Hondelatte Raconte - Christophe Hondelatte: Anne-France Dautheville, un tour du monde à moto - Le récit
Europe 1 8/20/23 - 24m - PDF Transcript
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Est-ce que le nom d'Anne-France d'Audeville vous dit quelque chose ?
Si la réponse est non, alors c'est que vous êtes trop jeune.
Mais rassurez-vous, dans une heure, vous serez au parfum.
Anne-France d'Audeville a été, dans les années 70,
une aventurière très célèbre, la première femme à avoir bouclé un tour du monde à moto.
C'était en 1973.
C'était une performance physique, mais d'une certaine manière, me semble-t-il,
un acte féministe, rendez-vous compte, en 1973.
Il y a 45 ans, faire de la moto pour une femme, c'était très inhabituel.
C'est parti.
J'ai écrit cette histoire avec Quentin Mouchel,
réalisation Céline Le Bras, mis en nom de Jean Lénave.
Je vous emmène à Paris, dans la rue, au tout début de l'année 1973.
Vous imaginez le décor, les voitures, les R5, les R12, les 504, les GS,
ça y est, vous visualisez le début des années 70.
Et là vous la voyez, la jeune femme là, la brune avec sa crinière,
celle qui marche vite, nerveuse, le visage tendu, les traits crispés,
on dirait qu'elle va mettre une rouste à quelqu'un.
Eh bien, c'est son histoire que je vais vous raconter.
Anne-France Daudville, 29 ans, une sacrée nénète, je vous préviens.
Je vais vous dire dans une minute pourquoi elle est nerveuse comme ça
et à qui elle met très bien une rouste.
Mais d'abord, laissez-moi vous la présenter.
D'abord, disons les choses.
Anne-France Daudville est une bourgeoise,
une fille de bonne famille, du 16e arrondissement.
Et quand vous la verrez s'embarquer dans son aventure tout à l'heure,
n'oubliez jamais ça.
À l'origine, c'est une bourge.
Il y a cinq ans, en 68, pendant les grèves,
au lieu de faire la mariole sur les barricades,
elle s'est achetée une motpillette.
Et elle est partie sillonner la France en meule.
Et ça lui a beaucoup plu, beaucoup.
Alors en rentrant, elle a passé son permis moto.
Et en 71, il y a deux ans, elle a tout lâché.
Elle était rédactrice-conceptrice dans une agence de pub,
une parisienne tourbillonnante.
Elle trouvait que sa vie manquait de sens.
Elle a tout envoyé baladé.
Et elle s'est engagée dans un raid à moto.
Le raid Orion.
Paris.
Ispaan.
En Iran.
92 par temps, la seule femme.
Et elle est arrivée au bout, sur sa Gucci 625.
Et après, elle a continué.
Avec 11 autres motards,
elle est allée jusqu'en Afghanistan
et jusqu'au Pakistan.
Et là, je vous demande de faire un petit effort.
Remettez-vous dans l'esprit de l'époque.
Pompidou est président de la République.
Vous voyez ?
Alors une femme qui va en moto jusqu'au Pakistan,
c'est très audacieux.
Et forcément, depuis son retour,
Anne-France d'Audeville
connaît une petite célébrité.
Et la célébrité, c'est bien connu.
Ça n'a pas que des avantages.
Et c'est pour ça qu'elle est énervée là,
dans la rue, ce jour de 1973.
C'est pour ça qu'on a l'impression
qu'elle va emplatter quelqu'un.
On vient de lui dire
que des journalistes remettent en cause son exploit.
Ils l'accusent d'être allés jusqu'au Pakistan
en camion.
La moto dans la remorque.
En camion.
Elle.
Elle déboule chez un de ses copains.
Tom, elle lui raconte tout.
Tu sais comment j'ai voyagé l'année dernière ?
Ben en moto.
En camion.
Tu le savais ?
En camion.
Moi.
Et là, elle balance des coups de pied
dans les meubles.
Elle fait valdingue et une chaise.
Mais d'où tu sors, Anne-France ?
Je viens de l'apprendre d'un journaliste.
Tu mets pas dans cet état.
On sait que tu l'as fait en moto, ton voyage.
Ouais.
C'est ça.
Toi, tu le sais.
Mais c'est pas le cas de tout le monde, manifestement.
Alors je vais te dire un truc.
