Hondelatte Raconte - Christophe Hondelatte: Anne-France Dautheville, un tour du monde à moto - L'intégrale

Europe 1 Europe 1 8/20/23 - 43m - PDF Transcript

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Est-ce que le nom d'Anne France d'Audeville vous dit quelque chose ?

Si la réponse est non, alors c'est que vous êtes trop jeune.

Mais rassurez-vous, dans une heure, vous serez au parfum.

Anne France d'Audeville a été, dans les années 70,

une aventurière très célèbre, la première femme à avoir bouclé un tour du monde à moto.

C'était en 1973.

C'était une performance physique, mais d'une certaine manière, me semble-t-il,

un acte féministe, rendez-vous compte, en 1973.

Il y a 45 ans, faire de la moto pour une femme, c'était très inhabituel.

Bonjour Anne France d'Audeville.

Bonjour Christophe Andelat.

Féministe, ça vous va ?

On en parle tout à l'heure.

Eh bien d'accord.

Je vais donc vous reploger 45 ans en arrière.

C'est l'une des vertus de cette émission, dans ce tour du monde qui vous a rendu célèbre.

Évidemment, il m'est strictement impossible de raconter la totalité de la boucle

que vous avez faite autour de la planète.

J'ai choisi deux étapes très exotiques, surtout pour l'époque,

et absolument impensables aujourd'hui, dans le cadre d'un pareil périple,

le Pakistan et l'Afghanistan.

Et tous ceux qui voudront poursuivre, pourront lire votre livre,

qui, ça tombe bien, vient d'être réédité dans la petite bibliothèque des éditions pailloux,

et j'ai suivi le vent, qui, à l'époque, quand il est sorti, en 1975, a été un immense best-seller.

C'est parti.

J'ai écrit cette histoire avec Quentin Mouchel,

réalisation Céline Le Bras, mise en ordre Jean Lénave.

Je vous emmène à Paris, dans la rue, au tout début de l'année 1973.

Vous imaginez le décor, les voitures, les R5, les R12, les 504, les GS,

ça y est, vous visualisez le début des années 70.

Et là, vous la voyez, la jeune femme là, la brune avec sa crinière,

celle qui marche vite, nerveuse, le visage tendul et très crispé,

on dirait qu'elle va mettre une rousse à quelqu'un.

Eh bien, c'est son histoire, que je vais vous raconter.

Anne-France Daudville, 29 ans, une sacrée nénète, je vous préviens.

Je vais vous dire, dans une minute, pourquoi elle est nerveuse comme ça,

et à qui elle met très bien une rousse.

Mais d'abord, laissez-moi vous la présenter.

D'abord, disons les choses.

Anne-France Daudville est une bourgeoise,

une fille de bonne famille, du 16e arrondissement.

Et quand vous la verrez s'embarquer dans son aventure, tout à l'heure,

n'oubliez jamais ça.

À l'origine, c'est une bourge.

Il y a cinq ans, en 68, pendant les grèves,

au lieu de faire la mariole sur les barricades,

elle s'est achetée une motpillette,

et elle est partie sillonner la France en meule.

Et ça lui a beaucoup plu, beaucoup.

Alors, en rentrant, elle a passé son permis moto.

Et en 71, il y a deux ans, elle a tout lâché.

Elle était raide actrice-conceptrice dans une agence de pub,

une parisienne tourbillonnante.

Elle trouvait que sa vie manquait de sens.

Elle a tout envoyé baladé.

Et elle s'est engagée dans un raid à moto.

Le raid Orion.

Paris.

Ispaen.

En Iran.

92 par temps, la seule femme.

Et elle est arrivée au bout,

sur sa Gucci 125.

Et après, elle a continué.

Avec 11 autres motards,

elle est allée jusqu'en Afghanistan

et jusqu'au Pakistan.

Et là, je vous demande de faire un petit effort.

Remettez-vous dans l'esprit de l'époque.

Pompidou est président de la République.

Vous voyez ?

Alors une femme qui va en moto jusqu'au Pakistan,

c'est très audacieux.

Et forcément, depuis son retour,

Anne-France Daudville connaît une petite célébrité.

Et la célébrité, c'est bien connu.

Ça n'a pas que des avantages.

Et c'est pour ça qu'elle est énervée là,

dans la rue, ce jour de 1973.

C'est pour ça qu'on a l'impression

qu'elle va emplater quelqu'un.

On vient de lui dire

que des journalistes remettent en cause son exploit.

Ils l'accusent d'être allés jusqu'au Pakistan.

En camion.

La moto dans la remorque.

En camion.

Elle.

Elle déboule chez un de ses copains.

Tom, elle lui raconte tout.

Tu sais comment j'ai voyagé l'année dernière ?

Ben en moto.

En camion.

Tu le savais ?

En camion.

Moi.

Et là,

elle balance des coups de pied dans les meubles.

Elle fait valdingue et une chaise.

Mais d'où tu sors, Anne-France ?

Je viens de l'apprendre

d'un journaliste.

Tu mets pas dans cet état.

On sait que tu l'as fait en moto,

ton voyage.

Ouais.

C'est ça.

Toi, tu le sais.

Mais c'est pas le cas de tout le monde,

manifestement.

Alors je vais te dire un truc.

Cette fois,

je pars toute seule

sur une 125.

Et je vais aller en Alaska.

Et je le fais constater par la police.

Et ils vont tous fermer leur claque merde.

Elle repart.

Un magasin de moto lui prête

une Kawasaki 100 cm3.

