 1913, c'est assez folklore.

C'est le docteur Rousseau, médecin légiste qui s'y colle.

Le cadavre est emmené à l'usine,

dans une petite pièce mollement éclairée par une toute petite fenêtre.

On n'y voit rien, en vérité.

On le pose non pas sur une table, il n'y en a pas, mais sur le rebord d'une cuve.

À ce moment-là, le légiste s'aperçoit qu'il a oublié sa trousse.

Ce n'est pas grave, donnez-moi donc des sécateurs.

Et à grands coups de sécateurs, le voilà qui ouvre le corps contre deux.

Il constate que l'estomac est vide ou presque.

Il n'y trouve qu'une bouillie blanchâtre.

Mon avis, c'est du tapioca.

Sans doute son tapioca du matin.

Ce qui voudrait dire qu'il a été tué après son petit déjeuner et avant son déjeuner.

Le légiste mesure ensuite la plaie au niveau de la gorge.

16 cm exactement.

Il a été gorgé.

Et voilà, c'est fini.

Et maintenant, qui ?

Qui a égorgé Louis Cadiou ?

Assez vite, le procureur et le juge d'instruction ont un suspect.

Ils pensent que l'assassin est le numéro 2 de l'usine.

Le directeur technique, l'ingénieur Louis Pierre, 31 ans.

Et pourquoi donc ?

Parce qu'un jeune berger vient raconter que le 30 ans,

avant midi, il a vu Louis Cadiou et l'ingénieur Pierre partir ensemble sur un chemin qui monte à travers bois.

Et qu'il a vu revenir l'ingénieur seul.

Un autre témoin vient dire qu'il les a vus partir ensemble.

Avant midi, toujours le 30.

Tout ça a fini par faire de l'ingénieur Louis Pierre le suspect numéro 1.

Et donc il est arrêté sur le champ.

Je proteste.

Je jure que je suis innocent.

Peu importe.

Le soir même, il est incarcéré à la prison de Landerno.

Et le lendemain, on l'emmène chez lui rue de la Tour d'Auvergne pour une perquisition.

Et chez lui, on trouve une carabine, un couteau à petite lame recourbée et surtout une pioche,

une pioche tachée de sang, avec sur la lame des poils encore collés.

Enfin, c'est incroyable ! Cette pioche m'a servi à tuer un lapin.

Et surtout, au fond d'une poubelle, on retrouve le brouillon d'une lettre,

une lettre adressée au ministère de la guerre, une lettre de dénonciation

dans laquelle l'ingénieur accuse son patron, Louis Cadiou, de travailler pour les Allemands

et de s'être fait payer deux fois une cargaison livrée à la poudrerie d'Angoulême.

Dans la tête du juge, ça va vite, il l'a dénoncé et ensuite il l'a tué.

Commence alors un interrogatoire.

Monsieur Pierre, n'aviez-vous pas intérêt à vous débarrasser de votre patron

pour vous emparer de son usine, par exemple ?

Je n'ai jamais eu cette intention. Aviez-vous avec lui des disputes ?

Oui ? A quel sujet ?

Eh bien j'étais intéressé aux bénéfices de l'usine.

Et lui, altérer les comptes pour réduire mon pourcentage, ça ne m'allait pas.

Et d'ailleurs nous avions convenu de nous séparer. Je devais quitter l'usine le 1er mars prochain.

Et j'avais trouvé une nouvelle place dans une usine similaire qui est en train de se construire près de Daoulas.

On assaisit une lettre chez vous, monsieur. Vous l'avez dénoncé ?

Oui, c'est vrai. Mais c'était mon devoir que de prévenir le gouvernement.

Malgré ces dénégations, l'ingénieur Louis Pierre est renvoyé en prison.

Mais là on bute sur la question du mobile. Pourquoi est-ce qu'il aurait tué Louis Cadio ?

Pour récupérer son usine après sa mort, c'est complètement idiot.

C'est la femme de Louis Cadio qui hérite de tout.