Cette fois, je pars toute seule.
Sur une 125.
Et je vais aller en Alaska.
Et je le fais constater par la police.
Et ils vont tous fermer leur claque merde.
Elle repart.
Un magasin de moto lui prête une Kawasaki 100 cm3, jaune.
Air Canada lui pague le voyage.
Elle met sa moto dans une grande caisse en bois.
La caisse en bois, dans un 747.
Et direction Montréal.
Et là, voilà au Canada.
En train d'ouvrir sa caisse.
Et de débattre le voyage.
Et là, voilà au Canada.
En train d'ouvrir sa caisse.
Et de débattre sa moto.
Et là, un type lui dit.
Vous allez où comme ça ?
Je vais en Alaska.
Elle est trop petite ta moto.
Elle tiendra jamais.
Tu crois sérieusement que tu vas aller en Alaska comme ça ?
Je vous le dis tout de suite.
Alaska est liée un mois plus tard.
Elle a connu quelques bricoles en route.
Des problèmes mécaniques, une chute.
Mais elle y est arrivée.
Elle est à Encore Edge.
Avec sa 100 cm3,
elle a dompté les nids de poule des routes d'Alaska.
Et si je vous raconte son histoire aujourd'hui ?
C'est parce qu'elle ne va pas s'arrêter là.
Seule en 1973,
elle se lance dans un tour du monde
en 100 cm3.
Japon, Inde.
Je vous propose de la retrouver au Pakistan.
Elle est au poste frontière.
Avec sa veste en cuir, sa salopette
et son casque vissée sur la tête.
La moto chargée comme une mule.
Le policier lui accorde un visa de 3 jours.
Juste le temps de traverser le pays.
Vous vous souvenez qu'elle connaît déjà le Pakistan.
Elle y est venue l'année dernière
avec le raid Orion.
Pour vous dire la vérité,
elle n'en a pas gardé un souvenir impérissable.
Elle se souvient d'un monde peuplé d'hommes
avec des yeux très noirs
et des vêtements très blancs
qui la regardaient en silence,
sans curiosité,
sans amitié.
Bref, la voilà de retour au Pakistan,
seul avec sa moto.
Au milieu de gens qui conduisent comme des fous furieux.
Les chauffeurs de camions notamment,
vous savez les jolies camions avec les petits rideaux
et leurs franges de perles.
Ce sont des tarés qui foncent
sans se poser de questions.
Sans compter que pour obliger les femmes
duo à ralentir, les Pakistanais
ont semé de ci-delà des dodanes.
Tu ne ralentis pas à temps,
tu finis dans le décor.
Bref, sur sa moto, Anne-France
n'emmène pas large.
Elle a l'impression de jouer sa vie
à chaque fois qu'un camion la double.
Elle roule comme ça jusqu'à Gujarat,
au nord-est du Pakistan.
Elle cherche un endroit pour dormir
et on la dirige vers une école de fille.
Le directeur s'appelle M. Kahn.
Il lui dit, pas de problème,
venez dormir à la maison,
je vous présenterai ma femme
et mes enfants.
C'est lui, M. Kahn,
qui va la réconcilier
avec les Pakistanais.
Dans son livre, elle écrit,
M. Kahn est un homme plein d'esprit
et de curiosité.
Il a commencé une conversation
de bonne éducation.
Puis il a saisi la manière dont je réagis,
il m'a lancé quelques signaux,
il s'est installé entre nous
une espèce de complicité
qui faisait que nous nous esclavions
aux mêmes plaisanteries avant de les avoir dites.
Et est-ce là, ce Pakistan opaque
de l'année dernière, la méfiance
de la montée ?
Quoi qu'il en soit, le lendemain matin,
elle reprend la route.
Et tout d'un coup, au sommet d'une côte,
au niveau d'un petit village,
alors que sa moto rame dans la montée,
elle voit un groupe d'hommes au loin
qui se dirigent vers elle.
Ils ont des fusils à la main.
Et là, elle entend des détonations.
Elle est prête à se jeter dans le fossé.
Les hommes se rapprochent
et, heureux, sur un cheval,
se trouve un homme tout habillé d'or
et de soi précieuse.
Il porte une calotte sur la tête
et son visage est recouvert
d'une longue frange de paires.
Elle s'est fait peur pour rien.
C'est un mariage !
