Hondelatte Raconte - Christophe Hondelatte: [BONUS] - Jérôme Carrein, l’avant dernier guillotiné
Europe 1 9/9/23 - 32m - PDF Transcript
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Une grande affaire criminelle aujourd'hui, qui se situe dans une période absolument
passionnante, qui est celle qui précède l'abolition de la peine de mort dans notre pays, dans
les dernières années, pendant lesquelles on risque sa tête, qui ressemble un peu à
une sorte de loterie, c'est-à-dire qu'on est condamné, parce que la peine de mort
est encore applicable, ou alors on y échappe, parce qu'on sent bien que c'est fini.
Et aujourd'hui donc, l'affaire Jérôme Carrin, un tueur d'enfant arrêté en 1975 dans
le nord, jugé en 1977, et c'est une histoire que j'ai écrite en m'appuyant notamment
sur un très bon livre qui vient de sortir, et dont l'auteur est en face de moi, La Revanche
de la Guillotine, aux éditions plein jour.
Bonjour Luc Brien.
Bonjour Christophe Fondat.
Notre travail sur cette affaire Carrin est d'autant plus intéressant que vous êtes magistrat,
aujourd'hui conseillé à la Cour d'appel d'Exem-Provence.
J'ai aussi nourri ce récit de papiers qui ont été écrits à l'époque par le truculant
chroniqueur d'Europe n°1, Frédéric Pochère, et aussi par d'excellentes interviews des
protagonistes de cette affaire réalisés à l'époque par le journaliste Daniel Mermet,
que nous avons exhumé des archives de l'Institut national de l'audiovisuel.
Voici donc l'histoire de Jérôme Carrin, je l'ai écrite avec Pierre Antain, la réalisation
et de Céline Le Bras.
Europain, Christophe Fondalat.
Cette histoire a pour théâtre un petit village du Nord, à la frontière avec le pas de calée,
Arle, des maisons de brique collées les unes contre les autres, et aux 22 de la rubiasse,
un troquet, un tout petit bistro, une porte, une fenêtre, et au-dessus une enseigne, café, pas de nom.
Nous sommes au mois d'octobre 1975, le 27, il est environ 5 heures de l'après-midi,
et l'office de la patronne, Éric, 10 ans, rentre chez lui, avec son cartable sur le dos.
Il pousse la porte du café, il traverse la petite salle qui sent la bière et le tabac,
il lâche son cartable derrière le jukebox qui joue.
Et il passe derrière le comptoir et il entre dans la cuisine.
Et là, il retrouve sa mère, Fernand, Fernand de Vimeux.
36 ans et déjà deux maris et sept enfants.
Quand elle voit Éric arriver tout seul, elle tique un peu mais elle ne dit rien.
Tiens, Cathy n'est pas avec lui.
Cathy, c'est sa petite soeur, 8 ans et demi.
D'habitude, il rentre ensemble de l'école.
Bon, sur le coup, je ne dis rien, c'est vrai.
J'ai plus chez des pommes de terre pour faire de la soupe à l'union.
Au bout d'une demi-heure, je dis, ben...
Être soeur, qu'est-ce qu'elle fait ? Elle est punie ou quoi ?
Alors, Éric me fait, oh non, dis-moi, j'ai oublié d'être dite.
Tu sais, je me suis dit que tu as donné ma géomédie.
J'ai dit, oui, ben quoi ?
Il a pris Cathy et puis il a dit qu'il était au parti de chercher des vifs pour Jean-Louis.
Alors, j'ai dit, oui, depuis le temps-là.
Éric dit que le monsieur a emmené Cathy pêcher des apas dans le marée
et qu'ils sont partis sur la route de Palluel.
Le monsieur, Fernand ne voit très bien de qui il parle.
Henry, un poche-tron qui traînerait nos villages depuis deux mois de bistrons en café.
Pareil qui dort dans une grange, une cloche, comme on dit harle.
Trapu, brun, rouge haut avec une moustache.
