Hondelatte Raconte - Christophe Hondelatte: Aline, mère puis meurtrière
Europe 1 10/21/23 - 35m - PDF Transcript
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On de l'âtre à compte.
Christopher Delatt
En 2018, à Bordeaux, Aline, 22 ans, noise son bébé qui vient de naître dans les toilettes de son studio.
Pendant toute l'instruction, pendant tout son procès, elle répète qu'elle ne s'est rendu compte de rien, qu'elle ne savait même pas qu'elle était enceinte, qu'elle ne savait pas qu'elle avait accouché.
Ouvrons ensemble la Côte B du dossier d'instruction de cette jeune femme.
Dans le système judiciaire français, le dossier d'instruction contient un sous-dossier appelé Côte B.
Il rassemble les rapports des experts psychiatres, psychologues et de l'enquêteur de personnalité. Ouvrons l'un de ces dossiers.
On de l'âtre à compte. Côte B sur Europe 1
Le 12 décembre 2018, à Bordeaux, les pompiers sont appelés en urgence dans un foyer pour adultes handicapés.
Et dans la chambre d'Aline, il découvre une marte sang qui va du lit jusqu'à la salle de bain.
Et sur la cuvette des toilettes, il découvre un placentin de 22 cm sur 12 diamètres.
Le cordon hompilical mène au siphon de la cuvette.
Et dans le siphon, il y a le cordon nouveau-né.
Il est mort.
Sa mère Aline, 22 ans, est malvoyante.
Elle est immédiatement transférée à la maternité de l'hôpital de Bordeaux.
Et elle répète aux pompiers.
Ah bon ? J'ai accouché ? Mais je savais pas que j'étais enceinte.
La première rencontre avec Aline, à la fin de l'instruction.
J'ai vu le dossier avant.
Ce dossier est assez effrayant.
Il est touchant.
On imagine cette scène de cette jeune femme qui a vécu l'enfer cette nuit-là.
Et pour la première fois, on rencontre Aline.
C'est une jeune femme inquiète, perdue, qui doit s'expliquer sur ses faits
et qui, au cours d'une même nuit, a été amenée
lorsqu'on lui explique après à comprendre qu'elle avait donné la vie
et qu'ensuite, elle a été poursuivie en tant que meurtrière de son enfant.
Elle dit que c'est les pompiers qui lui ont expliqué qu'il y avait un nourrisson dans les toilettes.
Et ce sont les médecins, le lendemain, à l'hôpital, qui lui expliqueront
qu'elle a fait un déni grossesse, c'est-à-dire que ce sont des tiers, des extérieurs,
les intervenants de l'urgence, qui lui expliqueront
qu'elle a fait un déni grossesse, c'est-à-dire que ce sont des tiers, des extérieurs,
des intervenants de l'urgence, qui lui expliqueront
ce qu'elle a vécu. Elle n'est pas en capacité de l'analyser.
C'est une personne, quand on la voit se déplacer avec sa canne blanche,
qu'on a envie d'aider, qu'on a envie de protéger.
Et moi, dès la première fois que j'ai rencontré et que j'ai vu son dossier,
c'est certain que c'était une cause et une personne que j'avais envie de défendre.
Voilà, madame. Je suis de l'expert psychologue.
Je ne suis pas là pour vous juger. Vous pouvez tout me dire.
Comment tout ça a été arrivé ?
Je sais même pas ce qui m'est arrivé.
J'avais d'énormes douleurs aux ventes, c'était énorme.
J'avais la tête qui tourne.
Alors, dans la nuit, j'ai cherché de l'aide,
mais il n'y avait personne.
Je me suis assis par terre.
Je n'arrivais pas à tenir debout.
La femme de Ménage est arrivée.
Je lui dis qu'il y avait un gros problème, qu'il y avait du sang partout.
J'ai été paniqué.
J'avais vu du sang.
J'avais les mains qui tremblaient.
Je ne savais pas ce qui m'arrivait.
La femme de Ménage
Elle est seule.
Maître Michel Boère, avocate de la Défense.
Seule au cinquième étage de ce foyer.
Il n'y a personne. Personne n'est là.
Elle va perdre beaucoup de sang.
Elle va avoir mal aux ventres.
Elle pense réellement qu'elle a ses problèmes gastriques.