L'ingénieur Pierre n'avait aucune chance de reprendre l'usine. Donc on bute sur un os.

Et on bute aussi sur un autre os.

Le légiste dit que Cadio avait été écorgé.

Une entaille à la gorge de 16 cm qui, dit-il, a sectionné la jugulaire.

Or, il n'y avait pas beaucoup de sang autour du cadavre.

Les vêtements eux-mêmes n'étaient pas tachés.

Or, je peux vous dire que quand on sectionne la veine jugulaire, ça pisse le sang.

Il y en a partout. C'est comme un robinet.

Là, il y a quelque chose qui cloche.

Et donc il est décidé de procéder à une deuxième autopsie.

...

Et pour ça, on fait venir à un pont de Paris.

Le docteur Paul, qui débarque à Landerneau le 16 février.

Et qui se retrouve face à un cadavre, dans un sale état, 40 jours que Louis Cadio est mort.

Ces conclusions sont un tremplement de terre.

Cet homme, messieurs, a été tué par balle.

Et par derrière. Et à bout portant.

D'ailleurs, voici la balle. Je l'ai trouvée dans sa tête, à environ 7 cm de son oreille droite.

C'est une balle de calibre 6 mm, qui a sans doute été tirée par un révolver de type bulldog.

Voilà, messieurs.

Incroyable retournement.

Le premier légiste était un incapable.

Il n'a pas vu que Cadio avait une balle dans la tête.

Sacré bevue.

...

Mais alors, à quoi correspond l'entail à la gorge ?

Alors.

Il y a deux hypothèses.

La première, le tueur fait cette entaille pour égarer les enquêteurs.

Et ça a failli marcher.

Deuxième hypothèse.

Le tueur fait cette entaille pour tenter, tant charcutant, d'aller récupérer la balle fichée dans la tête.

Et faire disparaître une preuve.

Quoi qu'il en soit, Cadio a été tué par balle.

Il n'a pas été égorgé.

...

Mais qu'est-ce que ça change ?

Et est-ce que ça dédouane l'ingénieur Pierre ?

Eh ben, pas forcément.

Vous vous souvenez qu'en perquisitionnant chez lui, on a trouvé une arme.

Est-ce que c'est un bulldog calibre 6 ?

On va vérifier tout de suite.

On retourne chez lui et on tombe sur un révolver.

Mais c'est du 8 mm.

Ça n'est pas un bulldog 6 mm.

On vérifie alors qu'il n'y en aurait pas ailleurs, quelque part, un autre révolver à l'usine, par exemple.

Et on découvre que, oui, le veilleur de nuit, M. Bossard a un révolver.

Alors on va le voir.

Dites-moi, M. Bossard, est-il vrai que vous avez un révolver ?

J'en ai eu un.

Mais je l'ai rendu.

À qui ?

A M. Pierre.

Et pourquoi l'avez-vous rendu ?

C'est une arme qui me faisait peur.

Je n'ai pas besoin de révolver.

Est-ce que c'était un 6 mm, M. Bossard, de marque Bulldog ?

Oh, je le sais point.

Tout ce que je sais, c'est que je l'ai rendu et que je l'ai vidé avant de lui rendre.

On interroge à nouveau l'ingénieur Pierre.

Mais enfin, l'arme que m'a rendu le veilleur de nuit, c'est l'arme que vous avez trouvé chez moi.

C'est la même.

Il n'y en a qu'une.

C'est un 8 mm.

Ça n'est pas un 6 mm.

Et donc, quelques semaines plus tard, à regret,

le juge d'instruction Pierre Bidard de l'Anoé est bien obligé de relâcher l'ingénieur Louis Pierre.

À regret.

Vraiment à regret.

Et là, il se trouve un autre suspect.

Le veilleur de nuit, justement.

M. Bossard.

Parce qu'à l'occasion de l'interrogatoire sur l'arme, il en a raconté une bien bonne.

