Hondelatte Raconte - Christophe Hondelatte: 45 ans au turbin rue Saint-Denis - Le débrief

Europe 1 Europe 1 9/20/23 - 12m - PDF Transcript

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Pour commenter son histoire du jour, Christophe Ondelat reçoit un invité, acteur direct de son récit.

Cette belle histoire est tirée de votre livre Marie Brunel. Je sais que c'est pas votre nom donc c'est compliqué de vous appeler Marie directement.

Votre livre qui s'appelle « Que celle qui n'a jamais fait l'amour pour de l'argent lève le doigt » il paraît aux éditions Céramis. J'ai vraiment l'impression que vous vous êtes fait du bien en publiant ce livre.

Tout à fait. Pour moi, c'était une thérapie. J'ai exorcisé beaucoup de choses en écrivant ce livre.

Y avait aussi l'idée peut-être de démystifier aussi l'image qu'on a de la prostituée.

Tout à fait. Tout à fait. C'est-à-dire que en ce qui me concerne ce métier je l'exerçais déjà par respect de moi-même, respect de la personne qui venait me voir.

J'ai toujours dit qu'on était des infirmières du sexe et de la tête. Donc j'ai appris beaucoup de choses avec ce métier, je ne regrette pas.

De l'avoir fait ?

Non, ça sera refaire, je recommencerai.

Alors évidemment, Marie, dans cette histoire, ce qui est très étrange, c'est que par rapport à l'idée qu'on se fait de la prostitution russinique,

est un endroit qui nous paraît absolument sordide. Vous ne racontez pas quelque chose de triste, ni de malheureux ?

Non, ce n'est pas triste ni malheureux. J'ai eu des moments superbes. J'ai rencontré les personnes des clients, des hommes charmants,

des hommes qui aimaient leurs femmes, mais qui avaient besoin d'autres choses, qui avaient besoin de ce que leurs femmes ne leur donnaient pas.

Ils ne se sentaient pas culpabilisés en venant nous voir parce qu'ils achetaient quelque chose.

C'est pas comme une maîtresse ?

Voilà. Une maîtresse, ils ne voulaient pas apprendre de maîtresse parce que justement ils ne voulaient pas briser leurs ménages,

parce que leurs femmes, ils les aimaient. Avec nous, il n'y avait pas de problème.

Donc vous dites que vous avez été heureuses ? Et c'est quelque chose qu'on entend souvent dans la bouche de prostitué et qu'on a toujours du mal à croire.

Donc on dit, elles disent ça pour sauver en quelque sorte leur amour propre ?

Non, je ne pense pas. Malheureusement, il y a des femmes prostituées qui ne sont pas heureuses, qui disent qu'elles sont heureuses parce qu'elles ne veulent pas,

elles ont peur de la personne qui les oblige à faire ça. Moi, ce que je condamne, c'est le proie que c'est net, ce n'est pas la prostituée.

Mais moi, j'ai eu des amis prostitués qui étaient heureuses de faire ça. Enfin heureuses, entre guillemets.

Qui étaient pas en France ?

Voilà, tout à fait, qui vivaient leur vie. C'était des femmes comme tout le monde, qui avaient des enfants, qui avaient même un ami avec qui tout se passait bien.

J'ai souvent entendu dire qu'on n'était pas des femmes normales. Si on est des femmes normales, on a un cœur, on a une âme, on pense, on sait tout faire comme une femme ordinaire.

Donc si vous avez été à peu près heureuses, alors nous, nous aurions été fiers de vous ?

Oui, de toute façon, maintenant, nous ne l'aura jamais été. Elle aurait toujours été fière de moi.

Elle vous aurait sauté comme bien.

Parce qu'elle m'adorait et comme moi, je l'adorais. Donc elle aurait su pourquoi j'avais fait ça.

Moi, j'ai fait ça, c'est pour mes enfants, pour leur donner une éducation, pour qu'ils aient quelque chose pour partir dans leur vie,

c'est surtout ça que je voulais faire de mes fils des hommes, des hommes bien.

Et c'est ce qu'ils sont ?

C'est ce qu'ils sont.

Ils ont des beaux métiers ?

Ils font des beaux métiers. J'ai mon fils aîné qui est ingénieur et mon deuxième fils qui est prof.

Oui, pas mal.

C'est pas mal, hein ?

Oui.

Alors ce qui est assez stupéfiant dans votre histoire, moi je pouvais pas imaginer qu'une prostituée de la rue Saint-Denis pouvait gagner autant d'argent.

Ah si, une époque, si on en gagnait beaucoup.

On en gagnait pas mal, enfin, quand on voulait travailler correctement, mais on gagnait, oui, on gagnait bien le vie.

Parce que vous payez quand même votre maison cash ?

Parce que je dis, vous dites c'est dans la boîte, mais en vérité, c'est des bifetons rangés dans une boîte à chaussures que vous allez porter chez le notaire.

Oui, tout à fait, oui.