Sinon, pas mauvais bougre, hein. Il était là midi.
Fernand lui a servi une bonne assiette de blanquette de veau.
Quand Jean-Louis, son mari, rentre du boulot, Fernand lui explique.
L'astiote, l'eau, elle est pour entrer.
Il y a le type de smidie qu'il a emmené.
Et là, Jean-Louis part à la recherche de Cathy.
Et sur les coups de six heures, voient-il pas que le Henry se pointe au bar.
Admi, Fernand.
Bah l'astiote, elle est où ?
Bah l'astiote, elle est où ?
L'astiote ? Il est pas revenu ?
Bah non.
Bah moi, je l'ai laissé au petit pont.
Fernand lui sert son demi.
Mais à partir de ce moment-là, ça trotte dans sa tête.
On n'a pas parlé longtemps.
La porte, elle s'ouvre tout grand.
C'était Jean-Louis qui revenait d'avoir été chercher à Cathy.
Ça mène, il est trempé par le call back.
Puis il a dit, dis-moi de te l'amie, dis-moi de te l'amie.
Quoi, quoi ? De quoi tu parles ?
J'avais dit, fais pas de l'union chien.
Le chien, tu sais que tu l'as laissé.
Dime-le que je l'acquère.
Bah dis-je, je l'ai pas vu, dis-je, je l'ai laissé chez Amandine.
Ah, tu te trouves pas de ma galide ?
Tu l'aurais laissé chez Amandine, elle s'en venait chez.
Alors là, il l'a trempé, il l'a bousculé contre le jus de box.
Et c'est là qu'il a foutu le noir noir.
Si le genre d'armes n'arrivent pas à arriver,
ils n'auront pas eu de procès.
Mais pourquoi les gendarmes sont-ils là si vite
pour embarquer le Henry ?
Eh bien parce que Jean-Louis, en rentrant les a prévenus,
et heureusement qu'ils sont venus,
Jean-Louis était en train de le lyncher
à coups de croc no.
Et voilà donc Henry, à la gendarmerie d'Arle,
qui pour commencer, ne s'appelle pas Henry,
mais Jérôme, Jérôme Karin, 34 ans.
Et justement, les gendarmes le cherchaient, ça tombe bien.
Il a cogné son beau-père il y a quelques jours.
À part ça, il est cuit comme un petit lus.
Le Henry, qui s'appelle Jérôme.
Les gendarmes le collent donc direct en cellules de dégrisement.
On verra quand il aura des soulets.
Et quand il sort, au bout de trois heures,
il a encore un gramme 51 d'alcool dans le sang.
C'est vous dire s'il était rincé.
Il n'est pas très reluisant, le Jérôme,
sous le néon de la gendarmerie d'Arle.
Sale, rougeau, avec un œil au beurre noir.
Pendant qu'il cuvait sa bière, les gendarmes n'ont pas chômé.
Ils ont d'abord interrogé Eric,
qui leur a répété ce qu'il avait déjà dit à sa mère.
Et ils ont trouvé un deuxième témoin.
Mme Lyéna, elle promenait son chien,
et elle les a vus sortir du village tous les deux,
Jérôme et la petite Cathy, sur la route de Palluel.
Alors maintenant que Jérôme Carin a un peu des soulets,
il est temps de l'interroger.
À partir de maintenant, tu es en garde à vue.
Bon, pourquoi ?
Dis-nous où est la petite, et tout va s'arranger.
On la récupère, et si elle va bien, on s'arrête là.
Bon, je ne veux pas moins.
Il est encore temps, parle-nous, Jérôme.
On sait qu'elle est partie avec toi, on t'a vu.
Tu as dit à son frère que vous alliez pécher.
Bah ouais, c'est vrai qu'on est partis pour aller chercher des vifs.
Mais je sais plutôt aller boire une bière, moi.
Là, je tiote, je l'ai laissé rentrer chez eux.
Où ça, est-tu allé boire une bière ?