Elle est allée voir un médecin 48 heures avant.
C'est l'enfer qu'elle a vécu.
Mettez-vous à sa place.
Elle ne se savait pas enceinte.
Et elle ne pensait pas coucher.
Imaginez l'enfer qu'elle a vécu.
Et comment Ali n'a pu, en effet,
finalement tuer cet enfant.
Puisqu'elle ne réalisait pas
qu'elle était en train d'accoucher.
Et elle ne savait même pas qu'elle était enceinte.
Elle est présente physiquement, mais absolument pas psychiquement.
Elle n'est pas là.
Elle ne comprend pas.
Elle n'a pas la capacité d'intégrer ce qui s'est passé.
C'est une sorte de protection de mécanisme
qui fait qu'elle est extérieure à cette scène.
Le grand mystère de ce dossier,
est-ce qu'elle est capable de mentir ?
J'ai pas le sentiment qu'elle est mentie.
J'ai pas le sentiment, franchement plus profond.
De moi, j'ai pas le sentiment qu'elle mente.
Mais en revanche, elle a son cerveau affermé.
Code B9.
Expertise psychologique de Patrice Le Normand.
L'expulsion de l'enfant est décrite par Aline
comme un moment traumatique
vécu sur le mode de la confusion et de l'acidération.
L'état de sidération,
ou d'hébétude observée,
relèverait de l'art et de la pensée
devant l'impensable de la situation
et correspond au premier temps d'un état post-traumatique.
...
J'ai été la voir à l'unité hospitalière
spécialement aménagée de Cadillac.
Patrice Le Normand.
Expert psychologue.
C'est un service hospitalier
ou des services de psychiatrie
avec autour des murs de prison.
Donc quand on arrive,
on a vraiment l'impression d'entrer dans une prison
donc au parloir.
J'étais arrivé avant elle
et l'arrive, elle est accompagnée.
J'avais retenu qu'elle était déficient de visuel.
Mais elle marchait, elle trouvait son chemin
sans avoir besoin d'assistance particulière, visiblement.
Une jeune femme plutôt forte
qui a l'air un petit peu perdue,
un peu anxieuse,
un peu hyper vigilante
à ce qu'il se passe autour d'elle
pas rassurée et insecure.
Très rapidement,
j'ai voulu investiguer son niveau intellectuel
en faisant passer des tests
parce que elle est capable de se faire comprendre,
de s'exprimer,
mais le vocabulaire est quand même limité.
On ne fait pas toujours des tests intellectuels
lorsqu'on est psychologue,
on ne le fait pas toujours en situation d'expertise.
Mais là,
j'ai vraiment jugé utile de le faire
pour mesurer effectivement son niveau de déficience.
Effectivement, il apparaissait qu'elle avait une déficience
qui n'était pas énorme.
Son handicap visuel, sa limitation intellectuelle,
sont parmi les éléments
qui ont fait d'elle quelqu'un
de relativement dépendant
dans sa relation, sa mère.
C'est une jeune femme qui a été adoptée
à l'âge de trois mois,
comme tous les personnes adoptées.
Forcément que ça laisse des traces
au moins au niveau de la mémoire perceptive.
Donc elle a été adoptée par un monsieur et une dame,
un couple dont le père avait du mal
à accepter le handicap de la jeune fille.
Son handicap a été détecté
par une jeune femme qui a été adoptée
à l'âge de trois mois.
C'est une jeune femme qui a été adoptée
à l'âge de trois mois
et son handicap a été détecté à l'école,
son handicap visuel,
et elle a grandi
coller, finalement, à ma main.
Vous savez, monsieur,
avec mon père, ça a été très compliqué
parce qu'il n'acceptait pas mon handicap.
Je me rappelle que quand il m'apprenait
à faire du vélo,
il ne comprenait pas que c'était compliqué pour moi,
que je faisais que tomber,
il m'a insisté quand même.
Et à force de tomber,
ma mère elle a dit stop.
Sa vie est faite de malchance.
Maître Michel Boer,
avocate de la Défense.
Dès le départ,
on lui détecte une maladie
qui est dégénérative.
Elle va finir aveugle.
Donc, elle a cette maladie
et puis, également,
elle va être harcelée à l'école.
Elle va vivre une enfance très compliquée.
Elle a un cuit qui est
plus bas que la moyenne.