Et au Pakistan, on tire des coups de feu
pour les mariages, coutumes locales.
Et l'homme sur le cheval,
c'est le marié.
Elle leur fait un petit coucou
comme, comme !
Viens, viens !
Elle aurait bien voulu,
mais elle n'a que trois jours
pour traverser le pays.
Pas un de plus.
Elle ne peut pas se mettre en retard
et c'est bien dommage.
Et elle poursuit sa route
en remontant une rivière, le Kaboul,
qui coule vers l'Afghanistan.
Et elle s'arrête pour faire une pause
près d'une citadelle.
Elle ne va pas rester longtemps,
elle sort son icône,
elle pointe l'objectif vers la citadelle,
et là, elle entend.
Elle se retourne,
et elle voit un militaire en manteau vert.
Elle panique, s'il l'arrête,
elle va être fouillée.
Et si elle est fouillée, on va la dépouiller de ses pellicules.
Alors, ni une ni deux,
elle saute sur la moto, et bon,
elle laisse le militaire
planter là.
Dans son rétro, elle le voit au loin,
elle met sa kawa 100 cm3
et plus puissante,
et le militaire finit par laisser courir.
Elle le voit lever le poids en l'air
fou d'orage.
Et elle arrive à la passe de Kiber,
un long col.
Derrière les montagnes, c'est l'Afghanistan.
Elle emprunte une longue route
qui monte, qui monte, qui monte,
qui fait des virages, des épagnes,
avec des ravins vertigineux.
Tous les sommets à l'entour
sont coiffés de radar.
Il y a des soldats partout.
Et au bout de 50 km,
la voilà au poste frontière
entre le Pakistan et l'Afghanistan.
Une jeune femme,
seule en 1973,
sur une moto conçue
pour aller de la maison
au boulot. Elle est vraiment gonflée.
Le poste frontière est tenu
par quatre hommes,
quatre types avec des gilets brodés.
Un barbus avance.
Le policier vient de lui dire
qu'il la trouve courageuse.
Une claque amicale dans le dos
et voilà Anne-France Dauduil
qui pénètre en Afghanistan.
Je vous raconte aujourd'hui
l'histoire d'une héroïne française
des années 70, Anne-France Dauduil.
La première femme
à avoir réalisé un tour du monde
à moto. Je m'inspire
pour cela de son livre
qui vient d'être réédité chez Payot.
Et j'ai suivi le vent.
Elle sera là tout à l'heure, 45 ans plus tard
pour débriffer cette histoire.
Partie de Montréal,
elle est passée par Alaska, le Japon,
l'Inde, le Pakistan.
Voilà sur sa Kawasaki 100 cm3
qui arrive à la frontière
de l'Afghanistan.
Avec sa veste en cuir,
sa salopette poussiéreuse,
son casque et sa petite moto jaune
chargée comme un bodé,
les gens ne s'aperçoivent pas tout de suite
que c'est une femme.
Les gens s'en aperçoivent, ils sont sillés.
Et Anne-France obtient
un visa d'une semaine.
Au poste frontière, elle est à
230 km de la capitale,
Kaboul. Il est 14h,
elle rêve d'une bonne assiette de baklava
et d'une bière fraîche.
Si tout va bien, elle y sera au coucher du soleil.
Si tout va bien.
Anne-France n'est pas peureuse.
Elle sait qu'en Afghanistan, au milieu
des gens, elle ne risque strictement rien.
Mais sur la route de Kaboul,
elle va traverser des zones désertiques.
Et là, on lui a dit
mais fit-toi des hommes.
Ils ne savent pas se tenir.
On peut se faire violer pour un oui ou pour un non.
Donc, prudence.
Anne-France décide d'aller
de petite ville en petite ville,
de ne jamais s'arrêter entre deux.
Et là voilà qui prend la route,
le nez au vent, avec son rêve
de baklava et de bière fraîche dans la tête.
Mais sauf que ça ne va pas se passer
comme elle l'avait prévue.
Au milieu de nulle part,
elle s'aperçoit que son pneu arrière
est crevé.
La galère.
Elle s'arrête, elle sort ses démontes,
sa chambre à air de secours.
Elle a tout ce qu'il faut pour réparer.
Et elle commence par démonter sa roue
en se disant pourvu que personne ne passe.
Et là, elle entend un bruit de moteur
au loin, un camion
surgit sur la route.
