Hondelatte Raconte - Christophe Hondelatte: Amoureuse d’un criminel : Agnès - Le récit

Europe 1 Europe 1 8/16/23 - 30m - PDF Transcript

Voici l'histoire d'Agnès, une surveillante de prison qui a un jour tombé amoureuse d'un détenu qui s'appelle Cabriel.

C'est une histoire qui se termine bien, je préfère vous prévenir.

Je l'attire du livre de Marine Mazéas aux éditions du Rocher, « L'aimer meurtrier ».

Et c'est elle qui débriefra ce récit, interview que vous retrouverez dans un deuxième podcast qui est déjà disponible sur votre application.

J'écris cette histoire avec Tuc Duel de Dieu le Veu, « Réalisation Céline le Brasse ».

Je m'appelle Agnès et j'ai 28 ans. Je suis jeune surveillante de prison.

Je m'occupe de la formation des détenus, c'est-à-dire de ce qu'on appelle les ateliers, cours de cuisine, de mathématiques ou de boulangerie.

Je gère les commandes de matériel, lâcher un équipement et c'est moi qui organise les emplois du temps.

Je me souviens du slogan quand j'ai passé le concours, « La prison change, changez-la avec nous ».

C'est ça qui m'a décidé à m'engager dans cette voie.

Pas la surveillance, pas l'ouverture des portes, mais l'aspect social de la mission.

Parce que grâce à mes fonctions, je vois les détenus dans un autre cadre.

On arrive à instaurer une confiance mutuelle, on entretient de bonnes relations tout en gardant une certaine distance, bien sûr.

Mon bureau est installé à l'entrée du quartier destiné à l'enseignement.

Tous les détenus qui suivent des formations passent devant.

Eh, bonjour, surveillance. Ça va, ce matin ? Ça va, et vous ?

Mais ça va. À tout à l'heure, certains s'installent à peu plus longtemps sur la chaise des invités.

Au début, Gabriel, qui veut passer l'équivalent du bac, n'est pas vraiment du genre à s'arrêter pour faire la cosette.

Quand il passe devant mon bureau pour aller à son cour, tous les jours, à 16h, il se contente d'un...

Bonjour !

Oh, celui-là ! Qu'est-ce qu'il a un but de sa personne ?

Oh, comme il est haut-tint avec les surveillants.

J'ai fini de me regarder pour voir tout le mal qu'il pense de nous.

Gabriel est un goît de loupère.

Il a pris 23 ans de réclusion criminelle pour avoir tué son ex-compagne à coup de fusil sur son lieu de travail.

Après l'annonce de leur rupture.

Pour moi, à ce stade, c'est un prisonnier lambda, un meurtrier parmi les autres.

Et puis, au fil du temps, avec Gabriel, on apprend à se connaître.

Il s'attarde un peu plus devant la porte de mon bureau.

Et je découvre un homme franc, travailleur, avec une vraie volonté de s'en sortir.

Et puis, un homme aussi, au physique athlétique, affûté, une jolie peau d'ébène,

et une allure de bad boy qui n'est pas pour me déplaire.

Nos regards deviennent plus doux, plus enveloppant, plus tendre.

Mais bon, moi, à l'époque, je suis en couple avec un collègue.

Et on a un petit garçon de 4 ans.

Une nuit, pourtant, je fais un rêve très perturbant.

Il y avait une mutinerie dans la prison.

Et moi, j'étais coincé entre mes collègues et les détenus.

Et mes collègues me demandaient de les rejoindre.

Et de l'autre côté, il y avait Gabriel.

Il m'appelait vers lui.

Et moi, finalement, c'est lui que j'ai suivi.

Jusqu'à ce que je me rende compte que toute la journée,

j'attends, j'attends que son pain résonne dans le couloir.

J'attends de l'entendre s'y flotter dans l'escalier.

Je crois que je vais devoir me poser les bonnes questions.

Je crois que j'ai rien compris à ce qu'il m'arrive.

J'aime mon métier.

Je suis la première à juger mes collègues qui tombent dans les bras des détenus.

Et pourtant, c'est bien ce qui est en train de se passer.

C'est un déclic.

Je crois que je vais m'assurer.

