Hondelatte Raconte - Christophe Hondelatte: Amoureuse d’un criminel : Agnès - L'intégrale

Europe 1 Europe 1 8/16/23 - 40m - PDF Transcript

Voici l'histoire d'Agnès, une surveillante de prison qui a un jour tombé amoureuse d'un détenu qui s'appelle Cabriel.

C'est une histoire qui se termine bien, je préfère vous prévenir.

Je l'attire du livre de Marine Mazéas aux éditions du rocher « L'aimer meurtrier »

et c'est elle qui débrifera ce récit, interview que vous retrouverez dans un deuxième podcast qui est déjà disponible sur votre application.

J'écris cette histoire avec Tuc Duel de Dieu le Veu, réalisation Céline Lebrasse.

Je m'appelle Agnès et j'ai 28 ans. Je suis jeune surveillante de prison.

Je m'occupe de la formation des détenus, c'est-à-dire de ce qu'on appelle les ateliers, cours de cuisine, de mathématiques ou de boulangerie.

Je gère les commandes de matériel, lâcher un équipement et c'est moi qui organise les emplois du temps.

Je me souviens du slogan quand j'ai passé le concours.

« La prison change, changez-la avec nous ».

C'est ça qui m'a décidé à m'engager dans cette voie.

Pas la surveillance, pas l'ouverture des portes, mais l'aspect social de la mission.

Parce que grâce à mes fonctions, je vois les détenus dans un autre cadre.

On arrive à instaurer une confiance mutuelle.

On entretient de bonnes relations tout en gardant une certaine distance, bien sûr.

Mon bureau est installé à l'entrée du quartier destiné à l'enseignement.

Tous les détenus qui suivent des formations passent devant.

« Bonjour surveillance, ça va ce matin ? Ça va, et vous ? »

« Ça va, à tout à l'heure ».

Certains s'installent à peu plus longtemps sur la chaise des invités.

Au début, Gabriel, qui veut passer l'équivalent du bac,

n'est pas vraiment du genre à s'arrêter pour faire la cosette.

Quand il passe devant mon bureau pour aller à son cour, tous les jours, à 16h,

il se contente d'un « Bonjour ».

« Oh, celui-là, qu'est-ce qu'il a un but de sa personne ?

Oh, comme il est autin avec les surveillants,

j'ai eu de me regarder pour voir tout le mal qu'il pense de nous.

Gabriel est un goît de loupère.

Il a pris 23 ans de réclusion criminelle pour avoir tué son ex-compagne à coup de fusil

sur son lieu de travail après l'annonce de leur rupture.

Pour moi, à ce stade, c'est un prisonnier lambda, un meurtrier parmi les autres.

Et puis, au fil du temps, avec Gabriel,

on apprend à se connaître.

Il s'attarde un peu plus devant la porte de mon bureau.

Et je découvre un homme franc, travailleur,

avec une vraie volonté de s'en sortir.

Et puis, un homme aussi, au physique athlétique, affûté,

une jolie peau d'ébène et une allure de bad boy qui n'est pas pour me déplaire.

Nos regards deviennent plus doux, plus enveloppant, plus tendre.

Mais bon, moi, à l'époque, je suis en couple avec un collègue.

Et on a un petit garçon de 4 ans.

Une nuit, pourtant, je fais un rêve très perturbant.

Il y avait une mutinerie dans la prison.

Et moi, j'étais coincé entre mes collègues et les détenus.

Et mes collègues me demandaient de les rejoindre.

Et de l'autre côté, il y avait Gabriel.

Il m'appelait vers lui.

Et finalement, c'est lui que j'ai suivi.

Jusqu'à ce que je me rende compte que toute la journée, j'attends.

J'attends que son pain résonne dans le couloir.

J'attends de l'entendre s'y flotter dans l'escalier.

Je crois que je vais devoir me poser les bonnes questions.

Je crois que j'ai rien compris à ce qui m'arrive.

J'aime mon métier.

Je suis la première à juger mes collègues.

Et pourtant, c'est bien ce qui est en train de se passer.

C'est un déclique.

Avec mon compagnon, on a envisagé de se faire muter tous les deux dans une autre région.

On a même visité une maison sur place.

Alors je passe plusieurs soirs à Tergiverset.

J'ai vu que c'était un déclique.

Alors je passe plusieurs soirs à Tergiverset.

Et je prends la décision irrémédiable de le quitter.

Bah oui.

Si je pense à quelqu'un d'autre, c'est bien que ça ne va pas trop bien dans mon couple.

Alors autant arrêter.

Je suis quelqu'un d'entier, moi.

Je trouve ça plus honnête.

Et un jour, je confie mon trouble à Gabriel.

Je vous apprécie beaucoup en fait.

Je n'avais pas du tout prévu de ça.