Il savait, figurez-vous, où était le cadavre de Louis Cadiou,

bien avant qu'on ne le découvre, bien avant la somme d'ambul.

Il est tombé dessus par hasard, il a eu peur qu'on l'accuse,

alors il a remis de la terre par-dessus et il est parti en courant.

Avouez, du coup, qu'il y a de quoi le suspecter.

Et donc, le juge Bidard de l'Anoé le convoque.

Et là, lui vient une idée.

Et si c'était lui, Bossard, le veilleur de nuit,

qui était derrière les soi-disant divinations de la somme d'ambul.

Et donc, il fait venir la voyante, de Nancy, jusqu'à Landerneau.

Un peu surpris de constater qu'elle ne ressemble pas à une sorcière,

mais à une ménagère tout à fait ordinaire.

Dites-moi, Mme Hoffman.

Vous savez que vous êtes à l'origine de la découverte du cadavre de M. Cadiou.

Vous saviez qu'il avait disparu.

Ah non, monsieur, non.

Vous n'aviez pas lu la nouvelle dans les journaux.

Au moins, vous savez, je ne regarde que les feuilles tombent.

Le reste ne m'intéresse pas.

Dans quelles circonstances avez-vous vu le corps de M. Cadiou enterrer près de l'usine ?

Vous savez, je suis somme d'ambul depuis ma petite enfance.

Je procède toujours de la même manière.

Je me plonge dans une sorte de sommeil hypnotique.

Et là, je pense que je suis resté une dizaine de minutes endormie.

Et quand je me suis réveillé, mes yeux étaient pleins de larmes.

J'avais vu la scène.

Je ne peux rien vous dire d'autre.

Bien.

Le juge décide alors de faire venir la tente de Mme Cadiou, Mme Simby,

puisque c'est elle qui a sollicité la voyante.

Vous croyez à la voyance, Mme ?

Oui, monsieur, oui.

Je crois aux esprits aussi fortement qu'un chrétien croit en Dieu.

D'où tenez-vous cette certitude ?

Mon mari est mort, monsieur le juge.

Et bien, quand je fais tourner la table de notre salle à manger,

il revient illogé et il parle avec moi.

Il me raconte, si vous saviez, des choses extraordinaires.

Comment avez-vous procédé concernant la disparition de M. Cadiou ?

Je suis venu chez la somme d'ambul avec des gants lui ayant appartenu.

Mme Hoffman a mis les doigts dans les gants.

Et là, elle est entrée en transe.

Elle s'est renversée sur sa chaise.

Elle avait d'espasme.

Elle a dit, il est dans le bois, je le vois.

Il est près du talu.

Il est recouvert de peu de terre.

Vous a-t-elle dit qu'il l'avait tué ?

Oui, oui.

Elle a dit en chatin, grand barbu de 30, 35 ans,

avec un autre plus petit.

Tout ça est assez croquignolé, comme dirait l'autre.

Et qu'est-ce qu'il en ressort ?

Au final.

Bah, pas grand chose.

Rien ne prouve que cette voyante

était informée par le veilleur de nuit Bosseur,

sur l'endroit où était le corps.

Et donc, qu'est-ce qu'il reste contre le veilleur de nuit ?

Rien.

Et donc, il est relâché à son tour.

Et le juge en revient à sa première idée.

L'ingénieur Louis Pierre.

Il n'a pas de preuves contre lui.

Mais il est sûr que c'est lui.

Alors il commence par solliciter un expert.

Monsieur Cohn à Brest,

à qui il présente ce qui pourrait être l'arme du crime,

c'est-à-dire la pioche retrouvée chez l'ingénieur.

Pouvez-vous me dire, monsieur l'expert,

s'il y a sur cette pioche des traces de sang ?

L'expert observe la pioche sous toutes ses coutures.

Il trouve de la rouille.

Oui.

Mais absolument pas de sang.

Et pas non plus de sang sur le couteau

retrouvé chez l'ingénieur.

Et pas de sang encore sur les vêtements de l'ingénieur.