Et je vais me donner la parole à mon collègue.

Avec mon compagnon, on a envisagé de se faire muter tous les deux dans une autre région.

On a même visité une maison sur place.

Alors, je passe plusieurs soirs à tergiverser,

et je prends la décision irrémédiable de le quitter.

Mais oui, si je pense à quelqu'un d'autre,

Alors autant arrêter.

Je suis quelqu'un d'entier moi.

Je trouve ça plus honnête.

Et un jour,

je confie mon trouble à Gabrielle.

Je vous apprécie beaucoup en fait.

J'avais pas du tout prévu de ça.

J'avais jamais pensé.

Ça me perturbe, hein.

Ça me perturbe beaucoup.

Mais moi, je vous dis la même chose.

Moi aussi, je vous apprécie.

Et quelques jours plus tard, il prend les devants.

Il veut absolument m'expliquer

pourquoi et comment il a tué sa femme.

J'ai fréquenté pas mal de femmes avant elle.

Mais franchement, c'est la seule dont j'ai été vraiment amoureux. Véridique.

Alors quand on a rompeux,

et qu'un mois plus tard, je l'ai vu avec un autre homme,

ça m'a rendu fou.

Je l'ai tué.

J'ai fait une énorme connerie.

Mais bon voilà, maintenant tu sais tout quoi.

A toi de décider

si tu veux qu'on se connaisse un peu mieux ou...

ou si on arrête là.

Je te remercie pour ta franchise.

Tu t'es pas obligé.

Je vais réfléchir, hein.

On en reparle là-bas.

J'ai apprécié qu'il me parle les yeux dans les yeux,

qu'il ne me cache rien.

Moi qui travaille en prison,

ça ne me choque pas ce qu'il a fait.

On en voit tellement des criminels.

Forcément, on pense pas comme ceux de l'extérieur.

Mais j'ai pas peur de lui.

Je me dis pas, ne te mets pas avec lui

parce qu'il peut arriver la même chose.

En revanche, je me demande

s'il est vraiment sincère avec moi.

Parce que souvent, les détenus charme les surveillantes

pour obtenir des faveurs.

Faire rentrer de la drogue

ou des téléphones portables.

Et puis, quand même, il y a mon fils.

Il a quatre ans.

Est-ce que je l'embarque dans cette aventure?

Et puis, il y a mon métier.

Je risque de tout perdre.

Ça serait quand même

un terrible gâchis, non?

En attendant pour l'instant,

il ne faut pas qu'on se fasse repérer.

Pour ne pas éveiller les soupçons,

pour ne pas qu'on nous voit trop souvent

discuter ensemble et qu'on se doute de quelque chose,

on décide de s'écrire.

Tous les jours, quand il passe dans mon bureau

pour aller à son cours,

il a entre quelques minutes

et il me tend sa lettre discrètement.

Et moi, je lui donne ma lettre

que j'ai écrit la veille au soir chez moi.

Et là, je me précipite en général

dans les vestiaires pour l'aller.

Il me parle de son fils, de sa vie passée.

Et moi aussi.

On évoque nos journées, notre vie dedans

et puis ma vie dehors.

C'est un sacré numéro d'équilibrice.

Il ne faut pas que si quelqu'un

intercepte nos lettres,

on puisse nous identifier.

Alors nous sommes experts

dans l'art de brouiller les pistes.

On ne cite aucun prénom.

Tout ce qu'on échange sur nos vies

et nos sentiments est vrai.

Mais tout le reste, c'est-à-dire le décor,

les lieux et les dates

est entièrement faux.

Bon, par exemple,

quand je veux lui dire

que mon cœur a battu très fort quand on s'est croisé hier,

eh ben je lui ai écrit,

tu te souviens, il y a 5 ans

quand on s'est vu à la Martinique,

mon cœur a battu très fort.

J'ai l'impression d'être un agent secret.

Ça prend un temps fou,

il faut se creuser la tête.

Mais bon,

c'est amusant.

Et c'est assez excitant.

Lui bien sûr est censé détruire

chacune de nos lettres une fois lui.

Un jour,

j'apprends que toutes les cellules de son étage

vont être fouillées.