Je n'avais jamais pensé.

Mais bon, ça me perturbe.

Ça me perturbe beaucoup.

Mais moi, je vous dis la même chose.

Moi aussi, je vous apprécie.

Et quelques jours plus tard, il prend les devants.

Il veut absolument m'expliquer pourquoi et comment il a tué sa femme.

J'ai fréquenté pas mal de femmes avant elle.

Mais franchement, c'est la seule dont j'ai été vraiment amoureux. Véridique.

Alors, quand on a rompu,

et qu'un mois plus tard, je l'ai vu avec un autre homme,

ça m'a rendu fou.

Je l'ai tué.

J'ai fait une énorme connerie.

Mais bon voilà, maintenant tu sais tout quoi.

A toi de décider.

Si tu veux qu'on se connaisse un peu mieux,

ou si on arrête là.

Je te remercie pour ta franchise.

Ce n'était pas obligé.

Je vais réfléchir.

On en reparlera.

J'ai apprécié qu'il me parle les yeux dans les yeux,

qu'il ne me cache rien.

Ce n'est pas qui travaille en prison.

Ça ne me choque pas ce qu'il a fait.

On en voit tellement des criminels.

Forcément, on ne pense pas comme ceux de l'extérieur.

Mais j'ai pas peur de lui.

Je ne me dis pas, ne te mets pas avec lui,

parce qu'il peut arriver la même chose.

En revanche, je me demande

s'il est vraiment sincère avec moi.

Parce que souvent, les détenus charment les surveillantes

pour obtenir des faveurs.

Faire rentrer de la drogue

ou des téléphones portables.

Et puis, quand même, il y a mon fils.

Il a quatre ans.

Est-ce que je l'embarque dans cette aventure ?

Et puis, il y a mon métier.

Je risque de tout perdre.

Ça serait quand même

un terrible gâchis, non ?

En attendant, pour l'instant,

il ne faut pas qu'on se fasse repérer.

...

Pour ne pas éveiller les soupçons,

pour ne pas qu'on nous voit trop souvent discuter ensemble

et qu'on se doute quelque chose,

on décide de s'écrire.

Tous les jours, quand il passe dans mon bureau

pour aller à son cours, il entre quelques minutes

et il me tend sa lettre discrètement.

Et moi, je lui donne ma lettre

que j'ai écrit la veille au soir chez moi.

Et là, je me précipite en général

dans les vestiaires pour l'aller.

Il me parle de son fils, de sa vie passée.

Et moi aussi.

On évoque nos journées, notre vie dedans

et puis ma vie dehors.

C'est un sacré numéro d'équilibrice.

Il ne faut pas que si quelqu'un

intercepte nos lettres,

on puisse nous identifier.

Alors, nous sommes experts dans l'art

de brouiller les pistes.

On ne cite aucun prénom.

Tout ce qu'on échange sur nos vies

et nos sentiments est vrai,

mais tout le reste, c'est-à-dire

que les lieux et les dates

sont entièrement faux.

Bon, par exemple,

quand je veux lui dire que mon coeur

a battu très fort quand on s'est croisé hier.

Eh ben, je lui ai écrit,

tu te souviens, il y a 5 ans,

quand on s'est vu à la Martinique,

mon coeur a battu très fort.

J'ai l'impression d'être un agent secret.

Ça prend un temps fou,

il faut se creuser la tête.

Mais bon, c'est amusant.

Et c'est assez excitant.

Lui, bien sûr, est censé

détruire chacune de nos lettres,

une fois lui.

Un jour,

j'apprends que toutes les cellules

de son étage se vont être fouillées.

J'espère qu'il a eu le temps

de se débarrasser de mon dernier courrier.

Ça me stresse, ça m'angoisse.

Ce jour-là, heureusement,

il ne trouve rien.

Tout ce qui pourrait me mettre

dans une mauvaise posture.

C'est un homme bien, Gabriel.

Je me sens protégé avec lui,

alors que je suis en total

un sécurité en le fréquentant.

Je peux tout perdre.

C'est totalement paradoxal.

Quand on se croise dans les couloirs,

on a appris à se regarder

sans avoir l'air.

Ça demande un certain entraînement.

Un jour dans un courrier,

il me prévient de façon codée

qu'il va descendre les escaliers torsenus

pour aller en cours de promenade.

Hé, je m'arrange pour être pile

au bon endroit.

Oh là là !

Les abdos bien sculptés.

Oh dis-donc, ça me fait un sacré effet.

Waouh !

Mais bien entendu,

je ne vois rien laisser transparent.

Souvent il me fait des cadeaux.

Des DVDs, des parfums.

Je me souviens du premier cadeau qu'il m'a offert.

C'était un parfum.

Très or.

Il a très bien choisi.

Je l'ai porté pendant des années.