Jaune.

Air Canada lui paie le voyage.

Elle met sa moto dans une grande caisse en bois.

La caisse en bois.

Dans un 747.

Et direction Montréal.

Et là,

voilà au Canada.

En train d'ouvrir sa caisse.

Et là,

c'est le voyage.

Elle repart.

Elle repart.

Elle repart.

Elle repart.

Elle repart.

Elle repart.

Elle repart.

Elle repart.

Elle repart.

Elle repart.

Elle repart.

Elle repart.

Elle repart.

Elle repart.

Elle repart.

Elle repart.

Elle repart.

Elle repart.

Elle repart.

Elle repart.

Elle repart.

Elle repart.

Elle repart.

Elle repart.

Elle repart.

Elle repart.

Elle bazouille,

Oui.

Elle repart.

Elle repart.

Elle repart.

Elle repart.

Elle repart.

Elle repart.

Elle repart.

Elle repart.

une chute, mais elle y est arrivée. Elle est à Anchorage avec sa 100 cm3, elle a

donté les nids de poules des routes d'Alaska. Et si je vous raconte son histoire

aujourd'hui, c'est parce qu'elle ne va pas s'arrêter là. Seule en 1973, elle se lance

dans un tour du monde en 100 cm3. Japon, Inde, je vous propose de la retrouver au Pakistan.

Elle est au poste frontière avec sa veste en cuir, sa salopette et son casque vissée sur la tête,

la moto chargée comme une mule. Le policier lui accordent un visa de 3 jours,

juste le temps de traverser le pays. Vous vous souvenez qu'elle connaît déjà le Pakistan,

elle y est venue l'année dernière avec le Red Orion. Pour vous dire la vérité,

maintenant n'a pas gardé un souvenir impérissable. Elle se souvient d'un monde peuplé d'hommes avec

des yeux très noirs et des vêtements très blancs qui la regardaient en silence sans curiosité,

sans amitié. Bref, la voilà de retour au Pakistan, seul avec sa moto. Au milieu de

gens qui conduisent comme des fous furieux. Les chauffeurs de camions notamment, vous savez les

jolies camions avec les petits rideaux et leurs franges de perles. Ce sont des tarés qui foncent

sans se poser de questions. Sans compter que pour obliger les femmes geo à ralentir, les Pakistanais

ont semé de ci de là des dodanes. Tu ne ralentis pas à temps, tu finis dans le décor. Bref,

sur sa moto Anne France n'emmène pas large. Elle a l'impression de jouer sa vie à chaque

fois qu'un camion la double. Elle roule comme ça jusqu'à Gujarat, au nord-est du Pakistan.

Et là, elle cherche un endroit pour dormir. Et on la dirige vers une école de fille. Le directeur s'appelle

Monsieur Kahn. Il lui dit, pas de problème, venez dormir à la maison, je vous présenterai ma

femme et mes enfants. C'est lui, Monsieur Kahn, qui va la réconcilier avec les Pakistanais. Dans son

livre elle écrit, Monsieur Kahn est un homme plein d'esprit et de curiosité. Il a commencé une

conversation de bonne éducation. Puis il a saisi la manière dont je réagis. Il m'a lancé quelques

signaux. Il s'est installé entre nous une espèce de complicité qui faisait que nous nous

esclavions au même plaisanterie avant même de les avoir dites. Et est-ce là ce Pakistan

opaque de l'année dernière, la méfiance qui m'avait en rebuté ?

Quoi qu'il en soit, le lendemain matin, elle reprend la route. Et tout d'un coup, au sommet

d'une côte, au niveau d'un petit village, alors que sa moto rame dans la montée, elle voit un groupe

d'hommes au loin qui se dirigent vers elle. Ils ont des fusils à la main. Et là, elle entend des

détonations. Elle est prête à se jeter dans le fossé. Les hommes se rapprochent et elle s'aperçoit

que derrière eux, sur un cheval, se trouve un homme tout habillé d'or et de soi précieuse. Il

porte une calotte sur la tête et son visage est recouvert d'une longue frange de paire.

Elle s'est fait peur pour rien. C'est un mariage. Et au Pakistan, on tire des coups de feu pour les

mariages. Coutume local. Et l'homme sur le cheval, c'est le marié. Elle leur fait un petit coucou et

elle les entend dire. Comme, comme. Viens, viens. Elle aurait bien voulu, mais elle n'a que trois jours

pour traverser le pays. Pas un de plus. Elle ne peut pas se mettre en retard. Et c'est bien dommage.

Et elle poursuit sa route en remontant une rivière, le Kaboul, qui coule vers l'Afghanistan. Et elle

s'arrête pour faire une pause près d'une citadelle. Elle ne va pas rester longtemps. Elle ne coupe

même pas le contact de Sakawa. Elle veut juste prendre une photo de la citadelle. Elle sort son

icône. Elle pointe l'objectif vers la citadelle. Et là, elle entend. Elle se retourne et elle voit

un militaire en manteau vert. Elle panique. S'il l'arrête, elle va être fouillée. Et si elle est

fouillée, on va la dépouiller de ses pellicules. Alors, ni une, ni deux. Elle saute sur la moto. Et