Un camion qu'elle reconnaît tout de suite,
il était au poste frontière tout à l'heure.
Et évidemment,
quand le chauffeur arrive à sa hauteur,
il ralentit et il passe une tête
à la fenêtre.
Capoute.
Oui, capoute.
Mais ça ira, merci.
Ouf.
Mais dans la seconde, surgit un autre camion,
rouge.
Et il ne ralentit pas, il freine devant elle
dans un fracate de tolles rouillées.
Et trois types en descendent.
Des moustaches, avec des troncs de bandits,
l'air franchement pas commode.
Pour leur faire croire qu'elle n'a pas la trouille,
elle pose ses démontes pneus
et elle va vers eux avec un sourire crispé.
Hello.
Pas de réponse.
Les trois types sont là coups d'un coup
pas de réponse.
Et d'un coup, ils explosent de rire.
Le plus grand prend Anne-France par les épaules,
il la soit par terre,
et tous les trois, ils se mettent à lui changer
son pneu.
Mieux que ça, il se relait pour lui faire de l'ombre.
Et quand c'est fini,
il lui sert la main, tous les trois,
avec un grand sourire.
Frances, très bien,
Frances.
Dans son livre, elle écrit,
ils sont partis, je ne les ai jamais revus.
Ni voler, ni violer,
ni tuer. Ils ont eu du respect
pour la femme que je suis.
Ils m'ont aidé et protégé.
Je le savais, et pourtant j'ai eu peur
en les voyant venir à moi.
J'ai eu peur et maintenant j'ai honte
d'avoir craint.
Comme si je les avais insultés
en ne leur faisant pas confiance
au premier instant.
Du coup, elles sont hardies.
Et un peu plus loin, elles s'arrêtent
de prendre un thé dans une chai canin,
une petite boutique,
au bord de la route.
Et elles achètent une pastèque.
Et pour s'en couper une part, elles sortent
son couteau.
Les gens autour sont médusés.
Il n'y a que des hommes, bien sûr.
Une femme à moto, c'est déjà un événement.
Mais une femme à moto qui est armée
dans couteau, on dirait qu'ils n'ont
jamais vu ça.
L'un de s'approche,
il passe son pouce
sur la gorge, manière de demander
est-ce que c'est un couteau
pour trancher les gorges.
Anne-France qui a un peu vaincu sa peur
leur répond en miment.
Non, c'est pour me curer
les ongles.
Et là-dessus, tout le monde se marre.
Et elle, elle est sur le point de partir
et l'un des types lui dit
Wait, wait, attendez.
Et elle le voit qui court comme une fusée
jusqu'à sa voiture et il revient
avec un bébé en mailloté
et il lui colle le bébé dans les bras.
Il est à toi ?
Il fait oui de la tête.
Il est très beau. Il est très très beau.
Félicitations.
Et l'homme retourne à la voiture avec
son bébé et de là où elle est,
Anne-France aperçoit une femme voilée
dans la voiture qui lui fait un petit signe.
J'aime beaucoup ce moment
où cet homme qui m'a trouvé tellement
inhabituel est allé chercher son enfant
afin que je l'admire
et que je l'admire lui par contre-goût.
A quelqu'un de rare dans son optique
il a offert ce qu'il y a de plus précieux
naïvement,
simplement.
Et en fin de journée, Anne-France arrive
à Kaboul.
Là, elle marchant d'un paquet de gauloises
à un gosse et elle entre dans un restaurant.
Je voudrais 2 grosses portions
de baclama, énorme.
Et en riant, le serveur lui répond
OK, Mr.
Je voudrais un biais,
un biais fraîche.
Elle lui réclame une bière, bien fraîche.
Non, biais.
Finie, biais.
Commençons, pas de bière.
Et là, le type lui explique
que depuis la révolution,
il n'y a plus d'alcool en Afghanistan.
Et ça n'est pas le seul changement.
Je vous raconte aujourd'hui
l'histoire d'une grande aventurière
des années 70, Anne-France Dauduin.
Première femme
à avoir réalisé un tour du monde à moto.
C'était en 1973.
Et je m'inspire pour cela
du livre qu'elle avait publié en rentrant
et j'ai suivi le vent
qui vient d'être réédité aux éditions pailloux.