Il achète ça avec son pécule

sur un catalogue fourni par la prison.

Et quand j'ai des problèmes d'argent,

il m'aide.

200 ou 300 euros régulièrement.

Et lui,

même pas un carré de chocolat.

Une fois,

on arrive à échanger un baiser.

Un seul.

L'on de ses collègues et amis vient discuter avec mes collègues

pour détourner leur attention.

Et moi j'en profite pour aller dans un local de stockage

où il me rejoint.

Et ça me fait

comme des papillons dans le ventre.

Et après c'est les montagnes russes.

Je dois redescendre de mon petit nuage,

avoir l'air la plus normale

et la plus naturelle possible.

Ah, c'est pas si simple.

Oh non, après le début

de notre histoire,

je prends une décision radicale.

Je veux vivre mon amour

au grand jour.

Ou presque.

Parce que mes collègues commencent à se douter de quelque chose.

D'ailleurs, deux d'entre eux viennent de convoquer Gabriel.

Mon débrouille

circule que vous auriez une aventure

avec une surveillante.

Qu'est-ce qui se passe entre vous ?

Moi rien ?

D'accord.

Je m'en bats pourquoi je vous pose la question,

de toute façon vous ne me direz rien.

Vous ne me direz pas la vérité.

Tout ça rend la situation vraiment dangereuse.

C'est pas qu'une solution Agnès.

Je vais demander mon transfert dans une autre prison.

C'est une immense preuve d'amour

d'autant qu'il s'éloigne aussi de sa famille.

Il dit qu'il veut suivre

une formation amasonnerie

qui n'est pas dispensée sur place.

Et sa demande est acceptée.

Il est envoyé dans une prison

à plus de 400 km de moi.

Et je la prends

un vendredi après midi.

Ça y est.

J'ai obtenu mon transfert.

Je parle lundi.

C'est bien pour vous.

Bonne continuation.

Respire Agnès.

Respire.

Pleure pas.

Pleure pas.

Je joue le jeu.

Mais au fond de moi,

il crève cœur.

Comment est-ce que je vais supporter de plus le voir tous les jours ?

Je peux même pas aller le voir

dans son nouvel établissement.

C'est trop risqué.

Quelqu'un pourrait le découvrir.

Je perdrai mon emploi.

Je suis maire célibataire.

Je veux pas partir dans ces conditions.

J'aime mon métier.

Une fois de plus,

je prends sur moi.

J'active le mode action.

Mais j'avance

sans trop réfléchir.

Bon, certains soirs, je m'effondre.

Tu me manques, mon chéri.

Tu me manques.

Il me tarde qu'on se retrouve enfin tous les trois.

Pendant plus d'un an,

notre amour ne perdure que grâce à nos lettres

et à ses appels.

Allô, Gabriel ?

Et moi, j'ai dû prendre un portable

au nom d'une amie

pour ne pas me faire repérer.

Lui m'appelle de la cabine de la prison.

Donc pas toujours,

à des heures très pratiques pour moi.

Parfois, il m'arrive de courir dehors

pour lui parler tranquillement.

Et les lettres séparées.

Elles passent par la boîte aux lettres de mon amie.

La tête du facteur

quand il lui tente des enveloppes

avec des petits cœurs.

Alors qu'elle est mariée.

C'est long.

C'est difficile d'attendre.

Mais bon, je n'ai pas le choix.

J'ai fait encadrer

des photos de Gabriel.

Je les ai mises dans mon salon.

Je les regarde tous les jours.

Et puis, il m'a fait parvenir

à un morceau d'un de ses t-shirts

imprégné de son odeur.

Ça me réconforte.

Quand je pense que les gens disent

loin des yeux, loin du cœur.

Oh !

Nous, c'est complètement l'inverse.

On est tous les jours

plus fusionnels que la veille.

Nous n'avons pas eu

pour l'instant de relation

intime.

A peine un bisou à la dérobée.

Mais ça me convient.

Le sexe ne me ment pas.

Ces mots suffisent.

Ça fait un an.

Qu'on ne s'est pas vus.

Mais je suis prêt à l'attendre

des années.

On commence à parler de ce marié.

Et pour ça,

j'ai décidé d'arrêter mon métier.

Dans deux mois,

je ne serai plus surveillante

de l'administration pénitentielle.

Ça y est.

J'ai déposé une demande de mariage

à la mairie de sa prison.

Et une autre auprès des services pénitentiaires.

La cérémonie est prévue dans un mois.

On a toutes les autorisations.

La réflexion de ma mère

quand elle la prend.

Quoi ?

Mais t'étais la première à juger tes collègues

qui tombaient dans les bras des détenus.

Mais qu'est-ce qui te prend ma fille ?

T'es la honte de la famille.

On n'a jamais été très proches

avec ma mère.