Rome, elle laisse le militaire planter là. Dans son rétro, elle le voit au loin, qu'il apprend

en chasse. Mais Sakawa, 100 cm3, est plus puissante. Et le militaire finit par laisser courir. Elle le

voit lever le point en l'air fou de rage. Et elle arrive à la passe de Kiber, un long col. Derrière

les montagnes, c'est l'Afghanistan. Elle emprunte une longue route qui monte, qui monte, qui monte,

qui fait des virages, des épagnes avec des ravins vertigineux. Tous les sommets à l'entour sont

coiffés de radar. Il y a des soldats partout. Et au bout de 50 km, la voilà au poste frontière

entre le Pakistan et l'Afghanistan. Une jeune femme seule en 1973 sur une moto conçue pour aller

de la maison au boulot. Elle est vraiment gonflée. Le poste frontière est tenu par

quatre hommes, quatre types avec des gilets brodés. Un barbus avance. Le policier vient de lui dire

qu'il la trouve courageuse. Une claque amicale dans le dos et voilà Anne-France d'Authville qui pénètre

en Afghanistan. Je vous raconte aujourd'hui l'histoire d'une héroïne française des années 70,

Anne-France d'Authville. La première femme à avoir réalisé un tour du monde à moto. Je m'inspire

pour cela de son livre qui vient d'être réédité chez Payot et j'ai suivi le vent et elle sera là

tout à l'heure 45 ans plus tard pour débriffer cette histoire. Partie de Montréal, elle est passée

par l'Alaska, le Japon, l'Inde, le Pakistan et la voilà sur sa Kawasaki 100 cm3 qui arrive à la

frontière de l'Afghanistan. Avec sa veste en cuir, sa salopette poussiereuse, son casque et sa

petite motogène chargée comme un bodé, les gens ne s'aperçoivent pas tout de suite que c'est une

femme. Mais quand les gardes de frontières afghans s'en aperçoivent, ils sont sillés. Et Anne-France

obtient un visa d'une semaine. Au poste frontière, elle est à 230 km de la capitale, Kaboul. Il est

14h, elle rêve d'une bonne assiette de baklava et d'une bière fraîche. Si tout va bien, elle y sera

au coucher du soleil. Si tout va bien, Anne-France n'est pas peureuse. Elle sait qu'en Afghanistan,

au milieu des gens, elle ne risque strictement rien. Mais sur la route de Kaboul, elle va traverser des

zones désertiques. Et là, on lui a dit, méfie-toi des hommes. Ils ne savent pas se tenir. On peut se

faire violer pour un oui ou pour un non. Donc, prudence. Anne-France décide d'aller de petite

ville en petite ville, de ne jamais s'arrêter entre deux. Et là, voilà qui prend la route, le nez au vent,

avec son rêve de baklava et de bière fraîche dans la tête. Sauf que ça ne va pas se passer comme

elle l'avait prévu. Au milieu de nulle part, elle s'aperçoit que son pneu arrière est crevé. Là, galère.

Elle s'arrête, elle sort ses démontes-neux, sa chambre à air de secours. Elle a tout ce qu'il

faut pour réparer. Et elle commence par démonter sa roue en se disant pourvu que personne ne passe. Et

là, elle entend un bruit de moteur au loin. Un camion surgit sur la route. Un camion qu'elle reconnaît

tout de suite. Il était au poste frontière tout à l'heure. Et évidemment, quand le chauffeur arrive à

sa hauteur, il ralentit et il passe une tête à la fenêtre. Capoute ! Oui, capoute ! Mais ça ira, merci !

Et il repart. Ouf ! Mais dans la seconde, surgit un autre camion, rouge. Et il ne ralentit pas,

il freine devant elle dans un fracade de tolles rouillées. Et trois types en descendent. Des

moustaches, avec des trogues de bandis, l'air franchement pas commode. Pour leur faire croire qu'elle n'a

pas la trouille, elle pose ses démontes pneus et elle va vers eux avec un sourire crispé.

Hello ? Pas de réponse. Les trois types sont là coups d'un coups, pas de réponse. Et d'un coup,

ils explosent de rien. Le plus grand prend Anne-France par les épaules, il l'assoie par terre et tous les

trois, ils se mettent à lui changer son pneus. Mieux que ça, il se relaie pour lui faire de l'ombre. Et

quand c'est fini, il lui sert la main, tous les trois, avec un grand sourire.

Frances ! Very good ! Frances ! Dans son livre et l'écrit, ils sont partis, je ne les ai jamais

revus. Ils ne m'ont ni volé, ni violé, ni tué. Ils ont eu du respect pour la femme que je suis. Ils

m'ont aidé et protégé. Je le savais et pourtant j'ai eu peur en les voyant venir à moi. J'ai eu

peur et maintenant j'ai honte d'avoir craint. Comme si je les avais insultés en ne leur faisant

pas confiance au premier instant. Du coup, elles sont hardies et un peu plus loin, elles s'arrêtent

pour prendre un thé dans une chai canin, une petite boutique au bord de la route. Et elles achètent

une pastèque et pour s'en couper une part, elles sortent son couteau. Les gens autour sont

médusés. Il n'y a que des hommes, bien sûr. Une femme à moto, c'est déjà un événement. Mais

une femme à moto qui est armée dans couteau, on dirait qu'ils n'ont jamais vu ça.

L'un de s'approche, il passe son pouce sur la gorge, manière de demander, est-ce que c'est

en couteau pour trancher les gorges ? Anne-France qui a un peu vaincu sa peur, leur répond en miment.