J'espère qu'il a eu le temps de se débarrasser de mon dernier courrier.

Ça me stresse,

ça m'angoisse.

Ce jour-là, heureusement, il ne trouve rien.

Il est très attentif

tout ce qui pourrait me mettre

dans une mauvaise posture.

C'est un homme bien, hein, Gabriel.

Je me sens protégé avec lui

alors que je suis

en total insécurité en le fréquentant.

Je peux tout perdre.

C'est totalement paradoxen.

Il se croise dans les couloirs.

On a appris à se regarder sans avoir l'air.

Ça demande un certain entraînement.

Un jour, dans un courrier,

il me prévient de façon codée

qu'il va descendre les escaliers torsenus

pour aller en cours de promenade.

Je m'arrange pour être pile au bon endroit.

Oh là là !

Les sables d'eau bien sculptés.

Oh dis-donc, ça me fait un sacré effet.

Waouh !

Mais bien entendu,

je ne dois rien laisser transparent.

Souvent, il me fait des cadeaux.

Des DVDs, des parfums.

Je me souviens du premier cadeau

qu'il m'a offert. C'était un parfum.

Très or.

Il a très bien choisi.

Je l'ai porté pendant des années.

Il achète ça avec son pécule

sur un catalogue fourni par la prison.

Et quand j'ai des problèmes d'argent,

il m'aide.

200 ou 300 euros régulièrement.

Et lui,

il ne me demande aucune faveur.

Aucun service.

Même pas un carré de chocolat.

Une fois,

il arrive à échanger un baiser.

Oh, seul.

L'on de ses collègues et amis vient discuter

avec mes collègues pour détourner leur attention.

Et moi, j'en profite pour aller dans un local

de stockage, où il me rejoint.

Et ça me fait

comme des papillons dans le ventre.

Et après, c'est les montagnes russes.

Je dois redescendre de mon petit nuage,

avoir l'air la plus normale

et la plus naturelle possible.

Ah, c'est pas si simple.

Oh, non.

Après le début de notre histoire,

je prends une décision

radicale.

Je veux vivre mon amour

au grand jour.

Ou presque.

Parce que mes collègues commencent

à se douter de quelque chose.

D'ailleurs, deux d'entre eux viennent

de convoquer Gabriel.

Mon débris circule

que vous auriez une aventure

avec une surveillante.

Qu'est-ce qui se passe entre vous ?

Moi, rien.

D'accord.

Je m'en bats pourquoi je vous pose la question.

De toute façon, vous ne me direz rien.

Vous ne me direz pas la vérité.

Tout ça rend la situation vraiment dangereuse.

Je vois qu'une solution, Agnès.

Je vais demander mon transfert

dans une autre prison.

C'est une immense preuve d'amour,

d'autant qu'il s'éloigne aussi de sa famille.

Il dit qu'il veut suivre une formation

à ma sonnerie qui n'est pas dispensée

sur place.

Et sa demande est acceptée.

Il est envoyé dans une prison

à plus de 400 km de moi.

Et je la prends

un vendredi après midi.

Hey, surveillante.

Ça y est.

J'ai obtenu mon transfert.

Je parle un dit.

C'est bien pour vous.

Bonne continuation.

Respire, Agnès.

Respire.

Pleure pas.

Pleure pas.

Je joue le jeu.

Mais au fond de moi,

c'est un crève-coeur.

Enfin, comment est-ce que je vais supporter

de plus le voir tous les jours ?

Je peux même pas aller le voir

dans son nouvel établissement.

C'est trop risqué.

Je me perdrai mon emploi.

Et puis je suis maire célibataire.

Je veux pas partir dans ces conditions.

Et puis j'aime mon métier.

Bon, bah voilà.

Une fois de plus,

je prends sur moi.

J'active le mot d'action.

Mais j'avance.

Sans trop réfléchir.

Bon, certains soirs, je m'effondre.

Tu me manques, mon chéri.

Tu me manques.

Il me tarde qu'on se retrouve enfin tous les trois.

Pendant plus d'un an,

notre amour ne perdure que grâce à nos lettres

et à ses appels.

Allô ?

Gabriel ?

Et moi j'ai dû prendre un portable

au nom d'une amie

pour ne pas me faire repérer.