Mais j'étais présente pour elle dans les moments difficiles,

notamment quand elle a divorcé de mon père.

Il est hors de question maintenant

que j'en parle à qui que ce soit

d'autre de ma famille.

Mais voilà que quelques jours plus tard,

lors d'une remise de médaille

à la mairie de mon village natin,

alors que beaucoup de mes proches sont là,

je découvre que les bornes

de notre mariage sont affichées

dans le hall.

Et c'est comme ça

que tout le reste de ma famille

apprend que je vais me marier avec Gabriel.

Pour la discrétion,

c'est raté.

Maintenant tout le monde est au courant

et ils sont au moins 60 personnes

à braquer leurs yeux sur moi

et à murmurer à voix basse.

Le lendemain, mon père me dit

« Mais qu'est-ce qu'ils vont penser ces gens, Agnès ?

»

Tant pis.

Tant pis, je me marierai avec un seul témoin,

mon ami, qui reçoit les lettres de Gabriel

à ma place.

On va quand même pas se revoir

juste le jour de notre mariage.

Je veux le voir avant,

même si c'est risqué.

Il faut pas que ce soit démasqué.

J'ai décidé de quitter l'administration pénétancière,

mais il me reste 2 mois à faire.

Ça me stresse.

La première fois que je vais voir Gabriel

au parloir de sa prison,

je viens avec mon petit garçon.

Il a 5 ans.

Je lui ai déjà parlé de Gabriel.

Je lui ai montré des photos.

Il sait que c'est mon amoureux

et il connaît la prison,

puisque c'est mon métier.

Donc, il n'est pas inquiet.

Et moi, je suis heureuse

parce que cette première rencontre

se passe très bien.

Et puis voilà.

Maintenant, je vais le voir tous les week-ends.

400 km allés,

c'est une femme de détenus.

On a droit à 4 parloirs.

Deux le samedi,

deux le dimanche.

Le père de mon fils n'est pas présent pour lui.

Alors avec Gabriel,

on est en train de créer

une vraie famille.

Maintenant, au parloir,

on peut se rapprocher,

se toucher.

Mais je refuse de transgresser le règlement.

Pas question d'avoir des relations sexuelles.

Ça fait un an que ça dure comme ça.

On est habitué.

On ne veut pas de problèmes.

On ne veut pas prendre de risques de sanctions,

se voir interdire les parloirs.

D'autant que le mariage approche.

Et ce mariage,

je veux le savourer.

Notre mariage devant monsieur le maire

a lieu en 2012

dans un bureau du centre de détention.

J'ai mis une rome à corset crème

et un jupon de tulle chocolat.

Et Gabriel a mis un costume 3 pièces.

Et on a économisé

pour s'offrir ses belles tenues.

Et après, on nous autorise une courte fête.

Un buffet de viande froide,

une salade de riz et un gâteau.

Et moins,

sous le cercleau de ma robe,

j'ai caché une petite pique

de whisky.

C'est pour faire plaisir à Gabriel.

Et puis j'ai caché un appareil photo numérique.

J'ai oublié de le charger.

Ça dure deux heures.

Deux heures,

où le temps est suspendu.

Quand faut partir ?

C'est terrible.

Au portique, les surveillants me distousent

toutes nos félicitations.

Mais moi, je suis en rage.

Je suis en colère

qu'on nous prive ne serait-ce que dans un moment

tous les deux.

Quand j'arrive à ma voiture,

en tout cas, je me démaquille tout de suite

pour vite passer à autre chose.

Maintenant qu'on est mariés,

on espère un rapprochement familien.

Mais c'est tout l'inverse

qui se produit.

Une semaine après notre mariage,

Gabriel m'appelle d'une autre prison.

Mais enfin, Gabriel, c'est à 600 km.

Mais pourquoi ils ont fait ça ?

Il paraît encore plus loin de moi.

Sans raison.

Il lui reste encore plusieurs années à purger.

L'avenir s'annonce compliqué.

Mais dès la semaine suivante,

je vais le voir, bien sûr.

Et c'est un parloir important.

Parce que derrière les porteaux-pâques de notre box,

nous consommons notre mariage.

Nous unissons nos corps pour la première fois.

C'est un parloir important.

Parce que derrière les porteaux-pâques de notre box,

nous consommons notre mariage.

Nous unissons nos corps pour la première fois.

Nous unissons nos corps pour la première fois.

600 km aller,

600 km retour.

Ça coûte cher.

Je pourrais pas y aller tous les week-ends.

Je ne pourrais aller le voir que

deux week-ends par mois, maximum.

Et c'est dur parce que

Je suis enceinte.

Ça a marché du premier coup.

On en avait envie.

On l'en avait envie, mais c'était pas prévu aussi vite.