« Non, c'est pour me curer les ongles. » Et là-dessus, tout le monde se marre. Et elle,

elle est sur le point de partir, et l'un des types lui dit. « Wait, wait, attendez. » Et elle le voit

qui court comme une fusée jusqu'à sa voiture, et il revient avec un bébé en mailloté. Et il lui

colle le bébé dans les bras. « Il est à toi ? » Il fait oui de la tête. « Il est très beau, il est

très très beau. Félicitations ! » Et l'homme retourne à la voiture avec son bébé, et de là où elle est,

Anne-France aperçoit une femme voilée dans la voiture qui lui fait un petit signe. J'aime beaucoup ce

moment où cet homme qui m'a trouvé tellement inhabituel est allé chercher son enfant afin

que je l'admire, et que je l'admire lui par contre-coup. À quelqu'un de rare dans son optique, il a

offert ce qu'il y a de plus précieux naïvement, simplement. Et en fin de journée, Anne-France arrive

à Kaboul. Là, elle marchant d'un paquet de gaulois à un gosse, et elle entre dans un restaurant.

« Je voudrais deux grosses portions de baclama, énorme ! » Et en riant, le serveur lui répond.

« Ok, Mr, je voudrais un biais, un biais frais. » Elle lui réclame une biais, bien fraîche.

« Non, biais. Fini, biais. » Comment ça, pas de biais ?

Et là, le type lui explique que depuis la révolution, il n'y a plus d'alcool en organistant. Et ça n'est

pas le seul changement. « Ondelat raconte sur Europe. » « Europe. Ondelat raconte. »

Je vous raconte aujourd'hui l'histoire d'une grande aventurière des années 70, Anne-France

Dauduin, première femme à avoir réalisé un tour du monde à moto. C'était en 1973. Et je m'inspire

pour cela du livre qu'elle avait publié en rentrant et j'ai suivi le vent qui vient d'être réédité

aux éditions paillots. Et 45 ans plus tard, Anne-France Dauduin sera là, dans un instant,

pour débriffer cette histoire ancienne. Partie du Canada, elle est passée par Alaska, le Japon,

l'Inde, le Pakistan et la voilà en Afghanistan, pays où elle était déjà venue un an plus tôt

et qui, entre temps, a été secouée par une révolution.

Elle se souvient bien de l'année dernière. Elle s'asseyait en terrasse avec sa bière. Elle regardait

passer les gens, les femmes en tchador, les enfants, les montagnards, les paysans, tout un petit monde

qui parlait, qui criait, qui chantait et ses policiers qui tiraient sur leurs cigarettes de hashish.

Dans son livre elle écrit « Kaboul a bien changé, moi aussi. Pourtant, nous nous sommes retrouvés

comme deux vieilles amis. Je me suis promené le long des quais, j'ai marchandé des bijoux que

je n'ai pas acheté, discuté avec des gamins et des mendians. Je me suis rempli le nez de parfum

d'épices le long des restaurants ou les kebabs cuisant plein air, et j'ai roulé doucement dans

les rues vertes des beaux quartiers. J'ai eu l'illusion que tout le monde m'aimait et que j'étais

universel et chaude. Et à regret, elle quitte Kaboul, toujours ses fichu visas à durer limité

qui l'empêchent de s'attarder. Et elle prend la route de Bamiane et elle fait une pose dans

une chai canna. Et là, trois hommes assis en tailleur lui font une petite place sur leur tapis et ils

regardent sa moto. Tu comptes passer la montagne avec ça ? Je vais essayer. Tu nous prends photo ?

Vraiment ? Je peux, tu m'y autorises ? Oui, oui, oui, pour toi. Et les voilà qui posent, assis,

les jambes croisées, le buste bien redressé, elle n'aurait jamais osé les prendre en photo s'il ne l'avait

pas invité à le faire. Arrivé à Bamiane, elle se trouve un petit hôtel et elle s'assoit au restaurant.

Américaine ? Non, française. Et toi tu viens d'où ? Turkmenistan. Et il explique qu'il est tailleur de

pierre. Quel beau métier. Je te félicite. Tu as mari ? Tu es marié ? Non, mais j'ai deux chats. Moi non plus

je ne suis pas marié. J'économise pour m'acheter une femme. Dans deux ans, j'aurai ma famille. Alors,

je te souhaite tout le bonheur du monde. À ce moment-là, le type veut payer la note. Ah ben non,

tu payes pas. Comment veux-tu t'acheter une femme si t'invites les touristes ? Et le lendemain,

elle reprend la route vers Kandar. Et avant de partir, elle dit, t'en revoir à son Turkmen. La prochaine

fois que je reviens, t'auras une femme et 40 enfants. Et moi trois motos et 40 chats.

À Kandar, elle dort sur la pelouse d'un hôtel, sous une bâche tendue sur sa moto. Et là voilà,

à la frontière avec l'Iran. Sa prochaine étape. Et là, elle tombe sur un garde-frontière,

un petit brin avec une voie très douce qui examine sa valise. Pour qu'on lui fiche la paix, Anne-France

a pris l'habitude de mettre un soutien gorge sur le dessus de la pile. En général, ça l'aimait

mal à l'aise et il la laisse filer.

Mais là, le monsieur n'est pas du tout mal à l'aise.

Ce sera finalement le seul problème qu'elle aura eu avec un homme afghan. Le seul. Alors qu'on lui avait dit

que les hommes ne savaient pas se tenir en Afghanistan. Prochaine étape, l'Iran.

Voilà pour ce court extrait de votre voyage à Anne-France d'Authville qui en 1973 vous a amené

à faire le tour du monde sur cette moto. J'ai réveillé de vieux souvenirs ou bien est-ce que tout ça

est définitivement gravé dans votre tête ?