Donc, elle a cette malchance.
Mes parents, ils ont divorcé
quand j'avais 10 ans.
Mon père, il faisait craver ses mamères.
Il n'était jamais à la maison,
même pour les réunions au collège,
ou les problèmes du collège,
c'était toujours elle qui le naît.
Comme moi, ma mère, elle a un handicap.
Quand elle se plaise,
ou elle prend un coup,
ma sapeau, elle s'ouvre.
Moi, j'ai détesté mon père le jour où
je l'ai vu frapper ma mère.
Le caractéristique de l'abandonnisme
a vécu en l'orphelinat.
On sait très bien que,
dans ces orphelinats,
il y a un manque de stimulation,
notamment dans les premiers jours,
les premières semaines de la vie,
alors que c'est des éléments
extrêmement importants et essentiels
pour, justement,
l'ouverture au monde
du jeune enfant.
Et puis,
le sentiment d'être rejeté
pour se caler,
notamment à travers
son handicap, par son père.
Et au contraire, une mère
qui l'apprend véritablement
son aile,
d'une façon extrêmement fusionnelle,
comme un enfant,
qu'elle considère d'ailleurs toujours,
comme un enfant, y compris
alors qu'elle a
dépassé largement, je dirais,
l'âge de l'adolescence,
qui est aussi rayée par sa mère,
toujours comme son enfant.
Côte B5,
expertise psychiatrique
du docteur Paul Bonan.
Au collège,
Aline a été scolarisée en section
SEPA, puis elle a intégré
un lycée professionnel.
Elle a obtenu un CAP
en vente alimentaire.
Elle voulait
et elle a toujours souhaité
pouvoir avoir une certaine valorisation
d'un travail, et en particulier
en intégrant un EZAT,
c'est-à-dire un établissement social
d'aide par le travail, qui aurait pu
en effet lui permettre
d'avoir une existence propre
sur le plan professionnel
qui lui aurait permis d'avoir
une autre image d'elle que celle
qu'elle a eue jusqu'alors.
Il faut savoir que donc elle a connu
la sexualité dans une relation
avec un garçon, qu'elle avait
rencontré dans un EZAT,
un garçon qui était entre guillemets
un mauvais garçon,
en tout cas qui avait fait des bêtises,
qui était déjà connu de la police
et de la justice.
Elle a eu cette relation avec ce garçon-là,
la mère ne validait pas cette relation,
donc Aline a quitté le domicile
après cette fâché une année
avec sa mère, et elle a vécu
dans une hérance pendant 3 mois
avec ce garçon.
...
Donc en vivant un droit à gauche,
en vivant au silence des squads, etc.
Sauf que pendant cette période,
alors ils ont eu des relations sexuelles,
mais aussi pendant cette période,
elle s'est aperçue que ce garçon
l'avait trompé avec sa meilleure
amie à elle.
...
Et ça, ça a été déclencheur
pour Aline d'un mouvement forcément
de colère extrême.
Ça lui a permis aussi de revenir
chez sa mère, mais à partir de là,
elle a eu des conduits sexuels anarchiques,
des relations fmr avec des garçons
qui n'étaient pas du tout investis
sur le plan effectif,
et c'est sûrement dans ce contexte
qu'elle serait tombée enceinte.
...
La première lecture que je fais de ce dossier...
...
...toujours en ayant l'esprit ouvert
à autre chose, mais quand même la première
certitude que j'ai, c'est qu'un,
le déni de grossesse est bien réel,
elle ne ment pas sur le déni de grossesse,
parce qu'il y a des indices
qui me font penser qu'elle ne ment pas,
d'abord parce qu'elle est en
surpoids importants,
donc de fait,
physiquement, la grossesse ne se voit pas
nécessairement.
Ensuite, parce que personne ne la vit,
personne ni dans son entourage,
ni dans les gens qui l'accueillent
dans l'établissement pour malvoyant
et surtout la veille,
la veille d'accoucher, elle va chez un médecin
disant qu'elle a mal au ventre,
qu'elle souffre de mot de ventre,
et le médecin lui donne des médicaments
qui sont absolument contraindiqués pour la grossesse.
Donc le médecin n'a pas vu non plus qu'elle était en sate.
Donc le déni de grossesse, je le crois.
...