Il ne va pas pouvoir partager ma grossesse, d'autant que maintenant que je suis enceinte,

je ne peux pas faire trop souvent de trajets en voiture.

Il me manque, mais je suis conditionné.

Je ne veux être ni déçu, ni m'appitoyé sur mon sort.

J'ai fait le choix d'être avec lui, j'accepte ses erreurs du passé. C'est comme ça.

Au printemps 2013, je mets au monde un petit garçon.

Ma meilleure amie est là, heureusement, parce que c'est un accouchement très difficile, au fort sec.

Mais bon, ça y est. Ça y est, on a obtenu notre rapprochement.

Maintenant, il est dans une prison à quelques kilomètres de chez moi.

Je lui présente son fils à seulement quatre semaines.

Il en devient complètement fou. Il le montre à tout le monde.

C'est très émouvant. J'espère qu'il va bientôt sortir.

Maintenant, à la prison, on a droit aux UVF, unité de vie familiale.

Un petit appartement à l'intérieur de la prison avec une jolie terrasse.

La première fois, on nous autorise d'y passer six heures.

Six heures pour partager du temps avec les enfants.

Et la fois d'après trois mois plus tard, c'est 24 heures.

Pour notre premier dinner ensemble, on a préparé des pizzas.

Et après, on regarde un film, tous les deux, dans les bras l'un de l'autre.

Une soirée classique, mais pas pour nous.

Pour nous, elle est tellement exceptionnelle.

On n'a pas le sentiment d'être en prison. On est dans notre petit cocon.

Et puis, on va pouvoir faire l'amour, vraiment, pour la première fois.

J'appréhende un peu. Ça fait tellement longtemps que j'ai pas eu quelqu'un dans mon lit.

Et lui aussi, évidemment.

Et puis, pour Noël, on nous accorde un week-end de trois jours.

Ils ont même mis un sapin de Noël dans le petit appartement.

Je me sens bien.

Et alors, cette fois-ci, j'ai pas fait l'erreur de prendre une montre.

Je veux apprécier le temps qu'on passe ensemble.

Je vais pas guéter tout le temps la fin.

Et après, eh bien, viennent les premières permissions de sortie.

La première fois, c'est au printemps 2015.

Gabriel a droit à six heures de liberté.

Il fait très beau. Alors, on va faire un peu de choper.

Et puis, on emmène le petit dernier faire son premier tour de manège.

Et après, on va déjeuner au restaurant.

Bon, alors, qu'est-ce que je vais prendre ?

Ça sera une cote de beuf et des frites.

Ça fait tellement longtemps que j'en ai pas mangé.

Et puis, une bière.

Mon fils a visiblement adopté Gabriel.

Il l'appelle papa.

Après, le retour est brutal.

On nous offre quelques heures de bonheur.

Et puis, on nous l'enlève le bonheur brutalement.

Qu'est-ce que je suis impatiente qu'on puisse être ensemble tout le temps ?

Libre de faire tout ce qu'on a envie.

En 2017, Gabriel est admis au centre de semi-liberté.

Ternière étape avant ce sorti.

Il s'est inscrit dans une agence d'intérim.

Et dès la première annonce, il a été prêt.

Il est magasigné dans un dépôt.

Alors, on a acheté une voiture.

Tous les jours, il la prend pour aller au travail.

Et tous les soirs, il rentre en prison pour dormir.

Il passe tous ses week-ends avec nous.

C'est comme un vent de liberté qui commence à souffler.

Je me dis que le pire est passé.

Que le meilleur reste à venir.

On attendait ça depuis tant d'années.

Un an plus tard, Gabriel sort définitivement.

Je vais le chercher devant la prison.

Il charge ses deux cartons dans la voiture.

Et on rentre à la maison.

Et ce qui est pas évident, c'est que maintenant,

il faut lui faire une place dans notre vie bien huilée.

Je décide et je gère tout depuis des années.

Je dois lui laisser du terrain.

En tout cas, à la maison, il est comme chez lui.

Il a repas à la cuisine en haut.

Et puis la chambre en pêche claire.

J'ai vite compris que j'aurais plus le choix pour les programmes télé.

En prison, il s'endormait avec.

Il en a besoin.

Alors je m'habitue à regarder des films de super-héros

et des films policiers.

On adore aussi fait entrer et l'accuser.

Et parfois, ça parle de gens qu'on a connu en détention.

Je n'ai jamais douté que notre relation durerait.

Au début, quand je vais marcher pendant une heure,

il s'inquiète et il se demande si je vais pas rejoindre en amont.

Et lui, quand il met deux heures pour aller chercher du pain,

je m'interroge.

Mais aujourd'hui, 12 ans après notre rencontre,

on forme un couple et une famille unie.

J'ai plus de nouvelles de ma mère depuis 9 ans.