Je n'ai même pas besoin de fermer les yeux pour être dans l'étendue au chaud, dans l'Alaska,

pour être dans le bouddha de Bamiant, pour me mettre en colère parce qu'il n'y a plus de bière à

Kaboul et tout et tout. Enfin, c'est gravé.

Par exemple le visage de Monsieur Kahn qui vous réconcilie avec les Pakistanais,

que vous n'aviez pas beaucoup aimé à votre premier séjour.

J'avais rien compris. Quand on est dans un groupe, celui où on était partis, on était nombreux

sur ce premier raid d'Orient. J'étais la seule femme à conduire. Quelques-uns ont continué

vers l'Afghanistan Jietek. Quelques-uns des uns sont arrivés au Pakistan. Mais quand vous êtes dans

un groupe même petit, ce groupe vous prend une partie de votre attention et vous n'êtes pas ouvert

aux autres. Tandis que là, j'étais toute seule, donc j'étais disponible pour tout. Quand je dis tout,

c'est-à-dire toute l'attention. Et ça fait un voyage totalement différent. Vous dépendez de tout le

monde. Mais en même temps, vous êtes tellement exceptionnel pour eux, c'est la télé en couleur,

enfin vous imaginez surtout à cette époque-là, qu'on ne peut avoir que des échanges. Et si on

est de bonne volonté dans un pays où il y a ce sentiment obligatoire de s'intéresser à l'autre

et où il y a cette tradition d'hospitalité, ça fait des voyages magiques. Est-ce que vous avez

gardé cette cahou à sang ? On aimerait que vous l'ayez dans un coin. Non, je l'ai gardé pendant

un an ou deux. Et pour rouler en France, moi j'aime bien quand il y a un danger, pouvoir mettre les

gaz et foutre le camp. C'est-à-dire avoir... C'est pas si puissant. Dans une côte, quand vous avez

un camion qui essaye de vous bouffer par choc arrière, il faut pouvoir filer. Elle n'était pas du

tout adaptée à un tour du monde, cette petite cylindrée. Mais finalement si. Bien sûr, il y avait

un gars qui s'appelait Neveu, je sais plus son prénom. Cyril Neveu, qui est allé jusqu'en Afghanistan

sur une mobilette 50 cm3. Non, du moment que ça roule et qu'on peut mettre un carburant dedans,

on y va, vous savez. L'avantage, c'est que ce sont des motos qui se réparent facilement. C'est

que surtout que c'est une moto qui se casse la gueule, je peux la relever. Vous comprenez ? Premier

voyage, il y avait une moto qui faisait 240 kilos vides. Elle penchait, je ne pouvais pas l'empêcher

de tomber. Elle était par terre, je ne pouvais pas la relever. Je me suis retrouvée gaufrée à mort

sur une piste au nord de l'Iran et dans un désert, toute seule, assise sur la moto, je ne

pouvais pas la relever. Il y a un camion qui est arrivé, je l'ai arrêté par geste. J'ai demandé

aux 3 costauds à Turban qui en sont descendus de m'aider à relever la moto. Ils ont vu que j'étais

une femme, ils ont poussé un hurlement de terreur, ils ont sauté un camion, ils sont taillés. Donc,

non, je ne veux pas rester coincé dans un désert assise sur une moto, je suis partie à quelque chose

de léger. Vous faites toujours de la moto, je n'ai pas donné votre âge, vous faites le choix de le dire.

Il est 74 ans et je suis ravie de les avoir. Bon, à 74 ans est-ce que vous faites toujours de la moto ?

Alors, j'ai conduit ma moto le 1er août 2012, le 2 août 2012, j'ai monté dans ma voiture faire

des courses, un cerveau d'huîtres a grillé un stop, c'est jeté dans ma bagnole et pour la

première fois de ma vie, j'ai eu des eaux cassées, on a coupé la voiture en deux pour m'en sortir.

On a réparé les eaux et depuis, j'ai une polyarthrite qui fait que je ne peux plus conduire.

Donc, finalement, j'ai vendu ma moto au printemps parce qu'il est temps de se dire que c'est plus

possible. On va marquer une pause et puis on va reprendre quelques moments clés de ce récit

et on va démarrer notamment au moment où vous prenez votre décision de tout envoyer balader

de votre vie de jeune parisienne et cervellée. À tout de suite.

Je vous ai raconté aujourd'hui un tout petit bout de l'épopée qui a vécu dans les années 70,

une aventurière française célèbre à l'époque Anne-France Daudville, première femme à boucler

en 1973, un tour du monde à moto et je vous ai raconté deux étapes de ce tour du monde,

le Pakistan et l'Afghanistan. Et 45 ans après, je suis très heureux de débriefer cette histoire

avec vous, Anne-France Daudville. Et je voudrais qu'on repart au tout début de cette histoire,

au moment où vous décidez de tout envoyer balader de votre vie de petite bourgeoise parisienne,

qui travaille dans la pub, qui vit sans doute dans une certaine légèreté, qui doit sortir un peu le

soir et vous décidez d'envoyer balader tout ça en disant ma vie ne manque que de sens. Qu'est-ce

qui manquait dans votre vie que vous avez trouvé dans la moto ? Alors d'abord je suis bélier,