Ça n'est donc pas avec la pioche qu'on va le coincer.

Le juge fait ensuite travailler un autre expert,

un armurier de Saint-Etienne.

Il lui soumet la balle retrouvée dans la tête de Cadio.

Eh bien, coutez, c'est une balle blindée

de cartoucherie française.

C'est un modèle très répandu.

On le trouve chez tous les armuriers.

Voilà qui n'arrange pas les affaires du juge.

Il n'a toujours aucune preuve contre son suspect.

Et puis là-dessus arrive la guerre, la guerre de XIV.

Et l'ingénieur Louis-Pierre s'empresse de s'engager dans l'armée.

Il rejoint le XIIIe régiment d'artillerie.

Et il reste mobilisé toute la guerre,

jusqu'au 10 mars 1918.

Pendant quatre ans, donc, grâce à la guerre,

il échappe au soupçon du juge Bidard de l'Annoé.

Mais quand la guerre s'achève,

il imagine que le juge ait passé autre chose.

Pas du tout.

Le 23 septembre 1919,

l'ingénieur Louis-Pierre reçoit une convocation

devant la cour d'assises de Quimperre.

Son procès est programmé pour le 26 octobre suivant.

Le 24 octobre,

Louis-Pierre se constitue prisonnier

à la maison d'arrêt de Quimperre.

Et deux jours plus tard,

le voilà devant la cour d'assises.

Monsieur Pierre,

quel était votre emploi du temps,

la journée du 30 décembre 1913 ?

Au bout de six ans, monsieur le Président,

je m'en souviens,

je m'en souviens,

mais tout ce que je peux vous dire,

c'est que si des témoins prétendent m'avoir vu

avec Monsieur Cadiu ce jour-là,

il y en a d'autres qui ont vu Monsieur Cadiu

amourler,

ou à Saint-Paul-de-Léon.

Le ton est donné des louvertures.

L'accusé Louis-Pierre

va jouer sur le doute.

Commence alors le défilé des témoins.

Monsieur,

vous avez déclaré lors de l'instruction

que vous avez vu Monsieur Cadiu.

Il y en a d'autres qui ont vu

que vous avez déclaré lors de l'instruction

que vous avez vu Monsieur Cadiu et Monsieur Pierre

rentrer ensemble dans le bois le 30 décembre.

Oui, je confirme.

Je les ai bien vus.

Le problème, c'est qu'une heure après,

un autre témoin vient dire,

avec le même appelon,

à moi, j'affirme que j'ai vu

Monsieur Cadiu vivant le 31.

Il était à la pâtisserie.

Je suis formel.

Alors, ce témoin,

vout-il plus ou moins que le précédent,

c'est tout le problème.

Qui croit ?

Arrive le moment cocasse

où l'on fait venir à la barre

la somme nambule,

la voyante qui a permis de trouver le cadavre,

Madame Hoffman.

Quelle est votre profession Madame ?

Je suis somme nambule.

De quoi vous occupez-vous principalement ?

Je ne travaille que dans la recherche

d'assassinats.

Quelqu'un vous a-t-il fourni des renseignements

sur le crime de la grande pallu ?

Oh non, personne !

On entend ensuite Madame Seinby,

l'ami de Madame Cadiu,

qui a consulté cette voyante.

Alors, Madame,

vous avez confiance

dans les somme nambules ?

Oui, Monsieur, oui, c'est mon droit.

Ne pensez-vous pas

avoir mis vous-même part

d'un volontaire indiscrétion ?

Madame Hoffman, la somme nambule

sur la voie de la vérité.

Ah non, Monsieur le Président,

Madame Hoffman était endormie,

elle est venue d'elle-même.

Tout ça ne fait pas avancer

les débats d'un Yota, perte de temps.

Telle que c'est parti,

l'ingénieur sera à quitter.

À ce moment-là, en plein procès,

parait dans le journal Le Matin

l'interview d'un certain Gabriel Tonard,

une interview

qui dédoine totalement

l'ingénieur Louis-Pierre,

et qui ouvre une nouvelle piste

qui n'était absolument pas apparu

pendant l'enquête.