Rue de la chaussée.
On t'a vu dans ce bar ?
Bah ouais, il y avait vraiment un collègue.
Un collègue.
Ouais, un gars avec qui on boit des coups, quoi.
Un pandore fit l'interroger la patronne du troquet de la rue de la chaussée.
Pas vu.
Et le collègue Armand ?
Non plus.
Alors, Jérôme, tu nous as menti.
C'est eux, le menteur.
Et ça dure comme ça jusqu'à 10h30 du soir.
Rien n'a en tiré.
Alors, les gendarmes le remettent en cellule
et ils appellent toutes les brigades du coin en renfort
et ils lancent une grande battue du côté des marais.
Qu'ils ratissent toute la nuit.
Et c'est le lendemain matin, vers 9h,
qu'ils la trouvent.
Cathy, qui flotte sur le dos dans une mare
et dans les roseaux, son petit cartable.
Les gendarmes préviennent tout de suite le procureur de la République
et c'est le maire d'Arleux, qui prévient Fernand.
Lendemain, quand j'ai vu M. Bush arriver,
à 9h30, les yeux tous rouges, j'avais compris.
J'ai dit, Émile, on est mort.
Moi, j'ai dit oui.
C'est tout seul au prix, là.
Les gendarmes amènent Jérôme Carrin sur les lieux
et de retour à la gendarmerie, sur le coup des 10h30,
ils se mettent à table.
C'est Miquel en feu.
Tu l'as emmené dans le marais.
Oui.
Pourquoi ?
Parce que c'est là qu'il n'y a personne
et elle te suit.
Oui.
Tu lui dis quoi ?
Je lui dis qu'on doit retrouver des copains
près de le Barclan.
Je lui montre le Barclan.
Et après, tu fais quoi ?
Après, il la pousse en avant.
Il la fait tomber.
Il se couche sur elle.
Il veut la violer, elle crie, elle se débat.
À un moment, elle se relève, elle se mette à courir.
Elle tombe.
Il la rattrape.
Elle crie encore.
Il l'étrangle.
Elle ne bouge plus.
Il la lâche.
Elle tombe.
Mais elle respire encore.
Alors il tente encore de la violer.
Il n'y arrive pas.
S'il la laisse là, comme ça.
Elle le dénoncera.
Alors il la prend.
Et il la porte jusqu'à la mare.
Et il arrange un peu ses vêtements
pour faire croire à un accident.
Et il la jette à l'eau.
Et il lui enfonce la tête.
Dans la vase.
Combien de temps ?
Je casse qu'elle bouge plus.
Et après ?
Après j'ai jeté le cartable à côté d'elle.
Et puis je suis rentré à Arle,
au plus vite que j'ai pu.
Et tu es allé où ?
Au café de chez Fernand.
Il est allé boire une bière chez la mère,
juste après avoir tué sa fille.
Mais c'est pas tout.
C'est pas quelque chose qu'il a improvisé.
Une pulsion qui lui serait venue d'un coup.
Il avait l'idée de la violer et de la tuer
dès qu'il l'a emmené.
Il a choisi l'endroit pour être tout près du trou d'eau
pour la noyer ensuite.
Ça n'est pas un meurtre.
C'est un assassinat.
Il avait tout prémédité.
Le lendemain, 29 octobre,
Jérôme Carin est déféré devant le procureur,
puis devant le juge d'instruction d'Arras
dans le Pas-de-Calais.
Arle c'est dans le nord,
mais le corps a été retrouvé
sur le territoire du Pas-de-Calais.
Dans ce coin-là, on est sur la frontière,
je vous l'ai dit.
Il est inculpé pour enlèvement d'une mineure
de moins de 15 ans.
Tentative de viol.
Jérôme Carin est déféré devant le procureur,
plus de moins de 15 ans.
Tentative de viol.
Et assassinat.
Entre temps, l'autopsie a confirmé
que la petite catille a été étouffée
dans la boue.
