Hondelatte Raconte - Christophe Hondelatte: [BONUS] - Jacqueline Sauvage, le malentendu

Europe 1 Europe 1 10/30/23 - 18m - PDF Transcript

Je vous raconte aujourd'hui la fameuse affaire Jacqueline Sauvage, une femme de 64 ans qui

en 2012 tue son mari Norbert de trois balles dans le dos parce que dit-elle il l'a frappé,

il frappait les enfants et aurait violé ses filles. Voici donc comment tout a commencé.

Le lundi 17 septembre 2012, le téléphone sonne chez les pompiers du Loiret, il est 19h27.

Oui, les pompiers? J'ai tué mon mari à la salle sur le biais.

Qu'est-ce que vous dites? C'est mon mari, il est mort, j'y ai tiré dessus.

A quel adresse? 24, Léo de la salle. Venez vite!

La salle sur le biais, c'est un petit village près de Montargis à environ 100 km au sud de Paris.

Les pompiers appellent les gendarmes qui sont sur place dix minutes plus tard et ils se trouvent

face à une belle maison bourgeoise, le portail est fermé. Ils l'enjambent, ils marchent vers la

terrasse et ils tombent sur le corps d'un homme qui baignent dans une mare de sang. Un petit gros

au cheveu gris que les gendarmes reconnaissent tout de suite. Norbert Marot, le patron d'une petite

entreprise de transport qui marche pas mal dans le coin, 65 ans. Et sa femme? Où est-elle sa femme?

Madame Marot? Madame Marot! Les gendarmes avancent de pièces en pièces et ils la trouvent dans une

des chambres, en état de choc. Elle a la lèvre tuméfiée, elle a l'air complètement perdue. Elle

titube, elle a les yeux dans le vague et elle dit j'ai tué mon mari. À la voir, là telle qu'elle est,

petit bout de femme au cheveu grisonnant, désert de mamie gâteau, on a beaucoup de mal à croire qu'elle

vient d'abattre son mari de trois balles dans le dos. Jacqueline Marot, 64 ans, qui à partir de

ce moment précis va se faire appeler de son nom de jeune fille Jacqueline Sauvage.

Comme elle est blessée à la lèvre, les gendarmes commencent par l'amener à l'hôpital à Amilly,

à une vingtaine de kilomètres. Un médecin l'examine, il lui fait deux points de suture sur sa lèvre blessée

et dans son rapport il ajoute, équimose récente, au coup de gauche. Ensuite on lui fait une prise de

sang, pas de somnifères, pas de drogue, pas d'alcool. Ok. Et là, les gendarmes sont sur le point de

l'emmener à la gendarmerie de Château-Renard pour la placer en garde à vue. Le médecin lui dit,

madame, madame j'ai quelque chose à vous dire, voilà, le maire de la salle sur le biais a prévenu

vos filles, Fabienne, Sylvie et Carole, il les a eues toutes les trois et après elles sont allées

prévenir votre fils Pascal. Je suis désolé madame, elles l'ont trouvé mort, il s'est suicidé,

il s'est pendu. Voilà madame. Jacqueline Sauvage s'effondre, elle vient de tuer son mari,

son fils s'est suicidé. Wow, je vous le dis tout de suite, l'enquête démontrera plus tard que les

deux drames n'ont aucun rapport, le hasard, même si la concomitance des deux événements indique

une forme de tension générale dans cette famille et donc Jacqueline Maraud n'est Sauvage et placée

en garde à vue et elle raconte. Je faisais ma sieste et vers les trois heures Norbert m'a réveillé

en me gueulant dessus, il m'a dit bouge ton cul, va faire à bouffer, je suis allé à la cuisine et là

il m'a mis son poids dans la figure, il était bourré comme un coin. Ça m'a fait comme une

tincelle, comme une coquotte minute qui explose et puis c'est là que j'ai pris l'arme et j'ai

chargé et c'est là que j'ai tiré trois fois. Elle l'a abattu alors qu'il était de dos,

alors qu'il était passé à autre chose et s'y rotait son whisky sur la terrasse. Ça s'est passé

en fraction de seconde le temps d'aller dans la chambre chercher l'arme et elle sortit et j'ai

tiré, j'étais plus, je me contrôlais plus et c'est là que j'ai vraiment joué que ça cesse.