étant bélier je fais les choses et puis quelques fois longtemps après je les comprends. Ce qui est

certain c'est que quand je faisais mon travail de publicité, je m'amusais, c'était joyeux,

je gagnais bien ma vie. Quand j'avais un mois de vacances, je m'installais sur ma moto et j'allais

me promener en France et j'étais mais complètement heureuse. J'adore la route. Je fais de la route

comme on fait du bateau, c'est long, c'est monotone, c'est magique, c'est l'errance. Je rentrais et

pendant les 11 autres mois de l'année j'étais simplement heureuse et je me suis dit mais ma fille,

quand tu vas mourir, tu auras été très très très heureuse. Un mois par an. Voilà, un douzième de ta

vie et le reste c'est de la peu près. Attends, j'ai qu'une seule vie sur les milliards d'années de

l'histoire de cette planète. Je vais quand même pas passer à côté de tout ça. C'était l'esprit

de l'époque aussi. On était après 68, l'idée de tout envoyer balader pour vivre une nouvelle vie

était dans l'ère du temps. Certainement. Vous étiez encouragé un peu par l'époque. Je pense,

je pense, ça me gêne un peu parce que j'aurais aimé avoir moi la décision toute seule mais

effectivement je suis un produit d'une époque. Il y avait le rejet de l'argent qui était aussi un

truc très contemporain des années 70. Je peux vous dire qu'il s'est rejeté tout seul l'argent.

Là, j'ai entamé une vie de fauchée absolument somptueuse. Qui continue aujourd'hui ? Mais

c'est... Qu'est-ce qu'on s'en fout ? On ne va pas m'enterrer avec mon carnet de chèque. Du moment

que je peux me nourrir et inviter les copains à dîner et être chez moi, mais quel bonheur.

Alors le déclic, ce qui vous met en pétard, ce qui déclenche le baignier qui sommeille en vous,

c'est ce soupçon de journalistes selon lequel vous n'auriez pas fait ce voyage, ce premier voyage

jusqu'au Pakistan et jusqu'en Afghanistan. C'était du machisme ? Je ne sais pas, vous savez...

De la Chalouse ? Je crois que à partir... J'avais fait mon premier livre. On avait beaucoup parlé de moi

au moment du départ de ce rédorient parce que j'étais la seule femme pilote. Et du coup,

tout le monde a envie d'en savoir plus sur ma vie et puis tout le monde est spécialiste

de la vie sexuelle des gens qui sont passés à une fois à la radio ou à la télé, vous savez.

Sauf que quand c'est quelqu'un du milieu, on le croit.

Mais vous n'étiez pas du milieu, par exemple ? Et j'étais pas du milieu. En plus,

je suis une bourgeoise et une bourgeoise à Cambouis, ça n'existait pas. Je fais dans la soupe, quoi.

Vous étiez une féministe ? Je ressort ma question du début.

Non, moi, j'ai envie que les hommes et les femmes avancent ensemble.

Le féminisme qu'ils se dressaient contre les mecs, j'avais pas envie de ça.

Moi, je les trouvais délicieux. Les hommes, j'avais rien contre.

Il n'y avait pas de conflits.

Moi, je n'avais pas de conflits. Je rentrerais facilement en conflits actuellement parce que,

effectivement, je trouve que les filles à travailler égale doivent gagner autant que les hommes.

Mais c'est ma limite.

J'ai jamais été militante de rien. J'ai jamais été militante de rien. Je me suis régalée de ma vie

et j'ai essayé de partager ce régal avec ceux qui me lisent.

Il me parle d'égoïsme là-dedans, alors. Assumez.

Oh, vous êtes peut-être de la moralité. Moi, je n'en ai pas. Moi, je me régale.

Point.

Point. Et je partage. Et je partage avec ce que j'ai de plus intime à travers l'écriture.

Mais peut-être que c'est de l'égoïsme. Je n'en sais rien.

Est-ce que vous aviez un goût du risque ? Je pense à cette scène au Pakistan,

donc où vous prenez en photo cette citadelle, où vous voyez bien qu'il y a un militaire qui va

vous arrêter, vous contrôler, que probablement il va vous piquer vos véhicules photos et que vous l'allez faire.

Je risque de passer en tolles, surtout.

Et vous vous sautez sur la moto au Pakistan en 73 et vous barrez.

Oui, mais parce que j'avais appris chez les Cannes justement que le téléphone était tombé en panne

dans la région. Et donc, ils ne pouvaient pas téléphoner pour qu'on arrête en route.

Voilà. Il faut que ça... il faut réfléchir vite à ce moment-là.

Oh ben, je veux vous dire que quand vous avez le feu qui arrive, vous vous attendez pas que l'incendie vous brûle.

Mais chez le motard, il peut y avoir un goût du risque dans le goût de la vitesse.

Oh non, non, non. Le goût du risque, c'est aller chattouiller les monstres. Je fais pas ça.

Moi aussi, je suis trouillarde. Non, non. J'ai toujours été extrêmement prudente.

Je fais de la moto comme un panier. Quand ça penche dans les virages, j'ai peur.

Non, non. Je cherche pas le danger. J'aime pas le danger.

Ni la vitesse.

Oh non. En plus, c'est fatigant sur la longue route.

Vous avez une pression du vent sur le casque et sur les épaules.

Et si vous allez vite, il y a un moment où vous allez vous user.

Quand j'ai fait mon tour d'Amérique du Sud, j'avais arrivé à un jeune français.

Ça, c'est dans les années 80, début des années 80.

Oui, 80, oui. Et il est parti sur les routes et je le voyais.

Il me disait, oui, moi, je suis un vrai motard. J'avance.

Il a tenu 10 jours. Moi, j'ai tenu 7 mois.