On en a retrouvé dans ses poumons,
dans son tube digestif
et des feuilles aussi, et de l'herbe.
Il en faut un cœur sec
pour faire ça
à une petite fille de 8 ans et demi.
Non ?
L'estouffée dans la boue.
Mais qui est ce type qui a fait
une telle horreur ?
C'est au juge
qu'il raconte d'abord.
L'alcool.
Ça remonte à ses 14 ans.
Il faisait les foins, il avait la gorge sèche.
Voilà.
Et après, il devient maçon
et il a toujours la gorge sèche.
A 19 ans, il se marie.
Et 15 jours plus tard,
il castagne sa femme, bourrée, bien sûr.
Sa femme devenu son ex-femme
et qui racontra...
Alors début 73,
elle prend son courage à deux mains,
elle va voir les gendarmes et elle porte plainte.
Et Jérôme prend 10 mois de cabane
à la prison de Doué.
Et à peu près à la même époque,
il se met à tousser comme un boeuf.
La tuberculose.
Alors le docteur l'envoie au sanatorium.
Mais comme il fait le mur pour picoler,
eh bien il se fait virer.
Il claque la porte de son dernier patron
en juin 1975.
Il essaye de retourner chez sa mère,
mais son beau père le fiche dehors.
Et voilà.
Voilà comment il est arrivé là.
C'est à ce moment-là
qu'il s'installe dans les marais d'Arleux.
Il y bricole une cabane.
Son petit frère le ravit taille de temps en temps.
Et quand l'automne arrive,
il se cache la nuit dans des granges.
Voilà qui est Jérôme Carin.
C'est un pauvre type.
Deux jours avant de noyer Cathy,
il va voir sa mère,
à l'hôpital.
Alors il a bu,
et il vient de me dire,
tu sais, maman, je te dirais,
quand tu vas revenir,
tu serais attiré dans le jardin derrière
mon maison.
Il pleurait, pleurait, pleurait.
Parce qu'il ne savait plus où aller mon garçon,
monsieur.
Il dormait en dessous les portes,
il dormait constant dans l'air,
dans les potures,
un vrai clochard,
qui était...
Il était au bout du rouleau,
Jérôme Carin.
Il parlait de se suicider,
c'était deux jours,
avant de tuer Cathy.
Le lendemain de ses aveux,
on le présente à deux psychiatres.
Vous buviez combien de verres,
par jour ?
C'est pour moi,
quelque chose comme dit demi,
et du vin aussi ?
Bah lui,
combien ?
Bah, dans les divers aussi.
Une bouteille, quoi.
Un peu plus.
Soit 2 litres et demi de bière,
et 1 litre de vin,
par jour.
Dans leur rapport les psychiatres écrivent,
personnes extrêmement régressives,
primaires,
mal structurées, dominées par un complexe
de rejet et d'échec,
sous vissement affectif.
À part ça, il a toujours été conscient.
Il n'est pas délirant,
il n'est pas schizophrène,
il est donc responsable de ses actes.
Mais les psychiatres ajoutent,
et notez-le bien ça,
parce que ça va compter dans la suite de cette histoire.
Qu'une fois guérite son alcoolisme,
il ne présentera pas de risque de récidive.
Dit par l'intéressé, ça donne.
Il boucle son dossier d'instruction,
le juge a le sentiment de l'envoyer,
tout droit vers la guillotine.
Le procès est programmé
pour le 12 juillet 1976
devant la cour d'assise de Saint-Omer
dans le Pas-de-Calais.
Juste avant, Jérôme Carin écrit une lettre
bourrée de photographes
à sa famille.
Ne voudras casser pas.
Vous savez comment
le jugement va être très difficile.
Je sais que la peine de mort
sera mon jugement.
Ce qui me fait mal au coeur,
c'est pour ma maman,
quand elle va apprendre le jugement
par la radio ou par la télévision.
Il faut dire que dans
l'attente du procès,
Fernand de la Mer de Cati,
s'est lancé dans un porte-à-porte
dans tout le canton.