Lui m'appelle de la cabine de la prison.

Donc pas toujours,

à des heures très pratiques pour moi.

Parfois il m'arrive de courir dehors

pour lui parler tranquillement.

Et les lettres s'épargnent.

Elles passent par la boîte aux lettres de mon amie.

La tête du facteur quand il lui tente

des enveloppes avec des petits coeurs.

Alors qu'elle est mariée.

C'est long.

C'est difficile d'attendre.

Mais bon, j'ai pas le choix.

J'ai fait encadrer des photos de Gabriel.

Je les ai mises dans mon salon.

Je les regarde tous les jours.

Et puis il m'a fait parvenir

à un morceau

d'un de ses t-shirts

imprégné de son odeur.

Ça me réconforte.

Quand je pense que les gens disent

loin des yeux, loin du coeur.

Nous c'est complètement l'inverse.

On est tous les jours plus fusionnels

que la veille.

Nous n'avons pas eu

pour l'instant de relation intime.

A peine un bisou à la dérober.

Mais ça me convient.

Le sexe ne me manque pas.

Ces mots suffisent.

Ça fait un an

qu'on s'est pas vus.

Mais je suis prêt à l'attendre

des années.

On commence à parler

de se marier.

Et pour ça,

j'ai décidé d'arrêter mon métier.

Dans deux mois,

je ne serai plus surveillante

de l'administration pénitentielle.

Ça y est.

J'ai déposé une demande de mariage

à la mairie de sa prison.

Et une autre auprès des services pénitentiaires.

La cérémonie est prévue dans un mois.

On a toutes les autorisations.

La réflexion de ma mère

quand elle la prend.

Quoi ?

Mais t'étais la première à juger tes collègues

qui tombaient dans les bras des détenus.

Mais qu'est-ce qui te prend ma fille ?

T'es la honte de la famille.

On a jamais été très proches

avec ma mère.

Mais j'étais présente pour elle

dans les moments difficiles, notamment quand elle a

divorcé de mon père.

Il est hors de question maintenant

que j'en parle à qui que ce soit d'autre

de ma famille.

Mais voilà que quelques jours plus tard,

lors d'une remise de médaille

à la mairie de mon village natin,

alors que beaucoup de mes proches sont là,

je découvre que les bandes

de notre mariage sont affichées

et qu'ils volent.

Et c'est comme ça

que tout le reste de ma famille

apprend que je vais me marier avec Gabriel.

Pour la discrétion,

c'est raté.

Maintenant tout le monde est au courant

et ils sont au moins 60 personnes

à braquer leurs yeux sur moi

et à murmurer à voix basse.

Le lendemain, mon père me dit

Mais qu'est-ce qu'ils vont penser ces gens, Agnès ?

Tant pis.

Tant pis, je me marierai avec un seul témoin,

mon ami, qui reçoit les lettres de Gabriel

à ma place.

On va quand même pas se revoir

juste le jour de notre mariage.

Je veux le voir avant,

même si c'est risqué.

Il faut pas que ce soit démasqué.

J'ai décidé de quitter l'administration pénétancière

mais il me reste 2 mois

à faire.

C'est stress.

La première fois que je vais

voir Gabriel au parloir de sa prison

j'y vais avec mon petit garçon.

Il a 5 ans.

Je lui ai déjà parlé de Gabriel.

Je lui ai montré des photos.

Il sait que c'est mon amoureux

et il connaît la prison puisque c'est mon métier.

Donc il n'est pas inquiet.

Et moi, je suis heureuse

parce que cette première rencontre

se passe très bien.

Et puis voilà, maintenant

je vais le voir tous les week-end.

400 km allé,

400 km retour,

la vie d'une femme de détenu.

On a droit à 4 parloirs

de le samedi,

de le dimanche.

Le père de mon fils n'est pas présent pour lui.

Alors avec Gabriel,

on est en train de créer une vraie famille.

On est en train de créer

une vraie famille.

Maintenant au parloir,

on peut se rapprocher,

se toucher.

Mais je refuse de transgresser le règlement.

Pas question d'avoir des relations sexuelles.

Ça fait un an que ça dure comme ça.