Non, non. Il faut prendre soin de la machine.

C'est-à-dire la machine mécanique et la machine humaine.

Il faut s'économiser.

On va voir qu'il y a une nouvelle pause.

Je veux qu'après, on parle de l'homme musulman,

que vous rencontrez donc dans ces années-là, qui a sa réputation.

Et que vous découvrez différent de ce qu'on vous avait raconté.

À tout de suite.

Européen, on de la traconte.

Je vous ai raconté tout à l'heure un petit bout, tout petit bout,

de l'épopée qu'a vécue dans les années 70.

C'est une aventurière française célèbre à l'époque qui s'appelle Anne-France Daudville,

première femme à boucler en 1973.

Un tour du monde à moto.

Je vous ai raconté deux étapes de ce tour du monde.

Et j'ai la chance, 45 ans après, d'être avec la même,

Anne-Claire Daudville, qui est aujourd'hui à 74 ans,

qui est toujours là, qui est toujours sympa, toujours rigolote,

toujours agréable à fréquenter.

Et je voudrais qu'on repart en Afghanistan en 1973.

C'est intéressant, votre expérience, parce que vous y allez une première fois en 72,

en Afghanistan.

À cette époque-là, c'est, je crois, une monarchie assez douce.

Oui, c'est Zahir Shah.

Ce n'est pas le pays des bisounours.

Ce sont des tribus, chacun est maître chez soi.

Mais ils arrivent tous à s'entendre, parce qu'il y a ce personnage sacré qui est le roi.

Et qu'une fois par an, ils se réunissent pour la loya gerga,

c'est-à-dire la grande assemblée.

Ils mettent les problèmes sur la table et ils les réglent ensemble.

73 vous revenez, c'est devenu une république autoritaire.

Oui.

Et l'alcool a été interdit.

Alors ça, c'est un drame.

Pour vous?

Bah oui, il n'y a plus de bière.

Qu'est-ce que vous voulez qu'on devienne à Kaboul quand on a des barlawa et qu'on n'a pas de bière, voyons.

Et eux, ils vous semblent qu'ils regrettent l'alcool?

Non, pas du tout.

Non, non, moi je rigole, mais en fait, eux...

On n'a pas parlé de ces choses-là avec eux.

Simplement, quand je suis allée à Bamiyan, la route était ouverte.

Mais je n'ai pas pu aller à Bandyamir, parce qu'on se battait encore dans les montagnes.

J'aurais voulu aller voir Majar et Sharif, où il y a une mosquée sublime,

c'est au nord de l'Alganistan, au début des grandes terres plates du nord.

Et pareil, la route était coupée, on se battait.

Zahir Shah avait été chassé du trône sur les manigances de son beau-frère, Daoud,

qui avait raconté que la maîtresse allemande de Zahir Shah volait les trésors archéologiques de l'Afghanistan

pour les vendre en Allemagne.

Alors vous arrivez en Afghanistan avec un certain nombre d'appriories?

De peur, plutôt, je dirais.

Sur l'homme afghan, qui vous a transmis ça?

Qui vous a dit que l'homme afghan est un type qui viole?

Toute personne qui n'est pas blanc blanc franco-française, qui ressemble près de loin en arabe,

à Maghrebah ou à autre chose, est automatiquement un assassin, violeur, voleur, épouvantable.

C'était la pensée du XIXe siècle, qui existait encore jusque dans les années 68.

Vous savez, le XIXe siècle, il est mort en 68 finalement.

Et donc vous avez peur de tous ces hommes que vous croisez?

Non, je n'ai pas peur d'eux, mais il y a quelque part dans ma conscience

quelque chose qui était encore inscrit et que je n'avais pas mesuré.

Et c'est quand ces trois afghans m'ont réparé mon pneu

et que j'ai vu à quel point c'était une connerie, ce qu'on nous avait mis dans la tête.

On ne savait pas à cette époque-là et on n'avait peut-être pas assez dit

qu'un musulman, ce doigt, c'est un devoir sacré de protéger la femme seule,

de la protéger, de la respecter.

Et c'est ce que j'ai appris ce jour-là avec ces trois hommes.

Et c'est pour ça que j'ai eu tellement honte, parce que leur attitude était tellement belle

et tellement généreuse et tellement respectueuse

que comment est-ce qu'on peut imaginer que des gens comme ça soient minables?

Alors ce n'est pas des bisounours, je reviens là-dessus.

Ce n'est pas des tendres tout le temps.

Mais le devoir, il est au-delà des petitesesses,

il est au-delà de la brutalité de ces mondes, parce que c'est des mondes brutaux aussi.

Alors vous ne pourriez plus aujourd'hui refaire ce voyage-là.

Le Pakistan et l'Afghanistan sont des terres fermées actuellement au tourisme.

Il est impensable aujourd'hui de passer la frontière entre le Pakistan et l'Afghanistan

en moto pour une femme seule.

Je ne sais pas, je ne tenterai pas le coup, il est possible.

Vous savez, ils ont eu 30 ans de guerre.

30 ans de guerre, vous êtes fou pendant combien de générations encore?

Peut-être qu'ils me tireraient dessus, parce qu'ils croiraient que je suis un homme

et ensuite ils seraient très tristes de voir que je suis une femme.

J'ai pas envie de prendre le risque.

Mais peut-être qu'il y a des femmes qui le font aujourd'hui.

On ne sait jamais, on a toujours, dans toutes les époques,

il y a des gens qui ont le courage de faire ce que vous avez fait en 1973.