Qui a été assez surpris d'ailleurs, parce qu'il pensait pas que j'allais le faire.

La tête du notaire ?

Oui, oui. Et je me souviens, il avait, comme clair de notaire, c'était un petit nain, mais enfin bon.

Et quand je suis allé pour signer, j'ai même amené une bouteille de champagne, parce que je me doutais que le temps qui compte les billets, on allait passer à un moment.

Ça n'est pas non plus qu'une prostituée pouvait jouir. Vous le racontez à plusieurs reprises.

Tout à fait. La prostituée qui dit qu'elle n'a jamais pris son plaisir une fois avec un client, c'est pas vrai.

Moi, ça m'est arrivé plusieurs fois. Et quand je sentais que ça allait m'arriver, je crachais pas dessus, je disais pas non.

Je laissais tout le temps au monsieur de me faire du bien.

Mais y a-t-il d'autres hommes qui vous ont fait jouir ou seulement vos clients, finalement ?

En fait, il y a que mes clients qui m'ont fait jouir.

Pas Philippe, c'est sûr.

Ah, ça, c'est certain.

C'est certain, oui, oui. Non, mais je sais pas.

Moi, je sais que quelquefois, j'ai des clients qui venaient me voir et qui me disaient, oui, mais ma femme, elle n'aime pas.

Ma femme, si, ma femme, ça.

Et souvent, je leur disais, je leur posais la question.

Je disais, est-ce que tu fais l'amour à ta femme comme tu me fais l'amour à moi ?

Quand tu me répondais, oui, je dis soit pas étonné.

Soit pas étonné.

Il faut apprendre à faire l'amour à sa femme.

C'est pas un champ de labours ou une femme.

Voilà, y a des choses à faire avant.

Alors, ce que j'ai compris, vous allez me dire si c'est vrai,

c'est que Hormi-George, au tout début de l'histoire, vous n'avez jamais eu de Mac.

Jamais.

Jamais.

C'est incroyable, ça.

Russanie.

Vous savez, c'est toujours pareil.

Dans ce métier de la prostitution, on appelait ça Radio Tammetam chez nous.

On appelait ça Radio Tammetam.

C'est-à-dire, on savait les endroits où il fallait qu'on rentre pour boire un café,

et les endroits où il fallait pas aller.

Parce qu'il y avait des endroits où il y avait justement tous ces Mac qui étaient là.

Qui attendaient.

Voilà, et les autres endroits.

Et quand ils avaient la possibilité de mettre la masse sur une fille,

mais moi, je sais pas.

Encore une fois, c'est peut-être protégé par ma nunou.

Ou par votre caractère.

Oui, peut-être aussi.

Quand on voit la lettre que vous écrivez à George,

et les menaces que vous proférez à son égard.

J'avais très peur quand même à cette époque-là, qui me retrouve.

Vous pensez qu'aujourd'hui, il y a des filles qui ont pas de Mac, à Paris ?

Non, enfin, tout dépend les réseaux.

Ces femmes étrangères, ces femmes qui arrivent de n'importe où.

Certains, que ce soit des chinoises, des...

Des bulgares, des rues.

Oui, elles viennent pas là comme ça par hasard.

Donc elles sont dans les hôtels,

elles ont sûrement quelqu'un derrière qui les oblige à faire ça, malheureusement.

Évidemment, ce que j'ai envie de vous demander,

parce que vous avez une expérience des hommes quasi-uniques,

45 ans de prostitution au Saint-Denis,

vous en savez long sur l'homme,

qu'est-ce que vous diriez des hommes, en général ?

Qu'est-ce que je dirais des hommes ?

Oui, il y aurait tellement de choses à dire sur les hommes.

Je pense qu'en fin de compte, c'est des enfants.

Les hommes, bien souvent, quand ils...

pas tous, mais ils sont pour la plupart un but de leur personne.

C'est encore le matchau.

On est encore dans l'époque où c'est le matchau.

La femme est là pour obéir.

La femme est un homme.

Je vais vous dire comment...

Vous avez peut-être déjà entendu dire,

il pense qu'il a le cerveau en dessous de la ceinture.

Voilà, c'est un peu ça.

Dès l'instant qu'il voit un beau cul,

bon, tout de suite, il a envie.

Et ça, ça n'a pas changé en 45 ans.

Je pense pas que c'est changé en 45 ans.

Maintenant, je vous dis,

il y a beaucoup de...

La plupart, c'était des hommes mariés quand même,

c'est rigolo parce que vous venez du passé du passé au présent.

Vous avez du mal encore.

Votre dernière passe, c'était quand ?

C'était il y a trois ans.

Il y a trois ans, le 29 avril.

Vous avez de la tendresse pour beaucoup d'entre eux ?

Oui, oui.

Parce que moi, pour moi, ils étaient touchants.

Je sais pas, j'avais l'impression que c'était des enfants

qui... je pense qu'ils avaient envie de se soulager,

ils avaient envie de parler.