Jérôme Carin écrit la peine de mort
pour Jérôme Carin.
Et donc le procès s'ouvre à Saint-Omer
le 12 juillet 1976,
une journée top chrono,
pas plus.
Aujourd'hui, on y passerait au moins une semaine.
Je dis ça pour ceux qui pensent que la justice
régresse.
Quand il apparaît dans le box,
on découvre un Carin transfiguré.
En prison, forcément, il ne peut pas picoler.
Et bien ça lui fait du bien.
Il est bien coiffé, l'arrêt sur le côté,
joli costume,
la chemise peut-être un peu criarde,
mais une cravate noire,
saube.
Mme Lienard, qui a vu passer Jérôme Carin
avec Cati, vient dire.
La petite, elle suivait.
Elle avait l'air contente.
Carin, lui, cause peu.
Il ne sait pas pourquoi il a fait ça.
Il regrette.
En fin de journée, l'avocat de Fernand, la maman,
vient déposer la pétition
sur le bureau du président.
300 signatures pour réclamer la mort.
L'avocat général,
sans l'ombre d'une hésitation,
demande la peine capitale.
Et l'avocat de Carin, maître le franc,
qui n'a pas une grosse expérience
de la cour d'assises, plaît d'assez mollement.
Sans grand talent.
Et les jurés délibèrent 50 minutes.
Il ne lui accorde aucune
circonstance atténuante, et il le condamne
à mort. Et le public
applaudit.
Silence !
Silence !
A l'époque, il n'y a pas d'appel.
Mais Carin se pourvoit en cassation.
C'est son dernier recours.
Son avocat plaît que l'une des questions posées
aux jurés était trop complexe
pour être bien comprise.
Et il obtient gain de cause.
La condamnation à mort de Jérôme Carin
est cassée.
Il y aura donc un nouveau procès.
Il y aura lieu cette fois, devant la cour d'assises
de Douay.
Ce qui n'est pas forcément une bonne nouvelle.
Douay, c'est le nord.
Douay, c'est le département d'Arleu.
Les jurés seront forcément
très sensibles
aux sortes de la petite catie.
Il n'est pas du tout certain qu'il puisse sauver sa tête.
Et pour Jérôme Carin,
je vous le dis tout de suite,
ça n'est pas une bonne date.
Ça n'est pas une bonne date
du tout.
Car juste avant, 15 jours avant,
sera jugé un autre tueur d'enfant,
Patrick Henry.
Et vous allez voir que le destin de Patrick Henry
va beaucoup peser sur celui de Jérôme Carin.
Je vous rappelle que Patrick Henry
a élevé et tué un petit garçon de 7 ans
et réclamé une rançon.
Lui aussi, il risque la peine de mort.
Sauf que lui,
il est défendu par un grand avocat,
Robert Badinter,
qui décide de faire de son procès
le procès de la peine de mort.
Et il arrive à convaincre les jurés
d'accorder à Patrick Henry
des circonstances atténuantes.
Patrick Henry échappe à la mort.
Il est condamné à la perpétuité.
Et pour les opposants
à la peine de mort,
c'est une victoire.
Mais pour les partisans
de la peine de mort,
c'est une gifle.
Ils sont remontés comme dépendules
et ça va beaucoup peser tout ça
sur le second procès de Jérôme Carin
qui s'ouvre
13 jours plus tard.
Ce jour-là a doué
le 31 janvier 1977.
Il fait froid
et il pleut.
Tout le village d'Arle et-là.
Le président German est un magistrat chevronné.
Il interroge Jérôme Carin
avec beaucoup de douceur.
Pourquoi avoir agressé
Cathy, monsieur Carin ?
L'idée m'est venue
comme un coup de fusil.
Le président German
a obligé Jérôme Carin
à raconter comment il avait entraîné
la petite catypetie
vers les marécages au-delà du village
de Palluel, comment il l'avait
violé et sur ce point.