On est habitué.

On ne veut pas de problèmes.

On ne veut pas prendre de risques de sanctions,

se voir interdire les parloirs.

D'autant que le mariage approche.

Et ce mariage,

je veux le savourer.

Notre mariage devant monsieur le maire

a lieu en 2012

dans un bureau du centre de détention.

J'ai mis une rhum à corset crème

et un jupon de tulle chocolat.

Et Gabriel a mis un costume 3 pièces.

Et on a économisé

pour s'offrir ses belles tenues.

Et après on nous autorise

une courte fête.

Un buffet de viande froide,

une salade de riz et un gâteau.

Et moi,

sous le cercle de ma robe,

j'ai caché une petite fiole de whisky.

C'est pour faire plaisir à Gabriel.

Et puis j'ai caché un appareil photo numérique.

Mais j'ai oublié de le charger.

Ça dure 2 heures.

2 heures où le temps est suspendu.

Quand faut partir ?

Non.

C'est terrible.

Au portique les surveillants me distousent

toutes nos félicitations.

Mais moi je suis en rage.

Je suis en colère

qu'on nous prive ne serait-ce que d'un moment tous les deux.

Quand j'arrive à ma voiture

en tout cas je me démaquille tout de suite.

Pour vite passer à autre chose.

Maintenant qu'on est mariés,

on espère un rapprochement familien.

Mais c'est tout l'inverse

qui se produit.

Une semaine après notre mariage,

Gabriel m'appelle d'une autre prison.

Mais enfin Gabriel,

c'est à 600 km.

Mais pourquoi ils ont fait ça ?

Il part encore plus loin de moi.

Sans raison.

Il lui reste encore plusieurs années à purger.

L'avenir s'annonce compliqué.

Mais dès la semaine suivante,

je vais le voir, bien sûr.

Et c'est un parloir important.

Parce que derrière

les porte-opacs de notre box,

nous consommons notre mariage.

Nous unissons nos corps

pour la première fois.

600 km allé,

600 km retour.

Ça coûte cher.

Je ne pourrais pas y aller tous les week-ends.

Je ne pourrais aller le voir que

deux week-ends par mois maximum.

Et c'est dur parce que

je suis enceinte.

Ça a marché du premier coup.

On en avait envie.

Mais c'était pas prévu aussi vite.

Il ne va pas pouvoir partager ma grossesse.

D'autant que maintenant que je suis enceinte,

je ne peux pas faire trop souvent

de trajets en voiture.

Il me manque.

Mais je suis conditionné.

Je ne veux être ni déçu,

ni ma pitoyée sur mon sort.

J'ai fait le choix d'être avec lui.

J'accepte ses erreurs du passé.

C'est comme ça.

Au printemps 2013,

je mets au monde un petit garçon.

Ma meilleure amie est là,

heureusement, parce que c'est un accouchement

très difficile.

Mais bon, ça y est.

Ça y est, on a obtenu notre rapprochement.

Maintenant, il est dans une prison

à quelques kilomètres de chez moi.

Je lui présente son fils

à seulement quatre semaines.

Il en devient complètement fou.

Il le montra tout le monde.

C'est très émouvant.

J'espère qu'il va bientôt sortir.

Maintenant, à la prison,

on a droit aux UVF,

unité de vie familiale.

Un petit appartement

à l'intérieur de la prison

avec une jolie terrasse.

La première fois, on nous autorise

d'y passer six heures.

Six heures pour partager du temps

avec les enfants.

Et la fois d'après trois mois plus tard,

c'est 24 heures.

Pour notre premier dîner ensemble,

on a préparé des pizzas.

On regarde un film, tous les deux,

dans les bras l'un de l'autre.

Une soirée classique,

mais pas pour nous.

Pour nous, elle est tellement exceptionnelle.

On n'a pas le sentiment

d'être en prison.

On est dans notre petit cocon.

Et puis, on va pouvoir faire l'amour vraiment

pour la première fois.

J'appréhende un peu.

Ça fait tellement longtemps que j'ai pas eu quelqu'un

dans mon lit. Et lui aussi,

évidemment.

On nous accorde un week-end de trois jours.