Et l'arme ? Elle venait d'où l'arme ? J'avais un fusil et des cartouches qui étaient cachés dans ma

chambre. Ah bon ? Et pourquoi faire ? Oh ben avec Norbert, j'avais toujours dans l'idée qu'un jour

ça finirait mal avec les violences, tout ça. Si on résume, d'après ce qu'elle dit, il la cogne,

ça lui fait comme des étincelles, elle va dans la chambre, elle prend sa carabine, il est de dos

sur la terrasse et elle le tue. Tout ça est censé s'enchaîner. Le problème c'est que ce scénario ne

colle pas du tout avec les premiers éléments de l'enquête. Norbert Marot est mort à 19h25,

les voisins sont formels. Il était devant Mérosier et lui il était sur sa terrasse. Il prenait

l'apéro comme tous les soirs. J'ai entendu les coups de feu, moi je me suis dit bon ben voilà c'est

monsieur Marot qui tire sur des pigeons ou quelque chose qui passe. Or la dispute, le coup de point,

la blessure à la lèvre, elle le dit elle-même, c'était quatre heures plus tôt à trois heures de

l'après-midi. Elle ment quand elle dit qu'entre le coup qu'elle reçoit et le moment où elle lui tire

dans le dos, il ne s'écoule que quelques minutes. Le temps d'aller dans la chambre et de prendre la

carabine. Ce qui est en jeu bien sûr c'est la préméditation. S'il s'écoule quatre heures entre

le coup de point et le coup de feu, c'est prémédité. S'il ne s'écoule que deux minutes c'est moins

sûr. En deux minutes c'est un coup de sang, c'est passionnel mais en quatre heures c'est un assassinat.

Le lendemain Jacqueline Sauvage est incarcérée à la maison d'arrêt d'Orléans et au fond de

sa cellule elle couche noir sur blanc ce qu'elle va dire pour sa défense. Elle va dire que Norbert

son mari abusait de ses filles, elle va dire qu'il était violent. Le procès de Jacqueline Sauvage

s'ouvre le 24 octobre 2014 devant les assises du Loiret à Orléans. Deux ans après les faits,

ça fait un moment que dans l'attente du procès elle est sortie de prison, elle comparait donc

libre. Ce procès je vous le dis tout de suite n'intéresse personne, trois ou quatre journalistes de

locaux, rien de plus. Et tous ceux qui ont assisté à ce premier procès vous diront qu'elle ne

fait pas bonne impression comme on dit. Elle est froide, elle est antipathique, elle est dure. A la barre

elle raconte qu'elle a beaucoup souffert, que son mari était violent avec elle et avec les enfants.

Elle dit qu'il a abusé de ses propres filles quand elles étaient gamines, ce que les filles viennent

confirmer à la barre. Elles disent que leur enfance a été un enfer. La présidente du tribunal lui demande

« Et pourquoi n'avez-vous rien dit ? Vous cherchez à partir ? J'avais peur ? J'étais sous son emprise. »

Le problème dans cette affaire, c'est que quasiment personne n'a jamais été témoin de ses violences.

Sauf peut-être son ex bel-fille, l'ex de son fils Pascal, elle dit que plusieurs fois elle l'a vu dans un

salle état. Mais les voisins répètent qu'ils n'ont jamais rien vu. Le peu qu'on les a connu ça faisait

comme un jeune couple, un jeune couple ça se fait des petits bisous, ça s'aime bien. Ce qui est

certain en revanche, c'est qu'à la salle sur le biais personne ne pouvait blérer le père maraud.

Au procès, on entend des choses incroyables sur sa mort.

Je pense que ça a dégagé une plénitude de dire « Ouf, enfin, on va peut-être être tranquille ».

On a vu à sa tranquillité.

Oui, oui, oui, enfin, entre guillemets, moi j'ai vu à sa mort.

C'est rare d'entendre autant de mal sur un mort. Alors elle dit qu'elle était sous-emprise.

Mais des témoins viennent dire qu'elle n'était pas femme à se laisser marcher dessus.

Il raconte une scène qui date de 1991. Elle apprend que son mari la trompe. Elle débarque chez la

maîtresse pour lui faire une scène. Et après, elle attend son orbert avec un fusil de chasse pour

bien lui faire comprendre ce qu'il risque s'il l'a fait cocu. Donc c'est une femme qui dégaine

un fusil pour une histoire de fesses. Le procès se termine. Les jurés ne retiennent pas la

préméditation. Ils la condamnent à dix ans de prison ferme, alors qu'elle en courait trente ans.