Bien que le huis clos n'ait pas été prononcé,
tout a été dit en détail,
je vous assure, et tout a été
dit par l'accusé lui-même.
Et ensuite, Carin raconte
le meurtre. Comment il a
essayé de l'étrangler ? Et comment après,
il lui a enfoncé le visage dans la boue
jusqu'à l'étouffée.
Et après il dit...
Je comprends pas ce qu'il m'a pris.
J'ai vu rouge quoi ?
Moi qui ferais pas de mon l'œil de mouche ?
On se tourne vers les psychiatres.
On lui reproche de boire
et d'avoir commis son meurtre
dans un délire d'alcoolique inassouvi.
Est-ce cela oui ou non ?
Eh bien on n'en sait rien.
Il dit qu'il pouvait certes
mais il ajoute pour mon nécessaire
Monsieur le Président.
L'expert psychiatre pense que l'alcoolisme
ajouté à la tuberculose
a fait de Jérôme Carin
un infirmemental
qui n'a plus de frein
pour résister à la tentation.
Sa responsabilité est entière
l'expert.
L'avocat général Leflen a fait toute sa carrière
dans les colonies. A Madagascar d'abord
et en Côte d'Ivoire après.
C'est un dur, un très dur.
Dans son poids
crispé par la mort
on a trouvé des chevaux à vous
Carin.
Ce n'est pas la preuve qu'elle s'est défendue
elle arrive enfin
en se tortillant
à se sauver mais vous êtes le plus fort
vous la rattrapez
elle tombe encore
et vous vous jetez sur elle en lui serrant la gorge.
Je vais vous faire une confidence Carin
je ne vais pas perdre mon temps
à démontrer la préméditation
vous risquez deux fois
la peine de mort
pour moi une seule suffit
Mais la suite du réquisitoire
de l'avocat général Leflen
dépasse largement le cas de Jérôme Carin
Leflen est pour la peine de mort
il n'a pas à digérer la perpétuité
de Patrick Henry il y a 13 jours
à peine ça lui reste
en travers de la gorge
pour moi
A3 poursuit l'avocat général
c'est perpétré
un véritable viol de conscience
que n'excusent pas le talent
souligné
des défenseurs de Patrick Henry
on a reporté sur les jurés
une responsabilité qu'ils n'ont pas
à apporter
ici à Douay poursuit le magistrat
vous ne vous substiturez
pas au législateur
Et l'avocat général Leflen enchaîne
il faut démontrer que
dans les pays où la peine de mort a été abolie
la Suède, l'Allemagne, la Grande-Bretagne
l'Italie
la criminalité augmente
Prenez garde
Mesdames et Messieurs
si on a storé dans le pays
une jurisprudence où la condamnation maximum
serait la réclusion criminelle
à perpétuité
on risquerait d'être sacrifié
le laxisme et la velerie
conduisent à l'extension du crime
car un à droit
a aucune circonstance atténuante
Messieurs les jurés
seuls convient à la peine de mort
vous n'êtes pas seuls
nous ne vous abandonnerons pas
La plaidoirie de l'avocat général Lefren
s'achève dans un silence de mort
et après c'est le pauvre maître Lefren
qui se lève pour plaider
mais tout le monde s'en fit
il a bien du mal à couvrir le brouhaha
vous allez condamner à mort
un homme qui n'a plus rien à voir
avec l'homme qui a assassiné l'enfant
un homme qui a déjà vécu 15 mois
avec le tranchant de la lame au-dessus de son cou
et qui pourtant
s'est déjà amendé en prison
par le sevrage
et par la discipline carcérale
Jérôme Carrin bien entendu
à le dernier mot
moi je regrette
je demande pardon
ce que j'ai fait horrible
et là, la mère Fernande
se lève d'un coup
est-ce que je crois aussi que le jury a tenu beaucoup compte
c'est quand il a demandé pardon
je me suis levée
puis j'ai dit messieurs mesdames les jurés
c'est ma fille qui a été assassinée
pour moi je suis toujours la maman de cati
ça ne se fait pas
de parler après l'accusé
les jurés se retirent pour délibérer
échappera-t-il cette fois
à la guillotine
eh bien non, la peine de mort
n'est pas encore abolie
c'est seulement après une heure
de délibération
que les jurés de Douais
ont condamné Jérôme Carrin
à mort
les gens applaudissent
Fernande la maman de cati
de la victoire
et Carrin lui
il a pas compris
quoi ?