Ils ont même mis un sapin

de Noël dans le petit appartement.

Je me sens bien.

Et alors cette fois-ci,

j'ai pas fait l'erreur de prendre une montre.

Je veux apprécier le temps qu'on passe ensemble.

Je vais pas guetter tout le temps la fin.

Et après,

eh bien viennent les premières permissions

de sortie.

La première fois, c'est au printemps 2015.

Gabriel a droit à 6 heures

de liberté. Il fait très beau.

Alors on va faire un peu de shopping.

Et puis on emmène le petit dernier

faire son premier tour de manège.

Et après, on va déjeuner

au restaurant.

Bon, alors,

qu'est-ce que je vais prendre ?

Ça sera une cote de beuf et des frites.

Ça fait tellement longtemps

que j'en ai pas mangé. Et puis une bière.

Mon fils a visiblement

adopté Gabriel.

Il l'appelle Papa.

Après,

le retour est brutal.

On nous offre quelques heures de bonheur

et puis on nous l'enlève

le bonheur brutalement.

Qu'est-ce que je suis impatient

qu'on puisse être ensemble, tout le temps.

Libre de faire tout ce qu'on a envie.

En 2017,

Gabriel est admis

au centre de semi-liberté.

Ternière étape avant ce sorti.

Il s'est inscrit dans une agence d'intérim

et dès la première annonce, il a été pris.

Il est magasinier dans un dépôt.

Alors on a acheté une voiture.

Tous les jours, il la prend pour aller au travail.

Et tous les soirs, il rentre

en prison pour dormir.

Il passe tous ses week-ends avec nous.

Et puis,

il y a un petit peu de temps

où il passe tous ses week-ends avec nous.

C'est comme un vent de liberté

qui commence à souffler.

Je me dis que le pire est passé.

Que le meilleur reste à venir.

On attendait ça depuis tant d'années.

Un an plus tard,

Gabriel sort définitivement.

Je vais le chercher devant la prison.

Il charge ses deux cartons dans la voiture

et on rentre à la maison.

C'est comme ça.

Est-ce qu'il n'est pas évident ?

C'est que maintenant,

il faut lui faire une place dans notre vie bien huilée.

Oui.

Je décide et je gère tout depuis des années.

Je dois lui laisser du terrain.

En tout cas, à la maison.

Il est comme chez lui.

Il a repas à la cuisine en haut

et puis, la chambre empêche clair.

J'ai vite compris que

c'est des programmes télé.

En prison, il s'endormait avec.

Il en a besoin.

Je m'habitue à regarder des films de super-héros

et des films policiers.

On adore aussi fait entrer et l'accuser.

Et parfois,

ça parle de gens qu'on a connu en détention.

Je n'ai jamais douté

que notre relation durerait.

Au début, quand

je vais marcher pendant une heure,

il s'inquiète et il se demande

si je ne vais pas rejoindre en amont.

Et lui, quand il met 2 heures pour aller chercher du pain,

je m'interroge.

Mais aujourd'hui,

12 ans après notre rencontre,

on forme un couple

et une famille unie.

J'ai plus de nouvelles de ma mère depuis 9 ans.

Je suis encore en lien avec mon père.

On s'appelle.

On se voit, mais

il refuse de croiser Gabriel.

Et mon grand-père, il nous a foutus dehors

quand j'ai voulu le lui présenter.

Je suis de la colère envers eux.

Heureusement, je vis loin.

Ça aide à prendre de la distance.

J'ai pas besoin d'eux.

Ce que je voudrais,

c'est que le regard de la société

sur les gens comme nous

soit moins féroce.

Ce qui m'est arrivé peut arriver à tout le monde.

Vous savez, j'étais quelqu'un

de carré, plein de principes.

Je jugeais, ce genre de relation.

Pourtant, ça m'est tombé dessus.

Et contrairement à ce qu'on pense,

nous ne sommes pas manipulés.

Il peut y avoir de belles histoires

malgré les murs de la prison.

...

...

...

...

...

...

J'ai tiré cette histoire

de l'aimer meurtrier.

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Agnès est surveillante de prison, elle tombe amoureuse de Gabriel, condamné à 23 ans pour le meurtre de sa femme.