Disons que, bon, moi je choisirais de dire
qu'elle est très proche du véritable déni de grossesse.
Patrice Le Normand, expert psychologue.
C'est-à-dire qu'à aucun moment,
il y a deux signaux qui laissent penser qu'elle ait pu
dissimuler la grossesse.
C'est-à-dire qu'elle a continué à avoir des médecins,
parfois les femmes qui sont en dissimulation de grossesse,
histoire de brouiller les pistes
lorsqu'elle voit un médecin,
elle change de médecin à chaque fois.
Comme ça, il n'y a pas d'historicité
qui permet de se dire en bâti, elle a pris du poids
depuis l'autre fois, par exemple,
ou etc. Donc ces femmes-là
vont souvent chez des médecins
pour des symptômes précis,
ou par coup, mais brouillent les pistes,
elles ne vont jamais chez les mêmes.
Bon, elle ne sait pas ça, elle allait chez les mêmes médecins.
Autre signe en faveur du déni de grossesse,
donc Aline continue à avoir
un comportement relativement libre en société,
c'est-à-dire qu'elle continue à vivre
comme si de rien n'était.
C'est pas quelqu'un qui se cachait
du regard d'autrui, et effectivement
les douleurs du travail étaient interprétées
différemment, elle les interprétait
comme le signe d'une gastro, etc.
Je ne vais même pas dire qu'elle a été surprise
par l'accouchement, parce qu'au moment
de cette expulsion,
pour elle, ce n'était même pas un accouchement
finalement, c'était une grosse émoragit,
l'expulsion de quelque chose
de son corps, mais à aucun moment
elle ne fait le lien avec
la possibilité d'une grossesse
et d'un enfant qui sortait de son corps.
Le dominal qu'elle ressentait était dû
à un problème de scène.
À aucun moment, elle n'a pu
percevoir, penser ou comprendre
qu'elle avait expulsé dans la cuvette
des toilettes, un bébé.
Moi, lorsque je l'ai rencontrée, elle était
relativement bien informée, comme une jeune femme,
comme beaucoup de jeunes femmes de son âge,
et pas moins, sur
comment on fait les bébés, comment
on évite d'en faire, comment
on évite aussi d'attraper
des maladies sexuellement transmissibles, etc.
Elle avait totalement laissé
tomber la notion de contraception
et donc risquait de tomber enceinte,
mais elle n'intégrait pas
ce risque dans l'horizon des possibles.
On parle du déni de grossesse, on peut
parler déjà de déni
du risque de tomber enceinte, finalement,
parce qu'à aucun moment, dans son discours,
ça n'apparaît, à aucun moment, il y a une préoccupation
vis-à-vis de ça.
Elle fonctionne, à mon sens, sur le mode
de la pensée magique,
déçu par rapport à une expérience
sentimentale douloureuse
où elle dit avoir été trompée.
Elle a ensuite eu
un certain nombre de relations
éphémères, mais sans pour autant
s'attacher, ne pouvant pas, d'ailleurs,
s'attacher à
quelqu'un que partenaire, et de
ce fait, n'ayant par ailleurs
volontairement arrêté sa contraception,
considérant qu'elle ne pouvait pas
être enceinte dans la mesure où elle n'avait pas
une relation sentimentale suivie,
les belles relations qu'elle pouvait avoir
pour elle, ne pouvaient absolument pas
aboutir à un état de grossesse.
Il y a une grossesse
physique, mais il n'y a pas de grossesse
psychique qui se développe dans la tête de la mère.
Avocate de la défense.
Ça veut dire que ces femmes peuvent
prendre un petit peu de poids, mais souvent très peu.
Ça signifie qu'il n'y a
aucune apparence, effectivement, de grossesse
chez ces personnes. Il peut y avoir
des petits mouvements, mais qu'elles ne sent pas
parce qu'elles les absoussient
à d'autres troubles, notamment gastriques
ou autres. Elles ne peuvent pas se concevoir
mère, et son entourage ne l'a
jamais perçu non plus. Alors oui, dans le déni
de grossesse, on nous dit que on peut
continuer à avoir des règles,
que l'on peut continuer à avoir
effectivement, que le corps
n'apparaît pas, et c'est vrai que
le corps du bébé n'apparaît pas,
et le corps de la maman
ne se transforme pas
pas suffisamment, tout au moins, pour que cela
apparaisse au vu des tiers.