qu'est-ce qu'il a dit ?
il t'ont déclaré coupable
et condamné mais t'inquiète pas
on va demander la cassation comme l'autre fois
et si ça marche pas, il y a encore la grâce du président
mais ça m'est venu comme un coup de fusil
ça m'est venu comme un coup de fusil
un fourgon le ramène à la prison
de la foule
et le chroniqueur d'Europe n°1
Frédéric Pochère conclut de cette affaire
que la peine de mort est devenue
une sorte de loterie
les accusés passibles de la peine de mort
tireront-ils demain le bon numéro
avec son Provence
à Toulouse, à Saint-Homère, à Paris
le talent d'un badinter
d'un quiège mandin, le maire
vous évitera-t-il la peine capitale
alors que le talent
d'un avocat général
n°3 risque de vous amener la guillotine
sur un plateau
la peine de mort devient
dans quelque sorte une loterie
le pourvoi en cassation cette fois
est rejeté
maître Le Front tente alors d'obtenir
la grâce de Giscard Dessin
il va le voir, il l'argumente
le président ne pose aucune question
et finalement il laisse comme on dit
la justice suivre son cours
...
le matin du 23 juin 1977
on vient chercher Gérôme Carin
dans sa cellule
à la maison d'arrêt de Doué
vers 3h30 du matin
allez Gérôme
il est l'heure
l'heure de quoi ?
c'est pas vrai
si Gérôme
Giscard a refusé
c'est dégueulasse
il graissait les bougnoles
et pour moi
Carin s'habille, se débarbouille
il remercie ses gardiens
et notamment un dont il dit
qu'il est l'homme le plus gentil de la terre
et puis il dit à son avocat
maître
dit à ma mère que je regrette
toutes les mauvaises choses que je fais
dites lui de me pardonner
dites lui que je penserai à elle
jusqu'à dernière minute
...
il accepte un verre de cognac
le premier depuis bien longtemps
et puis on lui attache les mains
et les chevilles
on lui coupe les cheveux sur la nuque
on taillade le col de sa chemise
et on le conduit devant la guillotine
il roule à long sur la planche
...
il avait encore l'espoir d'obtenir sa grâce
jusqu'au terme
je pense qu'il a
toujours espéré cette grâce
Gérôme Carin a eu conscience
de la atrocité
de son crime et c'est peut-être
dans une large mesure sans doute
qui explique son comportement
au moment d'exécution car je peux dire
que Gérôme Carin est mort avec
un courage absolument exemplaire
la petite sœur de Gérôme Carin
apprend la nouvelle
par la radio
on l'a appris à la radio
parce qu'on nous avait dit que c'était à la radio
qu'on aurait su s'il aurait été grossier
ou exécuté
alors on l'a mis en RTL
et à 21 joie
Gérôme Carin a été exécuté
j'ai monté, j'ai isolé le Gérôme au Mère
on n'a revenu pas
même
Gérôme Carin est le dernier
condamné à mort de nationalité française
dans quelques semaines
sera exécuté le dernier condamné
à mort tout court
un tunisien
Amida Jandoubi
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Le 27 octobre 1975 à Arleux, dans le Nord, disparaît la petite Cathy, huit ans. Son frère raconte qu’un homme l’a emmenée pêcher. Jérôme Carrein, 34 ans, un vagabond alcoolique, avoue avoir étranglé et noyé la petite fille. En janvier 1977, devant la cour d’assises de Douai, l’avocat général demande la mort…