Dix ans, c'est une manière de dire qu'on reconnaît des circonstances atténuantes,

mais que ça n'excuse pas tout. Elle fait appel. Il y aura donc un deuxième procès.

Je vous l'ai dit, le procès s'est déroulé dans l'indifférence générale. Hormis des journalistes

locaux, personne ne l'a suivi. En revanche, dès le lendemain du verdict, les médias s'emparent

de l'histoire. Et il la résume à la façon de gens qui n'ont pas suivi le procès.

C'est un verdict qui suscite beaucoup de critiques. La Cour d'assises du loirais a

condamné mardi une femme qui avait tué son mari à dix ans de prison ferme. Elle avait subi

un véritable enfer conjugal pendant de longues années. Son mari l'a frappé, il violait ses propres

filles. Jacqueline Sauvage ayant fait appel, il y a donc un deuxième procès qui, celui-là,

attire la foule des journalistes. Il s'ouvre onze mois après le premier verdict. Le premier décembre

2015, devant la Cour d'assises du loirais cher à Blois. Il dure trois jours et sur beaucoup de points,

il est une répétition du premier procès. Une fois de plus, Jacqueline Sauvage ne convainc

pas. Certes, on croit que son mari l'a mal mené, l'a maltraité, mais rien ne prouve qu'il l'a

martyrisé. Et elle se montre toujours aussi froide. Pas une fois, elle ne regrette son geste. Et à la

fin, Biss répétita. Pour la deuxième fois, elle est condamnée à dix ans de prison ferme. Jacqueline

Sauvage est d'abord resté impassible depuis lentement. Elle a tourné la tête, cherchant le

regard de ses trois filles au fond de la salle. L'une d'entre elles fabienne alors courue vers le

boxe désaccusé pour étreindre très fort les mains de sa mère. La peine reste la même, sa mère ne

pourra sortir de prison que dans un an, une date à laquelle elle s'accroche. Le 28 janvier 2017,

j'espère que jour là, on nous donnera notre mère pour de bon et qu'on nous fout de la paix.

Le lendemain, le journal Libération résume le verdict en une phrase. Dix ans de prison pour

avoir tué son mari qu'il l'a batté depuis 47 ans. Et ça, ça ne va pas aider à la compréhension du

verdict. Car le verdict dit qu'elle n'est pas que victime. On ne peut pas la résumer à un statut

de victime. Et pourtant, le coup est parti. Une pétition circule sur internet. Elle réclame

la grâce présidentielle pour Jacqueline Sauvage. En trois semaines, la pétition recueille 400 000

signatures. Des célébrités commencent à rallier la cause, comme la comédienne Eva Darland,

qui devient présidente de son comité de soutien. C'est absolument scandaleux. Cette femme a quand même

vécu un enfer pendant 47 ans, que cette femme était victime toute sa vie et qu'elle soit punie

parce qu'elle a subi ça. Alors qu'elle était en état de lente légitime défense, probablement

pas effectif sur le moment, parce qu'il était de dos. Mais de toute sa vie, il allait finir par la

tuer. Il faut libérer cette femme. Et d'autres suivent. Guy Bedoss, Annie Dupéré, Nathalie Baye,

Véronique Sanson. Et puis les politiques ombreilles. La députée de droite, Valérie Boyet,

écrite au président de la République François Hollande pour lui demander la grâce. Elle est suivie

par 36 députés et sénateurs. Le 12 décembre, une manifestation est même organisée à Paris.

Et fin décembre, les filles de Jacqueline Sauvage envoient une lettre à François Hollande.

Monsieur le président, notre mère a souffert tout au long de sa vie de couple. Victime de

l'emprise de notre père, homme violent, tyrannique, pervers et incestueux. En cette période de fête,

si vous vouliez nous faire un cadeau, celui-ci serait le plus merveilleux de toute sa vie et des

nôtres. Le président Hollande n'est pas un grand partisan de la grâce présidentielle. Il trouve

que c'est un outil monarchique. Deux juridacistes se sont prononcés. Pourquoi est-ce qu'il ferait ça ?