Je suis encore en lien avec mon père.

On s'appelle, on se voit, mais il refuse de croiser Gabriel.

Et mon grand-père, il nous a foutus dehors quand j'évolue le lieu présenté.

Je suis de la colère envers eux.

Heureusement, je vis loin.

Ça aide à prendre de la distance.

Je n'ai pas besoin d'eux.

Ce que je voudrais, c'est que le regard de la société sur les gens comme nous,

soit moins féroce.

Ce qui m'est arrivé peut arriver à tout le monde.

Vous savez, j'étais quelqu'un de très carré, plein de principes.

Je jugeais ce genre de relation.

Pourtant, ça m'est tombé dessus.

Et contrairement à ce qu'on pense, nous ne sommes pas manipulés.

Il peut y avoir de belles histoires, malgré les murs de la prison.

Je vous ai raconté l'histoire d'Agnès, une surveillante de prison

qui tombe amoureuse d'un détenu qui s'appelle Gabriel.

Elle est obligée de démissionner pour vivre son histoire d'amour,

se marier et faire un bébé avec lui.

Et cette histoire, je la tiens dans le livre qui paraît,

aux éditions du Rocher,

l'aimé meurtrier, magnifique titre au passage,

de Marine Mazéas,

et elle est là avec nous pour la débriffer.

Alors Marine, parlons d'abord d'Agnès.

Oui.

Vous avez des nouvelles depuis que le livre est sorti ?

Oui, on est restés en contact depuis la fin de l'écriture du livre.

Elle est toujours avec Gabriel ?

Elle est toujours avec Gabriel.

Absolument, elle est très heureuse avec Gabriel.

On est touchés par ce qu'elle dit à la fin,

comme d'ailleurs la plupart des femmes dont vous racontez l'histoire.

Je voudrais que le regard de la société sur les gens comme nous,

soit moins féroce.

Oui.

C'est pour ça que vous avez décidé d'écrire ce livre ?

Oui.

En partie, en effet, elles sont beaucoup ostracisées ces femmes-là.

Elles en souffrent énormément.

C'est d'ailleurs l'argument que j'ai utilisé quand je les ai contactées.

Pour les convaincre ?

Oui, pour les convaincre.

Parce que je suis convaincue que c'est important justement

de libérer un petit peu la parole sur ce sujet,

et qu'elle puisse s'exprimer librement,

même si elles ont écrintes à le faire,

puisqu'elles s'exposent.

Elles se doutent qu'il y aura des réactions parfois violentes,

mais elles sont prêtes à le faire pour cette juste cause.

Quand vous attaquez cette démarche,

vous avez 20 ans de métiers.

Oui.

Que je veux dire, dans le crime le fait d'hiver, etc.

Quand vous attaquez cette démarche,

avouez que vous êtes sur la même ligne que les autres.

Ces femmes sont folles.

Évidemment, on a tous des a priori au départ.

Mais justement, dans le cadre de mon métier,

j'ai appris à les connaître ces femmes,

justement, j'en ai déjà interviewé par le passé

pour des articles de presse.

Et c'est pour ça que j'ai voulu écrire ce livre.

À chacune de ces interviews, j'ai découvert ces femmes.

J'ai découvert leur sensibilité, leur courage.

Et donc, j'ai eu envie d'en faire un livre

et d'approfondir véritablement ce sujet.

Pour rester sur le cas particulier d'Agnès,

il y a quand même quelque chose qui reste en l'air.

Donc, elle démissionne de l'administration pénitentielle.

Elle n'a pas de rock chômage puisqu'elle était fonctionnaire.

De quoi elle vit ?

Elle travaille.

Elle a trouvé un autre travail.

Elle n'a pas voulu parler de ça trop pour pas qu'on la repère.

Exactement.

Elle reste très discrète, Agnès.

D'ailleurs, c'est un pseudonyme.

Mais elle travaille et elle est dans le social.

Je me suis dit qu'elle s'était peut-être trompée avec la pénitentielle.

Parce qu'elle dit que c'est du social.

C'est ce que disait le slogan.

Mais en vérité, être surveillant de prison,

ça consiste effectivement à faire de la discipline,

à ouvrir des portes, à les fermer, à surveiller.

Ils font du social de manière assez marginale.

Traditionnellement, oui.

Après, elle, elle était effectivement

elle s'occupait de la formation des détenus.

Donc, elle avait quand même un statut un petit peu à part

qui lui permettait d'avoir un relationnel un peu différent,

qui n'était pas forcément...

Elle allait pas s'occuper des emplois du temps,

des ateliers, toute sa vie.

Donc, je pense qu'elle s'était un peu trompée de métier.

On sent qu'elle n'était pas là pour les bonnes raisons.

C'est pas le sentiment qu'elle a,

mais je comprends que vous ayez cette analyse Christophe.