Alors moi, je me suis quand même posée la question.
Je me suis dit quand même que le bébé
il a bougé, il inéviable. Il faisait presque 4 kg.
Donc, bon, je me rappelais
de mes grossesses. Je me dis quand même
qu'à partir de 4, 5,
6 mois, le bébé il bouge, on le sent vraiment
bouger, le ventre se déforme
et tout. Et non, donc quand on
l'entend, elle dit non. Elle dit non,
elle n'a pas ressenti ça.
Elle avait juste mal au ventre et mal au dos
depuis quelques jours. C'est tout ce qu'elle nous dit.
Alors elle s'exprime simplement,
elle s'exprime clairement.
Elle n'a pas véritablement de phénomène,
je dirais, émotionnel.
C'est notre. C'est comme si quelqu'un
est allé en effet au toilette.
C'est ça qui est quand même particulier chez elle.
Aucune forme, finalement,
qui a pu avoir un être humain.
Quelque part, en elle, un être
qui a eu pendant quelque temps
une existence. A aucun moment,
elle pense ou elle a pensé
avoir eu un geste meurtrier.
Chez elle, vraiment, ce qui est important,
c'est le délit d'altérité.
Il n'a pas existé. Il n'existe pas.
Il n'existera pas.
Elle me dit, aujourd'hui, j'ai encore du mal.
J'ai un blocage en moi. C'est encore compliqué d'en parler.
Donc du coup, on a parlé d'autres choses.
Et puis, petit à petit,
dans l'entretien, c'est venu, comme ça, plus naturellement,
à un moment d'elle-même, elle a abordé le sujet.
Alors elle dit, d'ailleurs,
j'en parle, mais je n'utilise pas de mots
pour désigner le bébé.
Après, il y a un grand silence.
Elle me dit, le psychologue ou le psychiatre,
il me parle plus de
de l'enfant.
Elle a vraiment du mal
à mettre un signifiant sur ce bébé.
Même le nommer comme enfant,
c'est quelque chose qui est difficile pour elle.
C'est précédent d'un silence.
Je n'utilise pas de mots
pour le nommer, finalement.
Nommer cet enfant, le considérer
comme un enfant, comme son enfant,
c'est s'exposer
à tout ce qu'il peut aller avec.
Finalement, c'est un mécanisme de défense
pour éviter
de s'effondrer mentalement.
À partir du moment
où elle reconnaît l'altérité de cet enfant,
elle s'expose
à quelque chose de dépressif, de très massif,
à une désorganisation mentale
importante.
Donc c'est beaucoup plus
confortable, finalement,
pour elle, de vivre en se mentant à elle-même,
finalement, de vivre dans le déni
de l'altérité de cet enfant.
Je comprends, hein.
Mais quand même, j'ai du mal à penser comme elle.
Elle était
constante, finalement, dans ce déni
de l'altérité de l'enfant.
Elle sait qu'il y a un être qui a grandi en elle
et qu'elle a expulsé de son corps.
Mais au niveau
de sa personnalité, à aucun moment,
elle ne lui
attribue une identité
en tant que sujet différencié
d'elle en tant qu'être à part.
C'est aussi pour ça que j'ai parlé plus
d'expulsion pour décrire la scène,
que d'accouchement, parce qu'un accouchement,
ça suppose d'avoir
anticipé l'existence d'un enfant.
Ça se prépare parfois même avant la conception
et puis ça se prépare
pendant tout le temps de la grossesse.
Un parent, une mère,
on se représente
ce que peut être cet enfant, ce qu'il pourra être,
à qui il pourra ressembler, etc.
Bon, elle, elle n'a pas du tout,
il n'y a pas eu de grossesse psychique,
donc elle, c'est une étape
à laquelle elle n'a pas eu accès.
Et malgré toutes les preuves qu'on peut lui donner,
elle n'a pas accouché.
Elle n'a pas accouché, elle a expulsé
des matières fécales qui étaient à l'origine
des douleurs,
de constipation, depuis plus en jour
qu'il a jeuné fortement.
Elle ressort de l'instruction
qu'elle a vécu,
la détention, très mal.
Maître Michel Beaure,
avocate de la Défense.