Mais il suit la procédure et transfère la demande au bureau des grâces. Il demande aussi

leur avis aux procureurs torléans et à celui de Blois. Qui tous les deux, vous entendez,

tous les deux répondent que la grâce n'est pas justifiée. Ils disent que la peine est équilibrée.

On regarde la gravité des faits. Mais la rue continue de gronder. Les organisations féministes

montent au créneau. Le 29 janvier 2016, le président Hollande reçoit les filles de Jacqueline

Sauvage à l'Elysée. Il a été allé vraiment à l'écoute. Et là franchement, on a été allé

tout fait 30. Il a été vraiment sincère dans ses paroles. Les choses qu'on va plus avoir avec

lui, il était vraiment sincère. Et on a vraiment le sentiment d'avoir été comprise. Et deux jours

plus tard, le 31 janvier, le président de la République prend une décision de grâce par

ciel qui fait tomber la peine de sûreté de 5 ans. Rien de plus. Sa fille Fabienne exulte. Elle pense

que sa mère va sortir. Et vous pouvez j'arrive à avoir mes soeurs au téléphone. Vous vous senterez très très heureuse.

Vous vous rendez compte, ça fait 35 mois. 35 mois qu'on convie depuis ce fameux drame,

cette tragédie. Et là, je me demande encore si c'est la réalité, est-ce que c'est vrai ? Sauf que la

grâce partienne ne signifie pas qu'elle sort. Elle est juste autorisée à formuler une demande de

libération conditionnelle avant l'heure. Et le tribunal, l'application des peines, prend son temps six

mois et finit par dire non. C'est la grosse surprise de cette mi-journée. Jacqueline Sauvage va donc rester

en prison. Elle a été condamnée à dix ans de réclusion pour le meurtre de son mari, violent. Elle

l'avait tué de trois coups de fusil dans le dos, mettant fin à 47 ans d'un cauchemar conjugale. Une

femme battue que François Hollande avait partiellement gracié. Le tribunal d'application des peines de

Mellin rejette donc la demande de libération conditionnelle. Le tribunal d'application des peines,

composé de trois magistrats et de deux représentants des associations de victimes, se justifie. Elle ne

prend pas la mesure de la gravité de son acte. Les experts psychiatres disent qu'elle est dans une

position victimaire. Mais ces mots ne pèsent rien face à l'émotion publique qui monte et qui est la

meilleure alliée des avocats de la condamnée. Les institutions judiciaires font actuellement un

bras de fer avec la grâce qui a été rendue par François Hollande et ce, en dépit de l'intérêt

particulier de Madame Jacqueline Sauvage, qui ne l'oublions pas, est une femme qui va bientôt

avoir 70 ans, qui a été mal traité pendant près de 50 ans. Jacqueline Sauvage fait appel de la

décision du tribunal d'application des peines. Et là, l'opinion publique chauffée à blanc se dit,

là elle va être libérée. Et bien non, la justice conserve sa logique. Elle ne se laisse pas

dicter ses décisions par l'émotion. Hier, la cour composée de trois juges et de deux représentants

d'associations d'aide aux victimes et de réinsertion a estimé que Jacqueline Sauvage devait, je cite,

pleinement accepter sa peine et son exécution, qui lui fallait encore du temps en prison pour

poursuivre son travail psychologique et comprendre son geste, comprendre qu'elle n'est pas seulement

une victime mais aussi l'auteur d'un crime. Les associations féministes eurent la l'injustice.

Elle réclame maintenant que le président Hollande lui accorde une grâce totale. Les

filles de Jacqueline Sauvage écrivent à nouveau au président. Il rend sa décision le 28 décembre

2016. La mobilisation autour de Jacqueline Sauvage aura donc payé grâce totale et surprise accordée

hier par François Hollande à cette femme de 69 ans devenue un symbole des violences conjugales.

Jacqueline Sauvage est libre par le fait du prince. Des centaines d'histoires disponibles sur vos

plateformes d'écoute et sur europe.fr.

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Le 10 septembre 2012, Jacqueline Sauvage abat son mari de 3 coups de fusil de chasse dans le dos. Elle est condamnée en appel à 10 ans de réclusion. Le 28 décembre 2016, François Hollande lui accorde 'une remise gracieuse du reliquat de sa peine d’emprisonnement'.