Je comprends.

Alors, peut-être une question qui ne va pas vous,

mais elle l'énervait un peu.

Mais elle vient de la part de quelqu'un

qui connaît un poil, la chose criminelle.

On a donc affaire à un homme, Gabriel,

qui a tué sa femme froidement à coup de fusil.

Juste parce qu'il avait rompu avec elle

et qu'un mois plus tard,

il la croise avec un autre bonhomme.

Ce type reste potentiellement dangereux

compte tenu de ce qu'il a commis.

Effectivement, c'est une question délicate

que vous me posez Christophe, en expert,

à que vous êtes écouté.

On est pas loin du psychopathe, on est d'accord.

C'est pas un motif.

On trouve l'amende sa femme dans son plumard.

On se refugie, on tire, c'est pas la même chose.

Oui, d'ailleurs, je ne sais plus

si la préméditation a été retenue,

mais en tout cas, elle a été évoquée au process, c'est sûr.

Donc, il y a une certaine préparation,

puisqu'on se procure une arme et on va devant

le travail de cette jeune femme.

Après, je pense qu'elle a voulu voir

autre chose de cette personne.

Elle n'a pas voulu, elle a en fait

mis de côté le geste, puisqu'il lui a expliqué

d'entrée de jeu.

Il s'en est pas caché.

Il est venu que sa fiche pénitentiaire.

Il s'est attendu.

Elle l'a lu en entier, dans les moindres détails.

Il s'en a expliqué pour elle,

dans la suite de la relation,

à aucun moment, elle n'a eu d'alerte

en fait sur le comportement futur

de cet homme.

Mais vous et moi, on ne peut pas être

bénis, oui, oui, là-dessus.

Cette histoire est jolie,

mais ça aurait pu très mal tourner.

Oui.

Il y a d'ailleurs dans votre livre

des histoires, vous avez raconté une,

celle de Chloé,

où ça a mal tourné.

En effet.

Elle croyait que, et ça n'a pas fait.

Effectivement.

Il y a toujours un risque,

de toute façon,

commettre à un meurtre,

ce n'est pas anodin.

Tout le monde ne peut pas le faire,

contrairement à ce que certains peuvent dire.

Mais la réinsertion,

ça existe aussi et visiblement.

Oui, il faut y croire.

Bah, écoutez, aujourd'hui,

c'est pas la bonne expression,

mais aujourd'hui,

il est réinséré,

il travaille durement d'ailleurs,

il fait des doubles journées

pour payer les indemnités

auxquelles il a été condamné,

pour verser à la partie civile.

Donc voilà,

ils ont une famille,

deux enfants, des animaux,

ils vivent à la campagne,

dans une maison.

Ils ont un chien,

je n'en ai pas parlé,

mais c'est sa grande histoire

à la sortie de prison,

un malinois.

Voilà, tout à fait, ils y tenaient.

Ils ont des chats aussi,

enfin, voilà, ils sont entourés d'animaux.

Elles se sont livrées facilement,

ces femmes,

vous leur avez garantie l'anonymat.

Alors pas toutes,

certaines témoignent

avec leurs vrais prénoms.

Il y a des lieux,

donc certaines d'entre elles

sont reconnaissables.

D'autres, effectivement,

vont demander l'anonymat

et je n'avais aucune raison

de le refuser.

Agnès ne s'appelle pas Agnès.

Non, Agnès ne s'appelle pas Agnès.

On sait pas où ça s'est passé,

on sait pas où était la prison.

Et Gabriel ne s'appelle pas Gabriel.

Non.

Voilà.

Elles se sont livrées assez facilement

à partir du moment

où elles ont compris

que je n'étais pas là

pour les piégés

et qu'au contraire,

voilà,

j'avais véritablement envie

de raconter leurs histoires

et de bout en bout,

du début à aujourd'hui,

avec, y compris,

les mauvais moments

parce qu'il faut être honnête aussi,

voilà.

Elles étaient même un peu soulagées.

Oui.

De vider le sac.

Oui, tout à fait.

Alors ce qui saute

aux oreilles

à travers toutes ces histoires

et à travers celles d'Agnès,

c'est que,

enfin, c'est pas une découverte non plus,

c'est-à-dire que l'amour,

ça vous tombe dessus

quand vous avez 20 ans,

30 ans, 40 ans,

comme à 14 ans.

Complètement.

Et c'est envahissant.

Et ça rend aveugle.

Oui.

C'est peut-être

parfois handicapant.

En tout cas,

oui, ça l'aurait complètement tombé dessus

parce qu'aucune d'entre elles

n'a souhaité tomber amoureuse

d'un criminel

ou d'un voyou.

C'est Greed

qui écrit

un détenu

dans le couloir de la mort aux États-Unis

et l'a beau dire qu'elle n'a pas voulu.