Et 45 ans plus tard,
Anne-France Dauduin sera là
dans un instant pour débriffer
cette histoire ancienne.
Partie du Canada, elle est passée par l'Alaska,
le Japon, l'Inde,
le Pakistan, et la voilà
en Afghanistan,
pays où elle était déjà venue un an plus tôt
et qui, entre temps, a été secouée
par une révolution.
Elle se souvient bien de l'année dernière.
Elle s'asseyait en terrasse avec sa bière,
elle regardait passer les gens,
les femmes en tchador, les enfants,
les montagnards, les paysans,
tout un petit monde qui parlait,
qui criait, qui chantait,
et ses policiers qui tiraient sur leur cigarette
l'arrête de hashish, dans son livre
et l'écrit.
Kaboul a bien changé, moi aussi.
Pourtant, nous nous sommes retrouvés
comme deux vieilles amis.
Je me suis promené le long des quais,
j'ai marchandé des bijoux que je n'ai pas achetés,
discuté avec des gamins et des mendians,
je me suis rempli le nez de parfum d'épices
le long des restaurants ou les kebabs
cuisant plein air, et j'ai roulé
doucement dans les rues vertes des beaux quartiers.
J'ai eu l'illusion
que tout le monde m'aimait
d'universel et chaude
et à regret
elle quitte Kaboul.
Toujours ses fichu visas à durée limitée
qui l'empêchent de s'attarder.
Et elle prend la route de Bamian
et elle fait une pause dans une chaïkana
et là, trois hommes assis en tailleur
lui font une petite place
sur leur tapis
et ils regardent sa moto.
Tu comptes passer la montagne avec ça ?
Je vais essayer.
Tu nous prends photo ?
Vraiment ?
Je peux, tu m'y autorises ?
Oui, oui, oui, pour toi.
Et les voilà qui posent
assis, les jambes croisées
le buste bien redressé
elle n'aurait jamais osé
les prendre en photo
s'il ne l'avait pas invité à le faire.
Arrivé à Bamian, elle se trouve un petit hôtel
et elle s'assoit au restaurant.
Américaine ?
Non, française.
Et toi tu viens d'où ?
À Turkmenistan.
Et il explique qu'il est tailleur de pierre.
Quel beau métier.
Je te félicite.
Tu as mari ?
T'es marié ?
Non, mais j'ai deux chats.
Moi non plus, je ne suis pas marié.
J'économise pour m'acheter une femme.
Dans deux ans, j'aurai ma famille.
Alors je te souhaite tout le bonheur du monde.
A ce moment-là,
le type veut payer la nôtre.
Ah ben non, tu payes pas.
Si tu t'achetais une femme, s'il t'invite les touristes.
Et le lendemain,
elle reprend la route vers Kandar.
Et avant de partir,
elle dit au revoir à son Turkmen.
La prochaine fois que je reviens,
t'auras une femme et 40 enfants,
et moi trois motos et 40 chats.
À Kandar, elle dort sur la pelouse d'un hôtel,
sous une bâche tendue sur sa moto.
Et là voilà,
à la frontière avec l'Iran.
Sa prochaine étape.
Et là, elle tombe sur un garde-frontière,
un petit brin avec une voie très douce,
qui examine sa valise.
Pour qu'on lui fiche la paix, Anne-France a pris l'habitude
de mettre un soutien gorge
sur le dessus de la pile.
En général, ça l'aimait mal à l'aise
et il la laisse filer.
Mais là, le monsieur
n'est pas du tout mal à l'aise.
Vous avez très beaux yeux.
Merci.
Kismi, embrassez-moi.
Pardon ?
Embrassez-moi.
S'il vous plaît, donnez-moi mon passeport.
Allez, baiser.
Vous n'aimez pas les Afghans ?
S'il vous plaît, mon passeport.
Ce sera finalement le seul problème
qu'elle aura eu avec un homme afghan.
Le seul.
Alors qu'on lui avait dit que les hommes
ne savaient pas se tenir en Afghanistan.
Prochaine étape,
l'Iran.
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Je vous raconte aujourd’hui l’histoire d’une grande aventurière des années 70, Anne-France Dautheville, la première femme à avoir réalisé un tour du monde à moto en 1973. Sur sa Kawazaki 100 cm3, elle a traversé le Canada, l’Alaska, le Japon, l’Inde, le Pakistan et l’Afghanistan…