On vous a pris pour une folle à l'époque.

Oui, facilement. Mais en même temps, je faisais rire.

J'ai une amie qui est une spécialiste de l'islam, qui va assez régulièrement en Afghanistan.

Mais elle, elle se met à voile sur la tête.

Elle est dans une famille qui la protège et appartient à un clan.

Et elle continue son étude là-bas.

Mais l'errance, qui était la mienne, me baladait le nez en l'air de pousser la porte d'une chahirana

et de discuter avec les gens.

Ça, ça n'existe plus.

Kandahar, qui était une ville absolument fascinante, où on faisait du vin, vous imaginez.

Une ville qui chuchotait la nuit.

Kandahar, on n'y met plus les pieds.

C'est devenu un monde totalement hostile et fermé.

D'ailleurs, il paraît que la route entre Kaboul, Kandahar et Herat est complètement enfoncée.

Elle n'existe plus.

Alors moi, ce qui m'intéresse aussi, c'est que vous avez été, je le dis franchement,

vous étiez célèbre dans les années 70 jusqu'au tout début des années 80.

Et puis, vous disparaissez.

Pour le grand public, vous n'êtes plus tenté de faire parler de vous.

Il y a un moment où vous renoncez à la célébrité.

Mais non, c'est mitérum, mon pauvre ami.

Qu'est-ce qui vous a fait ?

Eh ben, il m'a mis le carnet de change.

On ne pouvait plus sortir que 5 000 francs par an.

Donc je ne pouvais plus voyager.

Ah, le carnet de change.

J'avais oublié celui-là.

Il me revient d'un coup.

Donc on ne pouvait plus voyager.

Ou alors, il fallait que je mette de l'argent dans ma culotte comme à mon premier voyage.

Non, hors de question.

Ça n'avait plus de sens.

Parce que, finalement, les gens qui lisaient mes livres se disaient,

« Bah si cet andouille-là l'a fait, moi, je pourrais le faire.

Parce que je ne suis pas du tout athlétique.

Je ne suis pas du tout n'importe qui aurait pu faire mon voyage. »

Mais voilà, c'était fini.

Alors, du coup, j'ai commencé à écrire des romans.

Et j'ai écrit des romans qui n'ont pas eu le même succès,

mais qui m'ont permis d'être très, très heureuses

et de moi de me ranger en très bonne ordre.

Et puis, une fois que les romans se sont arrêtés,

après il y a une vingtaine d'années,

j'ai commencé à travailler bizarrement sur les plantes.

Et les plantes me permettent de ranger le monde en bonne ordre.

Et c'est ça qui est passionnant.

Les romans, moi, j'ai fait l'équivalent du psychanalyse,

mais au lieu d'être très triste et de donner mon fric à un type qui s'en fout,

les éditeurs m'ont donné de l'argent et j'étais très heureuse.

Et puis, en travaillant sur les plantes, maintenant, je range le monde.

Alors, j'ai l'impression de jouer à Stéphane Marie dans Silence Sapouse,

mais vous venez d'écrire « Misser l'année de mon jardin »

chez Buche Chastel.

Bah voilà.

Votre jardin, c'est votre territoire d'aventure aujourd'hui.

Ouais, il me raconte le monde.

Alors, ce qui est intéressant, c'est que les éditions Paillaux ressortent votre bouquin.

Ça vous a peut-être surpris, ça.

Il sort une première fois en 1975, et le voilà qui sort en 2018.

Oui, parce qu'imaginez-vous que tout ça, c'était dans un cercueil.

Et un jour, une maison de couture qui s'appelle Chloé me contacte

et me demande à utiliser trois phrases de mon tour du monde

pour les invitations de la collection « Autonne l'hiver », 2017-2017.

Moi, je tombe de ma chaise, parce que s'il y a un monde qui est loin du hémilouin,

c'est celui des bonnes femmes, de la mode en particulier, etc.

J'ai rencontré ces gens et ce sont des bijoux.

Ils sont venus à la maison, on a déjeuné ensemble.

Vous avez sorti vos vieilles photos ?

Ouais, j'ai sorti mes diapos de mes voyages avec les Bouddha de Bamiyan et tout.

Et du coup, on a décidé de raconter ensemble.

Et c'est ça qui a entraîné la santé de Chloé.

Dernière question, ce bouquin est lu aujourd'hui par des jeunes.

Est-ce qu'ils le lisent comme le lisent les gens de votre génération dans les années 70 ?

Il ne va pas du tout. Dans les années 70, tout le monde disait « Oh, une fille qui fait des choses ! »

Et maintenant, c'est « Oh, le monde était ouvert, mais qu'est-ce qu'on pouvait se régaler ? »

Et c'est marrant, parce que le livre vit d'une autre façon

et il devient actuel d'une autre façon 45 ans après.

Merci beaucoup. Ce livre s'appelle « Comment ? »

Redonnez-moi le titre.

« Et j'ai suivi le vent. »

« Et j'ai suivi le vent. »

Vous le retrouvez dans la petite bibliothèque de chez Paillot.

Des centaines d'histoires disponibles sur vos plateformes d'écoute et sur europein.fr.

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Je vous raconte aujourd’hui l’histoire d’une grande aventurière des années 70, Anne-France Dautheville, la première femme à avoir réalisé un tour du monde à moto en 1973. Sur sa Kawazaki 100 cm3, elle a traversé le Canada, l’Alaska, le Japon, l’Inde, le Pakistan et l’Afghanistan…