Puisque elle a été harcelée en détention
et elle a souffert en détention
et donc je crois que Aline
avait très peur de retourner en détention
parce que ça a été l'enfer pour elle.
Ce qu'il a stressé aussi, je pense,
c'était cette attente
depuis 2018,
2023 à l'audience,
ça fait cinq années d'attente,
cinq années où sa vie est entre parenthèse.
Maître Sophie Gauchereau,
avocate de la Défense.
Ou elle attend de savoir
quelle sera sa peine, est-ce qu'elle retournera en prison,
comment ça va se passer, comment se reconstruire
quand on attend pendant cinq ans.
Faites entrer et l'accuser.
...
Alors le mur à battre
c'est faire comprendre au juré
que juridiquement Aline
n'est pas coupable
parce que l'infraction
d'homicide volontaire
il faut une intention.
Une intention c'est une volonté
de tuer. Or Aline,
elle n'a jamais eu la volonté
de tuer ce nouveau nez
puisqu'elle a fait ce déni total de grossesse
et le déni aussi d'accouchement.
Elle ne se n'a pas rendu compte qu'elle a accouché.
Elle pensait qu'elle expulsait ses selles.
Et on a essayé
de faire comprendre au juré
en effet que l'infraction
n'était pas constituée
et qu'il fallait la quitter
parce que quand on n'a pas la volonté de tuer
il n'y a pas d'homicide
et donc on doit quitter.
Donc c'est ça qu'on essaye de faire passer,
c'est comment peut-on avoir la volonté
d'un enfant dont on ne connaît pas
l'existence ?
Me dire qu'elle a souffert
pendant presque dix heures pour mettre
au monde un enfant dans les toilettes
qu'elle a tiré la chasse et qu'elle ne l'a pas vue
là franchement ça je n'y crois pas.
Que son esprit ait pu
bloquer peut-être
après coup sur le choc
mais là je pense qu'on est dans un déni
je pense que sur le moment elle a compris
ce qui s'est passé
qu'après elle, ça soit tellement
lourd pour elle qu'elle est effacée
de sa mémoire peut-être
je pense qu'elle quand même
elle était consciente de ce qu'elle faisait
et c'est pour ça qu'elle est renvoyée
devant la cour d'assises
puisqu'elle est renvoyée pour meurtre
d'un enfant, de son enfant
même si le psychiatre et le psychologue
estiment qu'elle a une altération
de son discernement
elle est d'y style en état de choc
en état de sidération
c'est un peu comme ça qu'elle est décrite
d'ailleurs quand elle est découverte dans sa chambre
par le personnel
oui en effet elle vient de souffrir pendant plusieurs heures
et de mettre au monde son premier enfant
donc chacun sait que c'est généralement assez douloureux
et elle était seule
mais je crois aussi qu'elle était en état de choc
parce que quelque part moi je suis intimement convaincue
qu'elle a quand même réalisé
qu'elle mettait un enfant au monde
qu'elle a essayé de l'éliminer
comme elle a pu
en tirant la chasse
et en poussant l'enfant
elle a essayé de faire disparaître
elle a tiré plusieurs fois la chasse d'eau
il y avait du sang partout
forcément elle a dû comprendre ce qui se passait
et à l'audience non impassible
et on avait beau lui mettre le nez
si je puis dire dans une réalité
scientifique autre
ah non non non ça ne pouvait pas
être ça
elle maintenait qu'elle n'avait pas accouché
c'était très étrange comme comportement
très très étrange
le rapport d'un expert plombier
a câblé la ligne
il conclut que le bébé a été poussé
par la tête dans le siphon
des toilettes
puisqu'elle a tiré la chasse d'eau au moins 3 fois
en 5 minutes
la chasse d'eau
ce qui nous a beaucoup dérangé
nous c'était cette expertise de Monsieur Manderon
expert en bâtiment
qui vient quand même asseoir l'accusation
qui vient justifier la matérialité
des faits parce qu'en réalité
c'est un dossier d'entrepsychologique
elle était complètement perdue
elle a cherché de l'aide en vain
elle s'est retrouvée à 5h du matin
à faller devant
une frontaine à eau qui était au ray de chaussée
et c'est une femme de ménage qui la trouve
à 5h45 du matin
ce n'est pas une meurtrière qui se comporte ainsi
elle a laissé la scène en l'état
lorsque les pompiers arrivent et bien ils trouvront