Ils savent qu'avec nous, ils peuvent tout dire

sans que ça ne sorte.

De la pièce ?

De la pièce.

Plus qu'à un curé, presque ?

Pratiquement, oui, pratiquement.

Certains ont envie aussi de ce...

Comment je pourrais dire ?

Quand ils n'ont pas d'érection, comment ça se fait ?

Qu'est-ce qui m'arrive ?

Et qu'est-ce que t'en penses ?

Ils ont envie de se rassurer.

Ils ont envie qu'on les rassure.

Et vous voilà sexologues à ce moment-là ?

Voilà.

Est-ce que vous avez trouvé votre amour ?

J'ai trouvé mon amour ?

Non.

Il y a eu, j'ai pas tout raconté.

J'en profite d'ailleurs pour le dire.

Il y a eu plein de tentatives dans votre vie.

Non, j'ai pas trouvé.

Je crois que les seuls amours que j'ai, c'est mes deux fils.

Est-ce que vous désespérez ?

Non.

Ah, j'en veux pas.

Ah, maintenant c'est fini ?

Ah non, c'est terminé, maintenant c'est bon.

J'ai donné.

La révélation de votre métier à vos enfants.

C'est une scène évidemment assez bouleversante.

Ils s'en doutaient tous les deux.

Oui, oui, oui, ils s'en doutaient tous les deux.

Mais c'est vrai que, c'est-à-dire que je leur ai pas dit jusqu'à cet âge-là,

parce que je pensais vraiment à 30 ans pouvoir arrêter.

Comme j'ai fait, j'ai voulu...

Vous avez arrêté, vous êtes repartis ?

Voilà, et j'ai obligé de repartir.

Bon, après, il faut bien, il fallait bien que je finisse par leur dire.

J'attendais tout, je reculais, je reculais.

C'est mon fils lui-même qui est venu me dire, bon,

qu'il m'a mis au pied du mur en me disant,

bon, bon, maintenant dis-moi ce que tu fais.

Mais même le petit Julien, qui avait 15 ans à l'époque.

Ah bah lui, lui, lui, il s'en doutait.

On va dire, mais de toute façon, je m'en doute, maman.

Il s'en doutait pour quoi ?

Je sais pas, je sais pas.

Mais parce que vous ne parliez pas de ce fameux autre métier ?

Voilà, c'est ça, ton métier.

Et puis, bon, il m'avait vu aussi travailler le samedi, le dimanche.

Donc, ça lui paraissait un peu bizarre, tout ça.

Donc, j'ai jamais voulu l'emmener où je travaillais.

Oui, bien sûr.

Donc, il y avait des trous dans la raquette ?

Oui, oui, voilà.

Après cette révélation ou cet aveu,

vous en avez reparlé où le sujet a été mis sous le tapis ?

Alors, j'étais pendant quelques mois, 3, 4 mois,

où j'osais plus regarder des films un peu...

Parce que vous en regardiez ?

Un peu, voilà, à la télé.

J'osais plus trop regarder mon fils.

J'ai me senté quand même un peu gêné.

Et mon fils en est aperçu et je me suis dit,

il faut qu'on parle, tu arrêtes de culpabiliser,

parce que je te vois que t'es pas à l'aise.

Moi, je veux que tu restes comme t'étais avant,

que tu sois complètement à l'aise.

On en a discuté, je t'ai dit ce que j'en pensais,

maintenant c'est fini, on tourne la page.

Il y a une dernière chose que je voudrais vous dire, Marie,

pour clore cette interview.

Peut-être quelque chose qui va vous surprendre.

Ce livre, vous l'avez écrit vous-même.

À tout à fait.

Il y a un bon moment, d'ailleurs.

Oh, il y a 15 ans.

Combien d'éditeurs vous ont refusé de le publier ?

Je ne sais pas parce que j'ai envoyé, je ne sais pas combien d'éditeurs...

Ils sont passés à côté d'un très beau livre.

Je vais vous dire une chose.

C'est formidablement bien écrit.

Merci.

Vous écrivez bien.

Vous êtes passé peut-être à côté d'une carrière d'écrivaine.

Je vous le dis franchement.

Vous devriez faire un petit homme de plus.

Sur une partie.

Peut-être aller raconter, parler des hommes un peu plus en détail.

Peut-être, pourquoi pas.

J'ai le temps que je suis à la retraite.

Vous étiez bonnes en rédaction ?

Oui.

À l'école ?

Merci infiniment, Marie.

C'est moi qui vous remercie.

Que celle qui n'a jamais fait l'amour pour de l'argent lève le doigt.

Signé Marie Brunel aux éditions.

C'est Ramis, je vous le dis pas souvent.

Mais ce livre-là, achetez-le et lisez-le.

Vous ne le regretterez pas.

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L’histoire de Marie Brunel qui, de ses 25 ans à ses 70 ans, a exercé le métier de prostituée, rue Saint-Denis à Paris.