Que fait le Président de la Cour d'assises ?

Il décide de faire venir ce Gabriel Tonard

à la barre.

Grâce à lui, on va peut-être enfin

connaître la vérité.

Oui, Monsieur,

j'urais de dire la vérité,

toute la vérité, rien que la vérité.

Levez la main droite s'il vous plaît, et dites, je le jure.

Je le jure.

Monsieur Tonard, nous vous écoutons.

Voilà.

J'ai rencontré Monsieur Cadiu

sur la route qui va de Morley à Brest.

La date,

je m'en souviens plus.

Il m'a pris dans sa voiture,

et puis à un moment, six hommes

sont arrivés.

Six vous dites ? Oui, six.

Ils ont tiré sur Monsieur Cadiu.

Ils l'ont tué.

Et vous, vous n'avez rien fait ?

Ils m'ont fait respirer du chloroform,

Monsieur le Président.

Et qu'avez-vous fait ensuite ?

Pourquoi n'avez-vous pas porté plainte ?

Mais l'un des hommes m'a dit,

si tu parlons de tuer,

et puis j'ai trouvé le prix

de mon silence dans ma poche.

Ils avaient mis 20 000 francs

en Louis-Dor. Alors j'ai rien dit.

Pentalonade.

Ce type raconte n'importe quoi.

Ça se voit sur sa tête.

Le Président est excédé.

Je me demande, Monsieur,

si c'est la peine d'insister.

L'avocat général, les autres magistrats

et même les avocats, tout le monde est d'accord.

Cet homme est un affabulateur.

Bien, Monsieur,

vous pouvez disposer, nous n'avons pas

d'autres questions.

Et le procès s'achève

dans cette espèce de grand n'importe quoi.

Il n'y a aucune preuve

de la culpabilité de l'ingénieur

Louis-Pierre.

Ça n'empêche pas l'avocat général

de le charger autant qu'il peut.

Je garde l'impression personnelle

que Monsieur Pierre est coupable.

Et je m'étonne

qu'en présence de temps d'obscurité

et de temps de contradiction,

de bons esprits et qu'on suit

une opinion contraire.

Je n'en persiste pas moins

à demander le châtiment

comme l'assassin

de son patron.

Viens ensuite

l'applédoirie de l'avocat de l'accusé,

M. Henry Robert.

Messieurs les jurés,

l'affaire Louis-Pierre

sera terminée ce soir, n'est-ce pas ?

Quand vous l'aurez acquitté

par manque de preuves.

Mais pas l'affaire Cadiou,

celle-là continuera

la justice à 10 ans

pour rechercher le vrai coupable.

Le Président s'adresse alors à l'accusé.

M. Pierre,

avez-vous quelque chose

à déclarer à la cour avant qu'elle ne se retire

pour délibérer ?

Oui.

Messieurs les jurés,

je jure devant Dieu

et sur la tête de mon enfant,

je suis innocent !

Les jurés se retirent pour délibérer,

ça ne dure pas bien longtemps,

un petit quart d'heure.

M. Pierre, veuillez vous lever.

La condassise,

après en avoir délibéré,

décide de vous acquitter de la totalité

des charges retenues contre vous.

Vous êtes libres, monsieur.

Gardes, veuillez le libérer

sur le champ de son entrave.

L'audience est close.

Et on n'a jamais su

qu'il y a tué Louis Cadio.

Machine-generated transcript that may contain inaccuracies.

En janvier 1914, à Landerneau en Bretagne, Louis Cadiou, directeur d’une usine de poudre à canon est retrouvé mort dans un bois près de son usine. L’enquête identifie un suspect : le numéro 2 de l’usine mais elle sera interrompue pendant la guerre de 14 -18 et reprendra après. Le suspect est renvoyé devant la cour d’assise alors qu’il n’existe aucune preuve de sa culpabilité.