toute cette scène en l'état
de la salle de bain
le sang, les pas, le placenta
tout est laissé en l'état c'est absolument pas quelqu'un
qui a une volonté d'actes homicides
qui se comporte de la sorte
c'est quelqu'un qui est perdu, qui est seul, qui est sidéré
est-ce que finalement elle essaye de cacher
le meurtre en disant qu'elle n'a pas accouché
c'est à dire que sa façon
alors à ce moment là elle serait dans le déni
de quelque chose qui est
de l'indicible
c'est à dire j'ai tué l'enfant que je portais
ça je ne peux pas vous le dire
je ne peux pas le voir au sens
dans tous les sens du terme c'est à dire
je ne veux pas voir, je ne veux pas voir
donc comme elle est malvoyante
ça tombe bien
mais j'ai quand même le sentiment qu'elle joue
de manière inconsciente
vraisemblablement
mais qu'elle joue sur cette malvoyance pour dire
j'ai pas vu, je ne sais pas
je ne peux pas voir, je ne peux pas voir
ce que j'ai fait
comme c'est un dossier un petit peu particulier
et que je ne veux pas de suspens
la peine elle est souvent annoncée à la fin
parce qu'elle est la logique
de tout ce qui a été dit précédemment
là ce qui m'importe c'est effectivement
qu'elle soit déclarée coupable
mais je ne veux pas que les jurés
et le sentiment
d'une peine qui ne soit pas adaptée
et disproportionnée donc de suite
je démarre sur la peine et je propose
aux jurés
une question qui est très importante
et je propose aux jurés
une peine qui me semble
être la juste peine quand on te tenu
des circonstances et je requiere
4 ans soit 48 mois
de prison a sorti de 43 mois
de sursis probatoires pendant 3 ans
avec une obligation de soins
et de formation
ce que je
ne souhaite pas c'est qu'elle repart
en détention et je couvre
entre guillemets dans mes réquisitions
je couvre la partie de la détention provisoire
qu'elle a effectué
et c'est certain que
avec des réquisitions comme celle de l'avocat général
la marge de manœuvre pour nous
est faible parce qu'elle est très humaine
elle est très mesurée dans ses propos
elle propose finalement
une solution qui doit convenir
presque à tout le monde j'ai envie de dire sauf à la défense
qui elle souhaite l'acquittement
mais elle propose de ne pas retourner en prison
de dire que Aline
devrait être soignée
ce qu'elle fait déjà et elle n'a pas besoin d'une peine pour ça
et nous notre rôle c'est de démontrer
qu'on peut acquitter et que tout se passera bien
quand même
Aline est condamnée
à 5 ans de réclusion criminelle
donc 4 avec sursis
compte tenu de la détention
déjà effectuée
elle quitte la condassise de la gironne
libre
à 5 ans
Aline elle était très contente
elle était soulagée du résultat
elle retournait pas en prison
et c'est ce qu'elle souhaitait
et nous en tant qu'avocat
juridiquement on est frustrés
parce que juridiquement
je crois qu'il y a eu
une erreur juridique
d'appréciation parce qu'elle aurait dû être acquittée
maintenant il y a l'arrêt qui a été rendu
et on l'accepte
je fais appel
mais après
l'essentiel c'est quand même que
Aline soit satisfaite
de cette décision
l'accepte
et puis puisse tourner la page
c'était ça qui était important pour elle
et ne pas aller en prison
c'était
dans
de la traconte
dans sa version
code B
rédaction en chef Guillaume Maury
en qui est signé aujourd'hui
marion 12
réalisation Mathieu Fret
retrouver on de la traconte
code B
tous les vendredi et samedi
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c'est tout
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Ecoutez Christophe Hondelatte dévoiler la personnalité d’Aline, 22 ans. En mai 2023, Aline, comparait devant la cour d’assises de la Gironde : elle est accusée d’avoir noyé son bébé qui venait de naître dans les toilettes. La jeune femme crie à son innocence. Elle répète qu’elle ne savait même pas qu’elle avait accouché…Vous voulez écouter les autres épisodes de ce podcast ? >> Retrouvez-les sur notre site Europe1.fr ainsi que sur vos plateformes d’écoute habituelles.