Moi, je n'en suis pas convaincu.

Je lui ai dit, hein.

Elle écrivait déjà,

avant qu'Era là,

d'un autre...

Elle dit que c'était une militaire,

enfin, ça, elle était militante.

Une militante.

Voilà, tout à fait.

Bon, alors,

si on met à part le cas de Cygrid,

les autres

n'étaient pas là

pour chercher l'amour en prison.

François était infirmière en étention,

c'était sa fonction.

Agnès était surveillante.

Elle était visite à ce prisonment

et là, elle était jurée.

Elle était jurée.

Elle est tombée amoureuse

de l'homme qu'elle a jugé.

C'est complètement imprévisible.

J'en ai connu d'autres.

À qui c'est...

Ou les mêmes personnes,

probablement qu'on connaît.

Quand même, quand même, quand même,

la vitesse à laquelle Agnès

licensit son compagnon

qui est le père de son fils.

Oui.

Elle le congédie assez rapidement,

en effet.

Mais c'est une jeune femme entière.

Ouais.

C'est son tempérament.

Elle est comme ça.

Et la vitesse à laquelle

elle est aussi de se marier

avec Gabrielle.

Oui.

Un an, 18 mois, à peu près.

Oui, oui.

Ça va vite, mais tout va vite

en prison.

En fait, les relations sont quand même

assez intenses.

Oui, parce que on est

dans un huit clos.

Oui, complètement.

Ça exacerbe toutes

les émotions de la prison.

Alors, ne disons pas

que ces femmes sont folles,

mais est-ce qu'il y a un petit grain,

quand même ?

Est-ce que c'est ça

leur point commun ?

Alors moi, je dirais pas

que c'est leur point commun.

Il y en a.

Il y en a.

Mais il y a...

De le moins,

un autre point commun.

Le courage,

la patience

et la tolérance.

Alors,

ça peut être de la folie

pour certains,

de l'inconscience.

Voilà.

Moi, je nomme ça autrement.

Pas pour moi, mais...

Chacun son poids dû.

Mais il y a aussi

un autre point commun, quand même.

C'est l'art de se compliquer la vie.

Ah oui, ça, c'est sûr.

Oui.

Ça, c'est sûr que ce sont

des relations très complexes.

Parce que...

Mais ce sont des femmes

qui aiment ça.

La complexité,

l'adversité,

le gymkhana pour y arriver

dans la vie.

Possiblement.

Oui, oui.

Possiblement.

C'est vrai que ça peut être

effectivement

quelque chose qui les réunit.

Vous avez essayé

d'entrer en contact

avec les messieurs?

J'ai hésité à le faire.

Oui.

Comme j'avais peur

que ça occulte

l'objet du livre

et que ça leur fasse

de l'ombre à elle.

Parce que c'était vraiment

mon sujet.

En fait,

j'ai fait leur connaissance

à travers leur courrier.

Puisque,

pour tous ces messieurs,

j'ai demandé

à lire leurs lettres.

Avoir les lettres.

Voilà.

Et puis,

à travers ce qu'elles m'ont

dit

et aussi à travers

ce que j'ai pu lire

de ce qu'ils leur ont écrit.

Mais je n'ai pas eu

de lien direct avec eux.

Je n'ai pas souhaité

le faire

pour ne pas

être parasité

quelque part

dans mon écriture

et dans le récit

que je souhaitais

faire de ces témoignages.

Quelle est la morale

attirée de votre livre,

Marine?

Je pense que la meilleure

morale

c'est la conclusion

de la préface

de Michel Marie.

C'est que...

Michel Marie

qui est le patron

de détective.

Presque le patron.

Presque le patron.

Qui a un vieux briscard

du fédiv

et qui travaille

à détective.

Et Michel dit

qu'il y a plusieurs routes

pour parvenir au bonheur

et je suis assez d'accord

avec lui.

Il parle d'expérience.

Exactement.

Ce bon vieux Michel.

Merci beaucoup.

Les trois histoires

que j'ai écrite à partir

de votre livre

sont désormais

disponibles.

Toutes les trois

ont podcast

avec les débris

qui vont avec.

Les débris de

l'interview de Sigrid,

l'interview de Chloé

et maintenant

la vôtre.

Et j'invite tous ceux

qui s'intéressent

à ce sujet,

à lire le livre en entier

parce qu'il y a plein plein plein

d'autres histoires dedans

qui sont absolument passionnantes.

Ce livre s'appelle

L'aimer meurtrier

aux éditions du rocher

signé Marine Maséas.

Machine-generated transcript that may contain inaccuracies.

Agnès est surveillante de prison, elle tombe amoureuse de Gabriel, condamné à 23 ans pour le meurtre de sa femme.